Pour la 1ʳᵉ fois (et la seule fois), la Belgique accueille le concours. Un évènement qui s’est fait dans la douleur. Mais puisque nous sommes ici pour parler des lanternes rouges, il est temps de vous les présenter. Et il s’agit de…

Seyval Tanner & Grup Lokomotif

Mais soyons honnête derechef, votre humble servante n’ayant rien trouvé sur Grup Lokomotif (qui en vérité n’est là qu’en soutien), le présent article sera focalisé sur Seyval Tanner (qui a une biographie bien plus soutenue).

Seyval Tanner est née le 28 septembre 1952 à Şanlıurfa, ville du sud-est de la Turquie, dans la province de l’Anatolie, située non loin de la frontière de la Syrie. Très vite après sa naissance, sa famille déménage à Istanbul (qui n’est pas la capitale du pays). Ses parents, qui veulent faire d’elle une élève modèle, l’inscrivent dans une des meilleures écoles du pays, la American Robert College of Istanbul. De nombreuses personnalités politiques et culturelles en sont issues. Mais le rêve de Seyval est la musique et dès 1965, elle commence à chanter (de manière amateur, premièrement) avec l’orchestre Kanat Gür Orkestrası. 3 ans plus tard, le groupe espagnol Los Bravos (interprètes du célèbre Black is black devenu Noir c’est noir en français) est en tournée en Turquie. Il remarque Seyval lors d’un concert et, épaté par son talent, l’emmène sur le sol ibérique. C’est là qu’elle est engagée pour une comédie musicale et surtout qu’elle y entame sa carrière parallèle, celle d’actrice. Car des producteurs de la Paramount sont dans les parages pour le tournage d’un western. Elle se voit offrir un petit rôle dans le film Pancho Villa avec, excusez du peu, Yul Brynner, Robert Mitchum et Charles Bronson. Quelques mois après cette expérience, elle retourne dans son pays natal afin de continuer à jouer quelques rôles, délaissant la musique. Après un mariage (et un séjour) express en Allemagne avec un des musiciens de Los Bravos et la naissance de sa fille, elle rentre définitivement en Turquie et se remet à chanter.

Si au commencement des années 70, ses premiers disques sous le label 1 Numara Plakçılık ne se vendent pas très bien (contrairement à sa carrière au cinéma, très très fournie à cette époque, plus de 30 films à son actif en 1972 et 1975), son double single Son Verdim Kalbimin İşine – Elveda (J’ai mis fin à l’affaire de mon cœur – Adieu) sorti en 1976 avec la maison de production Yavuz Asöcal est enfin un succès. Dautres singles suivent et sont des hits. En 1979, elle est la vedette de la 1ʳᵉ comédie musicale télévisée turque. Les audiences sont phénoménales. Ce qui lui permet de publier son 1ᵉʳ album Lider (Chef) l’année suivante. Qui est suivi par un 2ᵉ en 1986, Leyla. Entre ses deux 33 tours, elle ouvre une école de danse, une autre de ses passions. Elle en est même enseignante. Mais un autre projet lui tient à cœur…

Et un premier succès, un !

Et l’Eurovision dans tout ça ?

En 1986, Seyval se présente à la sélection turque pour représenter son pays en Norvège. C’est une petite finale nationale avec seulement 4 chansons et où le gagnant est désigné par un jury de 16 votants (1 votant=1 vote. Bref, pas très compliqué… Pour une fois). Le titre de notre star du jour (Dünya – Monde) part favori. Et elle est en passe de l’emporter. Sauf que… À l’issue des votes, il y a une égalité entre Seyval et le groupe Klips ve Onlar. Pour les départager, on demande au président des jurés de trancher. Et c’est le quintette et leur chanson Halley qui part à Borgen (où ils finiront à une jolie 9ᵉ place, meilleur résultat du pays à l’époque).

Il y a un synthé Bontempi, on est bien dans les années 80 !

Qu’à cela ne tienne, cela ne démotive pas Seyval. Elle retente la sélection turque dès l’année suivante. La TRT (chaine publique turque) utilise le même procédé qu’en 1986. Plus de candidats puisque cette année, ils sont au nombre de 10 et parmi eux, on trouve : le groupe MFÖ (représentants nationaux en 1985 et 1988), Arzu Ece (un des membres féminins du groupe Pan en 1989 et en solo en 1995) et Kayahan (chanteur, en solo également en 1990). Dire que Seyval fait un raz de marée au niveau des votants est un euphémisme, car 14 jurés votent pour elle (et le groupe Lokomotif, il ne faut pas l’oublier), les 2 autres donnant leurs points au groupe Denk. Les 8 autres artistes finissent donc tous à la 3ᵉ place avec 0 points et sont bien contents d’avoir fait le voyage jusqu’à Ankara (non).

Le 9 mai 1987, dans la capitale belge, c’est toute pleine de confiance que Seyval monte sur la scène du Palais du Centenaire. Le hasard a voulu qu’elle passe à la 10ᵉ position entre l’Espagne (représentée par Patricia Kraus, fille du ténor Alfredo Kraus) et la Grèce et le duo masculin Bang. Ce que nous montre la Turquie pendant 3 minutes est une prestation des plus énergiques, où il n’y a aucun temps mort. De plus, Şarkım Sevgi Üstüne (Ma chanson sur l’amour) rentre très bien en tête (et je vous défie de ne pas bouger celle-ci durant l’écoute du titre). Alors comment se fait-il qu’aucuns jurys n’aient donné de points à Seyval ? Eh bien… c’est un mystère ! Et comme tous les mystères, celui-ci ne sera jamais résolu (mais j’attends vos avis en commentaires).

https://www.youtube.com/watch?v=pp5Vaj30sAw
Je suis essoufflée rien qu’en regardant la vidéo !

Et après l’Eurovision ?

Après cette déroute, Seyval décide de faire une pause. Celle-ci dure 2 ans et prend donc fin avec la sortie de son album Nanay (Mère). En 1990, elle décide de s’installer à Bodrum ville côtière de la mer Égée afin de changer d’air. 2 CD sont publiés en 1991 et 1993 : Alladı Pulladı (Il l’a pris et l’a tiré) et Geliyorum (J’arrive). Des singles issus des 2 disques sortent. Et… Arrive un très long break. Elle ne publie qu’en 2002, ce qui est considéré comme son meilleur album : Seyyalname. Une compilation de ses meilleurs tubes est éditée en 2005.

Et enfin celle qui est surnommée la Tina Turner turque (heureusement qu’on ne l’a pas comparé à une autre Turner, j’ai nommé Afida) sort l’EP Ethnic Rock. Coté cinéma, elle a fait son retour sur les grands écrans après 40 ans d’absence en 2016. Tout en n’ayant pas oublié le petit en apparaissant régulièrement à la télévision turque (surtout entre 2002 et 2014).

Comme écrit au-dessus, Seyval a été marié avec un membre de Los Bravos et a eu une fille. Elle est, en outre, une fervente défenseuse des droits LGBT. Elle est considérée par de nombreux turcs comme « la plus grande icône gay » du pays.

Seyval fêtera prochainement ses 73 ans !

Seyval en 2023

Ne partez pas sans… Avoir fini la saison 3 des Lanternes rouges. C’est ce que l’on chantonnera la semaine prochaine !

Crédit photo : Lolotte pour l’EAQ / compte Instagram de Seyval Taner

Crédit vidéo : chaines Youtube de : OSSİ MÜZİK / Georgios Symeonidis / Güneş Plak