Dans un article paru le 7 mai à 18h55 sur le site web du journal Le Monde, le chef de la délégation française nous donne ses objectifs à court et à long terme, voici l’article en question:

                                        LE MONDE

Si la France a longtemps joué les fantômes à l’Eurovision, elle ne prend désormais plus le sujet à la légère. Et cela paie. Le duo Madame Monsieur et leur chanson Mercy, figurent parmi les favoris de l’édition 2018, organisée à Lisbonne cette semaine. De quoi réjouir Edoardo Grassi, le « Monsieur Eurovision » français. A 31 ans, ce polyglotte passionné par la musique vit son troisième concours en tant que chef de délégation. Une fonction méconnue, pour un rôle central : c’est le chef d’orchestre de la stratégie française. Depuis la capitale portugaise, il revient sur les efforts mis en œuvre pour tenter de décrocher la première place samedi 12 mai.

A quoi sert un chef de délégation ?

Travailler nos relations internationales fut l’une de mes premières tâches à mon arrivée en 2015. Jusqu’ici, notre pays donnait l’impression d’être à l’Eurovision… sans y être. J’ai entamé une tournée en Europe pour rencontrer les chefs de délégation des autres pays, les organisateurs, les producteurs, etc. Du lobbying. J’ai dit à tout le monde : “France is back”. Etre entendu, aidé par les organisateurs, c’est fondamental. Quand vous avez un problème de caméra sur place, mieux vaut par exemple avoir de bonnes relations avec les producteurs ! Et s’ils nous prennent au sérieux, impossible d’imaginer qu’ils nous fassent de nouveau passer en première place du spectacle – une position peu favorable –, comme ce fut le cas en 2015 avec Lisa Angell. Il était également important pour moi de développer des liens solides avec les blogueurs étrangers, notamment les fameux Wiwibloggs dont les publications sont très suivies (je connais moins les blogs français, qui n’ont pas une grande visibilité en raison de leur multiplicité). Je voulais qu’on parle de la France, la voir au centre de toutes les attentions à l’Eurovision.

Mon travail comporte aussi tout un volet artistique. Je suis la mise en scène. Depuis notre arrivée à Lisbonne jeudi, nous avons déjà répété à deux reprises à l’Altice Arena. Mon rôle consiste à demander des adaptations à la réalisation afin de faire en sorte que la prestation soit parfaite samedi. Enfin, j’ai une troisième mission clé : la communication.

Le duo Madame Monsieur a été qualifié fin janvier lors de la finale de l’émission « Destination Eurovision », qu’avez-vous justement mis en œuvre pour les faire connaître depuis ?

Nous nous sommes lancés dans une tournée médiatique marathon le jour même. Puis, en février, l’Ukraine les a invités pour sa sélection nationale, ce fut leur premier déplacement à l’étranger. Ils se sont ensuite produits à Paris, au Petit Bain. Et nous avons été de tous les concerts promotionnels importants : Londres, Tel Aviv, Amsterdam, Madrid. Ils permettent d’entrer en contact avec les fans et les médias. Et de s’entraîner. De mon côté, j’ai participé à trois sélections nationales comme juré, en Finlande, Suisse et Norvège. Cela fait partie aussi du travail diplomatique. Et j’ai réussi à faire passer des extraits du clip de Mercy dans les sélections suisse, allemande et norvégienne.

Comment devient-on chef de délégation à l’Eurovision ?

J’ai surfé sur la vague des échecs français. J’avais été invité sur place en 2014 et 2015 par Cyril Féraud, qui présentait le concours. J’ai trouvé ça d’une « dinguerie » totale ! Le niveau artistique était très élevé. En revanche, l’événement était abordé par la France de façon désuète. Nous étions en décalage artistique complet par rapport aux autres pays. C’est en les regardant les autres nations que j’ai eu envie de travailler avec la délégation française. Alors, j’ai appelé Nathalie André, la directrice des divertissements de France 2 à l’époque, nous avons petit-déjeuné ensemble à l’été 2015. J’avais élaboré un dossier de 22 pages qui devait à mon sens être la bible de la délégation française. J’y expliquais que notre candidat devait représenter la jeunesse européenne, avoir un profil international, être diffusé par les radios, etc. A la fin de notre entretien, j’étais embauché comme chef de la délégation ! Elle m’a dit “débrouille-toi pour nous présenter un artiste dans deux mois” pour l’édition 2016. J’ai convaincu Amir. Grâce à lui et à sa sixième place, nous avons changé l’image de l’Eurovision en France.

La France choisira-t-elle de nouveau son candidat via un télé-crochet en 2019 ?

J’y suis favorable. Même si je ne crois pas que l’émission influe vraiment sur le résultat. Regardez le succès d’Amir, il n’avait pas été choisi par le public, et pourtant… N’empêche, je pense que passer par un télé-crochet contribue à ancrer la marque Eurovision en France. Cela permet d’afficher notre motivation et de faire parler de ce concours pendant trois mois. Pour la même raison d’ailleurs, j’aimerais que nous participions à l’Eurovision junior à l’avenir.

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Il a également répondu aux questions de Télé Loisirs. Voici donc l’article écrit par Sébastien Barké paru le 7 mai à 14h30 sur leur site web :

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                                  Télé loisirs

Evolution du Concours, chances de Madame Monsieur… Que pense Edoardo Grassi, chef de la délégation française, de l’Eurovision 2018 ?

A quelques jours de la finale du 63e Concours Eurovision, rencontre avec Edoardo Grassi, le chef de la délégation française, qui nous livre ses impressions et son pronostic pour Madame Monsieur !

Nommé chef de délégation par Nathalie André, l’ancienne directrice des divertissements de France 2, Edoardo Grassi a conduit Amir jusqu’à la de place du Concours Eurovision à Stockholm en 2016, et a permis à Alma, à Kiev en 2017, de décrocher une 12éme place. Aux côtés de Madame Monsieur à Lisbonne cette année, il fait le point sur le Concours, ses possibilités d’évolution et les chances françaises…

Télé-Loisirs : Qu’avez-vous appris pendant les deux précédentes années ?

Edoardo Grassi : A créer un métier qui n’existait presque pas avant. Les responsabilités de mes prédécesseurs n’étaient pas les mêmes. Ce que je fais aujourd’hui touche à la communication, au lobbying et à l’artistique. Il y a beaucoup de logistique. Je me concentre également sur les relations internationales. Depuis 3 ans, on arrive à développer un intérêt constant vers nous. Aujourd’hui, je veux que la France soit le plus admiré des pays du « Big 5 ». Depuis cette année, je fais partie du groupe de référence de l’Eurovision. On décide pas mal de choses sur le format du Concours, comme par exemple cette année, le fait qu’il n’y ait pas d’écrans LED. J’ai soutenu cette idée : je trouvais qu’il y avait trop de surenchère sur les mises en scène, et qu’on en oubliait les artistes…

Justement, quelles pourraient-être les évolutions du Concours après l’édition 2018 ?

La boîte à loop (qui permet aux artistes de créer des effets de voix, NDLR) qu’Israël souhaitait utiliser cette année, c’est quelque chose qu’il faudrait peut-être intégrer. Alors que le règlement impose la présence maximale de 6 personnes, il faudrait rajouter plus de monde, notamment dans ces situations où on n’a pas d’écran sur scène. Les voix sur bandes sont à revoir également (aucune voix pré-enregistrée n’est autorisée pour l’instant, NDLR). Sur la durée de 3 minutes par chanson, c’est parfait. Je serai même pour enlever six pays de la finale que je trouve personnellement très longue. Cette idée est partagée par de nombreux autres pays, mais évidemment, ça créera des problèmes.

Le fait que le public choisisse Madame Monsieur ne semblait pas être votre premier choix…

C’est pas que je n’étais pas convaincu, mais j’étais craintif. Leur chanson MERCY était une évidence. Mais j’avais peur qu’elle ne soit pas comprise, et qu’elle créé des polémiques. Aujourd’hui, je suis heureux de m’être trompé. Mon pronostic : la 1ère place.

Les scénographies françaises sont pointées du doigt par l’étranger, et jugées souvent comme étant peu abouties. Etes-vous d’accord ?

Oui. Mais très peu de pays arrivent à faire de bonnes mises en scène. Il faut qu’on s’améliore. On a quand même fait beaucoup de progrès. Cette année, je suis satisfait parce qu’on met la chanson en valeur. Emilie et Jean-Karl de Madame Monsieur sont très magnétiques. Ils ont de quoi offrir une belle prestation.

Le fait que l’ordre de passage de la finale soit décidé de manière subjective, après un premier tirage au sort, est-ce que c’est une manière pour les producteurs de piper les dés ?

On dit toujours que de passer en premier est un inconvénient, par exemple. Mais la Belgique qui avait ouvert le show en 2016 est arrivée quand même 10e. La France est passé dernière l’an passé. On a fini 12e et je trouvais ça un peu dur. Y a pas mal de théories sur tout ça… Mais c’est surtout de la superstition. Une bonne chanson aura toujours un bon classement. Les producteurs ne peuvent pas influer sur le résultat. Sinon, la Suède gagnerait l’Eurovision depuis trois ans (le suèdois Christer Björkman, vu dans Destination Eurovision en est l’un des producteurs, NDLR) !

Destination Eurovision sera-t-il renouvelé ?

Je le souhaite. Ça dépendra peut-être du résultat de samedi. Que se passera-t-il en cas de résultat moyen ? En tout cas, si ça revient, il faudra revoir pas mal de points. Le direct sera nécessaire si on refait des demi-finales. Je ne suis pas convaincu non plus du système de votes. Le notre est humiliant.

La France entend-elle participer à l’Eurovision Junior ?

Non, ce n’est pas d’actualité.

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Merci à Télé Loisirs et Le Monde pour ces 2 articles intéressants.

Edoardo Grassi y croit et a pour objectif d’installer dans le paysage médiatique français le concours et d’accroître son importance en France. Pensez-vous qu’il peut faire gagner la France cette année ou dans les prochaines années ?