Nouvel épisode de Que sont-ils devenus ? et direction aujourd’hui Birmingham en 1998. Malte a signé son grand retour au concours sept ans avant, après une absence des euro radars pendant seize ans. Le pays est alors en train de signer la plus belle série de son histoire eurovisionesque, puisqu’il vient d’enchaîner sept top 10 consécutifs depuis son retour, dont une médaille de bronze en 1992. Tandis que les Bleus de l’équipe de France allaient soulever la première coupe du monde de football de leur histoire en juillet, l’île silencieuse, elle, se met plutôt en quête de sa première étoile eurovisionesque. Le télédiffuseur lance alors une sélection nationale publique, qui voit s’affronter de nombreux espoirs de la scène musicale locale, mais aussi des artistes établi·es. Mais c’est une toute jeune chanteuse, à peine âgée de 21 ans, qui décroche un ticket qui changera pour elle le cours des choses à jamais. Arrivée inconnue au Royaume-Uni, elle en revient eurostar (et presque le trophée dans le sac). Presque vingt-cinq ans après le début de son aventure eurovisionesque, qu’est devenue Chiara Siracusa ?

Avant l’Eurovision

Comme de nombreux·ses artistes et futur·es eurostars, Chiara Siracusa baigne dans la musique depuis l’enfance, elle qui été bercée par les sons de Whitney Houston (dont elle est une grande fan), Elton John, Madonna, Michael Jackson ou encore Céline Dion. Celle qui est montée pour la première fois sur scène au lycée dans un spectacle de fin d’année démarre sa carrière en 1994.

Elle participe au festival L-Għanja tal-Poplu en 1995 avec la chanson Ismagħni Ftit Ħabib (voir sa prestation ici) et Fk Maltija en 1996 avec le titre Idejja T-Trejn. Deux chansons signées Jason Cassar et Sunny Aquilina, auteurs de son futur premier grand titre. Et deux festivals dans lesquels elle évolue déjà aux côtés de futurs grands noms de la scène musicale maltaise.

C’est en 1998 que la carrière de Chiara connaît un premier coup d’accélérateur. Alors inconnue du grand public, et face à de grands noms bien plus établis qu’elle, la jeune artiste prend part à la sélection maltaise pour la première fois et la remporte avec le titre The One That I Love. Elle s’impose largement devant Fabrizio Faniello (futur représentant 2001 et 2006) et Claudiette Pace (future représentante 2000) feat 6th Above, décrochant même la note maximale de la part de cinq des sept juré·es.

Pendant sa (première) Eurovision

À Birmingham, tandis que la candidate russe croit s’avancer en grande favorite à la victoire (et ne se prive pas de le faire remarquer à l’organisation et à ses concurrent·s), les bookmakers se révèlent plutôt indécis. À la veille du concours, le Royaume-Uni s’avance en favori à domicile, devant un peloton assez compact composé de la Belgique, la Suède, l’Irlande, Malte, Israël et les Pays-Bas. Effrayée à l’idée de chanter devant tant de monde, Chiara s’avance sur la scène de la National Indoor Arena de Birmingham, où elle livre une prestation finalement assurée et indéniablement mémorable.

Cette soirée-là, c’est l’un des votes les plus indécis de l’histoire qui est offert aux téléspectateur·rices. Pour la première du télévote généralisé, quatre pays se disputent initialement la première place, avant que l’étau ne se resserre autour de l’insoutenable duel Israël-Malte, avec le pays hôte en embuscade.

Avant le vote ultime, les deux premiers sont en tête ex-aequo avec 166 points : le verdict est donc dans les mains de la Macédoine du Nord, dernier votant de l’édition. Le pays des balkans accorde 8 points à Israël – alors représenté par Dana International, qui passe devant en tête. Malte est ensuite doublée par le Royaume-Uni qui en reçoit 10.  L’annonce des 12 points est alors fatidique. 12 points et Malte décrocherait sa première victoire à l’Eurovision. 12 points et Chiara, déjà prête à remonter sur scène, offrirait à son pays sa première étoile au concours.  And finally the twelve points go to … Mal-, et bien nom, puisque les macédonien·nes décident d’un ultime coup de théâtre, offrant leur note maximale à la Croatie. Israël décroche ainsi sa troisième victoire à l’Eurovision – et la plus iconique d’entre toutes – tandis que Malte se « contente » d’une troisième place, son meilleur résultat à égalité avec Mary Spiteri en 1992.

Inconsolable, Chiara confiera avoir pleuré de longues heures dans sa loge et dans sa chambre d’hôtel suite à ce résultat, refusant de parler à quiconque. Même Katrina de Katrina and The Waves, ne réussira pas à réconforter la jeune femme. Mais les maltais·es, passionné·es d’Eurovision et à fond derrière leur porte-drapeau, lui réservent une belle surprise à son retour, puisqu’iels sont six mille (!) à l’attendre à l’aéroport de Ta’Qali. Une étoile est née.

Après l’Eurovision 1998, destination Kiev !

Une médaille de bronze à l’Eurovision a suffi à faire de la jeune chanteuse l’une des plus grandes stars de la scène musicale maltaise. Cette même année, la chanteuse sort effectivement son premier album, Shades Of One, et commence à tourner en concert et en festival. Elle figure notamment sur la même affiche que Seal à Francfort.

En 2000 sort son deuxième album, What You Want, clairement plus orienté sur un registre pop que le premier. Dans la liste des auteur·rices-compositeur·rices, on retrouve notamment Philip Vella (auteur de six chansons maltaises pour le concours entre 2000 et 2017, dont 7th Wonder d’Ira Losco), Alfred Sant (auteur et ex premier ministre maltais) ou encore Miriam Christine (représentante maltaise à l’Eurovision 1996).  

Trois ans plus tard, l’album Covering Diversions est dévoilé au public.

En 2005, Chiara décide de retenter sa chance eurovisionesque et se retrouve une nouvelle fois en compétition à la sélection nationale maltaise, Malta Song For Europe. Opposée à 21 autres candidat·es, elle s’impose au télévote de 566 petites voix devant Olivia Lewis, qui essuie alors sa … neuvième défaite consécutive dans la sélection. Chiara décroche ainsi de nouveau le droit de défendre les couleurs de son pays à l’Eurovision, destination Kiev avec Angel. Une chanson sur l’amour que l’on donne à autrui sans attendre d’en recevoir en retour, qui occupe une place particulière dans le cœur de son interprète, qui l’a écrite elle-même.

Un mois avant le concours, Chiara figure à un prometteur sixième rang des bookmakers, derrière le quinté Grèce, Norvège, Suisse, Islande et Hongrie. Sélectionnée d’office pour la finale du fait du classement maltais de l’année précédente, la chanteuse tire au sort le difficile troisième rang dans l’ordre de passage, entre le Royaume-Uni et la Roumanie. Ce qui ne l’empêche toutefois pas de marquer les esprits avec une prestation éblouissante sur un titre puissant. De quoi ravir le public européen, qui lui réserve une ovation.

Le déroulement des votes donne à voir un classement initialement très éclaté, plusieurs pays se disputant la tête du classement. Figurant tout d’abord non loin de la pole position, Malte se fait ensuite distancer dans la course à la victoire, tout en s’accrochant solidement au top 10. C’est la dernière partie des votes qui offre à Malte une médaille d’argent derrière la victorieuse et solide Grèce. Soit le meilleur résultat de l’île silencieuse au concours avec la deuxième place d’Ira Losco en 2002. Et, surtout, un nouveau podium pour Chiara, qui réalise l’exploit d’améliorer le résultat de sa première participation, sans pour autant soulever le Micro de Cristal. Ce qui n’empêche pas ce moment de résonner comme la consécration d’une eurostar.

Cette deuxième participation à l’Eurovision est l’occasion pour Chiara de sortir son quatrième album, Here I Am, la même année. Un disque co-écrit par des auteur·rices-compositeur·rices venu·es de Suède, de Belgique et même des Etats-Unis. Parmi elleux, la célèbre Dianne Warren, qui a notamment signé des titres pour Cher, Céline Dion, Whitney Houston, Lady Gaga ou encore Aerosmith, ainsi que pour des eurostars nommées Il Volo, Didrik Solli-Tangen et Jade Warren (dont My Turn – Royaume-Uni 2009).

2005 est ainsi un véritable tournant, puisque cette deuxième place permet à la chanteuse de découvrir les joies d’une carrière internationale. Si elle reçoit particulièrement un bel accueil en Allemagne (où Angel est classé dans le top 100 des meilleures ventes, une première pour une chanteuse maltaise), à Chypre et en Grèce, sa médaille d’argent lui permettra par la suite de prendre une nouvelle dimension et de voyager dans une quarantaine de pays pour partager son art.

Dans une interview donnée à Times of Malta, Chiara avoue que sa participation au concours 2005 est celle qui l’a particulièrement marquée, et qualifie même ce moment d’inoubliable. Elle fut l’occasion pour elle de partager avec le reste du monde un titre qu’elle a composé elle-même, et de recevoir un magnifique accueil de la part du public. Aujourd’hui, chanter Angel est d’ailleurs une émotion toujours particulière, tant pour ses fans que pour elle, ce qui est extrêmement palpable lorsqu’on regarde sa prestation du Malta Eurovision Song Contest 2022 (voir plus bas).

Suite à la naissance de sa première fille, Chiara se fait plus discrète pendant quelques temps. En 2008, l’artiste co-présente la sélection nationale maltaise (qui couronne Morena). La même année où un évènement tragique vient la bouleverser : le décès de son père, ce mentor qui n’a jamais cessé de l’accompagner. C’est alors que l’artiste décide de se donner encore plus les moyens d’atteindre le succès.

Jamais deux sans trois !

L’idée voyageait dans son esprit depuis quelques temps déjà. Mais c’est en 2009 qu’on retrouve Chiara en compétition pour la troisième fois à la sélection nationale maltaise, le Go Malta EuroSong. Le programme voit s’affronter pas moins de 56 chansons (!) et de nombreux·ses ancien·nes représentant·es au concours (Georgina, Miriam Christine, Ludwig Gaia).

Venue en grande favorite, l’eurostar décroche sa place de finaliste au cours du septième show et remporte de peu le premier tour de la finale devant Eleanor Cassar et Q. En super-finale à trois, elle remporte la victoire avec 45,96% des voix au télévote. Jamais deux sans trois, Chiara rentre alors dans le cercle très fermé des multi récidivistes à l’Eurovision, décidée cette fois à décrocher une victoire qui s’est par deux fois refusée à elle de justesse.

What If We : voilà le titre avec lequel l’artiste maltaise compte défendre ses chances, telle une dédicace à son père récemment disparu. Une chanson écrite et composée par les belges Gregory Bilsen et Marc Paelinck (1 Life – Belgique 2004, Solayoh – Biélorussie 2013). Instantanément, la troisième participation de l’eurostar au concours suscite la vibe de l’euromonde, toujours avide de grands retours. Des chances, les bookmakers lui en donnent autant qu’en 2005 sur le papier, soit une septième place, loin toutefois derrière le gigantissime favori norvégien. De quoi créer la surprise et s’inviter une nouvelle fois sur le podium ?

À Moscou, Chiara fait ses premiers pas dans la première demi-finale, dont elle accroche la sixième place au 100% télévote. En finale, le tirage au sort lui octroie la très délicate quatorzième position dans l’ordre de passage, soit pile le ventre mou, entre la Moldavie et l’Estonie. Malheureusement pour elle, la procédure de vote sera cette fois impitoyable avec elle puisqu’à défaut d’une victoire et même d’une deuxième place, c’est une triste vingt-deuxième place qui attend le pays et sa représentante. Si les jurys sont honnêtes avec la grande interprète qu’est Chiara, lui offrant la treizième place de leurs votes à quelques points du top 10, le télévote est cette fois intransigeant, avec une très sévère avant-dernière place juste devant la lanterne rouge israélienne (elle aussi sévèrement récompensée par les téléspectateur·rices).

Et depuis ?

En 2010, Chiara propose le single Sail Away, écrit par les belges Marc et Dirk Paelinck, tandis qu’elle est également porte-parole de son pays à l’Eurovision.

En mode nouveau look pour une nouvelle vie (mais sans Cristina Cordula dans les parages à notre connaissance), Chiara devient ensuite chanteuse résidente de l’émission Hadd Ghalik entre 2011 et 2013. Elle y interprète notamment un remix de What If We, tout en enchaînant les covers.

En 2012, c’est un single en collaboration avec Slink que nous propose l’eurostar maltaise, intitulé Music is The Answer. « La musique est la réponse », dans le texte.

En 2013, changement radical de style musical pour celle qui est surnommée The Queen of Eurovision. Avec les nouveaux singles Forget Forgetting Me (et son remix club) et Zarbun, Chiara opte pour une évolution vers la dance pop. Le fruit de son travail avec de nouveaux producteurs islandais qui la font sortir de sa zone de confort.

Dans la droite lignée de cette collaboration, c’est à duo d’eurostars qu’elle s’adonne avec Hera Björk la même année, puisque les deux artistes reprennent 9 to 5 two divas de Dolly Parton.

En 2014, elle sort le single Mermaid in Love, qu’elle présente pour la première fois dans le cadre de l’Eurovision à Copenhague.

L’année suivante, c’est à un nouveau duo d’eurostars qu’elle se livre avec Hera Björk à l’occasion des fêtes de fin d’année. Ce qui donne le single Christmas Song.

Depuis, Chiara réalise une carrière beaucoup plus discrète. D’ailleurs, la période 2015-2019 est pour ainsi dire vierge de toute nouvelle de l’eurostar sur les réseaux sociaux, où elle est peu présente, quoique davantage depuis trois ans (où elle fait notamment la promotion de ses sponsors vestimentaires et cosmétiques). Ce qui ne l’empêche toutefois pas d’être bel et bien présente auprès du public maltais ! Elle participe d’ailleurs régulièrement au programme télévisé The Entertainers.

En 2018, elle monte pour la première fois sur les planches dans la comédie musicale Il-Ħanina Maddalena, où elle joue le rôle de la Mère Supérieure du couvent des Sœurs de la Madeleine, le tout basé sur une histoire vraie. Elle révèle d’ailleurs dans une interview avoir pensé à arrêter sa carrière à la naissance de sa fille, mais la passion fut la plus forte. Elle partage alors la scène du Théâtre Royal de La Vallette (et par la même occasion du festival international des arts de Malte) avec Amber (Eurovision 2015) et trois des sœurs Bezzina.

En 2019, on retrouve Chiara à l’affiche de Your Song – Celebrating the Music of Elton John, un spectacle revival dédié aux reprises d’Elton John, qui a fait salle comble pendant trois jours. Elle a notamment partagé la scène du cadre exceptionnel de la National Library de La Vallette aux côtés de Gianluca Bezzina (Eurovision 2013) et sa famille, Claudia Faniello (Eurovision 2017), ou encore Ludwig Galea (Eurovision 2004 aux côtés de Julie Zahra). Cette même année, elle participe à la première édition de l’UNESCON de Francfort, convention dédiée à l’Eurovision, où elle est montée sur scène aux côtés de Corinna May, Elina Nechaeva, Chingiz ou encore Sebnem Parker.

C’est en chantant ses eurotubes qu’on la retrouve toutefois le plus souvent – ce à quoi elle ne rechigne jamais. En témoignent ses nombreuses participations aux finales nationales et aux shows de l’Euroclub et de l’Eurovillage (notamment en 2019 et 2021), ainsi que ses apparitions récurrentes dans les médias maltais, où elle reprend les chansons qui ont fait son succès, ainsi que des reprises d’autres tubes. Ce qui lui permet ainsi d’assurer toujours des présences scéniques et télévisuelles dans un pays qui aime l’Eurovision (même si cette dernière ne lui rend pas forcément bien au niveau des résultats).

Icône LGBT+, Chiara participe par ailleurs régulièrement à des prides. Elle a d’ailleurs chanté l’hymne officiel de la pride maltaise 2010 et a été à l’affiche de l’EuroFest UK au Royal Vaxhall Tavern de Londres en 2015. Elle est également une fidèle de la scène du Michelangelo à La Vallette, seul club ouvertement gay de Malte.

Malgré tout, Chiara ne semble pas vivre pleinement de sa passion pécuniairement parlant, puisqu’en 2019, elle est devenue agente immobilière. Il faut dire que l’étroitesse du marché musical maltais complique la perspective de se consacrer à 100% à la musique.

En 2022, on retrouve Chiara sur la scène du Malta Eurovision Song Contest, où elle interprète un medley avec The One That I Love, Angel et What If We, sous le regard et les lumières d’un public évidemment conquis d’avance.  

Elle participe également au Mużika Mużika, un célèbre festival de musique maltais, dans la section non compétitive, aux côtés notamment de Fabrizio Faniello, Philip Vella ou Lawrence Gray. Elle y a interprété l’un de ses premiers titres, Ismagħni Ftit Ħabib, en duo avec Gaia Cauchi (vainqueure de l’Eurovision Junior 2013).

Chiara nous donne rendez-vous le 27 août prochain sur la scène de l’Eurovision Live Concert Portugal de Setúbal, où on la retrouvera aux côtés notamment d’Ott Lepland, Victoria, Jaime Lee ou Sinplus.


Reine de l’Eurovision. Ce simple intitulé résume la chose. D’inconnue au bataillon en 1998, Chiara est devenue une eurostar, tout simplement, et l’une des plus grandes stars de son pays, quand bien même elle y mène une carrière plus discrète aujourd’hui. La troisième chanteuse à avoir le plus réussi au concours après Dima Bilan et Carola, et juste devant Helena Paparizou (la même qui lui a « volé » la victoire en 2005) peut en effet dire merci à l’Eurovision. Elle le fait d’ailleurs à merveille, puisque c’est toujours avec cœur qu’elle reprend ses eurotubes, aussi bien sur la scène maltaise qu’à travers l’Europe, où les portes continuent de s’ouvrir à elle. Même si elle n’a jamais soulevé le trophée, l’eurostar s’inscrit désormais dans le cercle fermé des euro légendes, de celles qui, des années et des années plus tard, restent indéniablement portées en culte tant par leur public que par les redoutables eurofans. Car une légende, ça s’entretient, et on ne peut guère accuser Chiara du mal contraire !

Une quatrième participation au concours ? Chiara n’y ferme pas la porte, loin de là, prête à porter les couleurs de son pays partout où on le lui demandera !

>>> Vous pouvez retrouver l’actualité de Chiara sur Facebook et Instagram.

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