image-presse-internetAprès la défaite de la France samedi dernier à Vienne, la presse s’interroge : doit-on continuer à participer à l’Eurovision ?

« La France se demande si elle doit encore participer », titre 20minutes.fr. « La France doit-elle quitter l’Eurovision ? » se demande le journal Le Point.

Lundi matin sur Europe 1, Jean-Marc Morandini organisait un grand débat sur le sujet. Cette question récurrente (on en parle tous les ans depuis que les classements catastrophiques s’enchaînent) trouve cette fois-ci sa source dans une petite phrase qu’a prononcé Nathalie André juste après la fin du spectacle : « On nous répète qu’il y a des histoires géopolitiques, je ne sais pas s’il faut y aller l’année prochaine. »

Alors, la France doit-elle encore participer à l’Eurovision ? Rien que la question est déplacée. Car que dire des pays comme la République de Macédoine, de Saint-Marin ou encore de la République Tchèque ? Des pays bien moins lotis que la France puisqu’ils ne font la plupart du temps qu’une apparition discrète dans les demi-finales, ne parvenant jamais ou rarement à affronter la France le grand soir. Pour ces pays, la question est tout autre : elle n’est pas « doit-on encore participer à l’Eurovision ? », mais « PEUT-on encore y participer ?».

Car pour eux, le problème est tout autre. Fiers d’être présents dans ce concours international quel que soit leur classement, ils ne parviennent pas toujours à réunir l’argent nécessaire pour le faire. A la fin de l’année, lorsqu’ils doivent établir leur budget pour l’année à venir, c’est souvent un véritable casse-tête pour trouver le moyen financier de participer au Concours. La Bosnie-Herzégovine, par exemple, est exclue de l’Eurovision depuis 2012 parce que le diffuseur ne trouve ni argent ni sponsors pour se rendre à l’Eurovision. Pareil pour la Slovaquie, dont la sélection nationale au Concours de 2010 avait battu un tel record d’audience qu’elle avait été rediffusée en prime-time quelques jours plus tard !

La France n’a pas ce genre de problème : elle ne doit pas se battre pour une place en finale et peut financièrement se permettre d’y participer tous les ans sans éplucher minutieusement ses comptes avant. N’oublions pas que France Télévisions bénéficie d’un budget annuel d’environ 2,5 milliards d’euros pour l’ensemble des ces chaînes (info l’express.fr). Les frais de participation à l’événement sont donc une goutte d’eau dans un océan pour eux.

Alors, la question de savoir si l’on doit encore participer au Concours est tout bonnement scandaleuse, et irrévérencieuse au regard des autres pays.

Mais au fait, combien coûte exactement l’Eurovision à France Télévisions ? Le site toutelatele.com s’est penché sur le sujet. Eh bien, ils n’ont pas eu de réponse. Car la chaîne ne souhaite pas communiquer sur les coûts du Concours Eurovision.

Ce n’est pas le cas de l’Espagne (TVE) et du Royaume-Uni (BBC) qui jouent la transparence et annoncent dépenser respectivement 336.000 et 436.000 euros.

Benjamin Lopes, l’auteur de l’article, écrit : « Si l’on se réfère aux sommes déboursées par les autres membres du Big Five, le coût de l’Eurovision pour France 2 serait donc bien inférieur à un prime time ordinaire, contre par exemple 500 000 euros pour un numéro du Plus grand cabaret du monde selon Capital en 2013. »

Si l’on tient compte de l’audience réalisée par France 2 ce 23 mai, l’Eurovision, c’est donc du « tout bénéf » pour la chaîne. Partant de cela, plus aucun doute n’est possible : la France participera à l’Eurovision 2016 et du coup, la question de savoir si l’on doit continuer à participer devient purement et simplement stérile.

Et c’est Marie Myriam qui a le point de vu le plus lucide sur cette question : « Est-ce que lorsqu’au foot, on perd une Coupe du Monde, on n’y retourne pas ? C’est la même chose, ce n’est pas parce qu’on ne gagne pas, qu’on ne doit pas participer. Nous sommes l’un des pays fondateurs de ce concours qui est le plus important du monde. Je pense que l’on n’y va pas avec les bons outils. On n’a pas les bonnes chaussures et le bon ballon« .

Interrogée également sur ce qui fait une bonne chanson à l’Eurovision, elle répond ceci : « Si le pays qui envoie une chanson, l’aime déjà, il peut faire croire à l’Europe que cette chanson est bonne. Ce n’est pas le cas chez nous. » Et vous connaissez le dicton: La vérité sort de la bouche d’une ancienne gagnante.

Pour terminer, je vous invite à lire un article de Francetvinfos.fr (donc du groupe appartenant au diffuseur français) intitulé « Pourquoi la France est mauvaise perdante« . Mathieu Dehlinger décortique, graphiques à l’appui, les points distribués dans ce cru 2015, afin de nous démontrer que les votes géopolitiques, certes encore présents, ont moins pesé dans la balance. Selon l’auteur, les pays en compétition n’ont simplement pas aimé notre chanson. Et pour nous convaincre de cet échec, il nous parle des votes de l’Australie, pays du bout du monde qui a positionné lui aussi la France dans les bas-fonds de son classement : « S’ils avaient été les seuls à voter, le classement aurait été quasiment inchangé. Måns Zelmerlöw aurait quand même gagné le concours pour la Suède, devant la Russie et l’Italie. De quoi relativiser les conséquences du vote géopolitique. »

Mise à jour : et c’est donc sans surprise que l’on apprend par un communiqué de France Télévisions la participation de la France au Concours 2016 (info public.fr, merci Quentin !). La fameuse question stérile a bien vite trouver sa réponse.