Hola Francia ! Ce week-end a lieu la PreParty ES 22 en direct de Madrid, Espagne. Ce qui est devenu au fil des années l’un des rendez-vous les plus appréciés des eurofans dans la catégorie euro-concert effectuait son grand retour après trois interminables années d’absence, les deux dernières éditions s’étant déroulées en distanciel en mode « cocovision ». Pour démarrer ce week-end de festivités exceptionnel, c’est par une soirée de bienvenue que l’organisation a démarré les hostilités vendredi soir.

Une Welcome PreParty ES qui a été l’occasion d’accueillir de nombreuses eurostars (Senhit, The Roop, Victoria, Melani Garcia, Levia Diaz, Krista Siegfrids, Aidan – Malta Eurovision Song Contest 2022) et Benidorm Stars (Sara Deop, Blanca Paloma, Luna Ki, Xeinn) avant de passer au plat de résistance du samedi. Plus de quatre heures (!) dynamiques (et émaillées une nouvelle fois par de sérieux problèmes de son) au cours desquelles se sont succédé une trentaine d’artistes (dont 29 candidat·es à l’Eurovision 2022) sur la scène de la Sala Riviera de Madrid, où étaient rassemblé·es près de deux mille spectateur·rices. Sans compter celleux qui regardaient le show depuis leur canapé en direct sur YouTube (comme moi). Trêve de bavardages, et passons à présent aux choses sérieuses : le passage en revue des prestations de la soirée !

We Are Domi – Lights Off (République Tchèque)

Plus j’écoute We Are Domi en pré partie, plus je persiste et signe à dire que nous risquons davantage de retrouver la République Tchèque dans les hauteurs du classement, plutôt que dans les tréfonds auxquels la condamnent les bookmakers de manière injustifiée. En configuration concert (voire clubbing dans le cadre de Madrid), la prestation et le titre prennent complètement leur sens, qui plus est aussi bien assurés par le groupe en dépit des problèmes de son qui ont émaillé la soirée. Là où c’était son « point faible », Dominika est de plus en plus à l’aise avec le refrain, dont elle maîtrise désormais beaucoup mieux la note finale. De quoi augurer de belles perspectives en live à Turin. Rendez-vous jeudi 12 mai pour faire mentir les pronostics au plus haut point, pour ce qui est l’un des titres les plus actuels et les plus aboutis de cette édition.

Note : 8/10

Andrea – Circles (Macédoine du Nord)

Dommage que la Macédoine du Nord tombe sur une concurrence dense, car Circles est une proposition de qualité extrêmement honnête, qui plus est dans des sonorités RnB qu’on n’entend que trop rarement à l’Eurovision. Au fil de ces pré parties, Andrea n’a de plus jamais déçu en assurant des prestations parfaites, tant sur le plan vocal (où l’on croirait quasi entendre la version studio les yeux fermés) que sur l’expression scénique, où l’interprète ne peut faire guère plus pour faire vivre un titre pas forcément évident à défendre devant le public. Cela est vraiment dommage que les chances du pays soient si limitées cette année au vu du plateau, car Circles mériterait largement une finale. Mais il y a du monde en face, et Dallas Turin est un univers impitoyable…

Note : 8/10

Brooke – That’s Rich (Irlande)

En voilà une un peu en difficulté … à l’instar de ses prédécesseures d’ailleurs. Au vu du profil de That’s Rich (titre pop énergique, sympathique et dansant, mais pas des plus marquants), c’est une véritable transcendance de son titre que doit opérer Brooke pour donner une petite chance à son pays dans une demi-finale 2 où il apparaît d’ores et déjà comme le condamné. Seul hic : au vu des prestation livrées en pré concerts, on en est loin, très loin. Vocalement, ce n’est ni catastrophique, ni ouf (et loin de l’être), tandis que sur le plan scénographique (pas le plus ostentatoire en pré partie me direz-vous), le cheap annoncé me fait trembler de tous mes membres. Bref, ce n’est pas gagné du tout pour l’Irlande.

Note : 6/10

P.S. : merci d’éviter de faire votre shopping chez Penney’s (appellation irlandaise de Primark). Fashion politiquement parlant, c’et un lieu parfaitement inadapté aux attendus stylistiques de l’Eurovision.

Malik Harris – Rocktars (Allemagne)

Une nouvelle fois, Malik séduit avec une prestation toute en douceur et en sincérité. L’interprétation qu’il livre de son joli titre rap pop est sensible et très touchante. « Joli » : tel est le mot maître de la performance et de ce petit titre qu’est Rockstars, très agréable à l’écoute, plutôt bien réalisé, mais pas des plus impactants en dépit des qualités qui sont les siennes. Pas de quoi grimper très haut dans le classement, mais la perspective de revoir l’Allemagne dans un énième Bottom 5 cette année serait profondément injuste vis-à-vis du beau moment que nous offre Malik sur scène. Et en même temps, la concurrence est dense, et elle risque de ne pas laisser passer grand chose aux pays de l’entre-deux.

Note : 7/10

Stefan – Hope (Estonie)

Place à présent au cowboy Stefan avec sa monture nommée Hope. Quoi de plus absurde que de la pop country en mode conquête de l’Ouest pour nous vendre le sprat de Tallinn ? Pas grand chose à vrai dire. Ah, si, le tournage à Almeria, en Espagne, terre privilégiée de décors western à l’européenne … Bref, si la proposition estonienne n’est pas la plus révolutionnaire de l’euro siècle, et si elle est très scandic générique, il n’en reste pas moins qu’elle est dotée d’une réelle efficacité. De plus, elle a la chance d’être portée par un interprète de la trempe de Stefan, excellent performer qui, évidemment, assurera son rodéo show à la perfection sur la scène du PalaAlpitour en mai. De quoi offrir à l’Estonie la possibilité de retrouver la finale pour la première fois depuis 2019 et, pourquoi pas, d’accrocher sur le papier un top 15 ?

Note : 8/10

Systur – Með Hækkandi Sól (Islande)

Encore un pays très largement sous estimé par nos ami·es les bookies, alors même qu’il prend de surcroît part à un demi-finale assez ouverte. Avec ce genre de folk peu avide de variations musicales, ça passe ou ça casse. Soit cela peut faire l’effet d’un puissant somnifère (ce fut le cas pour certain·es aux previews), soit c’est un véritable enchantement qui s’opère. Pour ma part, c’est clairement et nettement la seconde option qui l’emporte. Með Hækkandi Sól nous transporte des interminables et sauvages nuits d’hiver islandaises à la lueur incandescente des aurores boréales, tel un subreptice tour de magie délivré par trois soeurs ensorceleuses qui assurent leurs gammes à la perfection. Une proposition islandaise singulière, sans égale dans cette édition, qui pourrait bien créer la surprise en ouverture de la semaine Eurovision.

Note : 8/10

Citi Zeni – Eat Your Salad (Lettonie)

On le savait déjà, et cela nous a été encore confirmé sur la scène de la Sala Riviera : Citi Zeni sont d’extraordinaires showmen, et ils étaient ce samedi dans une forme plus olympique que la délégation lettone à Tokyo 2020. Ils ont une nouvelle fois enflammé la scène avec leur titre improbable dont la rythmique pop-swing est juste aussi diabolique que son leader à l’énergie illimitée. Il s’est même payé de luxe de se faire transporter par le public, bras en croix ! Nul besoin de légumes riches en vitamines, ni de quelconque substance illicite : plus On Fire que le chanteur, tu meurs, et il faudra peut-être canaliser un peu tout ça en vue du live turinois (parce qu’il ne donnait pas l’impression de tourner qu’au Coca Zero notre ami). Pas d’inquiétude pour autant pour notre groupe, dont les perspectives de qualif’ sont objectivement minces (la faute au titre en mode Leto Svet qualitatif), mais qui marquera les esprits de manière assurée avec son sens exceptionnel de la scène.

Note : 8/10

Sheldon Riley – Not The Same (Australie) (prestation vidéo)

Sheldon Riley n’a pas pu être présent à Madrid et a délivré un message vidéo, accompagné d’une courte vidéo où il livre une nouvelle version de Not The Same qui met en valeur parfaite la puissance de sa voix et ses capacités d’interprète. Difficile donc de « juger » sur moins d’une minute de chanson dotée de nouveaux arrangements (entre l’acoustique et les sonorités locales), interprétée en mode intimiste et dans une version complètement différente de celle qui sera défendue à Turin. Le tout est que Sheldon étant un excellent performeur, capable de livrer des prestations puissantes et théâtrales, nul doute qu’on remarquera l’Australie à l’Eurovision dans moins d’un mois. Et que le pays pourra largement prétendre à tourner la page de l’échec Montaigne en technicolor.

Pas de note (vu la durée de la vidéo …)

Reddi – The Show (Danemark)

Gros problèmes de retour son pour Reddi, dont la chanteuse a invité le public à chanter avec elle pour compenser ses propres carences. Malgré tout, c’est une prestation pleine de panache qu’a assuré le girl’s band danois, en pile phase avec l’identité et l’énergie de son titre aux influences teen pop qui n’est pas sans rappeler le Et Caetera irlandais de 2009 (dans la philosophie de la chose). Cependant, The Show reste ce qu’il est, à savoir un petit titre pop rock teinté de sonorités vintage, sympathique et pas désagréable au demeurant, mais clairement pas taillé pour une compétition parfois impitoyable. Déjà vu, dénué de marquant, plus passable que bon, … Cela risque de s’avérer difficile pour le Danemark, en dépit des belles choses que nous a montré le groupe lors de ses différentes sorties en live. Mais le talent scénique risque bien de ne pas suffire pour pouvoir envisager le chemin de la finale.

Note : 7/10

Jérémie Makiese – Miss You (Belgique)

Difficile d’être prolixe sur la proposition de nos voisin·es du Plat Pays, dont la sélection du mythique groupe Hooverphonic leur a permis d’opérer un retour en finale l’année dernière, un classement décevant à l’arrivée. Cette année, fidèle à son letmotiv, la RTBF a sélectionné son vainqueur en titre de The Voice, qui défend très bien ses chances sur scène depuis le début des pré concerts. Miss You est un titre pop RnB de très belle facture, plutôt bien produit et très agréable à l’écoute. Il sied parfaitement à son interprète, qui gagnerait toutefois à un soupçon de maîtrise supplémentaire des montées en aigus, même s’il n’y a rien de rédhibitoire ici. C’est une prestation d’une belle énergie que nous a proposé Jérémie à Madrid même si, me concernant, de questionnements subsistent quant au potentiel de cette proposition belge. Oui, elle est qualitative, oui, elle est agréable, oui, elle et bien exécutée : mais est-elle suffisamment marquante pour se retrouver dans la lumière de cette édition ? Plus le temps passe, et plus j’ai des doutes. Unpopular opinion : là où beaucoup voient la Belgique qualifiée d’office en finale, je ne suis pas certain que la partie sera aussi facile pour nos voisin·es, souvent sur le fil du rasoir de la qualif’ ces dernières années (12ème en demi-finale en 2018, 13ème en 2019, 9ème en 2021). Pour s’assurer une finale, Jérémie devra littéralement se transcender et exploser sur la scène de Turin.

Note : 7/10

Monika Liu – Sentimentai (Lituanie)

Tuk, tuk, tuk … HOLA MADRIIIIIIID ! Sept jours après une sortie très remarquée à Amsterdam (mais point pour des raisons artistiques), Monika Liu était une nouvelle fois très en forme et en verve ce samedi soir à Madrid, où elle a vécu littéralement sa meilleure vie sur scène. Qu’importent la chanson, le texte, le rythme, la représentante lituanienne était en roue libre pour sa seconde sortie consécutive, interpellant sans cesse le public, jouant la carte de la sur-interprétation et de la minauderie, son bijou Sentimentai (qu’elle invitait le public à chanter en lituanien) devenant au final un joyeux bordel. Pas de quoi livrer la performance du siècle, mais là n’était absolument pas le but de Monika, ici pour profiter du moment en attendant la véritable échéance. La chanteuse maîtrise de toute façon son sujet tellement à la perfection qu’il est évident qu’elle fera des étincelles à Turin.

Note : 6/10

Zdob si Zbub & Fratii Advahov –Trenulețul (Moldavie)

Au menu du wagon restaurant ce soir, champis (hallucinogènes si possible) et saucisses cocktail pour accompagner votre voyage en train de nuit vers la Moldavie. Une fête à la saucisse qui semble visiblement séduire pas mal de consommateurs, mais à laquelle je reste désespérément insensible. J’ai beau essayé de faire de efforts, m’enjailler à coups d’eau-de-vie, sortir l’accordéon, mettre ma grand-mère à la batterie, rien à faire, cela ne marche pas le moins du monde. Force est pourtant de constater qu’il fonctionne pas trop mal, ce folklore moldave, y compris sur scène, où Zdob i Zdub et leurs alliés d’un soir mettront à coup sûr l’ambiance comme ils l’ont mise ce samedi soir à la Sala Riviera. Bien entendu, l’énergie débordante du groupe, la simplicité du truc, le coefficient folklo (important à l’Eurovision) et une presta qui tient la route (comme à Madrid) offriront de précieuses voix à la Moldavie en demi-finale. Mais bon, soyons franc·hes, je préfèrerais qu’une place de finaliste échoit à titre plus méritant.

Note : 7/10

Marius Bear – Boys Do Cry (Suisse)

Première (et dernière du coup) sortie en pré partie pour le représentant suisse sur son Boys Do Cry qui ne suscite pas un enthousiasme débordant parmi les eurofans. La faute à un évident défaut de marquant eu égard à l’artillerie lourde qu’avait dégainé la confédération helvétique ces trois dernières années. Ce qui n’empêche toutefois pas cette élégante ballade contemporaine au message ô combien actuel d’être empreinte d’une belle sensibilité qu’il s’agira de mettre en lumière sur la scène du PalaAlpitour. Car si Marius a bien exécuté son morceau à travers une prestation sobre, cette dernière se l’est avérée trop. L’ensemble marquait en effet de ce soupçon de corps et d’incarnation indispensable pour offrir à la Suisse une chance de s’extraire de sa demi-finale, d’où la qualification sera loin d’être automatique. À Marius de jouer et de faire vivre au mieux sa jolie et délicate proposition.

Note : 6/10

Emma Muscat – I Am What I Am (Malte)

Elle est qui elle est, et le chante haut et fort : je parle évidemment de la maltaise Emma Muscat, dont le I Am What I Am reste ce qu’il est : un titre pop agréable à l’écoute et plutôt bien construit, mais extrêmement générique et passe-partout. Une nouvelle fois, la jeune artiste assure une bonne prestation à défaut d’être étincelante. Point de performance du siècle pour ce qui n’est point le titre du siècle : voilà comment résumer la situation en quelques mots, et résumer l’effet que produit sur moi cette proposition maltaise qui risque d’avoir décidément bien du mal à exister à Turin. So, what else or next ?

Note : 7/10

Mia Dimsic – Guilty Pleasure (Croatie)

Rien de tel qu’un petit plaisir coupable afin de poursuivre la soirée et en la matière, il semblerait que Guilty Pleasure porte plutôt bien son nom. Une ballade pop à la guitare d’une simplicité sans nom et pas désagréable à l’écoute, loin d’être des plus signifiantes, mais très bien portée par son interprète. Mia défend une nouvelle son petit titre à la perfection, et c’est clairement ce qui pourrait donner une (toute) petite chance à la Croatie cette année. Dommage toutefois que l’artiste n’ait pas une proposition à la hauteur de son talent, car elle pourrait faire des ravages littéraux, là où la relative faiblesse de son titre lui ôte quand même de sacrées chances (qu’elle aurait peut-être davantage eues en demi-finale 1 ou … il y a dix ans).

Note : 8/10

Vladana – Breathe (Monténégro)

Pour ce dernier concert de préparation au grand retour eurovisionesque du Monténégro, sa représentante assure une très belle prestation vocale, bien meilleure que celle d’Israel Calling (où l’ensemble des artistes avait du faire face à des problèmes de son parfois rédhibitoires). Cela sera t-il toutefois suffisant pour transcender Breathe, une honnête mais très classique ballade, confrontée à une concurrence qui lui est largement supérieure ? Malgré le talent de Vladana, je pense que non. Le Monténégro risque une nouvelle fois d’être condamné à faire de la figuration dans cette compétition, alors même que sa représentante assure de belles prestations d’un titre décidément trop faible pour pouvoir exister à l’Eurovision 2022.

Note : 7/10

Nadir Rüstəmli – Fade To Black (Azerbaïdjan)

Première sortie en pré partie pour le représentant azéri, dont la côte est soudainement remontée ces derniers jours. Coïncidence ? Je ne crois pas. L’on savait le vainqueur en titre de The Voice Azerbaïdjan excellent vocaliste, et il n’a pas failli à son statut samedi soir, assurant magistralement ses notes les plus hautes et les plus aiguës. De quoi faire des merveilles sur la scène du PalaAlpitour avec une très belle ballade qui, plus que de s’être remise en bonne position dans la course à la qualification, pourrait carrément créer la surprise en mai prochain. Avec un interprète plus qu’à la hauteur et une scénographie adéquate (domaine dans lequel le pays assure généralement pas trop mal ses arrières), l’Azerbaïdjan pourrait dévoiler toute l’étendue de son joli potentiel en Italie.

Note : 8/10

Subwoolfer – Give That Wolf A Banana (Norvège)

Yum yum yuuuum … Une nouvelle fois, nos loups intergalactiques au titre aussi absurde que leur concept ont mis le feu à la salle. Quoi de plus con pourtant que des loups de l’espace qui veulent des bananes et dévorer mère-grand ? Mais je ne peux que m’incliner devant un tel génie de moins quinzième degré, qui plus est avec un titre aussi kiffant et aussi parfaitement exécuté. Keith et Jim assurent encore et toujours leur performance au millimètre, et à coup sûr que cela fera des ravages au télévote dès la demi-finale. Je suis moins certain que les jurys nationaux soient sensibles à la douce poésie du duo norvégien, le tout est que la salle et le public vivront leur meilleure vie, et moi avec.

Note : 9/10

Rosa Linn – Snap (Arménie)

La jeune candidate arménienne a enchaîné les difficultés pour sa dernière sortie en pré partie. Absence de playback orchestre, pas de retour son … Mais Rosa Linn ne s’est pas démontée pour un sou, au contraire. Accompagnée de a seule guitare, elle a entraîné le public dans son sillage et brillé sur la scène de la (grande) salle Riviera, qu’elle a embarqué dans son voyage intimiste. Et pour celleux qui en douteraient, qu’importe la taille de la alle : Snap est une douce et belle aventure qui fonctionne, faisant fondre le coeur du public en deux temps, trois mouvements (et encore). L’intemporalité de la chanson et – surtout – le talent de la représentante arménienne n’y sont pas pour rien. De quoi faire des émules d’ici quelques semaines à Turin. Samedi, ce fut en tout cas l’un des moment de grâce de la soirée.

Note : 9/10

WRS – Llamame (Roumanie)

Sur la corde. Telle est la place qu’occupe actuellement la Roumanie dans le jeu de qualifications. WRS réussit une nouvelle fois sa sortie, là n’est pas le problème. Malgré de peu évidents talents de vocaliste, l’artiste incarne à la perfection on Llamame qu’il porte de manière énergique et volontaire avec le soupçon de charisme qui est le sien. Un bon point dans la course à la qualif. Néanmoins, si le titre est dansant et ne subit pas trop de concurrence dans son créneau, la proposition roumaine ne jouit pas d’une côté de qualité maximale (loin de là) et se contente du spectre du peut mieux faire, quand bien même elle se retient facilement. Alors, avantage qualif ou non ? La lutte turinoise va être acharnée. À titre personnel, après avoir été davantage convaincu grâce aux sorties en pré-concert de l’artiste, je me lasse déjà.

Note : 7/10

Circus Mircus – Lock Me In (Géorgie)

L’instant du What The Phoque est donc arrivé. À l’instar de leur inclassable titre électro-rétro-synthé-pop, Circus Mircus nous propose une prestation psychédélique, pour ne pas dire légèrement hallucinatoire. Qui sont ces mystérieux interprètes ? Et sur quelle planète campent-ils ? Excellentes questions à laquelle la performance ne m’a pas apporté de réponse. Celle-ci est l’occasion de reconnaître une nouvelle fois le mérite géorgien à l’Eurovision adulte : celui d’envoyer systématiquement des propositions différentes et, surtout, de tenter en permanence la carte de l’audace et de la prise de risque maximale … souvent fort peu payante pour le pays. 2022 sera t-elle la première finale du pays depuis celle, accidentelle, de 2016 ? La partie risque d’être encore compliquée pour nos ami·es du Caucase, qui plus est avec un titre aussi linéaire et déconnecté (et très bien exécuté par son groupe), mais Hope Never Dies

Note : 8/10

Sam Ryder – Spaceman (Royaume-Uni)

Il n’est peut-être pas un homme de l’espace, mais sa voix, elle, en provient bien. Avec sa voix intergalactique et ses aigus des profondeurs de l’Univers, Sam Ryder est assurément l’un des meilleurs vocalistes masculins du plateau, et plusieurs pré parties ont pu nous le montrer en long, en large et en travers. Le Royaume-Uni a cette année décidé de se remuer le cocotier et cela se ressent tant le choix d’un interprète qui, de surcroît, prend énormément de plaisir communicatif sur scène, que du titre, à présent plus conforme aux standards de la riche scène musicale britannique. Qu’importe les problèmes de son (encore et toujours …) – qui ont fait l’exploit de rendre Sam parfois inaudible, le Royaume de sa Majesté est de retour dans le game de l’Eurovision et se met sur la route de très belles promesses italiennes.

Note : 8/10

Andromache – Ela (Chypre)

Première sortie en pré partie pour la représentante chyrpriote … mais incomplète. Andromache n’ayant pu être présente en live. Elle a donc enregistré pour le public présent une version piano voix d’Ela dans les conditions du direct. L’occasion de mettre en valeur le très beau grain de voix de l’artiste, pas forcément le plus évident à saisir dans ce genre de proposition mediterranean pop. Une jolie prestation qu’il s’agira de reproduire en live à Turin avec un titre très agréable et en « rupture » avec ce dont Chypre nous a abreuvé ces dernières années. Petite question qui reste toutefois en suspens : comment incarner ce titre peu évident à défendre sur scène en marquant suffisamment les esprits ? Réponse à Turin le mois prochain.

Note : 8/10

The Rasmus – Jezebel (Finlande) (+ bonus In The Shadows)

Après avoir attaqué sa session par une reprise du mythique In The Shadows, l’un des tubes de l’année 2003, The Rasmus nous a livré une nouvelle prestation sur le Jezebel avec lequel il défendra les chances finlandaises d’ici quelques semaines. Nul besoin de développer sur le titre, dans la droite lignée de l’ADN musical du groupe, dont la mission sera de succéder aux décoiffants Blind Channel. Restons plutôt focus sur la prestation car … il y a du boulot. Mais vraiment beaucoup de boulot. Vocalement, on n’est pas au top du tout, et on en est loin. Lauri a livré trois minutes très aléatoires, pour ne pas dire médiocres – voire catastrophiques par moments, où au manque de souffle succédaient absence de placement de la voix et faussetés manifestes. Si Jezebel a son évident potentiel pour le concours (d’où le placement stratégique en ouverture du show de la demi-finale 2), le groupe doit bien garder à l’esprit qu’un nom ne fait pas l’Eurovision, aussi célèbre soit-il. Et que la hype peut vite faire pschiit, Rasmus ou pas.

Note : 3/10

Konstrakta – In Corpore Sano (Serbie)

À mon plus grand dam, Konstrakta n’a malheureusement pas pu être présente pour raison de santé. L’artiste serbe avait toutefois un petit message vidéo pour les eurofans et une prestation playback entrecoupée d’extraits du clip, qui est toutefois parvenue à susciter l’enthousiasme de la salle. Il faut dire que plus le temps passe, et qu’on apprécie ou pas le casse-gueule concept, la côte de la Serbie monte doucement, mais sûrement. Et nul besoin de sorties en pré parties pour le avoir : Konstrakta est une telle performeuse de génie qu’elle était déjà largement prête pour Turin avant l’heure. Il faudra juste penser à embarquer dans ses bagages un stock suffisant de savons pour le direct ! Biti sdrava, biti sdrava … Une chose est certaine : la radicale proposition serbe ne laissera personne indifférent le mois prochain, et quelque chose me dit qu’on risque même de la retrouver bien plus haut que prévu dans le classement.

Pas de note (prestation playback vidéo)

Ochman – River (Pologne)

En voilà un autre dont la côte monte (déjà qu’elle était bien élevée) : Ochman. Que dire, qu’ajouter, que disserter sur les monts et merveilles qu’il produit dès lors qu’il ouvre la bouche et déploie l’étendue du talent contenu dans ses sublimes cordes vocales ? Pas grand chose, pour ne pas dire rien. Avec sa très belle ballade, le représentant polonais est évident plus que prêt à défendre les couleurs de son pays à Turin, voire à lui ramener une éventuelle victoire que la Pologne attend depuis ses débuts en 1994. Plus que jamais, l’artiste s’inscrit en tout cas parmi les grand·es favori·tes au Micro de Cristal avec des prestations plus subjuguantes vocalement les unes que les autres.

Note : 9/10

Ronela Hajati – Sekret (Albanie)

RO-NE-LA RO-NE-LA ! Dire que la Reine Ronela était l’une des eurostars les plus attendues de la soirée est un doux euphémisme, tellement le public avait à coeur de scander le nom de l’artiste avant sa montée sur scène. Et alors même que celle-ci a tourné à l’économie (préférant sans doute et à juste titre se préserver pour la performance iconique qu’elle prépare pour Turin), les eurofans étaient en réelle communion avec elle, hurlant à cors et à cris dès lors que l’excentrique albanaise procédait au traditionnel remué de chevelure, et donnant du « MAKALON » en veux tu en voilà sur invitation de Sainte Ronela. Nul doute que la Reine enflammera le PalaAlpitour comme jamais en ouverture de la semaine, et que le télévote suivra. Du moins je l’espère, car je condamnerai le cas échéant tout responsable d’un éventuel échec de mon eurodiva à un embastillement perpétuel dans les géodes de Dustin The Turkey.

Note : 7/10

Alvan & Ahez – Fulenn (France)

ENFIN ! Il a fallu attendre le passage de 27 participant·es (et pléthore d’invité·es) pour enfin entendre nos représentant·es français·es. Et force est de constater que si ces dernier·es viennent d’intégrer le top 10 des bookmakers, ce n’est décidément pas pour rien. Oubliez le malheureux épisode israélien, oubliez les très belles prestations de Londres et d’Amsterdam : c’est ici, à Madrid, que notre groupe breton a assuré sa meilleure performance de l’ensemble des pré-parties. Qu’iels nous refassent cela à Turin et la France pourrait clairement avoir une carte à jouer avec sa proposition singulière et très atypique, entre le traditionnel des cultures régionales de notre pays et la modernité de leur relecture. Alexis, Marine et les deux Sterenn étaient dans une forme olympique (je vais la refaire parce que c’est gratuit : plus olympique que l’équipe de France à Tokyo) et sont parvenus sans difficulté à embarquer le public avec une prestation très énergique et au plaisir extrêmement communicatif, où l’ensemble du groupe s’est montré très à l’aise. Alors qu’elles donnaient parfois l’impression de s’effacer ou d’être (inconsciemment) effacées par l’énergie débordante d’Alvan, les filles d’Ahez se sont complètement libérées et ont elles aussi donné du mouvement, tandis que notre homme, inversement, s’est un peu posé, histoire de rééquilibrer le rapport de forces. C’est en tout cas une prestation marquante, digne de celle, enflammée, de la finale d’Eurovision France, que nous ont livré nos représentant·es envers lesquel·les les attentes sont croissantes. Le public qui scandait la la la la lo ne s’y est d’ailleurs pas trompé, réservant un très bel accueil à Alvan & Ahez, qui pourraient bien marquer les esprits à Turin.

Note : 9/10

Cornelia Jakobs – Hold Me Closer (Suède)

Au tour de la favorite suédoise d’effectuer son grand retour en pré partie après une semaine d’absence pour cause covid. Soyons honnêtes : c’est d’ailleurs pour cette probable raison que Cornelia n’a pas livré sa meilleure prestation, la voix manquant de muscle et de tonus, particulièrement sur le notes le plus haute, très cassées. Inutile toutefois d’en tenir la moindre rigueur à la représentante suédoise, dont on connaît les excellentes qualités scénique, et qui illuminera évidemment Turin de son talent tout comme, malgré les difficultés, elle a illuminé la scène madrilène de par son interprétation écorchée et son incroyable connexion avec le public, qui a repris en choeur son magnifique Hold Me Closer. Oui, la Suède est bel et bien prête à accrocher une septième étoile à son maillot eurovisionesque si nécessaire.

Note : 7/10

Kalush Orchestra – Stefania (Ukraine)

Last But Not Least des participant·es à être monté·es sur scène ce samedi soir, nos courageux représentants ukrainiens, aux proies avec un pays miné par la guerre et qui, rappelons-le, a été exceptionnellement autorisé par le gouvernement ukrainien à quitter le pays pour défendre sa candidature à l’Eurovision (là où les hommes âgés de 18 à 60 ans sont tenus de rester dans le pays en raison du conflit). Évidemment, chacune de leur prestation de leur singulier titre rap-hip hop fait encore plus sens que la précédente, habitée certes du message initial de la chanson, mais également du poids de ce qu’il se passe là-bas. Kalush Orchestra assure ses lives, et Madrid ne fait que confirmer cela : ce sont trois minutes très fortes qu’ils défendront assurément à Turin. De là à accrocher la gagne annoncée par les bookmakers ? Ukraine ou pas Ukraine, et pour de strictes raisons musicale, j’en doute à titre personnel. Mais un très beau classement ouvre ses portes au pays.

Note : 8/10

L’absence de Chanel

Vous l’aurez donc constaté : pas de Chanel à l’horizon de sa pré partie à domicile. Étrange, vous dites ? L’une des désormais grandes favorites au titre a fait une apparition surprise lors de la Welcome Pre Party du vendredi, et point barre. La raison à cela ? Un héritage du tonitruant drama du Benidorm Fest où, rappelons-le, Chanel s’est imposée à la surprise générale grâce au vote du jury, là où Tanxugueiras avait réalisé plus de 70% des votes au télévote. Or, le groupe galicien était présent à la pré partie madrilène – dont il fut l’une des stars – et s’est récemment épanché dans la presse, pleurant sur le sort de sa victoire volée et gratifiant SloMo de commentaires peu élogieux. De quoi refroidir la représentante espagnole, qui a donc préféré avoir piscine ce samedi soir. Sans parler de l’accueil que les eurofans espagnols et la presse ont réservé à Chanel suite à sa victoire à Benidorm. L’Espagne aura décidément toujours un sens du drama inégalable en matière d’Eurovision …

Les guests

Outre sa dose de drama, le Benidorm Fest aura eu le mérite de révéler des artistes aux yeux et aux oreilles des public espagnol et européen. Quoi de plus logique que d’en inviter certain·es à monter sur la scène de la Pre Party ES ? Ce sont ainsi Varry Brava qui ont inauguré la soirée avec Hortera et une reprise de leur titre de la élection espagnole, Raffaella, hommage rétro pop à la chanteuse italienne récemment disparue.

Au tour ensuite de Rayden – dont la performance à Benidorm avait marqué les esprits, le plaçant même parmi les outsiders à la victoire – de nous chanter sa Calle de la lloreria, avant de nous proposer un duo avec Tanxugueiras.

Au tour des vénérées des eurofans (y compris espagnol·es) de monter sur la scène de la PreParty ES pour interpréter au public Figa et – surtout – Terra, le titre avec lequel elles étaient donc censée remporter le Benidorm Fest (si tout s’était passé comme prévu). Heureusement toutefois qu’avec le recul, le jury leur a préféré Chanel, puisqu’Alvan & Ahez ayant débarqué entretemps avec leur titre en breton …

Présentatrice de la soirée de bienvenue du vendredi, la pétillante Krista Siegfrids (légendaire représentante finlandaise au concours 2013) s’est elle aussi présentée au public avec quelques titres en stock, parmi lesquels une reprise de Like A Virgin de Madonna et, évidemment, son Marry Me de 2013 (qui lui avait alors valu une décevante, incompréhensible et scandaleuse 24ème place en finale à Malmö).

Mais les véritables stars de la soirée se trouvent du côté de l’Espagne, en la personne de deux invitées d’honneur. La première, par ailleurs présentatrice de la soirée, n’est autre que la dernière espagnole à avoir réalisé un top 10 à l’Eurovision. C’était en 2014 et elle chantait alors Dancing In The Rain (après avoir gagné de haute lutte la finale nationale au tie break après un ex aequo avec Brequete) : Ruth Lorenzo (qui nous a également offert un duo avec Rayden).

Mais c’est l’invitée d’honneur de la soirée qui nous a offert la plus belle séquence émotion. Représentante espagnole à l’Eurovision 1995 (dont elle a terminé à la deuxième place – soit le meilleur classement du pays à ce jour depuis sa dernière victoire en 1969), c’est sous l’ovation du public et émue aux larmes qu’Anabel Conde a été accueillie sur la scène de la Sala Riviera. Elle y a interprété tout d’abord Sin miedos, titre avec lequel elle a tenté de représenter l’Espagne au concours 2010 et terminé huitième de la finale nationale (cela se comprend), avant de se voir offrir une vidéo hommage sur son parcours (où l’on redécouvre qu’elle a tenté de représenter son pays en 2000 et a été choriste de Marian Van de Wal pour l’Andorre 2005) et de reprendre son Vuelve conmigo de 2015.

L’instant Jamala

Comme c’est le cas depuis le début de la guerre en Ukraine dans la plupart des évènements estampillés Eurovision, Jamala a fait un arrêt madrilène pour chanter et diffuser son message de paix et de remerciement à l’attention de l’Europe. Une nouvelle fois, la vainqueure de l’Eurovision 2016 a livré deux prestations puissantes sur Like a hero et – surtout – 1944, dont le texte prend plus que jamais une nouvelle résonance aujourd’hui. L’occasion pour Ruth Lorenzo d’annoncer que la télévision publique ukrainienne a lancé un appel aux dons pour participer à la reconstruction de l’Ukraine. Pour, surtout, une séquence forte en clôture de ce pré concert madrilène, ultime de la saison 2022.

C’est donc sur ses entrefaites que s’achève ce compte-rendu de la dernière pré partie en présentiel de la saison, à J-26 de la finale de l’Eurovision 2022. Si la plupart des artistes ont confirmé leur potentiel, voire même l’ont amplifié, d’autres ont réalisé de jolies premières (et dernières) sorties en pré-concert tandis que, pour d’autres, de belles performances n’ont pas suffi à rassurer sur le potentiel turinois de leurs propositions, alors qu’une infime minorité suscite carrément l’inquiétude. Mention spéciale à la France, qui a livré sa meilleure prestation de l’ensemble des pré parties, et qui récolte peu à peu le fruit de son travail, que l’on espère voir étinceler en mai prochain.

Et vous, quelles sont les prestations qui vous ont le plus marqué ?

© eurovision-spain.com