J-1 avant la grande finale de l’une des sélections les plus attendues de la saison ! Si, d’année en année, le Melodifestivalen perd peu à peu de sa légendaire hype auprès des eurofans (le pourquoi s’expliquant par le comment), il n’en reste pas moins que sa popularité reste des plus fortes au sein de la communauté.

Avant de vous dévoiler le résultat du vote des lecteur·rices, Loreen a décidé de s’accorder un dernier petit passage en revue des forces finalistes en présence. Qu’elle vous laisse découvrir, ses propos n’engageant une nouvelle fois que ceux de son auteur.

Klara Hammarström – Run To The Hills

On attendait beaucoup de la proposition de Klara Hammarström, initialement érigée en grande favorite de la production, un statut qu’elle a depuis perdu. Force est de constater que le contrat n’est rempli qu’à moitié. Oui, la prestation est réussie (même si Klara n’est pas la meilleure vocaliste que la scène suédoise ait produit). Oui, le titre est efficace et se retient très bien. Mais à défaut de nous diffuser des winner vibes, Klara nous propose un énième titre scandic pop comme cent autres ont été éprouvés de la sorte au Melodifestivalen les éditions précédentes. Qui plus avec un recyclage de son costume (déjà digne d’un Barbara Dex Award) de l’année dernière. L’ensemble reste néanmoins sympathique, à défaut d’être l’indispensable proposition pour Turin (billet auquel elle peut néanmoins prétendre par défaut).

Theoz – Som du vill

Le (très) jeune influenceur n’est pas la voix du siècle, et Som du vill est un petit titre swedish pop en suédois tel que le Melodifestivalen nous en réserve un petit quota chaque année. Mais ça marche, et ça marche très bien ! Léger, solaire, énergique, Som du vill est très bien incarné par Theoz, auquel il sied à merveille. Alors, non, ce ne serait pas hyper compétitif pour Turin (voire pas du tout), ce ne sera jamais de la vie choisi par les jurys et le télévote (à moins d’un bug monumental de l’appli du Mello), mais oui, ça fait son petit effet, ça met l’ambiance, ça fait bouger, c’est bourré de pep’s et ça nous donne le smile de ouf ! Perso en tout cas, j’achète !

Anna Bergendahl – Higher Power

La pop country désormais chère à cette cow girl d’Anna Bergendahl est de retour. Ce qui donne un titre très plaisant et incarné à la perfection par sa très volontaire et déterminée interprète, phoenix renée de ses cendres en 2020, décidée à affirmer haut et fort qu’elle est bel et bien là. À ce petit jeu, Anna est une excellente performeuse. Mais en dépit de son intitulé et de ses qualités – qui en font trois minutes loin d’être désagréables, au contraire, Higher Power manque justement de ce soupçon de force et de puissance pour en imposer suffisamment, et surtout s’imposer parmi les candidats au titre.

John Lundvik – Änglavakt

John Lundvik pourrait nous chanter l’édition 1982 de feu l’annuaire tchécoslovaque page par page jusqu’au bout de la nuit que je ne pourrais résister. L’artiste est un interprète et un technicien vocal exceptionnel, ce que nous savions déjà, et il le confirme aujourd’hui avec sa classique ballade en suédois. Interprétée par quelqu’un d’autre, cette dernière nous aurait probablement fait moins chaud et froid, si ce n’est qu’elle aurait eu de fortes chances de passer inaperçue. Mais à défaut d’éclater de pouvoir et de puissance et de révolutionner le genre tant dans la compo que dans le texte (« Parce que je ne peux pas respirer sans toi, je te promets tout que tout ira pour le mieux; si tu es faible, je serais fort; je m’occuperais de tout »), la belle Änglavakt se laisse apprécier par sa douceur, sa simplicité, sa pureté, et surtout ce que lui offre John Lundvik, à savoir son talent et sa transcendance.

Tone Sekelius – My Way

D’entrée, My Way n’est pas un chef d’oeuvre de composition. Cette dernière aurait d’ailleurs pu gagner à davantage de finesse et de caractère, et surtout à mieux servir la force intrinsèque de la proposition de Tone. Car là est le coeur du sujet : son message. My Way est un véritable hymne à l’égalité, la tolérance et l’acceptation de soi, dans la lignée de la bouleversante histoire de son interprète, qui incarne son titre avec puissance et merveille. Tone est une battante et une combattante, et cela se ressent pleinement dans le coeur et la détermination qu’elle met dans son prestation d’une très belle sincérité, qui vire quasiment avec la mise à nu d’elle-même. Si, sur le plan purement musical, My Way est une bonne proposition pop sans prétention et plutôt grossière néanmoins aisément mémorable, l’essentiel est complètement ailleurs, et il est indispensable de le marteler plus que jamais.

Anders Bagge – Bigger Than The Universe

Pffffffffff … Voir Anders Bagge, au nom de sa popularité, figurer parmi les grands favoris me laisse très perplexe. Je dois reconnaître certaines qualités, à commencer par la prestation vocale assurée de celui qu’on a pourtant plus vu dans l’ombre des grandes stars internationales ou dans des jurys de télé-crochets que sur les scènes musicales. De même, la construction très simple (pour ne pas dire simpliste) de la proposition fait qu’elle se retient facilement … Mais hélas, Bigger Than The Universe recoupe les caractéristiques de ce qu’il ne faut surtout pas envoyer à l’Eurovision 2022 : un texte plus que basique, une compo grossière et datée, et un visuel à peu près plus kitsch que feu les fonds d’écran de Windows 2000. Si la Suède fait gagner cela, qu’un tonneau de schnaps me soit apporté et que j’en fasse une immédiate noyade sèche.

Robin Bengtsson – Innocent Love

Robin Bengtsson nous propose du Robin Bengtsson, mais en mieux que son pendant 2020, qui n’était pas des plus emballants. S’il n’y a pas de révolution musicale à prévoir ou ne serait-ce qu’entrevoir, et si on reste loin de l’enchantement de la première fois (à cette époque bénie et révolue où le beau Robin chantait avec son harmonica et … souriait), Innocent Love n’en reste pas moins une proposition pop aux sonorités rétro qui s’avère très sympathique à l’écoute et dotée d’une jolie rythmique teintée d’un léger goût de eighties. Si l’interprétation de Robin n’est pas des plus chaleureuses (à l’instar du garçon dirait Marianne James), l’artiste assure tout de même son show à la perfection et parvient à bien nous vendre sa proposition sans être forcé d’en faire des caisses sur scène. Perso, je dirais pourquoi pas pour Turin, mais il semblerait qu’observateur·rices et bookies soient un (gros) soupçon moins emballé que moi.

Faith Kakembo – Freedom

Il ne manque pas grand chose à Freedom pour en faire une proposition suffisamment mémorable et – surtout – la faire complètement décoller. Car si le titre est de facture très classique et de construction très simple – pour ne pas dire basique dans le style, il n’en sied pas moins à la perfection à sa très belle interprète, dont la première finale est amplement méritée au vu de la prestation qu’elle a assuré dans une assez faible série 3. La présence des choeurs lors du refrain permet de conférer un surcroît de puissance et d’intensité à un ensemble auquel ces deux caractéristiques font globalement défaut. Qu’à l’avenir, Faith Kakembo revienne au Melodifestivalen avec un titre à sa hauteur, à savoir doté d’ampleur et d’envergure, le fameux X Factor auquel échappe le bon, mais guère exceptionnel, Freedom.

Liamoo – Bluffin

Avec des accents d’Anton Ewald – mais le talent d’interprète en plus – mêlés à des réminiscences de Benjamin Ingrosso 2018 dans la mise en scène. – mais avec davantage de chaleur, Liamoo livre une proposition pop contemporaine et énergique, plutôt radio friendly, et surtout dotée de sa petite efficacité … Ce qui est un véritable paradoxe si l’on considère le fait que Bluffin ne m’est pas le titre le plus mémorable – autrement dit, j’ai (vraiment) du mal à en imprimer la mélodie . Pour autant, si la chanson ne casse pas les codes du genre, et si ce style de compo n’est pas des plus nouveaux (qui plus est au Melodifestivalen où il compte plusieurs prédécesseures de renom), il n’en demeure pas moins très efficace, et pourrait offrir à son interprète un top 5 mérité à l’issue de la finale. Ce qui me laisse dire qu’à l’instar de nombreux·ses participant·es à la sélection, Liamoo mériterait un jour de défendre un titre réellement à sa hauteur pour espérer un petit séjour à l’Eurovision.

Cornelia Jakobs – Hold Me Closer

Elle est passée en première série – dont elle s’est extraite dès le premier tour de manière plutôt étonnante- et n’est plus parvenue à quitter nos esprits. La désormais grande favorite à la victoire (selon les bookmakers et son ordre de passage) nous livre ici une proposition en rupture avec ce que la Suède a l’habitude d’envoyer au concours. Naviguant entre la dream pop – dont l’une des cheffes de file est Lana Del Rey -, la pop baroque et la pop tout court, Hold Me Closer est une ballade prenante aux délicieux et chaleureux accents vintage dans laquelle nous embarque l’envoûtante Cornelia de sa très séduisante voix légèrement voilée. Ou comment être pris dans les filets pour qu’on ne nous laisse plus filer. Alerte candidate à la victoire à la Friends Arena (à condition que le télévote soit favorable et que les jurys fassent bien leur boulot), pour ne pas dire à Turin.

Cazzi Opeia – I Can’t Get Enough

Voilà quelqu’une qui donne une petite bouffée d’air frais au Melodifestivalen ! Car l’univers de Cazzi Opeia est plutôt à rebours de la scandic pop formatée dont nous abreuve encore plus la sélection suédoise année après année – bien qu’on en retrouve quelques standards dans la composition de I Can’t Get Enough. La prêtresse de l’ombre de la K-Pop touche ici plutôt au charme des sonorités électro-rétro-pop mêlant l’héritage des années 70 et la hype des musiques actuelles. Le tout pour un ensemble pêchu, énergique et rythmé, à l’enthousiasmant renforcé par sa touche sucrée et son côté très coloré. De quoi donner un très joli coup de pep’s et de boost musical à un programme qui en a de plus en plus besoin et , surtout, mettre davantage en lumière une artiste à suivre de beaucoup plus près ! Et si possible, lui donner rendez-vous lors d’un prochain Melodifestivalen.

Medina – In i dimman

La reformation tant attendue du légendaire duo (séparé tout juste quatre ans auparavant) se concrétise par une première participation, et surtout une première finale, au Melodifestivalen. TANT MIEUX ! Parce que l’univers de Medina, bien que grand public, va à l’encontre de tous les standards de la sélection suédoise. Proposition très entraînante, In i dimman est caractéristique de leur musique très typée qui mêle elle-même une diversité de styles, du reggaeton au raï, en passant par la house, le hip hop ou encore la pop. Avec ses accents orientalisants, c’est un véritable hymne à même de susciter la ferveur de la foule que nous propose Medina. De là à créer la surprise en finale ? Il n’y a qu’un pas qui ne sera sans doute pas allègrement franchi, mais auquel je n’opposerais nul veto tellement la chose m’enthousiasme et me vivifie sur le plan mélodifestivalesque.

L’avis de Rémi

Cornelia Jakobs ou … Cornelia Jakobs ? Si la Suède veut s’imposer un retour en force (et en grâce) à l’Eurovision, elle n’a d’autre choix que d’envoyer l’ancienne chanteuse de Love Generation à Turin, tellement Hold Me Closer est une proposition en rupture avec la zone de confort dans laquelle s’est emprisonné le pays ces dernières éditions. Certes, il ne s’agit pas d’une prise de risque des plus monstres ou d’un pari si audacieux qu’il en ferait trembler les murs de la Maison Bernadotte. Mais en proposant à un titre aux contemporains et délicatement baroques accents de Lana Del Rey, qui plus est porté à merveille par une interprète qui nous surprend beaucoup (eu égard à son passif musical), le bastion de l’Eurovision qu’est le pays allongé pourrait non seulement se donner un coup de boost bienvenu, mais aussi offrir au concours une prétendante au titre dans un contexte qui n’a rarement été, sur le papier, aussi ouvert.

À part ça ? Je ne l’affirme pas par mauvaise foi, et le dire est d’une radicalité assumée, mais je ne vois pas de titre capable d’apporter au pays et au concours ce que lui offrirait Cornelia Jakobs, si ce n’est Medina, pour les raisons que j’ai précédemment évoquées, et sachant pertinemment que le titre serait plus difficile à défendre à l’international. À titre personnel et non partagé par la majorité, je pourrais également défendre la carte Robin Bengtsson, mais il semblerait que ce dernier soit hors course pour la plupart. Les deux autres favoris que sont Anders Bagge et Klara Hammarström ne me semblent pas à la hauteur de ce que l’on peut attendre d’une proposition compétitive pour l’Eurovision (même si Klara pourrait tout à fait honnêtement viser Turin par défaut), qui plus est lorsqu’elle est frappée du sceau de la Suède. Un constat dans la lignée de celui qu’on réalise chaque année quant à la line up du Melodifestivalen et qui va crescendo.

Là où, jusqu’en 2015-2016 environ, la Suède restait LA sélection de la saison par excellence et suscitait le plus grand enthousiasme des eurofans comme aucune autre, le manque flagrant de renouvellement artistique et l’enfermement dans des standards et des stéréotypes musicaux font de plus en plus baisser l’estime des eurofans pour un Melodifestivalen aux allures croissantes de guilty pleasure. Dans un contexte de diversification musicale croissante de l’Eurovision, et là où certains pays et sélections se révèlent assez audacieux (on peut cette année citer le Portugal, la Serbie avec Konstrakta, la France avec Fulenn ou encore la Lituanie avec Monika Liu), la production du Mello persiste à se reposer sur des lauriers qui, jusqu’en 2019, lui étaient encore florissants (les tops 5 s’enchaînant, parfois légitimes, parfois un soupçon chers de café). La 23ème place au télévote en 2018 et la 14ème place de Tusse l’année dernière devraient pourtant sonner comme des alertes, à l’instar de celles qu’a connues le pays sur la période 2007-2010, dont l’acmé fut une élimination historique en demi-finale à Oslo. Surtout qu’avec le parterre de mellostars et d’artistes de talent dont dispose la Suède, il y en a, des interprètes à mettre en lumière et sublimer de chefs d’oeuvre !

En bref, selon moi, vous l’aurez compris : ce sera Cornelia ou pas grand chose, si ce n’est rien !

Melodifestivalen 2022 - finale : qui est votre vainqueur ?
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Crédits photographiques : montage réalisé à partir d’images de l’UER