La page se tourne et l’Eurovision 2013 n’est plus qu’un souvenir, vague pour la plupart des téléspectateurs, mais encore bien ancrée dans la mémoire des fans.

Voici la deuxième partie de la revue de presse, où comment la France perçoit l’après Eurovision.

cezar

Cezar, classé numéro 1 des sujets de moquerie sur l’Eurovision 2013

On commence par un point positif : dans la presse, on a parlé de scandales, de votes géopolitiques, des candidats les plus oufs, de la débâcle française… bref comme d’habitude. Mais… mais, personne ne s’est permis de dire du mal de la chanson gagnante de cette année.

«Une ballade envoûtante», cite Libération (enfin… c’était plutôt une chanson pop, mais bon…), RTL retrace carrément la (très) courte carrière d’Emmelie de Forest et présente son album. et Euronews, de son côté, titre «Seulement des larmes de joie», en référence au titre de la chanson.

Bon, ça c’était les good news. Passons maintenant au reste.

D’abord, ceux qui s’évertuent, comme chaque année, à réduire l’Eurovision à un giga bêtisier.

Déjà épinglé dans notre article de la semaine dernière, Télé-Loisirs persiste et signe en nous montrant «Les trois prestations les plus LOL». Le roumain est en tête (bien évidemment), suivi par les grecs et… on se demande pourquoi, par Bonnie Tyler. Ils ont trouvé ça trop LOL de voir Bonnie Tyler chanter. Faut dire que cette année, il n’y avait pas beaucoup de prestations LOL, donc on se rabat sur ce qu’on peut.

Dommage que les serbes ne soient pas passées en finale, elles auraient eu droit sans aucun doute aux (dés)honneurs de la presse française.

kurt cobain

C’est pas parce qu’on a le cheveux blonds et longs qu’on ressemble à un certain chanteur islandais.

On n’attendait pas grand chose d’intéressant du magazine Closer. On a eu raison. Le magazine people se plaint du manque d’excentricité, en espérant que ça sera mieux l’année prochaine. Ils ont quand même salué la prestation vampirique du roumain (la star du bêtisier) et ils ont comparé le look du chanteur islandais à… Kurt Cobain.

On ne sait pas trop quoi penser de tout ça, mais on veut bien conduire le journaliste de Closer chez l’opticien du coin.

Bon, il existe quand même des journalistes sérieux pour parler de l’Eurovision. A ce propos, je vous conseille un excellent article paru dans le Journal International, titré «Eurovision, un idéal danois». L’auteur, Lauriane Clément, est correspondante à Copenhague. Elle sait donc de quoi elle parle. Et on peut dire qu’elle s’est laissée «emportée» par l’enthousiasme des danois.

D’accord, en tant que fans de l’Eurovision, cet article ne nous apprend rien. Mais qu’est-ce que ça fait du bien de lire quelque chose de positif, de concret et de constructif sur l’Eurovision !

La débâcle non annoncée de l’Allemagne cette année a eu de quoi surprendre. Les allemands n’en reviennent pas. Après trois top 10 consécutifs, ils espéraient bien terminer une nouvelle fois dans la première partie du tableau. Et ils avaient tout pour réussir : un groupe ultra populaire et une chanson dance du meilleur effet.

Natalie : contente de savoir que c'est peut-être pas sa faute si l'Allemagne s'est plantée

Natalie : contente de savoir que c’est peut-être pas sa faute si l’Allemagne s’est plantée

Alors, «was ist passiert ?»… Pour les allemands, c’est la faute à Angela Merkel. Comme le rapporte le site euractiv.com, le directeur des programmes de la ARD Thomas Schreiber, a mis le feu aux poudres : « Il faut de toute évidence garder en mémoire la situation politique. Je ne veux pas dire : « voilà 18 points pour Angela Merkel »,mais nous devons avoir bien conscience que ce n’était pas seulement Cascada qui était sur scène, mais toute l’Allemagne. » 

Et le journal Spiegel de titrer : «Echec à l’Eurovision : Merkel est coupable

Faux, nous dit la Tribune. Le site économiste rapporte les propos d’une universitaire de Hambourg, Justina Fischer, qui a décortiqué ce qu’elle appelle les votes PIGSCI (Portugal, Italie, Grèce, Chypre, Espagne et Irlande).

En l’occurrence, cette année, ce serait plutôt le IGSCI, puisque le Portugal n’était pas là.

Cette spécialiste de la finance nous bombarde de chiffres, et nous prouve non pas qu’un et un font deux (car ça on le savait déjà), mais « qu’il n’est pas possible de conclure que les pays PIGSCI se sont comportés autrement que les autres ».

Je ne veux pas me trouver d’excuses, mais je crois que je dois mettre ça sur le compte d’une grosse fatigue post Eurovision, car je n’ai rien compris aux propos de l’éminente spécialiste.

Enfin, tout ceci n’a pas empêché les allemands de regarder en masse la finale du Concours Eurovision, puisque nos voisins étaient 8 millions à se passionner pour les chansons européennes, ARD ayant réalisé une superbe part de marché de 44 % (en comparaison, la France n’a réalisé que 12 %)

L’audience, justement, parlons-en :

Tuner.be sort les chiffres officiels publiés par l’UER : «Dans 24 des 36 pays, plus d’un tiers de la population a regardé les demi-finales et la grande finale. On soulignera également que cette dernière a atteint 38,3% de pdm en moyenne. Dans les pays nordiques, la finale a été regardée par pas moins de deux tiers des téléspectateurs. Ce sont les Pays-Bas qui ont enregistré la plus forte augmentation. Chez eux, plus de 4,8 millions de téléspectateurs se sont ainsi rassemblés derrière leur écran pour la finale.»

Des chiffres qui font rêver…

Bonnie, chante et tais-toi !

Bonnie, chante et tais-toi !

Après le rêve… le cauchemar et le dérapage de ces dernières 48 heures, avec la star des stars de l’Eurovision 2013, j’ai nommé : Bonnie Tyler. Vous le savez, dans un interview accordé au Parisien.fr, la chanteuse accuse l’Eurovision de tricherie. «J’ai entendu les Russes se plaindre : pourquoi vous n’avez pas donné les dix points pour lesquels on avait payé ? »

Il faut être très prudent avec ce genre de déclaration. Il s’agit peut-être d’une phrase sortie de son contexte, peut-être même d’une blague. Ou bien c’est peut-être la vérité. Là n’est pas le problème.

Le vrai problème, c’est qu’à la question : «Vous pensez que c’est truqué ?», la chanteuse galloise répond franchement : «Je le pense».

Et parce que c’est Bonnie Tyler, cette déclaration fait le tour des médias : ceux dont on était sûrs qu’ils allaient mettre les pieds dans le plat (morandini, closer, voici, télé-loisirs) mais aussi 24heures.ch, TF1 et tant d’autres. Et la presse étrangère devrait bientôt suivre la marche.

Ce genre de dérives (car pour moi il s’agit d’une dérive) peut-être dangereuse pour l’Eurovision car elle alimente la rumeur d’un concours entièrement truqué.

Pour preuve, je vous invite à lire les commentaires sur le site du parisien.fr. C’est terrifiant.

Alors bien sûr, il y a des suspicions de tricherie. De notre côté, nous sommes persuadés que l’Azerbaïdjan et la Russie ne sont pas clean. Nous en avons parlé d’ailleurs tout récemment. Mais ne faisons pas d’une exception une généralité. De plus, personne n’a acheté la victoire du Danemark, c’est évident !

Cette histoire m’attriste, car elle prouve qu’une chanteuse qu’on croyait bonne joueuse est finalement aigrie par sa défaite et tellement en manque de reconnaissance artistique qu’elle fait parler d’elle d’une façon qui n’est pas honorable pour une grande dame comme elle. Finir l’aventure de cette façon : quel dommage… quel gâchis !

Heureusement, le Parisien est un journal sérieux. Et de ce fait, dans son édition papier de ce samedi, ils tempèrent les paroles de Bonnie Tyler en rappelant celles du chef de délégation française Frédéric Valençak :

« En France, comme l’exige l’UER, les votes du jury et des téléspectateurs sont extrêmement surveillés, selon des règles strictes, avec des résultats validés par un huissier. Concrètement, il reste possible à une nation de soudoyer le jury d’un ou plusieurs autres pays. Mais avec des effets qui restent à la marge, noyés dans le collectif des 39 votants. »

C’est donc ce qu’il faut retenir : la tricherie a un effet marginal contrairement à ce que semble penser la chanteuse du Royaume-Uni.

Alors ça c'est pas cool : Rihanna va chanter pour l'Irlande en 2014 et pas pour la France !

Alors ça c’est pas cool : Rihanna va chanter pour l’Irlande en 2014 et pas pour la France !

Allez, on termine cette revue de presse sur la bonne humeur du site satirique Bilboquet Magazine. Parce qu’on peut aussi se moquer de l’Eurovision, il suffit de bien le faire.

Ce site diffuse de fausses informations marrantes. L’Eurovision n’y a pas échappé cette année. Bilboquet a inventé le personnage d’Helmut Liebig, directeur de gestion de l’Eurovision (rien que ça !) qui demande à notre Président de la République d’arrêter de participer : « Nous vous demandons poliment de bien vouloir arrêter les frais. Gardez vos chanteurs à la maison. Ça suffit maintenant. »

En ce qui concerne le choix d’Amandine Bourgeois, le site a sa propre version des faits : «Helmut Liebig a affirmé que le jury de sélection avait déjà dû recaler 3 propositions de la France pour cette édition 2013, à savoir Houcine de la Star Academy 2, Baptiste Giabiconi, et Jean-Baptiste Meunier des Choristes. Amandine Bourgeois a finalement été acceptée sur un malentendu. « J’ai tapé son nom sur Google mais je n’ai rien trouvé, alors dans le doute j’ai dit ok », explique Liebig.

Et se lamentant sur le classement de la France cette année, on nous rappelle cruellement que ce n’est pas la première fois que notre chanson termine dans les bas-fonds : «Pour rappel, Anggun avait été évacuée par la police musicale l’année dernière pour usage illégal de fausses notes, tandis que la performance de Viriginie Pouchain en 2006 à Athènes avec « Il était temps » avait déclenché une vague d’indignation en Grèce, qui l’avait perçue comme une déclaration de guerre.»

Et pour 2014 alors ? François Hollande ne compte pas laisser tomber l’Eurovision : «Le Président de la République aurait contacté Rihanna pour lui demander de prendre la nationalité française et de participer en 2014. D’après nos informations, elle aurait déjà accepté de concourir pour l’Irlande en échange de cours pour apprendre la « danse Irlandaise où l’on ne bouge pas les bras ».

Voilà un article qui a le mérite de ne pas reprendre les poncifs poussifs qu’on a l’habitude de lire, et qui révèle d’une façon comique que le problème des mauvais classements français n’a rien de géopolitique et reste… un problème français.