Suite de notre feuilleton, avec -et ce n’est pas une surprise- l’édition de 1958. En ces temps immémoriaux,il n’était pas rare de voir plusieurs pays partager la dernière place. 1958 n’est donc pas une exception. Mais fait remarquable, une des artistes a réussi l’exploit de gagner le concours et d’être aussi une des lanternes rouges du jour et il s’agit de…

Corry Brokken

Cornelia Maria Brokken naît le 3 décembre 1932 à Breda, dans le sud des Pays-Bas. Aînée d’une fratrie de quatre, rien ne distingue son enfance de celles de ses concitoyens… jusqu’à 1945 où son père, membre actif du Parti National-Socialiste Néerlandais (le NSB), est condamné pour collaboration avec l’ennemi. Mise au ban de la société, la famille explose lorsque la mère de Corry décide de demander le divorce. Obligée de travailler pour venir en aide à sa famille, la jeune fille décroche un emploi d’assistante dentaire dès son baccalauréat obtenu. Son salaire lui permet également de payer ses premiers cours de chant.

Corry Brokken fait ses premiers pas à la radio en 1952, date à laquelle elle participe à l’émission Een Lied en een Vleugel, Tout de suite remarquée, elle commence à se produire dans plusieurs cabarets d’Amsterdam et d’Eindhoven avec différents orchestres, avant de partir pour sa première tournée avec celui de John Kristel. Elle signe son premier contrat en 1954, auprès d’un label belge, Ronnex Records, ce qui lui permet de publier quelques disques en néerlandais, allemand et anglais. Deux ans plus tard, elle réalise plusieurs enregistrements pour Polydor Allemagne, mais ceux-ci ne seront jamais publiés pour de sombres histoires de droits d’auteur. C’est alors que s’ouvre une période de 3 ans avec notre concours musical préféré…

Et l’Eurovision dans tout ça ?

Et oui durant les 3 premières années de l’Eurovision, Corry va représenter son pays. En 1956 c’est en compagnie de Jetty Paerl (la 1ère année les 7 pays participants envoyaient 2 candidats) qu’elle s’envole vers Lugano. Et comme vous le savez, nous ne connaissons pas le classement définitif de cette 1ère édition.

Et une première tentative pour Connie !

Elle décide revenir un an plus tard. Excellente idée car la voilà victorieuse du deuxième Concours Européen de la chanson (comme on appelait le concours à l’époque). Cette fois-ci les résultats sont publiés car est mis en place la fameuse séquence des appels téléphoniques. Et c’est un plébiscite car tous les pays votent pour elle. 7 points de la Suisse, 6 de l’Autriche, 5 de la Belgique, 4 de la France, 3 du Luxembourg et du Danemark, et 1 du Royaume-Uni, de l’Italie et de l’Allemagne. 31 points pour la jeune chanteuse de 24 ans.

et une deuxième tentative… Gagnante !

C’est ainsi et grâce à Corry que les Pays-Bas inaugurent la tradition du pays vainqueur accueillant l’édition suivante. N’étant pas rassasiée, elle soumet deux chansons lors de la selection nationale. Chansons qui terminent… Aux deux premières places ! Et c’est donc parti pour un troisième tour… Qui ne finira pas aussi bien que le précédent. Alors que André Claveau offre à la France son 1er succès, Corry ne recevra qu’un malheureux point suisse. Finis les rêves de doublé.

Et une troisième tentative… Ratée !

Et après l’Eurovision ?

Corry Brokken ne s’avoue pas vaincue aussi facilement. Elle s’inscrit pour la quatrième fois consécutive à la finale néerlandaise, où elle présente trois titres : qui finissent aux 3ème, 4ème et 7ème places. Puis, dans la foulée, elle sort son premier album, Corry’s Bed-Time Story. Puis donne naissance à sa fille Nancy dont le père est un batteur qu’elle a épousé en 1956.

Malgré tous ces efforts, la notoriété de Corry reste assez confidentielle. Tout change quand elle représente son pays à la Coupe d’Europe du Tour de Chant, à Knokke, avec De Zigeuners, qui devient son premier grand succès commercial. Elle enchaîne avec une reprise du standard d’Édith Piaf, Milord, qu’elle adapte en néerlandais et en allemand. Les deux versions lui permettent de se classer meilleure vente de disques aux Pays-Bas et en Allemagne, et de décrocher son premier disque d’or.

Désormais célèbre, elle apparaît dans de nombreuses émissions télé et enregistre de multiples adaptations de succès européens, en particulier de Charles Aznavour, Gilbert Bécaud, Zara Leander, Dalida. Elle anime également sa première émission de variétés dès 1961, un an avant de se voir remettre le Prix Edison pour son album Mijn Ideaal. En 1966, elle signe un contrat avec une chaine de télévision allemande pour avoir son propre show. Mais au bout de deux ans, l’émission n’est pas reconduite et le public aussi bien allemand que néerlandais l’abandonne peu à peu.

Mais le monde de l’Eurovision ne l’oublie pas et c’est ainsi qu’elle devient présentatrice de l’édition 1976 devenant ainsi la 1ère gagnante à animer le concours. Néanmoins, elle change complètement d’univers et elle entreprend des études de droit et décroche son diplôme d’avocate en 1981. Elle deviendra même juge sept ans après, et officiera au tribunal de Hertogenbosch.

Néanmoins le démon de la musique lui fait des appels du pied En effet, elle obtient en 1995 le Prix Edison pour l’ensemble de sa carrière , ce qui lui donne l’envie irrépressible de remonter sur scène. Elle y est si bien accueillie par le public qu’elle sort une compilation en 1996 et reprend une série de tournées, qui seront toutes aussi saluées par les spectateurs. Un an plus tard, elle annonce les points du jury néerlandais au Concours Eurovision, et prend sa retraite de la magistrature en 1998. Elle ne reste cependant pas inactive. Auteur d’une rubrique hebdomadaire pour un magazine féminin, elle écrit en même temps ses mémoires, Wat mij betreft (Pour moi), qui deviennent un très gros succès de librairie en 2000. Elle diversifie ses activités, jouant sur scène les célèbres Monologues du Vagin en 2002, participant au jury lors de le sélection néerlandaise pour le Concours 2003 et sortant un DVD rétrospectif de l’ensemble de sa carrière en 2006.

Mais des problèmes de santé finissent par l’éloigner de la scène médiatique. On lui diagnostique un cancer du sein en 2007, un an avant qu’elle ne fasse un AVC, qui la laisse assez diminuée. Ayant publié la deuxième partie de ses mémoires en 2009, elle se retire auprès de son troisième mari, son compagnon de promotion Jan Meijerink, et décède le 31 mai 2016 à Laren, non loin d’Hilversum, ville ou hélas elle prit cette terrible dernière place… Qui comme annoncé dans l’introduction a été partagée. Et voici donc le portrait de…

Solange Berry

Solange Berry est née le 23 novembre 1932 et bien qu’il ait représenté le Grand Duché, c’est en Belgique et plus précisément à Charleroi qu’elle voit le jour.

Très peu de choses de sa vie et de sa carrière nous sont parvenus. Entre 1955 et 1967, elle a sorti 5 EP

  • Chanson pour tous
  • Que sera, sera (reprise de la célèbre chanson de Doris Day)
  • Les mirettes
  • Sous les toits de Paris
  • Maintenant, quand vient le printemps

Ils on été produit entre autre par RCA, Versailles, Pacific et Polydor.

Fait notable dans sa carrière, elle participe à la bande originale du film « Et dieu créa la femme » qui propulsa la carrière de Brigitte Bardot vers les sommets.

Et l’Eurovision dans tout ça ?

Solange est choisie, lors d’une sélection interne, par la télévision luxembourgeoise pour représenter la pays en 1958. Le soir du 12 mars, elle passe en 4ème position juste après… André Claveau. Le hasard veut donc que notre premier gagnant soit entouré des deux dernières place de cette 3ème édition. A la fin de la séquence de vote, seule la Suisse (décidément très magnanime) lui donne 1 point.

Et après l’Eurovision ?

Comme indiquée quelques lignes au dessus, Solange sortit encore quelques titres. En 1960, elle voulut représenter son pays natal et se présenta à la selection belge avec le chanson « On m’attend« . Elle perdit face à Fud Leclerc.

A l’heure actuelle, il semblerait que Solange Berry soit encore en vie (sa page Wikipedia est clairement erronée).

A la semaine prochaine pour partir à la rencontre d’un nouvelle lanterne rouge (au destin peu commun).

Crédit photo : Remi pour l’EAQ Vidéo : chaines Youtube de : Georgios Symeonidis/Brigitte Bardot