Nouvel épisode de Que sont-ils devenus ?, et direction aujourd’hui Oslo, en 2010. Tandis que la Norvège vient de remporter pour la troisième fois le concours avec un record de points, l’Ukraine, quant à elle, vise la reconquête de ce top 10 dans lequel elle a figuré quatre fois en sept participations. Pour cela, le pays se livre à l’une des sélections les plus riches en eurodramas de l’histoire. Après le choix initial d’un artiste en interne et d’une chanson en sélection, revirement de la part du télédiffuseur qui organise une deuxième sélection nationale dans la foulée, destinée à consacrer un·e nouvel·le artiste. Le choix du vote combiné se porte sur Alyosha, qui devra elle-même changer de chanson par la suite … Ce qui n’empêchera ni l’artiste ni le pays d’accrocher un top 10 pas forcément si attendu au concours. Douze ans après cet épisode (et la naissance de l’EAQ tant qu’à faire), qu’est devenue la représentante ukrainienne à l’Eurovision 2010 ?

Avant l’Eurovision

Née à Zaporizhia, Alyosha – née Olena Koutcher – étudie le chant pop à l’Université Nationale de la culture et des arts de Kiev. Elle signe son premier contrat d’artiste en 2008 avec le label Catapult Records. Son premier titre, Sneg (Снег), sort l’année suivante et ne connaît qu’un succès modéré.

En 2010, la jeune chanteuse sort le titre Ty ujdesh (Ты уйдешь), qui se fait davantage remarquer tout en restant à distance respectable du triomphe. Un évènement majeur va toutefois changer la vie de l’artiste à jamais.

La 55ème édition de l’Eurovision approche à grands pas et NTU, télédiffuseur ukrainien, essaie d’avancer ses pions. Il décide initialement de sélectionner son représentant en interne, et de ne soumettre que le choix de la chanson à une sélection télévisée. La chaîne jette son dévolu sur le chanteur Vasyl Lazarovytch, choisi parmi six candidat·es considéré·es par son conseil artistique. Quelques semaines plus tard, en mars 2010 exactement, une finale nationale est organisée et met en compétition cinq titres. Avec l’approbation d’un vote combiné mêlant télévote et jury, l’heureuse élue s’appelle I Love You.  

Mais il n’est pas d’édition du concours sans ses savoureux eurodramas. Et celui que nous livre l’Ukraine sur plateau est, comme souvent, riche de goût. À une semaine de la date limite de soumission des contributions à l’Eurovision, tremblement de terre aussi fort que l’éruption de l’Eyjafjallajökull : NTU annonce le retrait de Vasyl Lazarovytch du concours. La faute au principe de la sélection en interne et à des conditions jugées inéquitables par ses concurrent·es. En catastrophe, et sous la pression de l’UER – qui décale la deadline de sept jours, le télédiffuseur organise une sélection nationale télévisée ouverte le 20 mars 2010, deux jours pile après des auditions qui ont permis l’examen des 63 contributions reçues.

Vingt candidat·es s’affrontent pour le précieux billet pour Oslo, Norvège. Dans la liste figurent notamment Iryna Bilyk, Max Barskih, Zlata Ognevich et … Vasyl Lazarovytch, bel et bien présent avec … I Love You. Absence d’ego ou goût prononcé pour le masochisme ? Nouveau coup de théâtre en tout cas.

Non seulement le candidat initialement choisi ne récole que la septième place du vote combiné, mais deux candidates arrivent en tête ex aequo avec le même nombre de points : Masha Sobko avec Ya tebya lyublyu (Я тебя люблю) et Alyosha avec To Be Free. C’est cette dernière qui remporte finalement la sélection grâce à un meilleur vote du jury en sa faveur. Sauf que … nouvel eurodrama en vue.

Non seulement il est avéré que le titre vainqueur a été publié en 2008, mais il est également accusé de plagiat de Knock Me Out de Linda Perry et Grace Slick. L’EBU impose un nouveau délai à la NTU qui, quatre jours après la finale nationale, dévoile Sweet People sur le site officiel du concours. Une chanson qu’Alyosha a écrite en moins de deux jours et qu’elle a privilégié à une proposition de Philipp Kirkorov.

Pendant l’Eurovision

Pourtant forte d’une victoire en 2004 et de deux médailles d’argent, l’Ukraine ne débarque pas à la Fornebu Arena en position de force. À l’issue des premières répétitions, le pays figure à la 25ème place des bookmakers, loin des favoris azéri, allemand et israélien, et non loin de la France. La qualification en finale est même clairement compromise, ce qui serait une première depuis l’arrivée du pays au concours.

L’Ukraine s’extirpe finalement d’une demi-finale qui voit chuter la Suède pour la première fois de son histoire et les favorites croates. Elle aborde la finale en 17ème position, entre l’Islande et la France, dans une deuxième moitié de tableau riche en favoris dont est exclue l’Azerbaïdjan, qui a le malheur de se voir attribuer l’ouverture de la soirée par le tirage au sort.

Si la révélation des votes consacre la favorite allemande, le classement n’est pas exempt de surprise. Ainsi, avec une prestation sombre et seule en scène, l’Ukraine décroche la dixième place à la surprise générale (109 points), ce après n’avoir terminé que septième de sa demi-finale (à seulement 15 points de la première éliminée). Si le télévote a offert à Alyosha une honnête treizième place (94 points), ce sont les jurys qui portent l’Ukraine avec une très belle sixième place (129 points).

Après l’Eurovision

Dans la foulée de son succès eurovisionesque, Alyosha sort son premier album, A World Outside Your Door, qui lance pleinement sa carrière en Ukraine. Elle remporte dès l’année suivante le titre de chanteuse de l’année décerné par le panel de Favoriti Uspіhu (Фаворити Успіху).

À l’occasion de la cérémonie des YUNA (Victoires de la musique ukrainiennes), elle décroche la victoire dans la catégorie meilleur duo pour Smysl Zhizni (Смысл жизни) qu’elle interprète avec la star Vlad Darwin (issu de la version ukrainienne de Star Academy). Elle sera à nouveau nommée aux YUNA en 2015, 2016 et 2018, mais sans y décrocher de prix.

2015 est l’année de la sortie d’un album en deux opus, Točka na karte, čast’ (Точка на карте, Часть) 1 (dans lequel figurent ses premiers titres dont SnegСнег et Ty ujdëšʹТы уйдёшь et Točka na karte, čast’ (Точка на карте, Часть) 2, qui inclut son duo avec Vlad Darwin, ainsi que Bezoružnaja (БЕЗоружная) (2014) – qui rencontre un très grand succès (plus de dix-huit millions de vues sur YouTube) et Moë serdce (Моё сердце) (2015).

Cette même année paraît Маленький секрет (Little Secret), premier titre de son futur album éponyme.

Le nouvel album en question sort en 2017. L’un des titres phares est Калина (Kalyna), qui devient un tube en Ukraine, dont le clip reste dans le top 50 des vidéos les plus vues en Ukraine pendant quatre ans. C’est un carton pour la chanteuse qui enchaîne les nominations et les victoires dans les principales cérémonies de remise de prix (Golden Firebird, M1 Music Awards) et dévoile un nouveau single, Tequila.

L’année suivante, Alyosha met un terme à sa relation professionnelle avec le producteur Vadym Lysitsa au terme de quinze années de collaboration, et commence à travailler avec Evgeny Antipenko. Elle réalise une tournée d’envergure en Ukraine et dévoile le titre Dama.

En 2019, et au terme de deux années de travail, c’est un album en duo avec Vlad Darwin que propose la représentante ukrainienne au concours 2010. Золота середина (Zolota seredina) est ainsi dévoilé à l’automne, porté par les singles Pirnai et Happiness Without Guilt, pour ce que la chanteuse considère comme une étape clé dans sa carrière musicale et l’un de ses meilleurs albums, tout simplement.

L’année suivante, elle est récompensée du Top Hit Music Awards de l’artiste la plus populaire en radio. Devenue mère de son troisième enfant à l’été 2020, Aliosha sort son nouveau single HeBoHa dans la foulée, à la suite d’un teaser mystère dans lequel elle apparaît en brune. L’année suivante, elle sort un nouveau titre, Lebedi, et participe également à Masterchef avec son époux Taras Topolya (leader du célèbre groupe Antitila). Elle est également jurée de la sélection nationale ukrainienne pour l’Eurovision Junior (et a d’ailleurs attribuée son maximum de points à la chanson gagnante, Vazhil).

Cette année, Alyosha a sorti son nouveau single, Моє Море (Moє More), au mois de janvier. Mais à l’instar de l’ensemble de ses concitoyen·nes ukrainien·nes, l’année de l’artiste est marquée par la guerre en Ukraine, suite au déclenchement de laquelle elle est partie aux Etats-Unis avec ses enfants. Pendant ce temps, sa famille et son époux Taras sont restés au pays, où il a rejoint les rangs des forces de défense en tant qu’ambulancier.

Toujours très médiatisée, l’artiste – russophone jusqu’en 2014 – a notamment chanté To Be Free à la Pride de New York en juin dernier, et multiplie les concerts caritatifs Outre-Atlantique au profit du bataillon dans lequel sert son époux.


Contrairement à ses homologues Ruslana, Verka Seduchka, Ani Lorak, Zlata Ognevitch ou encore Jamala, Alyosha n’est peut-être pas celle qui a imprimé le plus les mémoires eurovisionesques, Cela ne l’empêche pas toutefois d’être de ces nombreuses eurostars à avoir écrit une très belle page de l’histoire de l’Ukraine à l’Eurovision, en témoigne son inespérée dixième place sur la scène de la Fornebu Arena il y a douze ans. Réciproquement, c’est grâce au concours que l’artiste a pu réellement lancer sa carrière dans son pays et en devenir l’une des plus grandes stars aujourd’hui. Depuis son passage par l’Eurovision, Alyosha enchaîne en effet les succès, si ce n’est les cartons, et n’a pas quitté la lumière des projecteurs, fut-elle médiatique ou musicale. Aujourd’hui exilée à cause de la guerre, elle est l’une des porte-voix artistiques de son pays à l’international, où elle s’engage pour celleux qui assurent la défense de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières. Souhaitons lui, ainsi qu’à ses concitoyen·nes exilé·es, de pouvoir retrouver au plus vite le chemin d’un pays en paix.

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© Page Facebook officielle de l’artiste