Ces dernières semaines, Monaco a décidément la cote dans les entretiens de l’EAQ, puisque c’est une nouvelle représentante de la principauté qui se dévoile dans nos colonnes aujourd’hui. Représentante est un faible mot, puisqu’elle n’a ni plus ni moins qu’offert au Rocher sa première et unique victoire à ce jour. Souvenir, souvenir.

Chacun s'envole rempli d'espoir
Sur le chemin qu'il s'est choisi, qu'il s'est choisi
Vers la richesse ou vers la gloire
Pourtant quelque soit notre but, notre but

Nous sommes en 1971, à Dublin. C’est alors une petite française, mais elle n’est pas née en Provence. C’est alors une petite française au début de sa carrière. C’est alors une petite française qui deviendra grande. C’est par un soir d’avril que sa carrière connaîtra un coup d’accélérateur, puisqu’elle rentrera d’Irlande avec le trophée à sa grande surprise. Vous l’aurez compris, c’est une légende de l’Eurovision qui nous fait l’honneur d’évoquer avec nous son expérience du concours : Séverine.

La prestation en images :

Classement : gagnante (128 points)

C’est par téléphone que Séverine nous a fait l’immense plaisir de nous accorder cet entretien exclusif.

Tu avais été Céline, Robbie Lorr, et tu es devenue Séverine : pourquoi ?

(Rires) Cela s’est joué entre producteurs, qui changeaient les noms. Le dernier en date a décidé Séverine et voilà. Changement de maison, changement de prénom.

Il n’y a pas de raison particulière quant au choix du nom Séverine ?

Non, non.

Tu as marqué l’histoire du concours en gagnant pour Monaco en 1971. Tu es l’une des seules françaises à avoir remporté l’Eurovision. Quel sentiment cela procure-t-il ?

On ne va pas dire que ce n’est pas une grande joie, mais la première réaction est la surprise, l’étonnement. Et puis l’inconscience aussi. Pas forcément la réalité, qui arrive plus tard. Et la joie. Oui, j’ai remporté l’Eurovision, c’est chouette.

À l’époque, comment s’est organisée cette participation pour la principauté ?

On va encore rentrer tout simplement dans la danse des producteurs, des maisons de radios, des télévisions, etc. Monaco cherchait une artiste pour la représenter. Il se trouvait que j’étais déjà sur le marché à ce moment-là. J’avais fait des tournées dans le Midi qui se passaient bien. On en est venu là, et ils ont trouvé que ce serait une bonne idée que je chante pour Monaco. Ce n’est pas compliqué parfois.

Tu avais un rapport avec le pays ?

Absolument aucun. C’est venu de RMC, et tous ont décrété que je serai la candidate.

Tu en as développé un par la suite ?

J’ai été reçue par le Prince Albert en 2007. À l’époque, les protocoles n’existaient pas. Une chanteuse n’entrait pas au palais comme ça. Cela a évolué depuis et ils trouvaient normal de m’inviter pour me remercier d’avoir représenté Monaco. Cela fait un bout de temps après !

À l’époque, tu avais fait de la promo là-bas ?

Quand j’ai participé au concours, on avait fait des télés pour présenter la chanson pour Monaco. Après, j’avais accompagné Séverine Ferrer qui représentait Monaco en 2006. J’étais allée à Athènes, avec la délégation monégasque. C’est un bon souvenir. C’était très sympa, notamment d’être derrière la caméra, car il n’y a pas de stress. Tout baigne.

Pour un si petit pays, gagner l’Eurovision devait être un évènement.

Oui, je suppose, bien qu’ils n’aient pas organisé l’Eurovision l’année suivante, parce qu’ils n’avaient pas les moyens de le faire selon les dires. Mais cela aurait été difficile de mettre tout le monde à Monaco, faute de place. On avait fait le concours en Angleterre il me semble. (À Édimbourg N.D.L.R.)

À ce moment-là, en 1971, que représente l’Eurovision pour toi ?

Pas grand-chose. Cela m’était arrivé de la regarder, mais tu sais, ce n’était pas encore la grande distribution de la télévision. On était aux balbutiements de la télé en couleur, donc ça m’était peut-être arrivé de regarder par hasard les années précédentes, mais je crois que je l’ai réellement découverte l’année où je l’ai faite.

À l’époque c’était une émission mythique.

Bien sûr ! J’avais regardé les grandes prestations comme celle de Jacqueline Boyer, mais ça ne m’avait même pas effleuré l’esprit de participer. L’Eurovision, ce n’était ni un rêve, ni un objectif. Il faut savoir qu’au départ, j’étais une chanteuse de jazz, et que l’Eurovision n’était pas trop ma tasse de thé. Pour moi, ce n’était pas la musique que j’avais l’habitude et que j’aimais chanter. Quand je m’y suis retrouvée, il a fallu que je remballe un peu mon histoire de jazz et que j’accepte de travailler à la française. C’était un choix : ou j’écoutais ce qu’on me disait, ou j’aurais chanté du jazz pour me faire plaisir dans la salle de bains.

Quel était ton statut en France avant le concours ?

J’étais débutante, mais on me connaissait. On parlait de moi, j’avais fait Le passager de la pluie, Sympathie, et donc mon nom n’était pas inconnu. Je n’étais pas une star, mais une chanteuse débutante un peu connue.

Tu as saisi le concours comme une opportunité pour te faire connaître ?

C’est-à-dire que j’ai suivi le mouvement. On m’a dit « Écoute, Séverine, tu fais l’Eurovision pour Monaco », donc à partir de ce moment-là, j’avais une responsabilité, celle de gagner, de ne pas me planter, et de tout faire pour réussir.

Cette expérience sur place, à Dublin le 3 avril 1971, quel souvenir en gardes-tu ?

Comme je te l’ai dit tout à l’heure, je n’ai absolument pas réalisé tout de suite ce qu’il se passait. C’était comme un rêve et puis la satisfaction d’avoir gagné, on ne peut pas la nier. C’est toujours agréable d’avoir gagné une bataille !

Des choses t’avaient particulièrement marqué ?

Des anecdotes, il y en a toujours, c’est sûr. C’est surtout la télévision espagnole qui m’avait marqué. Il faut dire qu’on était au mois d’avril, qu’il faisait très froid, qu’il y avait même de la neige et la télévision espagnole avait réuni tous les concurrents susceptibles de gagner contre l’Espagne dans une émission de télévision. Ils nous avaient filmé sur le port, en petite tenue légère. Résultat des courses, les trois-quarts des autres chanteurs (dont moi) avons été aphones le lendemain ! Ils ont essayé de nous détruire, mais un bon médecin, une bonne piqûre et c’est reparti (rires). Sinon, il y avait une bonne entente en général, c’était assez sympa.

Tu étais surprise de ta victoire. Tu arrives avec cette chanson au concours parmi dix-huit candidats. Tu étais vue comme une favorite ?

Ah oui ! Bien sûr ! Il était donné dès le départ que Monaco était l’un des favoris.

Et quand on a annoncé ta victoire …

J’étais repartie me déshabiller. J’étais repartie dans la loge. Ils m’ont enlevé la robe de soirée et les accessoires, en étant persuadée que c’était bon, que j’avais chanté, sans réfléchir. Je ne croyais pas du tout que j’allais gagner. Après, je les ai tous vus débarquer dans la loge comme des malades, ils me disaient « Rhabille-toi ! Rhabille-toi ! Tu es en train de gagner ! » « Mais non, tu es bête ! ». Et j’ai du me rhabiller pour revenir sur scène.

Tu as vu un effet immédiat sur ta carrière suite à la victoire à l’Eurovision ?

Oui. J’avais fait des versions étrangères du Banc, notamment en allemand. L’Allemagne s’est prise de goût pour moi, et j’y suis partie simultanément. Ma carrière a redémarré très vite, et on était à cheval sur les deux pays. J’ai également chanté dans d’autres pays, comme l’Italie. Mais ça a été très rapide.

Tu as eu une belle carrière en Allemagne.

Ça représente beaucoup d’années, mais je suis restée en France jusqu’en 1973. Mon producteur a commis des erreurs, donc il s’est retrouvé en procès avec Philips. Je n’avais plus le droit d’enregistrer en France, et heureusement que j’étais en Allemagne, puisque j’ai pu continuer à enregistrer là-bas. Et en fait, j’y suis restée. Je suis revenue quelquefois en France, de temps en temps, jusqu’au début des années 80, mais on peut dire que ma carrière s’est véritablement faire en Allemagne, il n’y a pas à dire.

Ça a été de grands succès, mais également deux autres candidatures aux sélections pour l’Eurovision (en 1975 et 1982 N.D.L.R.) !

Je n’étais pas chaude, mais tout le monde me l’avait demandé. Je ne voulais pas, donc j’ai franchement été ravie de ne pas avoir été sélectionnée. J’étais contente, parce que je considérais que Monaco est quand même francophone, mais qu’une chanteuse française qui représente l’Allemagne, c’était un peu déplacé. Mais je l’ai quand même fait. J’ai donné tout ce que j’ai pu, j’ai bien chanté, mais j’étais ravie de ne pas avoir été sélectionnée. Parce qu’en même temps, le fait d’avoir fait ces deux apparitions, cela a reboosté ma carrière en Allemagne à chaque fois.

Parce que cela a coïncidé avec des périodes plus calmes ?

Tu sais, au cours d’une carrière, il y a des hauts et des bas. La machine à tubes, il arrive un moment où elle s’épuise. Il y a aussi des changements de collaborations, de producteurs, d’auteurs-compositeurs, et il faut tout redémarrer, re-cibler. L’artiste vieillit, il faut trouver d’autres chansons qui correspondent mieux à ce qu’il peut faire. C’est compliqué une carrière. Mais j’ai toujours été présente en Allemagne, et à aucun moment je n’ai reculé. C’est moi qui ai pris du recul, en 2005, mais jusque là, j’y étais.

Tu as encore une couverture médiatique là-bas.

Oui, ils sont très fidèles ! Même aujourd’hui. Ils seraient demandeurs, mais c’est moi qui ne veux plus. J’ai dit stop. J’ai soixante-douze ans, je n’ai plus l’envie. Physiquement, je suis loin d’être la petite blondinette toute mince. Maintenant, je suis une grand-mère avec les cheveux argentés, avec des kilos en trop … Je n’ai plus envie. J’aime mieux rester sur ce que j’ai fait avant. Les gens m’imaginent. J’ai ma voix et elle le sera toujours, mais je préfère dire stop.

Tu fais cette carrière en Allemagne, mais ton premier CD en France est assez tardif, puisque c’est en 1999.

Tu parles du petit retour que j’ai tenté en France avec le passage à la Cigale en 2000 ?

Oui, tout à fait.

Avec Yvon Châtaigner, nous avions sorti une compilation avec tous mes titres en français. Nous avions fait quelques petites touches sur la France. Ça n’a pas fonctionné, parce que tout était dépassé dans cette période. Un artiste qui quitte la France et qui revient trente ans après … Bon, ça a été mon cas, mais je ne m’appelle pas Charles Aznavour non plus. Je fais partie des petites artistes qui ont une petite carrière, tranquille, mais je ne suis pas une star. Je ne me suis jamais considérée comme une star. Et je n’aurais pas voulu l’être, parce que ça m’aurait pris la tête (rires). Ah mon Dieu, être sans arrêt harcelée par les paparazzi, et tout ça, ce n’était pas ma vie. Ça m’a valu quelques petits désagréments, parce que je n’étais pas disposée à utiliser ce genre de presse où on parle sur ta vie, sur toi …

Quelques désagréments, c’est-à-dire ?

Tu sais comment ça se passe. Les people ne peuvent pas aller boire un verre sans qu’on les mitraille. On ne te raconte pas la vérité dans la presse. Ce sont des bêtises la plupart du temps. Moi, je n’adhère pas à ça. Anti-star (rires). Chanteuse avec un public, un amour respectif, mais je ne suis pas une star. Je suis une chanteuse, qui suis très heureuse d’avoir réalisé mes rêves, de pouvoir vivre de mon métier et d’avoir fait ce qu’il fallait. D’avoir des gens qui m’aiment et que j’aime. C’est bien.

Tu te définis comme anti-star, mais en même temps, on connaît ton nom, on le rattache à une chanson, … On t’a aussi vu à une période à la télé chez Sébastien.

Ça a été mon plus grand regret. Ça a été ma dernière télé. Quand j’ai vu comment j’étais, avec les cheveux longs et des kilos en trop, j’ai dit stop. Terminé. Plus ja-mais (rires). Je n’ai pas eu de chance, parce que j’ai l’impression que les caméras ne m’avaient pas arrangé. Quand je me suis vue, je me suis fait peur et je me suis dit plus jamais. Plus ja-mais ! Pour vivre heureux, vivons cachés (rires). Franchement, on a le droit d’avoir des complexes, c’est ainsi.

Prestation de Séverine au Festival Volcavision 2016

Je me souviens aussi d’une participation au Festival Volcavision.

Ils ont réussi à me convaincre et à me faire venir là-bas. Finalement, j’étais ravie, parce qu’on a été une bonne partie à se retrouver. C’était super sympa. C’était la dernière fois.

C’est organisé par des eurofans, et tu es toujours sollicitée aujourd’hui pour participer à des évènements, cinquante ans après ?

Oui, bien sûr, mais ils savent que maintenant, c’est non, donc ils n’insistent pas. Parfois, ça me fait de la peine de refuser, parce que c’est demandé tellement gentiment, mais franchement, non. Pour le moment, je n’ai pas le coup de jeune qui ferait que j’ai à nouveau envie. Si j’arrive à perdre du poids, on verra, mais pour l’instant, non.

Quand on gagne l’Eurovision, c’est souvent une étiquette qui tend à poursuivre un artiste sur le long terme. Cette étiquette a-t-elle été lourde à porter ?

Non ! Je suis Séverine, j’ai gagné l’Eurovision, c’est l’histoire, et un leitmotiv. Le fait d’avoir passé ces années m’a permis de changer mon style de chansons, de faire d’autres choses, dont je ne suis pas restée dans le style Eurovision pour la suite de ma carrière. Mais je resterai jusqu’au bout gagnante de l’Eurovision pour Monaco, c’est certain. C’est une étiquette si tu veux, mais elle disparaît selon les circonstances.

Tu le vis bien ?

Ah oui ! Je serais franchement bête du contraire (rires). Maintenant, avec le recul, à voir comment ça se passe à l’Eurovision, qu’on ne se rappelle même pas du pays qui a gagné d’une année sur l’autre, je me dis que j’y ai participé à la bonne époque. Nous, les chanteurs de l’Eurovision, nous avons survécu Jusqu’à un certain moment, où c’est devenu bizarre et où tout le monde s’est mis à chanter en anglais. Le charme a été rompu.

C’est vrai que vous êtes plusieurs à avoir fait partie d’une espèce d’âge d’or du concours …

À ces époques-là, on se rappelait de la chanson, du nom de l’interprète, du pays, alors que maintenant, je défie plein de gens d’être capables de répondre à part les inconditionnels de l’Eurovision qui connaissent tout par cœur, contrairement au grand public.

J’allais y venir. C’est un programme que tu suis toujours ?

De moins en moins, parce que ça devient de moins en moins intéressant, mais c’est vrai que par curiosité, je le regarde dès que j’en ai l’occasion. Et je suis déçue, parce que tout le monde chante la même chose, tous sont habillés de la même façon. Les artistes chantent tous en anglais. Il n’y a plus la magie d’avant.

Au fil des années, on passe d’un concours basé exclusivement sur la chanson à un show, un grand spectacle.

C’est dommage. Il fallait garder une forme traditionnelle. Ce qui faisait le charme de l’Eurovision, c’est justement de voir chaque pays chanter dans sa langue et montrer sa culture. C’est le but du concours. Si tout le monde fait la même chose, à quoi ça sert ?

Souvent, le grand public a du mal à se rappeler des vainqueurs selon toi.

C’est pareil pour tout le monde. Le seul qui a un peu marqué les esprits les dernières années, c’est l’artiste qui a gagné l’Eurovision pour le Portugal, récemment. On s’est rappelé de lui parce que la chanson était en portugais, qu’il y avait une aura dessus. Les autres, non. Et les pays de l’est, du nord, qui votent entre eux … C’est dommage.

D’autres titres t’ont marqué ces dernières années ?

Du tout. Et surtout pas la France.

Depuis plusieurs années, c’est justement compliqué pour nous, malgré un petit rebond. Pourquoi selon toi ?

Il y a peut-être le manque de chance. On s’est aussi éloigné du traditionnel. On fait tout et n’importe quoi. On se met à chanter en anglais. Et la France est en désamour. Elle est en retard par rapport à ce que les autres pays font. Elle essaie d’être en dehors des clous, mais elle n’y arrive pas.

Quelle solution verrais-tu ?

Je n’en vois pas ! (rires) La solution pour redonner du crédit à l’Eurovision, c’est d’accepter de faire marche arrière et de reprendre des choses un peu plus traditionnelles et de voir ce qui se passe dans chaque pays en termes de culture et de musique. C’est irréalisable, puisque dans le monde entier, le style de musique est le même. Je ne vois pas comment on peut gérer ça. Par exemple, un Charles Aznavour qui démarrerait aujourd’hui ne serait pas sûr d’avoir une carrière. On a beaucoup perdu en France. On a voulu faire trop de choses qui rapportent de l’argent. Quelques-uns sortent du lot parmi les plus jeunes, tandis que ceux de ma génération sont désormais retraités, nous sommes hors-course. Ce qui pourrait ressortir du lot, ce sont des gens qui font du rap, même si ce n’est pas ma tasse de thé. Espérons pour les fans de l’Eurovision que cela ne s’arrête pas, mais quand on voit l’émission qui a été faite avec le covid pour rattraper le coup, ça n’a pas fait tilt, et ça a été un flop.

Tu évoquais les chanteurs de ta génération, et Serge Lama a d’ailleurs participé à l’Eurovision la même année que toi.

Tout à fait.

Il était en début de carrière.

Oui. On s’est connu là. On s’est revu par la suite dans plusieurs émissions. On s’est tous rencontré, mais dire qu’il y a des amitiés systématiques qui naissent, non.

Tu as gardé contact avec des ancien.ne.s de l’Eurovision ?

On est resté amies avec Jacqueline Boyer. On arrive à en voir quelques-unes, comme Anne-Marie David, mais nous ne sommes pas en contact permanent. Après, les routes se séparent. Certains continuent, d’autres s’arrêtent, il y en a qui galèrent et d’autres qui ne galèrent pas. C’est ça le show-biz.

Le temps passe aussi…

J’estime que je n’ai pas pris la mauvaise décision en ayant conscience qu’à un moment donné il fallait arrêter. On est artiste, on a une certaine image, un certain physique, une certaine voix qui ne justifient pas forcément de passer la barre des soixante-dix ans. Je préfère partir en laissant un bon souvenir que de chercher à m’incruster en faisant n’importe quoi. À présent, si demain matin, je me réveille avec une petite chanson dans la tête, que cela germe et prend forme, je dis pourquoi pas. Mais ce sera en conscience totale avec moi-même, en me disant qu’avec une chanson pareille, je ne risque pas de me planter et que ça intéressera des gens. Mais partir comme ça, non. De toutes façons, il y a de moins en moins de galas et de travail, c’est terrible et pénible. Des gens de ma générations sont dans une mauvaise passe, et avec le covid, ils sont encore plus en difficulté. C’est très difficile de courir le cachet à nos âges. Grâce à Dieu, je n’ai pas besoin de ça, mais je pense à toutes celles et ceux qui sont obligés de le faire, ce n’est pas simple.

Et toi, tu as connu le succès avant l’Eurovision.

Bien sûr, j’ai démarré avant. J’ai eu le temps de me former. J’ai fait beaucoup de scènes avant d’être connue sous le nom de Séverine. Ça m’a appris le métier. J’ai démarré sur le tas. Il y a eu Robbie Lorr avec les Murators. Il y a eu Céline. On a fait tellement de choses avec les Murators … Mon Dieu comme on a roulé notre bosse ! J’étais jeune, c’était facile d’apprendre, j’avais quoi, quatorze ou quinze ans. Et puis c’était tellement naturel. On n’avait pas besoin de professeur de chant, de danse ou de théâtre. On apprenait sur le tas, comme tous ceux de cette époque-là. On faisait des cafés-concerts, des cabarets. Tout le monde courrait le cachet. C’était une autre époque.

Des rencontres notamment. Avec de grands noms, comme Francis Lai, Joe Dassin, Michel Sardou, Jacques Distel, …

J’ai beaucoup travaillé avec Gilbert Bécaud aussi. Mes chouchous, c’étaient Bécaud et Distel. On se voyait beaucoup, on travaillait souvent ensemble. Et Petula Clark aussi. On était très lié tous les trois. C’est avec eux que j’ai les plus beaux souvenirs. On s’est souvent retrouvé en Allemagne. On a fait les mêmes émissions, on était ensemble et super heureux de l’être. C’était top. Ce sont des souvenirs qui ne s’effacent pas. C’était une réelle camaraderie. Chacun me protégeait à sa façon. J’ai fait des émissions avec Bécaud et avec Distel, et il y avait toujours moyen de me tendre la main pour faire quelque chose avec eux. Ils ont été très protecteurs avec moi.

Dans ton parcours, l’Eurovision n’a pas forcément marqué un début, mais plus une continuité.

C’est cela. C’était une réussite. Le début, on va le situer à quatorze ans avec les Murators. Après, ça a été un plus. Ça ne m’a pas mis le pied à l’étrier, puisque j’avais déjà fait des choses avant. Ça a amélioré mon parcours.

Et à refaire, tu le referais ?

Oui, bien sûr. Pas à mon âge, mais c’est une merveilleuse aventure.

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L’actualité de l’artiste

Le dernier album de Séverine, Espérance, est sorti en 2016. Cette année-là, elle a également participé au Festival Volcavision, au Crest dans le Puy-de-Dôme.

Elle s’est depuis retirée de la scène et de la chanson.

Un immense merci à Séverine de nous avoir offert cette interview pour les lectrices et lecteurs de L’Eurovision Au Quotidien, ainsi que pour les eurofans.

Crédits photographiques : site officiel de Séverine (avec l’aimable autorisation de l’artiste)