PRÉAMBULE

Avant toutes choses, vous lirez ce compte rendu avec précaution : son contenu est susceptible de vous heurter dans vos convictions eurovisionesques. Il reflète nos sentiments et notre état d’esprit durant toute la soirée. Vous le constaterez : nos opinions ont divergé de la majorité d’entre vous et du monde pris dans son ensemble. Ne montez pas sur vos grands chevaux : il s’agit là d’opinions personnelles, subjectives et partiales. Il ne s’agit pas de faits, de constatations scientifiques, ni de jugements péremptoires. Nous ne prétendons pas détenir LA vérité, seulement notre vérité à nous. Et si, à un moment donné, vous vous dites : « Ce type n’a rien compris ! », vous aurez raison. Je n’ai effectivement rien compris.

Bref, voici le compte rendu de cette grande finale du soixante-deuxième Concours Eurovision de la chanson. Vous revivrez à nos côtés ces 225 minutes déjà mythiques. À nouveau, vous découvrirez les réactions spontanées des uns et des autres. Mais avant tout, posons le décor en photo !

Nous revoici réunis, chez nous, à Laeken, commune du nord de Bruxelles. Notre groupe se composait de huit personnes : deux femmes, six hommes, tous trentenaires. Six Belges francophones, un Belge germanophone (re-re-coucou, chéri !) et un Grec. Quatre fonctionnaires, trois enseignants et un employé. Trois fans, quatre lambda bien éclairés.

Te Deum et c’est re-re-parti !

OUVERTURE

Grosse ambiance dans le salon. Apothéose d’une semaine de réjouissances et de fêtes. Moi, en mode résigné : victoire quasi assurée du Portugal. Pas envie, pas du tout envie. Salon dans le déni : impossible. Défilé des Nations. Excellente ouverture. Production s’élève d’un chouïa, n’égalera jamais l’an dernier.

Entrée en scène des présentateurs. Égaux à eux-même. Timur mâche ses mots. Oleksandr et Volodymyr raides et plastiques. Humour retombant à plat. Ne rentreront pas dans l’Histoire du Concours. Auraient pu être pire, ceci dit. Pantalon de Timur attire attention : entrejambe très basse. Rendu visuel moche. Vestes paillettées d’Oleksandr et Volodymyr les font ressembler aux Ken des années 80. Courte introduction, c’est encore mieux ainsi.

ISRAËL

Imri en-dessous de sa prestation de jeudi. Vocalement très moyen. Notes aiguës et souffles en carafe. Salon surpris et déçu. Car Imri plaît et pas que physiquement. Moues désapprobatrices. Bon numéro d’ouverture. Belles aisselles. Bonne énergie, mais salon refroidi. Imri fait l’amour à la caméra. Discussion sur les hommes qui aiment trop leur apparence. Israël obtient un score moyen.

POLOGNE

Décolleté de Kasia fascine. Sa poitrine se fera-t-elle la malle durant ses trois minutes ? Suspense. Place de la mort, mais excellente prestation vocale. Kasia survole sa chanson. Salon appréciatif. Très bien, beau visuel, mais morceau assez indifférent. Moi, plutôt sensible. Salon, plutôt tiède. Score moyen pour la Pologne.

BIÉLORUSSIE

Moi, soupirs et yeux au ciel. Ces deux-là m’auront décidément ennuyé toute l’année. Salon, partagé entre indifférence et rires moqueurs. Les ventilateurs de l’hovercraft sont en rade. Trois longues minutes. Salon pas sensible pour un sou, même à l’ambiance festive. Score médiocre. Bisou goulu final surprend et attendrit. Ils s’aiment, c’est beau, c’est l’Eurovision.

AUTRICHE

Nathan toujours aussi sympathique et souriant. Chanteur bien reçu par le salon. Bonne prestation, bonne communication. Salon aime le décor et le visuel. Mais pas plus renversé que ça par la chanson. Léger, pas à couper le souffle. Score moyen. Soirée décolle lentement.

ARMÉNIE

Justement, premier moment marquant pour salon. Silence. Prestation d’Artsvik retient toute l’attention. Trois excellentes minutes musicales et visuelles. Salon aime beaucoup, moi aussi. Arménie obtient premiers applaudissements de la soirée. Mélange pop et Orient marche à merveille. Bon score. Moi, apprécie audace visuelle, quasi la seule de la soirée. Arménie sur les rangs pour une victoire prochaine. Bémol général : danseuses tirent la gueule.

PAYS-BAS

Salon d’accord : apparence évoquant les Destiny’s Child et groupes similaires du début des années 2000. Quant à chanson, évoque les slows chorals des années 90. Ensemble reçu avec indifférence. Prestation vocale louée, mais morceau et scénographie passés. Score médiocre. Carton rouge général pour la combi d’Amy. Discussion dérivant sur l’opportunité de se teindre cheveux dans trois couleurs différentes quant on est soeurs.

MOLDAVIE

Ma première surprise. Moi, aime bien, mais jamais noté très haut. Salon, très enthousiaste, aime beaucoup. Trouve cela joyeux, dansant, bien tourné, drôle et marquant. Certains fredonnent déjà. Bonne humeur contagieuse. Bon score pour la Moldavie. Moi, encore sceptique. Mais dois le reconnaître : visuel très réussi et ensemble terriblement Eurovision.

HONGRIE

Nouvelle divergence. Moi, agacé par Joci et sa chanson. Aime pas. Ni la cruche, ni le rap, ni le nouveau costume de scène. Folklore et origines me rebutent. Mais très bien reçu par le salon. Aime mélodies traditionnelles et ensemble contrasté. Même le rap passe comme une lettre à la poste. Feu et violons. Moi, renfrogné. Salon, bon score pour la Hongrie.

ITALIE

Crève-coeur. En ai presque pleuré. Aurais tellement voulu que Francesco gagne. Mais visible que ce sera dans univers parallèle. Prestation excellente, pas éblouissante. Moins d’émotions qu’à Sanremo. Impossible d’expliquer pourquoi. Francesco toutes les cartes en main, manque un je-ne-sais-quoi. Salon reçoit très favorablement la prestation. Aime beaucoup la chanson et Francesco. Le gorille passe plutôt mal. Même moi dois l’admettre : pas terrible à l’écran. Terrible, au fond du trou. Très bon score pour l’Italie et applaudissements. Mais en moi-même, sais que foutu, grillé, mort. Vivement l’année prochaine…

DANEMARK

Autre pour qui c’est foutu, grillé, mort. Anja prise en sandwich entre les deux favoris. Déjà rétamée avant d’avoir ouvert la bouche. Non pas que dommage, personnellement. Poitrine refait son apparition en gros plan. Rires et sarcasmes dans le salon. Reste accueilli froidement. Mauvais score pour le Danemark. Chanson jugée plate et ennuyeuse. Pas de quoi se qualifier.

PORTUGAL

Moi, en mode monomaniaque, me balançant d’avant en arrière sur ma chaise et psalmodiant, le regard dans le vague : « Il va gagner, il va gagner, vous allez voir qu’il va gagner, il a gagné, il a déjà gagné. » Refus du salon d’y croire. Chanson et chanteur mal reçus. Salvador suscite incompréhension et ennui. APD jugée ringarde et pelante. Aucun commentaire positif. Premières réactions outrées à mes divagations. Comment est-ce possible ? Suite de propos et d’adjectifs peu flatteurs sur le morceau. Salvador agace. Baillements et pauses toilettes. Score médiocre pour le Portugal. Salon s’interroge : le fait-il exprès ? Est-ce lui ou un personnage qu’il s’est créé ? La chanson s’adresse-t-elle à son coiffeur ? Moi, tente désespérement de ressentir quelque chose. Repense à tous vos commentaires et explications. Mais, rien de rien du tout. Ai été encore plus excité par Anja. Misère. Nostalgie de 2013 et 2016. Ne ressens toujours rien. Suis-je un monstre ? Pourquoi ne ressens rien ? Tout le monde a l’air de ressentir quelque chose. Pourquoi pas moi ? Voudrais tellement être comme tout le monde. Peine perdue. Dur quand même quand aucun ressenti pour favori.

AZERBAÏDJAN

Tente de tourner la page. Heureusement, Dihaj, échelle, cheval et prestation avant-gardiste. Très bien, me console. Très bien reçue aussi par salon. Cheval suscite quelques rires. Plissements d’yeux pour déchiffrer les graffitis. Bon score pour l’Azerbaïdjan. Réécouterai cette chanson pour les siècles et les siècles. Amen.

CROATIE

Fatalement : LE fou rire de la soirée. Salon plié en deux durant trois minutes. Moi, atterré. Comment ce truc a-t-il pu se qualifier ? Mauvais, ridicule, idiot. Jacky Garland. Salon se marre et condamne. Score exécrable pour la Croatie. File droit vers la dernière place de notre classement. Dur d’être fan et de devoir se farcir ce genre de propositions.

AUSTRALIE

Salon attend Isaiah de pied ferme. Prestation de mardi avait fait rire, à cause des notes manquées. Isaiah risque moins. Reste dans zone de sécurité vocale. Peut-être mieux. Ou pas. Ensemble moins prenant, du coup. Moins risible, mais moins prenant. Accueil plus favorable du salon. Moi, plus indifférent. Bon score pour l’Australie. Nostalgie de Dami.

GRÈCE

Décryptage freudien de la mise en scène. Grèce bien reçue par salon. Bonne chanson, bonne prestation. Danseurs distraient l’attention. Physiques avantageux. Déesse grecque. Bon score pour la Grèce. Fan grec aux anges : Aphrodite. Semble très émue.

ESPAGNE

Manel mal reçu par salon. Chanson jugée mauvaise et prestation tout autant. Cris et fous rires à la fausse note magistrale. Moi, envie de pleurer. Non seulement il me pourrit mon année avec sa sous-merde musicale en conserve, mais en plus, il se vautre en direct, au moment crucial. Eurovision touche le fond. Espère qu’Espagne aussi, en punition. Score excécrable du salon. Entre en concurrence avec Jacky Garland pour la dernière place. La mériterait mille fois. Prière pour que RTVE retienne la leçon et fasse amende honorable.

NORVÈGE

Heureusement, Norvège. Moi, j’adore. Fan grec, déteste absolument. Reste du salon accueille favorablement. Aime la présentation visuelle et le côté contemporain. Forcément, quelqu’un dit « Daft Punk ». Comparaison flatteuse. Score mitigé pour la Norvège. Moi, espoir que tout le monde s’en inspire. Peu probable si Portugal gagne.

Retour de Mans suscite délire dans salon. Si beau, si talentueux. Reviens, Mans ! Seule personne véritablement drôle de la soirée. Salon rit de bon coeur. Même moi, au fond de mon trou, laisse échapper un sourire.

ROYAUME-UNI

Salon trouve Lucie très années 90. Chiffon doré et cheveux crantés ne recueillent pas l’assentiment. Belle présentation visuelle, mais chanson reçue avec indifférence. Renvoie à nouveau aux années 90. Gestuelle maniérée. Score moyen pour le Royaume-Uni. Moi, du mal à croire qu’elle atteindra la dixième place. Salon, pas convaincu non plus. Trois minutes longues pour salon, surtout vers la fin.

CHYPRE

Retour de la divergence. Moi, moyennement convaincu. Bien, un peu tarte à la crème. Thomas G:son, quoi. Mais salon très enthousiaste. Aime beaucoup. Hovig conquiert tout le monde. Compliments pleuvent sur chanson, présentation, prestation. Moi, sceptique. Salon attribue score très élevé à Chypre. Comprends encore rien. Mystères répétés de l’Eurovision. Doute qu’Hovig marquera le vote réel. Mais salon y croit et applaudit à tout rompre. Plus important à l’Eurovision : avoir un favori, aimer une chanson. Plus terrible : ne rien aimer, ne s’enflammer pour rien et passer soirée dans l’indifférence.

ROUMANIE

Retour des clous de mon cercueil. Moi, les range déjà dans mes chansons les plus détestées. Mauvais accueil du salon. Trouve chanson ridicule et principe idiot. Discussion dérivant sur le yodel et ses origines. Mise en scène convaint plus. Ensemble finalement jugé drôle. Moi, trouve tout affreux et à brûler. Espère secrètement qu’Alex se plantera sur son canon. Espoir déçu. Score médiocre pour la Roumanie. M’apprête mentalement à ce qu’ils s’envolent jusqu’au podium.

ALLEMAGNE

Mot en cinq lettres désignant une impression de vide, causée par une occupation monotone ou dépourvue d’intérêt. Trouvé ? Eh oui : E-N-N-U-I. Impression laissée au salon. Moi aussi, m’ennuie et peste intérieurement contre les sélections idiotes et sans queue ni tête de la télévision allemande. Au final : trois minutes d’ennui. Score très médiocre pour l’Allemagne. Levina se donne, mais chanson aussi plate qu’une crèpe. Sent le fond de classement à plein nez.

UKRAINE

Ne sera pas seule, Levina. O.Torvald mal reçu par le salon. Vieux rock pourri, avec tête de Terminator en prime. Rien ne convainc, personne n’aime. Manque toujours de temps dans vraie vie. Pas avec O.Torvald. Temps passe trop lentement. Volonté d’arriver au bout de ces trois minutes. Score fort médiocre pour l’Ukraine. Impatience d’arriver enfin à…

BELGIQUE

… Blanche ! Enfin ! Salon se redresse. Applaudissements, cris d’encouragement et d’impatience. Allez, la Belgique ! Salon chauvin. Silence. Scrute attentivement l’écran. Retient son souffle. Excellente prestation, probablement sa meilleure. Salon aux anges. Moi, en larmes. Tellement bien. Si seulement elle pouvait gagner. Effacerait bien des peines et des chagrins. Biais fatal : score exceptionnel pour la Belgique. Salon termine debout, longue ovation. On est les meilleurs, quand même. Aussi important à l’Eurovision : être fier de son pays, de sa chanson, de son représentant. Belgique tête haute, quel que soit le résultat.

SUÈDE

Robin remet salon dans sa poche, en un regard. Impossible de résister. Tout le monde conquis. Fans chantent en choeur. Très efficace. Score excellent pour la Suède. Salon silencieux. Applaudissements nourris. Suède décidément trop forte. Si seulement Espagne, Allemagne et Albanie…

BULGARIE

Le prodige de cette année ! Moi, très enthousiaste. Salon, aussi. Kristian fort apprécié, fort complimenté. Sa chanson fait merveilles. Touche tout le monde. Prestation et présentation très bien reçues. Salon subjugué par voix, prestance, charisme, aisance, alors que si jeune, si frêle. Score exceptionnel pour la Bulgarie. Encore meilleure que l’an dernier, c’est dire. Me prend soudain d’espoir : et s’il l’emportait, tout de même ? Me ferait quand même plaisir. Salon appuie : c’est lui qui doit gagner. Prêche à nouveau la résignation sur un ton lugubre : « Portugal, Portugal, n’attendez rien d’autre que le Portugal ». Salon, toujours dans déni.

FRANCE

Alma, très belle. Moi, impatient et très heureux d’enfin la voir. Très beau visuel. Moi, aime beaucoup. Salon, plus réservé. Bien, mais pas délirant. Bonne chanson, mais manque d’un effet renversant. Demande pourquoi pas conservé robe du début. Plus sexy, plus audacieux. Moi, pris par les trois minutes. Bon score pour la France. Me résigne à être décidément déçu, ce soir. Mais larmes aux yeux : déjà fini ! Déjà entendu les vingt-six chansons ! Trop rapide !

ENTRACTE

De retour. Fatalement. Salon moyennement intéressé. Constate qu’elle n’a pas changé. Restée bloquée en 2004. Sarcasmes sur la cote de mailles. Chanson ringarde, resucée de Wild Dances. Ruslana décidément incapable de se renouveler. Salon se lève pour prendre l’air sur balcon.

Suite pas plus convaincante. Nostalgie terrible de Love Love Peace Peace. Remplissage musical dans l’attente des résultats. Onuka ennuie encore plus Levina. Salon passe un tête, retourne sur le balcon. Moi, me ronge les sangs.

Apparition de Mariam Mamadashvili. Salon se souvient et entonne Mzeeooo. Très bien cette petite. Parle mieux anglais que les trois autres réunis. Aurait dû présenter la soirée à leur place. Aurait été drôle, elle, au moins.

Salon, toujours aucun amour pour Jamala. Nouvelle chanson aussi peu enthousiasmante que possible. Seul soulagement : après ça, débarrassés d’elle pour un bon bout de temps. Soudain, se fait voler la vedette par inconnu, apparemment fan australien. Montre ses fesses. Salon en rit. Trois minutes sauvées. Inconnu expulsé de manière musclée. Jamala demeure impassible. Chapeau quand même.

VOTE

Moment crucial arrivé. Salon, dans le déni. Moi, dépité. Dur de voir gagner une chanson pour laquelle on n’éprouve rien. Ou alors de l’embarras et de l’agacement… Deux années de suite, en plus… Retour en mode « Il va gagner, il va gagner, il va gagner, il a déjà gagné. »

Ne rate pas : jurys votent massivement pour Portugal. Wiktoria, Aminata, Salvador grimace à l’écran, salon pas content, Ofer Nachshon. Émotion. Fermeture de l’IBA. Andri, Miss Univers, Portugal s’envole, Bulgarie s’accroche, Italie et Belgique à la traîne. Élodie, Constantinos, Jüri, Iveta, Allemagne et Espagne toujours « nul point ». Luisa visiblement plus heureuse que Salvador. Atroce interlude avec Verka. Même pas drôle. Bo, Salvador continue son cinéma, Sanja, Lee, Barbara, Douwe Bob. Salvator nous montre sa semelle. Moi, heurté. Salon, outré. Nicky. Enfin douze points pour la Belgique ! Enfin trois points pour l’Allemagne. Nika complètement éclaté. John, Alyona, Katrina et Zlata. Toujours « nul point » pour l’Espagne. Moi, catastrophé. Les jurys ont snobé Alma, Blanche et Francesco. Au fond du trou.

Portugal impossible à battre. Salon encore incrédule. Dernier mot de Jon Ola. Va enfin pouvoir passer une bonne nuit. Vote des téléspectateurs. Chocs en prévision. De fait. 0 point pour l’Autriche ! Désolation ! 2 pour l’Australie ! Machoire m’en tombe. 5 pour l’Espagne. Finira tout de même dernier. 5 pour Israël ! Monde à l’envers ! 12 pour le Royaume-Uni. Véritable jeu de massacre. 15 pour les Pays-Bas. Quasi inverse du vote des jurys. Arménie, Grèce, Norvège, Chypre, Azerbaïdjan passent à la trappe. Terrible. Lueur d’espoir : France, Belgique, Bulgarie et Italie parmi les dix premiers. Horreur : Croatie et Roumanie aussi ! Alma dixième, à pleurer. Croatie neuvième, à pleurer aussi. Italie sixième, dévasté. Belgique quatrième, fier. Moldavie troisième, incroyable ! Et coup final : victoire écrasante, totale, absolue du Portugal. Salon prostré. Moi, en morceaux.

REPRISE

Salvador reçoit Micro de Cristal des mains de Jamala. Revient sur la scène. Petit discours sur la « musique fast-food ». Très mal reçu par salon. Moi, hoquet d’incrédulité. Au bout de ma vie. M’interroge : est-ce vraiment Eurovision ? Aurait au moins pu remercier ceux qui ont voté pour lui. Musique actuelle sans aucun contenu ? Sauf la sienne, bien entendu. Soit ce mec vit dans un univers parallèle, soit il possède l’ego le plus surdimensionné de la planète. Grosse envie de lui mettre une claque. Impression soutenue qu’il crache dans la soupe et qu’on vient d’attribuer la victoire au seul participant qui n’en avait rien à foutre. Sur ce, Salvador va ramener la musique dans notre siècle. Ben tiens… Tous les autres auteurs-compositeurs participant cette année doivent être ravis… Juste pour rappel : Tamara, Lindita, Blanche, Norma John, Kasia, Sunstroke Project, Svala, Omar, Triana Park, Nathan, Joci, Anja, Jacques, JOWST, Navi, Fusedmarc, Francesco, Manel et O.Torvald ont aussi concouru avec des chansons entièrement ou partiellement créées par eux. Autant pour ces artistes de talent…

Salvador appelle sa soeur pour la reprise. Finalement, c’est elle qui aurait dû porter cette chanson. Bien plus sympathique. Reprise accueillie par silence glacial. Puis, se met à faire le pitre avec le Micro. Larmes amères, détourne le regard, veux pas voir ça. Te Deum et silence prolongé. Fin de soirée gâchée. Vivement l’an prochain…

CONCLUSION

La première conclusion est mathématique. Voici notre classement personnel :

  1. Belgique – 17,63
  2. Bulgarie – 17,25
  3. Chypre – 16,56
  4. Italie – 16,31
  5. Suède – 16,31
  6. Arménie – 15,94
  7. Azerbaïdjan – 15,31
  8. Moldavie – 14,94
  9. France – 14,88
  10. Australie – 14,81
  11. Hongrie – 14,69
  12. Grèce – 14,13
  13. Pologne – 13,94
  14. Autriche – 13,56
  15. Royaume-Uni – 13,56
  16. Pays-Bas – 13,25
  17. Israël – 12,81
  18. Norvège – 12,56
  19. Roumanie – 12,25
  20. Portugal – 12,19
  21. Biélorussie – 11,88
  22. Danemark – 11,06
  23. Allemagne – 10,31
  24. Ukraine – 8,81
  25. Croatie – 8,38
  26. Espagne – 7,13

Si l’on ôte le fatal biais chauvin, notre favori pour la victoire était Kristian. Pour le reste, nous sommes allés à contre-courant, dirons-nous. Notez que nous avons tout de même bien pronostiqué la dernière place. Mais c’était là une évidence…

Quatre jours plus tard, l’émotion et le drame étant retombés, quelles autres conclusions tirer ? Certes, le vainqueur n’a trouvé aucun soutien dans notre groupe et sa chanson nous a rebuté. Vous constatez que nous étions plutôt en demande de la parfaite chanson pop. D’où notre classement. Soyez rassurés : notre amour pour l’Eurovision est resté intact et notre amitié est sortie renforcée de cette folle semaine. Nous avions survécu à la victoire de 1944, nous survivrons à celle d’Amor pelos dois. Encore une fois, remporter l’Eurovision ne signifie pas « plaire à tous », mais « plaire au plus grand nombre ».

Si nous restons positifs, qu’en pensons-nous ? Primo, qu’il s’agit d’une grande victoire, une victoire unanime, incontestée et incontestable. Jurés, téléspectateurs, Europe et monde sont tombés d’accord. C’est le plus important pour le Concours : que le vainqueur rassemble et fasse l’union autour de lui. Salvador a conquis les coeurs. Tant mieux pour lui. L’Eurovision a fourni à la culture populaire trois minutes qui y resteront gravées pour longtemps. Capital, de notre point de vue.

Secundo, qu’à l’Eurovision, rien n’est jamais perdu. Vous pouvez littéralement vous vautrer durant des siècles, vous faire réléguer, éliminer, humilier, enchaîner les incompréhensions, les dernières places et les occasions manquées, être l’objet des plaisanteries, des rires, du mépris et des sarcasmes, vous pouvez malgré tout l’emporter. La victoire du Portugal prouve qu’en matière d’Eurovision, il faut participer, encore et encore, car la victoire est toujours au bout du chemin. La Finlande l’avait montré, l’Allemagne et l’Autriche, également. Ne renoncez jamais, jamais, jamais. Cela vous prendra des décennies, mais vous gagnerez, car chaque année, les cartes sont rebattues et les statistiques remises à plat. Oui, l’an prochain, l’Espagne peut gagner, tout comme la France, la Suisse ou la Belgique. Même Saint-Marin ou la République Tchèque le pourraient. Nihil obstat.

Tertio, qu’il s’agit de la victoire de l’émotion. L’émotion qu’ont suscité Salvador et sa chanson. L’émotion qu’ont suscité tous les autres participants. L’émotion qu’a suscité le Concours. C’est cela que ne comprendront jamais les contempteurs de l’Eurovision : il s’agit d’un concours d’émotions. Et nous sommes les fans les plus chanceux du monde : grâce à lui, nous ressentons toute la palette des émotions. Bref, nous vivons ! Vous avez été émus, touchés, bouleversés par Salvador ? Vous avez été comblés, ravis, aux anges de sa victoire ? Vous êtes les personnes les plus chanceuses de cette Terre, votre coeur a battu, vous avez vécu. Vous êtes comme nous ? Cette victoire vous a dépités, consternés, fait pleurer ? Vous êtes tout aussi chanceux. Vous avez ressenti des émotions, certes négatives, mais des émotions tout de même. Le pire aurait été de ne rien ressentir…

C’est sur ces bonne paroles que nous nous quittons… provisoirement, rassurez-vous ! S’ouvrent devant nous les vacances et la période de latence. Restez en ligne, nous continuerons à vous informer des dernières nouvelles. Vous retrouverez nos rubriques estivales et nos chroniqueurs habituels. Quant à moi, je vous embrasse et vous remercie mille fois pour votre fidélité, vos commentaires et votre amitié si précieuse ! Vous avez rendu mon Eurovision plus beau ! À très bientôt !