Le week-end dernier, c’était Melodifestivalen en Suède ! À l’occasion de la série 1, Loreen (aka Rémi) a écouté attentivement les sept chansons en lice, et délivre son verdict implacable. « Implacable » : un terme choisi peu par hasard …

… Car l’apéritif que représentait cette première soirée était à deux doigts de passer de travers. Pour l’une des sélections les plus attendues de la saison et de l’euromonde, la Suède nous a livré une première copie assez décevante et très quelconque. Le coeur d’eurofan n’a pas eu nombre d’occasions d’y faire « boum boum », si ce n’est pour le seul enthousiasme de retrouver ces soirées mythiques et iconiques à même de réchauffer les samedis hivernaux. Pour le reste, la parole est à la députée Loreen, présidente de cette Assemblée eurovisionesque qu’elle s’impatiente de retrouver lors de la série 4.

Comme à son habitude, la production du Melodifestivalen n’a publié sur YouTube que les titres non qualifiés pour la finale. Les finalistes ne seront tous disponibles à l’écoute libre qu’à l’issue de la quatrième et dernière série. Toutefois, vous pouvez les découvrir via le replay de la série 1, sur SVT play (et les trouver sur d’autres chaînes YouTube … pour le moment).

Tone Sekelius – Rhythm Of My Show

Prestation uniquement visible dans le replay de la série 1

Révélée aux yeux de l’euromonde par sa participation l’année dernière, Tone Sekelius signe son retour cette année pour un changement radical dans le ton et dans le style. Après le titre message sur l’affirmation d’elle-même et sur l’égalité, place à une invitation à la danse sur le rythme de son show. Autrement dit : un titre scandic pop à la rythmique qui rappelle parfois les airs latinos. Simple, efficace et plutôt très bien assuré par l’artiste et son armée de danseuses et danseurs, et surtout de quoi ouvrir le bal du Melodifestivalen 2023 en bonne et due forme. Pas révolutionnaire, mais très largement suffisant pour écraser le deuxième tour de vote et décrocher un billet direkt till final amplement mérité. Pour un tableau millimétré dont Tone était bel et bien la reine ce soir. Cela ne m’aurait d’ailleurs pas dérangé (loin de là) si elle avait également été consacrée reine de la soirée dès le premier tour de scrutin.

Loulou LaMotte – Inga Sorger

Étinceler au sein d’un groupe et assurer en solo sont deux choses différentes, qui ne vont pas foncièrement de pair. Premier constat : si Loulou LaMotte étincelle avec The Mamas, elle est beaucoup moins flamboyante sans ses collègues. Qui plus avec une ballade suédo-suédoise en suédois certes pas désagréable mais déjà vue et revue des milliers de fois au Melodifestivalen. Avec à la clé, un même résultat systématique : l’une des dernières places en série. En même temps, comment pourrait-il en être autrement avec un titre aussi insipide, où même les décollages donnent plus l’allure de la panne d’essence que de l’envolée vers le septième ciel ? Titre passe-partout, prestation peu exceptionnelle, deuxième dans l’ordre de passage … Loulou avait malheureusement tout pour voir sa prestation et sa chanson passer inaperçues dans cette série 1 pourtant bien moins impitoyable que l’univers de Dallas, et force est de constater que ça a réussi. Comme quoi, le Mello ne nous prouvera jamais assez qu’un nom et un background (pourtant plus qu’honorable) ne suffisent pas à décrocher une qualif.

Rejhan – Haunted

Premiers pas au Mello pour Rejhan qui, en toute objectivité, aurait pu décrocher un billet de repêchage, et aurait limite mérité de piquer la place d’un des repêchés. Non pas que Haunted soit le chef d’oeuvre qu’attendait l’euromonde tout entier avec une impatience frôlant l’exaltation. Mais, elle-même pourtant entendue et ré-entendue des centaines de fois environ, la toute douce ballade pop au piano ici présentée par le jeune artiste fait quand même son petit effet. Certes à défaut d’emporter les foules et là où certains n’y verraient qu’ennui abyssal – la faute à un rythme assez linéaire, mais l’ensemble reste quand même très honnête et surtout très honnêtement porté par un newcomer de seize ans à peine. Révélé par Talang, Rejhan gagnerait tout à fait à revenir au Melodifestivalen à condition d’y défendre un titre plus solide et plus abouti, quand bien même Haunted est de facture plus que correcte.

Elov & Beny – Raggen går

Un Melodifestivalen réussi, c’est la présence assurée de certains marronniers, parmi lesquels le duo un peu joke act sur les bords qui débarque avec le fameux schläger dont seuls les scandinaves ont le secret. Avouons-le : rien de plus exaspérant trois fois sur quatre, au point de vous faire préférer le gel douche Sanex au groupe Sannex, pourtant pluri-centenaire en termes de milliers de ventes. Mais avec leur énergie, leur pep’s et leur enthousiasme, Elov & Beny et leur joyeuse troupe parviennent à nous embarquer dans leur trip dès les premières notes. De quoi nous faire accrocher pour ne plus décrocher trois minutes durant. Et surtout réveiller cette série 1 bien endormie avec une prestation de groupe dynamique et enjaillante qui parvient à faire vivre son titre. Pas au point d’y coller deux Loreen et de faire de Raggen går la perle musicale qu’il n’est pas, mais de quoi souligner le plaisir partagé du moment très sympathique que nous ont offert Elov & Beny.

Victor Crone – Diamonds

Ah le beau Victor Crone … Rien de déplorable à se mettre sous la dent, et pas de quoi naviguer en eaux troublées … ou plutôt si. Car au Nord rien de nouveau pour notre représentant estonien à l’Eurovision 2019, qui a le sacré don de l’absence totale de renouvellement et surtout une aptitude unique à nous proposer année après année les mêmes titres peu enthousiasmants quasiment note pour note. Sur une copie de dissertation, on se contenterait d’un « redite », tandis qu’ici, nous irons toujours plus loin, plus haut, plus fort. Car si l’on n’attend pas du Shakespeare, force est d’avouer qu’un phrasé aussi poétique que « reste toujours avec moi, je le vois dans tes yeux, nous sommes des diamants dans le ciel », ça vole encore plus haut que feu la Reine d’Angleterre (RIP) sautant en parachute destination le Stade Olympique de Londres en 2012.

P.S. « Nous sommes des diamants dans le ciel ». Joliment dit, mais n’est pas Rihanna qui veut.

P.S. #2 : Non, il n’a tout de même pas volé sa place largement acquise en demi-finale de repêchage, car Victor reste un très bon performer et que vu le niveau général …

Eva Rydberg & Ewa Roos – Länge leve livet

Eva et Ewa, c’est un peu comme un pot de Nutella que tu t’enfilerais entier sur ton canapé : plaisir coupable et réconfortant à la fois. Au début pourfendeur assumé du renne qui rame et qui fait ding dong, j’ai moi-même fini par craquer pour ce duo déjanté et attendrissant, qui vient au Mello dans le seul souci assumé de prendre son pied et non de rêver d’une impossible victoire. Donc oui, c’est un plaisir de retrouver les deux amies sur la scène du Scandinavium et de replonger avec elle dans l’âge d’or du cinéma hollywoodien. Mais Länge leve livet est à des années lumière du diablement efficace Rena rama ding dong et quand bien même la série n’est pas à la hauteur des attentes, la chanson et la prestation (vocale) du duo s’inscrivent pile dans sa droite lignée : faibles. Autant la flamboyance était de mise s’agissant du style des tenues à paillettes (hashtag jaloux), autant de flamboyance il était moins question tant dans les notes que dans l’énergie d’un ensemble assez plat. Je reste toutefois très admiratif du pétillant des deux Eva/Ewa (l’aînée est toute proche de devenir octogénaire !) et de leur capacité à assumer leur décalé et leur suranné. Ce avec la modestie de deux grandes dames de la scène scandinave, dont les années de carrières et de succès se comptent par tourbillonnantes dizaines.

Jon Henrik Fjällgren, Arc North ft. Adam Woods – Where You Are (Sávežan)

Prestation uniquement visible dans le replay de la série 1

Pourquoi Jon Henrik bénéficie t-il du premier crédit alors qu’il n’est ici qu’en soutien d’Arc North ? Question de marketing sans doute … D’heureux chanceux qui avaient eu l’honneur de découvrir les titres en avant-première évoquaient ici une Winner Vibe tant pour la sélection que pour l’Eurovision : remettons les choses à leur place. Oui, l’ensemble est au-dessus de la mêlée de cette série 1, de quoi faire valoir l’immédiateté d’un direkt till final. Oui, Where You Are (Sávežan) est un titre électro-ethno-pop plutôt bien produit qui parvient à nous plonger dans la froideur hypnotique des terres du Nord. De là à frôler l’exceptionnel ? Non, et on en est loin. Je dirais même qu’on a connu Jon Henrik Fjällgren beaucoup plus inspiré et surtout plus à son aise dans l’univers musical sami qu’il affectionne tant et qui lui a tant réussi jusqu’à présent. Pire : j’ai comme la désagréable impression qu’il ne sert ici que de « caution » nominale et musicale à un projet auquel, sans cela, il ne resterait pas foncièrement grand chose …

Alors, Loreen, elle est contente ?

Les notes parlent d’elles-mêmes. Là où la sélection suédoise était pendant longtemps LE repère des eurofans, force est de constater qu’année après année, la hype perd progressivement de sa substance, malgré un cru 2022 plutôt sympathique et surtout le miracle Cornelia – venue nous émerveiller de sa grâce rauque et musicale pendant l’entracte. Alors qu’ESC Crystal Ball (qui a réussi à écouter les prochains titres sur la liste on ne sait trop comment) prémédite des séries 2 et 3 proches de la catastrophe et annonce cette édition comme l’une des pires de l’histoire, il semblerait que la série 1 soit une excellente introduction en la matière. On est certes encore loin du cataclysme maltais (auquel Loreen se prépare psychologiquement depuis quatre quarts de finale auxquels elle a préféré le goût du quatre-quarts breton), si adepte des rejets du Melfest, mais l’heure de l’avertissement est plus que jamais venue et bienvenue. Le niveau global est ici indigne du statut de la Suède à l’Eurovision. Pour deux-trois bons titres qui ne seraient restés que corrects avec un autre casting, la production nous propose ici d’éternels et sempiternels copiés-collés de titres existants, sans âme ni passion, à rebours de ce qui fait le sel du pays dans l’euromonde. Total ? Loreen est plus impatiente et On Fire que jamais à l’idée de venir réveiller la Suède en clôture de la série 4 (du moins c’est ainsi que l’espère l’auteur de ces lignes). Dans l’attente, l’épisode 1 a donné lieu à un résultat final clair, net, précis et logique de la part du public, exception faite du dernier ticket de demi-finaliste qui s’est joué jusqu’au bout entre les quatre derniers.

Melodifestivalen 2023 - série 1 : quelle prestation vous a le plus séduit samedi soir ?
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Rendez-vous samedi 20h sur SVT play pour la série 2 du Melodifestivalen 2023 !

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