Retour en France, et faisons ensemble un bond dans le temps d’une quinzaine d’années en arrière. Nous sommes à fin des années quatre-vingt-dix – pour ne pas dire à la veille de l’an 2000. Pour France Télévisions, la décennie a été florissante : sept tops 10, une victoire loupée sur le fil, une médaille d’argent en 1990 … Mais la chute sera soudaine : en 1998, le pays termine avant-dernier avec trois petits points. Charge alors à France 3 de trouver celle ou celui qui redorera le blason de la France au concours.

Je veux donner ma voix, je veux donner mes mots
Je veux donner ma foi et ma vie en cadeau
Je veux donner mon cœur, tout l’amour à venir
S’il n’y a plus de barrières, plus de différences

Pour cela, rien de tel qu’une sélection nationale télévisée présentée par Julien Lepers et Karen Chéryll pour départager les douze candidat.e.s qui s’affrontent en cette soirée de mars 1999. Parmi elles, une chanteuse d’origine catalane et un compositeur carcassonnais (tiens, tiens …), dont le rêve est de donner sa voix à la France pour hisser haut le fanion de notre pays sur la scène eurovisionesque de Jérusalem : Nayah.

La prestation en images :

Classement: 19ème en 1999 (14 points)

C’est par téléphone que Nayah nous a fait l’immense plaisir de nous accorder un long entretien.

EAQ – Mon premier souvenir de toi, c’est de t’avoir vue à Un dîner presque parfait sur M6 en 2010.

Nayah – Je pense que c’est le moment où je commence à me faire connaître dans les médias en tant que sosie. Je pose un peu le doute avec les gens qui se demandent si Nayah, Un dîner presque parfait et le sosie de Céline Dion forment la même personne. Je leur réponds bien sûr ! Ça a été une émission très importante.

Mais remontons dans le temps : tu participes à l’Eurovision 1999. Tu avais déjà commencé ta carrière d’artiste.

À ce moment-là, je ne connaissais pas le statut d’intermittent du spectacle. J’avais un métier à côté. Je venais de me séparer de mon mari suisse. Je revenais chez moi en juin 1998, soit un an avant l’Eurovision, puisque j’ai des enfants qui étaient scolarisés et les parents bougent généralement à la fin de l’année scolaire. Je re-déménage donc dans le sud et une amie me dit que le concours de la Rose d’or refait surface. Il a eu son apogée dans les années soixante, soixante-dix, et il est resté de longues années sans activité. De grands noms de la chanson française ont participé à ce concours, il me semble de mémoire qu’il y a notamment eu Serge Lama – qui a aussi participé à l’Eurovision. C’est un gros concours en parallèle de l’Eurovision, avec des artistes issus de toute la Francophonie et qui a lieu dans le sud de la France, à Juan-Les-Pins. J’envoie ma petite cassette – parce que je suis une chanteuse de l’époque des cassettes, avant les CD et les clés USB (rires) – avec une chanson que j’avais enregistré avec le groupe Images, que j’avais rencontré lors d’une tournée à Dijon. Comme j’habitais dans l’Ain, près de la Suisse, j’avais un ami qui m’avait fait venir à Dijon en première partie du groupe Images. Et là comme quoi, un signe du destin, Mario le chanteur me dit qu’il trouve que j’ai une voix intéressante et que ce serait bien de voir ce qu’on pourrait faire ensemble. Je lui annonce que je repars vivre à Perpignan. Il était possible de travailler ensemble, puisqu’ils sont à Toulouse. Me voilà partie là-bas avec une amie qui a voulu me donner un coup de pouce et a produit trois titres avec eux et moi, dont Si j’oublie d’oublier.

Me voilà à la Rose d’or. J’envoie ma cassette et quelques jours après, je reçois un coup de téléphone de René Coll – qui a un point commun avec Céline lui aussi. Il change ma vie. Il faisait partie du jury et il reprend le flambeau de l’orchestre de la Rose d’or, comme à l’époque. Il m’appelle et me dit « Écoute Nayah, on est très embêté, on a reçu ta cassette assez tardivement … On était parti sur cinq finalistes et au final j’ai craqué sur ta voix, je la trouve incroyable, j’en suis tombé amoureux. » René Coll, que j’ai connu dans mon enfance – parce qu’il tournait beaucoup dans le sud de la France et il est très connu chez nous, à Perpignan. J’étais fan de cet orchestre depuis toute petite. J’allais dans les villages avec mes cousins, mes amis. Regarde le destin. Il m’annonce qu’il va m’ajouter en tant que sixième finaliste, et qu’il va refaire la communication et les posters – je l’ai d’ailleurs gardé, un poster immense. Je me dis que ça va être chaud, entre le déménagement et la préparation de ce concours qui me remettait un peu en selle. J’ai toujours fait ça avant l’Eurovision : à côté de ma vie d’artiste, je travaillais dans le marketing et la communication, et je formais également des gens. Ce sont des choses qui m’ont aidé à développer le côté artistique et le côté rationnel, ce qui fait que j’ai trouvé un équilibre avec ce travail que j’occupais en semaine et les week-ends, où je faisais tous les radio-crochets qui pouvaient exister autour, que ce soit en Suisse ou aux alentours.

Pour revenir à ce concours, je pars en préparation. Je rentre chez moi à Perpignan et je fais le concours. Malheureusement, je ne gagne pas, mais il me semble que je suis arrivée deuxième (Nayah y est arrivée quatrième N.D.L.R.). À ce moment-là, il me dit qu’il garde mon numéro de téléphone, qu’on ne sait jamais et que s’il y avait une opportunité de travail pour moi, il me rappellerait. On est au mois de juillet 1998. Quelques mois plus tard, en octobre – je crois qu’on était vraiment limite pour les dépôts de candidature pour l’Eurovision, René me rappelle, et je ne sais pas encore ce qu’il va me dire. Il me demande si l’Eurovision m’intéresse, me demande d’envoyer ma cassette et me dit de venir à Carcassonne. Il me dit qu’il a une chanson, me la fait connaître et enregistrer. Elle s’appelle Je veux donner ma voix. Il me dit qu’il est aussi en concours pour faire partie des orchestres choisis pour la finale nationale. Il jouait donc sur deux tableaux. Il me rappelle au mois de décembre et me dit qu’après délibération, nous avons été choisis avec Je veux donner ma voix pour faire partie des douze candidats de la finale qui se tiendrait à l’Olympia, le 2 mars 1999. Apparemment, il était aussi bien placé pour faire l’orchestre de la soirée.

Il arrive quelque chose d’incroyable. René Coll est finalement choisi pour faire l’orchestre de la soirée et ma chanson fait partie des douze finalistes de l’Olympia. Je suis me retrouve lancée dans tout un parcours. Tous les candidats se retrouvent aux studios Polygone à Toulouse – puisque René était originaire de là-bas, il a rapatrié tout le monde à Toulouse pour des questions de proximité, puisque c’était plus simple par rapport à l’orchestre. Ils ont réalisé les bandes pour tout le monde afin qu’on ait le même traitement. On fait connaissance à ce moment-là. Je me suis fortement rapprochée des bretons, qui étaient adorables. Ginie Line était parmi les finalistes et elle était très sympa, de même que plein d’autres dont je me rappelle comme si c’était hier.

On va faire un voyage dans le temps, et on arrive à la période de la finale, le 2 mars au soir. On a un filage et une répétition le 1er mars, puis à nouveau le lendemain, mais cette fois-ci en costume, pour préparer la soirée en direct sur France 3. On fait le direct, je suis très émue, j’ai évidemment le trac – de toute façon j’ai toujours le trac que soit devant dix, des milliers ou des millions de personnes comme c’est le cas aujourd’hui à l’Eurovision. Donc intervient là le sens de la responsabilité. René me demande si je suis en forme, il vient me voir parce que c’est quand même sa chanson, me dit que sa femme – présente ce soir-là – va s’occuper de moi. Elle m’a aidée à m’habiller, à me préparer, elle me suivait partout et ne me lâchait pas. Ils ont été adorables.

Le soir de l’émission, je fais mon premier passage. J’ai tellement le trac qu’il me semble même que je me suis mélangée dans les paroles ou que je les ai perdues. Malgré tout, j’ai senti les spectateurs derrière cette chanson et le public de l’Olympia s’est levé et m’a fait une standing ovation pour la note finale. Les gens hurlaient « Ouaaaaais ». J’espérais que ça allait plaire, mais je ne vais pas plus loin, je garde la peur au ventre jusqu’à la fin et la révélation des résultats du vote. Arrivent les délibérations, durant lesquelles le sud était à l’honneur, puisqu’il y avait notamment les Chevaliers du Fiel, qui étaient originaires de mon coin. Ils étaient chargés de l’entracte pendant que le jury délibérait, jury dont je rêvais de rencontrer le président, Monsieur Gilbert Bécaud en personne, que j’ai eu la chance de voir à la fin. Il y avait Richard Cocciante, Marie Myriam, incontournable depuis sa victoire à l’Eurovision et toujours présente – elle m’avait dit à l’oreille « J’espère que tu vas gagner, parce que j’ai envie de passer le flambeau ! » (rires). C’était gentil. Elle avait un mot gentil pour tout le monde. Marie Myriam est une femme formidable, je l’aime beaucoup. Lââm était également parmi les jurés. On fait connaissance avec eux, et même si on n’a pas le droit de se parler, ils ont quand même un mot gentil avant notre passage, pour qu’on puisse être plus serein. Arrivent donc les résultats des délibérations, et on nous avait cantonné dans une salle juste à l’arrière du rideau. J’étais toujours en train de rire aux éclats avec les bretons, ce qui me permettait de décompresser et d’attendre les résultats gaiement. À ce moment-là, je vois Karen Chéryl et j’entends que les gens applaudissent fort derrière le rideau. Elle entre avec un papier à la main et arrive vers moi. Je me dis « C’est moi ? Mais non ! ». Je n’avais même pas entendu que c’était moi qui avais gagné ! (rires)

Surtout qu’en plus, tu es était ex-aequo avec Ginie Line.

Oui, apparemment ! Surtout qu’il y avait le vote du jury présent dans la salle, celui du public présent dans la salle et celui des téléspectateurs, par téléphone ou par minitel à l’époque (rires). Internet n’était pas encore d’actualité, on en était encore aux prémices. Apparemment, lorsque j’ai vu les charts que nous a montré France 3, la chanson a été classée très largement en tête des suffrages, c’était une victoire nette (rires) (Nayah est arrivée quatrième des votes du jury avec 85 points et en tête du vote du public avec 35,49% des voix N.D.L.R.). La chanson avait été appréciée par les français. Avant, on ne se basait que sur le titre, tandis que maintenant on note un tout : la chanson, le texte, la composition, le maintien, les costumes, l’interprétation, .. et cela rend les votes plus justes. Je le prends ainsi : je me dis que c’est la chanson qui a gagné. Karen vient me voir en disant « Alors Nayah, très heureuse de savoir que c’est vous qui allez représenter la France ». J’étais un peu émue, donc je lui ai répondu oui, mais je n’étais pas du tout prête. Elle me dit qu’il fallait que je la rechante à présent en tant que représentante officielle de la France devant le pays entier qui m’attendait. « Allons-y ! » Elle me prend par le bras et m’emmène sur la scène. Je ne savais plus où j’habitais. Je me dis « Mon Dieu, il va falloir sortir la note » Je regarde René qui me fait un signe de la tête signifiant qu’il était fier de moi, ce qu’il m’a dit après. Il était fier de ce que j’avais fait et donné. Me voilà rendue à la deuxième interprétation en tant que gagnante de la sélection et représentante à l’Eurovision. J’étais émue, mais là je ne suis pas tombée, j’ai sorti la note, j’ai tout donné et les gens se sont relevés à l’unisson. J’ai alors senti que j’étais vraiment portée par le public. Le public et les fans sont très importants, parce qu’il y avait beaucoup de fans de l’Eurovision dans la salle. Le public te porte vraiment et je sens alors que je passe dans une autre dimension. Ta vie ne t’appartient plus, tu dois faire très très attention, tu as rendez-vous le surlendemain pour signer le contrat avec ceux qui ont produit la chanson, en l’occurrence un grand producteur sur Paris, qui est aussi l’éditeur de Céline Dion, Roch Voisine, Barbelivien ou encore Elsa, une pointure. Mon agent devenait Jacques Maruani – qui ne connaît pas la famille Maruani ? Un jour je rencontre Eddie Barclay qui me dit « Tu sais j’avais un jeu avec les frères Maruani, ils étaient tellement nombreux dans le métier qu’on disait « Si tu as du mal à t’endormir, tu comptes les frères Maruani et tu t’endormiras avant la fin » (rires). Voilà, c’étaient les petites anecdotes que j’apprends sur le tas. Ta vie change, tu as une énorme responsabilité, je l’ai pris très au sérieux tout en essayant de m’amuser, parce que ce n’est pas évident. Représenter ton pays, c’est quand même une grande responsabilité par rapport aux millions de français qui te suivent. Ainsi commence cette aventure le 2 mars 1999.

Très beau début d’aventure.

Ex-cep-tion-nel.

Moi qui suis originaire de Carcassonne, René Coll est un grand nom.

Alors tu le connais bien ! Il était de Trèbes.

Quel rapport avais-tu avec l’Eurovision jusqu’alors ?

J’en avais un depuis l’enfance. On regardait le concours chaque année avec mes parents qui étaient boulangers. Je suis de souche très simple. Mes grands-parents maternels étaient des ouvriers de la terre qui avaient leurs propres terres, mais qui étaient au service de l’humanité, donc des valeurs assez importantes, que j’ai toujours gardées et que je véhicule encore. Du côté de mon père, mon grand-père était maître de chais et ma grand-mère travaillait à la SNCF donc je viens vraiment d’une souche populaire. C’est pour ça que je n’ai jamais oublié d’où je viens malgré le poids de la responsabilité de l’Eurovision. Tu commences à comprendre que ton destin va changer, mais je reste quand même la fille et la petite-fille de tous ces gens-là. Ma mère se souvient que quand Marie Myriam a gagné en 1977 – j’étais mineure – je lui ai dit « Maman, un jour, je serai là ». J’aime tellement ce concours, dont je suis fan, que je lui dis que j’y serai un jour. Ma mère me regarde et me dit en catalan « Aquest nen està boja », elle est folle cette gosse (rires). « Ce n’est pas possible d’aller là, est-ce que tu t’imagines, on est des boulangers nous, on n’est pas des producteurs ! » (rires). Cela est toujours resté. Très peu de gens le savent, mais je rêvais de participer au concours depuis l’enfance. Et quand tu deviens la représentante de la France, c’est à ton tour d’être responsable, de faire les choses bien, de ne pas décevoir (ou le moins possible) les gens. Si je l’ai fait, c’était indépendant de ma volonté. Dans tous les cas, les producteurs, les agents, tout le monde m’a dit que je me suis comportée de manière exemplaire et que j’ai vraiment été un bon petit soldat, que j’ai été exceptionnelle et que j’ai chanté comme sur le CD. C’est ce que me disent à ma sortie de scène mon producteur et mon agent parisien. J’ai essayé de faire au mieux pour ne pas décevoir les fans. Vous êtes si nombreux ! (rires) J’ai même été invitée à Paris lorsqu’ils organisent les previews au printemps, aux côtés des fans présents qui votaient en direct. J’ai découvert les candidats de cette année-là, en 2004 ou en 2005. J’avais eu ce privilège de rechanter ma chanson et tous les fans étaient contents, j’ai même signé des dédicaces à la fin. J’ai de bons souvenirs avec les fans de l’Eurovision et je reste connectée avec certains d’entre eux qui me suivent encore dans tout ce que je fais. Je suis très fière de ça, parce que vous êtes des gens loyaux, intègres, infiniment gentils et au service de ce grand concours que nous aimons tous.

C’est gentil de le dire, parce que réciproquement, les artistes qui ont participé au concours, vous êtes extrêmement importants pour nous.

Il ne faut pas oublier les gens qui te soutiennent.

On ne vous oublie pas, preuve en est notre échange aujourd’hui !

C’est super. Je suis très contente qu’il y ait des fans de ce concours, parce que même si de la part de certains médias, il n’est ni suivi ni soutenu, vous restez forts, avec vos propres médias, vous donnez toujours des nouvelles des anciens candidats. Je suis quand même de temps en temps. Yann m’envoie des liens à chaque fois qu’il y a des nouveautés. J’ai même eu le privilège d’avoir des articles sur son site à chaque fois que j’ai sorti quelque chose. On en a parlé. Il y a une continuité, une belle histoire d’amour qui se construit et qui continue, qui reste éternelle en fait.

J’ai lu que tu avais déjà tenté de participer à la sélection suisse.

Excellent ! En nonante. Je vivais en Suisse, près de Genève, du fait de mon mariage avec un suisse. Un jour, un copain journaliste m’appelle. Il me dit qu’il est en train d’enregistrer un titre avec deux personnes de la TSR et qu’ils cherchent une chanteuse pour faire un duo. Il me demande si ça me demande et je lui réponds pourquoi pas. Je rêvais de faire l’Eurovision, et c’est ma première tentative ! Je vais là-bas, je les rencontre, ça matche entre nous, on part dans une belle créativité et la chanson s’appelle Dites à vos enfants, composée par Pierre Collet et écrite par Philippe Malignon, qui nous a malheureusement quittés. On a frôlé la victoire, et je vais te dire, c’est parfois tout bête dans la vie, car on appris les dessous après. Pierre (Collet, le compositeur) était remonté quand on n’a pas été élu. Comme il travaille à la TSR, il a su les tenants et les aboutissants. Chacune des trois Suisses (francophone, germanophone et italophone) envoyait au minimum deux ou trois candidats. Malheureusement, les suisses allemands n’avaient pas eu l’honneur de représenter la Suisse à l’Eurovision depuis plusieurs années. Ils se sont plaints de cette situation en disant que c’était toujours les francophones et les italiens qui étaient choisis, qu’ils en avaient marre et que la roue devait tourner. Pour eux, la Suisse alémanique devait passer devant cette année-là. Et apparemment, quelque chose a peut-être fait qu’avec sa jolie chanson, tout vêtu de blanc et avec son violon, Egon Egemann a été choisi pour représenter le pays en 1990.

Nous sommes allés à Lugano en début d’année. On est arrivé à la deuxième place de la finale. Ce n’est pas par prétention que je le dis, mais notre chanson était vraiment magnifique. On l’a portée en duo jusqu’au bout. Même les suisses italiens avaient sorti des papiers avant la finale où ils avaient écrit « Sylvie, la reggina del Eurovizione » (Sylvie, la reine de l’Eurovision N.D.L.R.). Ils pensaient vraiment que c’était nous qui allions représenter la Suisse, mais c’est comme ça. On ne saura jamais les tenants et les aboutissants, surtout qu’il y a eu un jugement, avec un véritable jury dans la salle et le vote des téléspectateurs. On ne va pas dénigrer ce qui a été fait, mais dans tous les cas, je sais qu’il y a eu un vrai changement. Cette année-là a donc été le tour de la Suisse alémanique. On est rentré avec les musiciens et les copains – parce qu’on était allé à Lugano en bus. Au final, on est rentré bredouille, mais on a quand même fait la fête à la fin. On s’est dit que ce n’était pas grave, qu’on avait fait une belle prestation et qu’on avait quand même les images, et un souvenir qui restera dans nos cœurs. C’était vraiment une belle aventure, le début de l’histoire, d’autant plus que je ne savais pas que, neuf ans plus tard, je représenterai la France à l’Eurovision.

Justement, de cette aventure en 1999, quel souvenir gardes-tu sur place ?

Sur place, je garde un très bon souvenir de ma conférence de presse. Tous les fans de l’Eurovision étaient là et il y avait une joie perceptible. Tout ce qui tournait autour, je m’en fous. Ce que je retiens c’est cette allégresse, et aussi ce fameux chef de plateau qui nous accueillait et qui, à chaque fois que la France passait en répétition avec les choristes, nous disait « France Twelve Points ». Il nous disait à chaque fois « France, douze points » « We love Paris, la France ! » « We love you Nayah, you are the best ! » « Tu es la meilleure Nayah, c’est toi qui va gagner ». Dans les loges, on avait à chaque fois un petit quelque chose et il y avait un cœur d’Israël posé sur ma porte, j’en ai encore les larmes aux yeux. C’est un peuple qui aime énormément la France. On était vraiment dans un endroit idyllique, le berceau de l’humanité quand même. Israël est important pour le monde entier. Je rêvais d’aller dans ce pays et c’était pour moi comme des vacances de bonheur. J’ai vraiment vécu chaque instant intensément, j’ai fait très attention à ma voix. Mes choristes m’ont emmenée à la Mer Morte, mais j’avais tellement peur d’attraper mal que je suis restée sous le parasol. Je leur ai dit « Écoutez, il ne fait pas encore trop chaud, on est au mois de mai, je ne me baigne pas » et je ne me suis pas baignée. Alors je suis restée sous le parasol pendant qu’ils faisaient les fous dans l’eau, je les voyais de loin flotter sur l’eau, en m’appelant « Nayah ! ». J’ai pris les répétitions à cœur, j’ai vraiment joué mon rôle à fond pour ne pas faire la moindre fausse note. Je voulais que tout soit parfait et que je donne le meilleur de moi-même. C’était ma mission, ma responsabilité. Je l’ai vécu avec un double trac. Nous sommes restés là-bas une semaine et on en a aussi profité pour magasiner. On est allé dans le souk de Jérusalem, où j’ai découvert les odeurs de ces épices qui sont quand même locales, particulières, le sourire des israéliens, leur accueil, leur gentillesse. Je n’ai pas du tout senti de tension. Ce qui m’a aussi interpellée, c’est que dès la descente d’avion, tu es considérée comme VIP. C’était impressionnant de voir des jeunes avec des armes qui escortaient toutes les délégations. On a passé des sas aussi, qui devaient détecter toutes les armes (blanches, etc). Cela a été quelque chose de particulier à vivre, mais à aucun moment je ne me suis sentie en insécurité.

Tu livres sur place une très belle prestation, mais quelle voix tu as !

Merci, c’est gentil !

À mes oreilles, le live était aussi bon que la version studio.

C’est que m’a dit mon producteur, qui m’a envoyé un fax après la prestation « Tu as été exceptionnelle. Peu importe si on a mal voté pour toi, mais tu as bien représenté et honoré la France. » Je me suis dit « Écoute, mission accomplie », même si j’étais énormément déçue.

C’est la question que j’allais te poser : tu finis dix-neuvième …

Alors que les pronostics de tous les bookmakers me donnaient dans le top 5, voire pensaient que j’aller arriver dans les trois premiers !

Il y a donc eu de la déception ?

Absolument ! Énorme déception de toute l’équipe. Je me rappelle encore lorsque nous étions dans les espèces de boxes avec les drapeaux de chaque pays. Chaque fois que les points tombaient, ils faisaient des gros plans sur les candidats. Chaque fois qu’il y avait une note pour la France, René me disait « Allez Nayah, la banane, souris ! On s’en fout, vas-y à fond. À la moindre votation, tu dois garder la pêche. » Moi, j’étais déçue et choquée. Même un pays comme l’Espagne ne m’a pas donné de points, alors qu’il y a des liens d’amitié entre nous, et que je suis aussi d’origine espagnole du côté de ma mère. C’est comme ça. J’ai l’impression que c’est un peu politique. Il suffit que la France ne soit pas dans les bons papiers. C’est vrai que c’était le cas à ce moment-là. Je crois qu’il y avait eu un problème avec Greenpeace. C’est un peu semblable aux réputations ou aux qu’en dira-t-on. Quand quelqu’un a un préjugé, cela se ressent toujours dans les votes, et on l’a senti clairement. Alors qu’aux répétitions, on sortait du lot. Les gens présents dans la salle, y compris l’équipe et l’organisation, chaque fois que nous sommes passés – du moins c’est ce que m’a dit René -, on a senti que les applaudissements nous étaient favorables par rapport à d’autres candidats et la personne qui a gagné. Eux, ça ne passait pas trop et pourtant, ils ont gagné, c’est ce qui est étrange. Mais tu te dis après qu’à moment donné, il faut arrêter de se poser des questions. C’est la vie, c’est le destin, ça s’est joué comme ça. Moi, je garde les meilleurs souvenirs et la patate, parce que j’ai réalisé mon rêve de participer à ce concours. Je n’ai pas encore réalisé mon rêve de gagner et j’espère qu’un jour quelqu’un me proposera une chanson pour gagner. Je ne vais pas là-bas pour regarder le blanc des yeux des gens, je vais là-bas pour me battre et je veux gagner pour la France, ça reste dans mes convictions. Si un jour j’ai la chance de représenter la France, même à soixante-dix ans, parce que j’espère chanter longtemps, je me dis pourquoi pas revenir avec la victoire. Je reste avec cet objectif, parce que je l’ai déjà frôlé deux fois, alors on se dit que peut-être la troisième sera la bonne (rires).

Justement, tu parlais de qu’en dira t-on, mais quand tu as participé au concours, des choses étaient sortis dans la presse te concernant.

C’est ça qui nous a tout cassé, j’en suis sûre.

La polémique qu’il y a eu au moment de ta participation ?

Absolument. Je ne regrette rien. J’ai vécu des choses. C’est ma vie privée, cela ne regarde personne. Je me dis que la vie ou le temps feront que les gens comprendront que j’ai été victime d’une erreur, c’est certain, et de la plus grande discrimination européenne. En tout cas de l’Eurovision, c’est ce qu’ils s’accordent à dire en ce moment. Avec ce que j’ai fait par la suite, j’ai quand même redoré mon blason de crédibilité, parce qu’à ce moment-là, un trouble avait été jeté sur ma personnalité, sur ma mentalité, alors que je n’ai pas changé. Je suis toujours la même, quelqu’un de profondément affable, gentil, disponible. J’essaie d’être toujours aimable avec les gens et de cultiver ce qu’on m’a enseigné, les valeurs de mes parents, de mes grands-parents, de cette famille qui est autour de moi et qui me soutient. Ma priorité c’est ma famille, mes enfants, mes petits-enfants. Je pense à ma dernière chanson, Nous sommes tous un. J’ai rencontré plein de gens et ce n’est pas parce que ces gens-là ont été mal vus un certain temps – comme les homosexuels, que je défends lorsque je le peux ou n’importe quelle discrimination qui puisse avoir lieu sous mes yeux, envers des amis aussi qui ont récemment eu des soucis – que je les abandonne. Je suis toujours là. Je suis quelqu’un qui ne supporte pas le jugement et le fait d’en avoir été victime à très haut niveau n’y est pas étranger. C’est allé très loin. J’ai eu des menaces de mort. J’ai du retirer mes enfants de l’école pendant plusieurs semaines, parce qu’elles avaient des menaces à la récré. Il y avait de l’agressivité, tout ça parce que j’étais … Un peu comme avec le covid. On voit des gens qui pètent un câble, ce n’est pas normal. À chaque fois qu’il y a une actualité, certains vont garder la raison comme toi ou beaucoup de journalistes, qui ont compris qui j’étais vraiment. Un jour, je sortirai mes mémoires et j’expliquerai tout ça, preuves à l’appui. Je pense que les gens sont loin de penser à ce que nous, ma famille, mes amis, mes fans, avons vécu de l’intérieur. Mes enfants ont eu très peur pour moi. Quand je suis partie à Jérusalem, je ne savais pas si j’allais revenir vivante, je te le jure. J’ai reçu des menaces de mort à l’ambassade d’Israël en France, qui étaient venues aux oreilles de mes agents et producteurs. Je ne le savais pas, mais une équipe de sécurité me suivait, mise en place par mon producteur qui s’inquiétait pour moi. On ne m’avait rien dit pour me laisser dans ma pureté d’artiste, afin que je donne le meilleur de moi. On ne me l’a dit qu’après. La mère d’une participante à la finale nationale est même allée déposer plainte et France 3 a dit que c’était moi que les français avaient choisi et ce serait moi qui ferait l’Eurovision. Tout ça pour dire que je garde le bonheur de tout ce que j’ai vécu. Mes enfants ont été très traumatisés, et ils le sont encore, parce que j’ai de gros projets qui arrivent là et elles ont peur parce que je reviens en tant que moi-même.

Je pense que l’aura de Céline m’a énormément protégé, du fait que j’ai fait ce rôle de sosie. Ça a été une opportunité au retour d’Israël. Un producteur américain m’a fait venir pour passer une audition et c’est là que j’ai découvert le métier de sosie. Je me suis pris d’amour pour cette femme que j’ai toujours apprécié, même si je ne suis pas fan de Céline à la base. J’ai toujours aimé la personne qu’elle est, l’être humain exceptionnel que René et elle étaient, la force exceptionnelle qu’ils ont apporté à la planète, l’amour, tout ce qu’ils ont véhiculé. Je trouve que ce sont des gens exemplaires. Regarde aujourd’hui comme on la traite alors que c’est une icône. C’est une fille qui a tout donné, qui a donné sa vie et je suis prête à partir au flambeau pour elle si jamais on la menaçait trop. Je dirais ce que je pense, parce que c’est pour moi insupportable en termes de dignité humaine de laisser faire les choses de la sorte et de voir les gens se faire lyncher publiquement alors qu’ils n’ont fait que le bien. La vie privée des gens ne nous regarde pas. Ce qui arrive à Céline aujourd’hui, je le prends aussi pour moi, puisque je la représente dans mes shows et dans le sens où je peux la comprendre mieux que personne parce que j’ai vécu ça en 1999. Je sais ce que c’est d’être lynchée par les médias, d’être discriminée en permanence, jugée à la loupe. Quand on parle de sa maigreur, personne n’imagine ce que cette femme vit au quotidien. Si Céline lit un jour ses lignes et si on peut lui transmettre ce message « Céline, je suis avec toi, je sais que tu es forte et que tu vas rebondir de ce qu’il t’arrive, de tout ce que tu as vécu, je sais que tu vas nous surprendre. En tout cas, je suis fière et honorée de t’avoir représentée pendant plus de vingt ans. » Ça fait vingt-et-un ans maintenant que je fais le show pour lui rendre hommage, et à la fin de chacun, je ne manque jamais de dire qu’on lui envoie plein d’énergie, parce que c’est important pour elle qu’on lui envoie de l’amour tellement elle en a donné. C’est à son tour d’en recevoir. C’est grosso modo ma vie en parallèle avec Céline, malgré elle, parce que je ne suis pas sûre qu’elle soit au courant de mon existence. J’ai eu vent qu’elle était au courant, puis du contraire, mais je me dis aujourd’hui que même si, officiellement, on ne s’est jamais rencontrée, j’espère un jour qu’on le fera, et que la vie, ce que je suis en train de préparer et dont je ne peux dire mot pour l’instant, va me porter un jour à la rencontrer. J’espère aussi que les fans qui m’ont suivi en tant que sosie de Céline Dion me suivront. Parce que ce sont beaucoup de fans de Céline, évidemment.

Je reste à ma place. Je sais que je ne suis qu’une pâle copie ou une copie parmi tant d’autres. Ce n’est pas grave, parce que j’essaie de faire mon travail à la hauteur de l’artiste qu’elle est et de l’immense icône planétaire et être humain exemplaire qu’elle est. J’essaie d’être à la hauteur et elle m’a aussi permis de progresser vocalement, parce qu’il y a des zones que je n’avais jamais exploré sur le plan vocal. Elle m’a permis d’être meilleure et rien que du fait de bénéficier de son aura, les gens ne me maltraitent pas en tant que sosie, au contraire de mes retours en tant qu’auteur-compositeur. Je viens de sortir Nous sommes tous uns et mes détracteurs ressortent. Ils sont très peu nombreux, je peux te rassurer, peut-être trois ou quatre, mais ils font plus de bruit que ceux qui me soutiennent. Alors, j’ai aussi écrit cette chanson pour qu’on puisse enfin essayer de s’accepter les uns les autres avec nos différences, qu’on puisse grandir ensemble sur la même planète, donc on est tous responsable de ce qui peut arriver demain, d’autant plus quand tu es parent, ou grand-parent comme je le suis aujourd’hui. J’ai trois petits-enfants et la quatrième est en route… Je suis fier de ce qu’ils font, les jumeaux – là aussi point commun avec Céline – sont exceptionnels. Peut-être pour moi, parce que je ne suis sûrement pas objective, mais par rapport à ce que mes filles et moi avons vécu, on veille à ce que l’éducation de nos générations futures soit exemplaire et porteuse d’espoir. Je pense que chaque être humain qui met au monde ou conçoit un enfant doit garder quelque part dans sa tête qu’on doit être responsable non seulement d’eux, mais aussi de ce qu’ils vont faire, de leur éducation, de ce qu’ils vont faire aussi de leur vie, pour demain, pour les autres générations, parce que j’espère que la terre existera bien après nous. J’en suis là aujourd’hui. Je suis devenue très philosophe grâce à cette discrimination. Je remercie donc mes chers détracteurs, ceux qui parlent mal de moi, parce que que l’on parle de moi en bien ou en mal, ça prouve que je ne laisse pas les gens indifférents.

Quand on parle d’une personne, on ne laisse jamais indifférent, on marque.

On marque les gens, mais beaucoup de gens s’accordent dans les faits concrets. On m’attaque toujours sur ma vie privée. Peut-être que ça a dû exister mais sans que j’en prenne connaissance, je n’ai jamais entendu personne dire que je ne suis pas gentille, que je chante mal, que je ne suis pas une artiste, que je n’ai rien à faire dans la chanson française. Quand on en arrivera là, je pense qu’il sera temps pour moi de m’arrêter. (Rires)

Aujourd’hui, tu suis toujours l’Eurovision ?

Oui, oui, oui ! Je le regarde chaque année en replay, à part cette année, puisque je ne travaillais pas. Tous les artistes sont un peu sur la touche malheureusement, et je les soutiens tous, parce qu’il faut rester fort, y croire et la société ne pas va nous laisser pour compte, j’en suis certaine. Parce qu’un monde sans artistes et sans Eurovision, ce n’est plus un monde porteur d’espoir et de bonheur. Par rapport aux autres personnalités dans la société, les artistes sont des gens qui, pour moi, sont des jokers pour l’humanité, parce que leur objectif principal est de donner du bonheur et d’harmoniser les gens. Si tu enlèves les artistes, les gens deviendront des robots et ils seront tristes à mourir. On ne le souhaite pas. Nous, les artistes, on s’accroche. On a envie que le monde soit meilleur. On est des idéalistes, on est des rebelles et je pense que ça c’est important de le rester.

Que penses-tu de l’évolution du concours ?

Ça n’engage que moi, mais je pense que c’est devenu une machine. J’ai l’impression qu’on a perdu la main. Je suis quelqu’un qui aime bien les choses qu’on peut encore maîtriser, retravailler, et j’ai l’impression qu’on se déshumanise. Dans le sens où ça devient une machine, un produit et à la limite, tu as le doute de te demander si les jeux sont réellement faits. C’est toujours la même, parce que, déjà à l’époque, en 1999, je me posais la question. Est-ce que c’est le fait que la politique s’en est mêlée me concernant ? Parce que c’est quand même une histoire politique en ce qu’il me concerne. C’est allé très loin, hors des frontières on m’a traitée de « fille de Satan », on a dit que j’étais une mère indigne, on a dit des choses de fou ! À croire que les gens connaissent mieux ma vie que moi  ! (rires) Des fous ! Heureusement que nous, l’armée du Bien – parce que tu verras que dans mes chansons; je parle beaucoup de l’armée du Bien -, nous sommes plus nombreux que l’armée du Mal, qui se croit tout permis, de fracasser la réputation d’une personne en une seconde, de jeter le doute sur toi et ce que tu as fait toute ta vie. Céline fait bien de dire dans sa chanson Ordinaire (que Robert Charlebois et sa femme ont réécrit pour elle) qu’elle se fout de la critique. Elle y chante « Je me fous pas mal de la critique » et elle a raison, parce que la critique n’est pas constructive, à moins qu’elle ne soit dans le but de renforcer un élément qui peut nous permettre de progresser et de nous améliorer. La critique dans ce sens-là, d’accord. Mais critiquer pour détruire et irriter la volonté des gens, leur bonheur, ça c’est un truc que je ne supporte pas. Pour moi, c’est exécrable, on n’est plus à un stade d’humanité.

Pour revenir au concours actuel et partir dans les côtés positifs, je trouve qu’il s’est amélioré sur le plan de la mise en scène et des décors. Il y a des choses fabuleuses, c’est incroyable ce qu’il se passe aujourd’hui, on a pris une dimension intergalactique pourrait-on dire pour faire un clin d’œil à mes détracteurs. Je pense qu’on est bien parti dans ce sens-là, mais je me demande si on n’a pas versé dans la déshumanisation. Je préfère plutôt le côté artisan, parce que nous sommes tous des artisans, les artistes, les metteurs en scène, les chefs de plateaux, les journalistes, nous avons la foi de bien faire notre travail et de respecter les autres. Tant qu’on est dans cette mouvance-là, on a des chances de ne pas s’autodétruire, mais si on continue d’aller dans des excès qu’on voit à la télé, des gens qui tuent pour un rien, pour une parole de trop… On n’est pas dans la sécurité totale. C’est vrai qu’on a toujours traversé des époques comme ça dans l’humanité. J’adore l’histoire, et quand on regarde l’humanité depuis la nuit des temps, il y a toujours eu des hauts et des bas comme ça, dans l’agressivité. Quelques temps après, il y a comme un raisonnement universel qui se met en place. L’armée du Bien agit à son niveau et comme par hasard, la pente de violence redescend et on retrouve une sérénité sur la Terre. Je pense que nous sommes actuellement dans un chaos qui est sûrement nécessaire pour qu’on prenne conscience qu’on est des enfants gâtés. On a tout ce qu’on veut aujourd’hui. On fait très attention à ça avec nos enfants, de ne pas trop les gâter ou de leur montrer que la moindre chose gaspillée est important pour la planète. Parce que si à notre niveau, on fait attention, on sait que ça peut se décupler et ça, c’est une force qui peut nous aider à mieux réagir dans le temps et à mieux préparer demain. Et pour toi qui es de la jeune génération, il faut que tous les jeunes qui êtes conscients que ce monde-là est en train de partir à la dérive s’activent, d’où ma nouvelle chanson Nous sommes tous uns. Elle résume bien ce à quoi il faut qu’on s’attache : il faut qu’on soit un pour tous et tous pour un, sans qu’il n’y ait de laissés pour compte, y compris les détracteurs. On doit leur pardonner et leur permettre d’exister, parce qu’ils ont choisi de critiquer, de descendre les gens, c’est leur choix. Je le respecte. Mais ça ne veut pas dire que c’est utile aujourd’hui dans le monde dans lequel on vit pour construire le monde de demain. Ils en prendront conscience au fur à mesure. La vie nous parfois des défis ou des épreuves pour qu’on comprenne l’attitude que nous avons et je pense que c’est ça. Je pense qu’on va s’en sortir. La jeune génération que je voyais dans les télé-réalités commence pour beaucoup à changer de route, ils sont de plus en plus dans le besoin de donner des bons conseils aux jeunes, de leur dire de faire attention. Je pense qu’à un moment donné, le cerveau est bien fait : on fait nos erreurs, mais notre cerveau nous invite à partager nos erreurs pour éviter que l’autre aille plus loin que soi. Il faut porter le flambeau. On est comme ça : on naît un jour, on meurt un jour, et entretemps, il faut essayer de vivre.

Pour revenir à l’Eurovision, est-ce qu’il y a des prestations ou des titres qui t’ont marqué ces dernières années ?

Alors celle d’Amir évidemment. Je l’adore, je suis fan, comme de bien d’autres. J’ai aussi bien aimé le duo, Madame Monsieur. J’ai aussi adoré la prestation de notre ami Bilal. Je trouve que la France s’est modernisée des cinq dernières années, alors qu’on était assez en retard. Je trouve que ces trois artistes sont des gens qui montrent les meilleurs côtés de la jeunesse française aujourd’hui et le talent des auteurs compositeurs. Je pense qu’on peut s’approcher de la victoire, mais il faudra vraiment sortir encore les meilleures cartouches qui ne sont pas là.

C’est vrai qu’avec Amir ou Madame Monsieur, les résultats se sont améliorés …

Ils ont fait une super campagne de presse, ils ont été invités dans tous les shows, ça a été les seuls. Je n’ai pas vu Amir, et Bilal beaucoup moins qu’eux. Ils ont vraiment surpris la France par leur popularité et leur communication. Ils ont été très forts.

On reste un pays mal aimé du concours, pourquoi selon toi et quelles solutions verrais-tu pour qu’on gagne ?

Déjà, il nous faut une belle chanson, une méga chanson qui sorte du lot. On a de très bons auteurs-compositeurs, il faudrait aller chercher un Goldman. Même si ça peut paraître ringard, c’est quelqu’un qui écrit bien, il est toujours dans le coup et dans le vent, ou des Obispo, des grosses pointures. Il y en a de très bons dans la jeune génération, j’adore Vianney par exemple. C’est un super auteur, qui écrit très bien. Après, peut-être que musicalement, il faut quelque chose de grandiose. Peut-être même aller le chercher ailleurs, pour fédérer un peu l’Europe, parce que je crois que les auteurs et compositeurs peuvent ne pas être français. Pourquoi la France ne montrerait elle pas son ouverture ? Parce que c’est peut-être pour cette raison qu’on se fait taper dessus : on manque d’ouverture. On a pourtant un Président qui nous ouvre sur l’Europe. Mais on a quand même cette sacro-sainte réputation de gens très culturellement français et franchouillards. Ce qui désespère les français, c’est de ne pas gagner, et il faut arrêter d’avoir peur de gagner. C’est pour ça qu’il y a moins d’engouement. Après, j’adore aussi la France parce qu’on a de très grands auteurs de la chanson française. Il faudrait montrer nos points forts sur la culture française et je pourrais intervenir, par exemple. Dans le sens où je ne démords pas du fait qu’il faille aller chercher un gros poids lourd vocalement. Je ne parle pas de moi quand je dis ça, je parle d’artistes qui ont une voix, comme Amel Bent. Je sais qu’on lui a proposé de faire l’Eurovision, mais elle a refusé. Parce qu’il y a toujours ce sacro-saint jugement qui fait que, quand tu as une carrière déjà établie c’est difficile de mettre l’Eurovision après. On sait que ça passe ou ça casse. C’est pour ça qu’on devient frileux après qu’on ait établi une carrière ou connu le succès. On se dit que si jamais on fait l’Eurovision et qu’on se ramasse, on est mal.

La seule qui a tenté le coup en ayant une énorme carrière ces dernières années, c’est Patricia Kaas.

Aussi. On n’entend plus parler d’elle depuis l’Eurovision, je ne sais pas pourquoi d’ailleurs. Elle a pourtant été bien classée, mais c’est peut-être aussi un choix personnel, on ne sait pas. Encore une fois, je ne juge pas, et je me dis qu’à moment donné, on a des choix de vie, on a d’autres opportunités, peut-être qu’on a aussi envie de profiter de la vie, on ne sait pas. Quelque soit son choix, elle reste quand même l’une des meilleures françaises à l’Eurovision, et aussi quelqu’un qui a un talent fou.

L’Eurovision a eu quel effet sur ta carrière selon toi ?

Elle a eu un effet positif puisque suite à l’Eurovision, la vidéo a tellement été partagée par les fans et ceux qui me soutiennent qu’elle a atterri sur le bureau d’un producteur américain qui a trouvé que je ressemblais étrangement à Céline et que, vocalement, ça pouvait le faire. Grâce à lui, je suis allée aux Etats-Unis faire une audition. J’y ai découvert le métier de sosie. J’ai commencé à travailler là-bas, puis je revenue en Europe, où j’ai commencé à développer mon show Céline et moi en Europe. J’ai travaillé encore un peu avec les américains par la suite, sur une croisière. Tout ça, c’est grâce à l’Eurovision. Les gens ne m’oublient pas. Ils se rappellent de moi et de la chanson. Ils viennent me voir au show Céline et moi et à la fin, je garde toujours cette chanson que j’ai retravaillé et dont on a refait les arrangements grâce à un ami, Franck Geffray.

Grâce à lui qui a eu l’idée de remastériser et de refaire les arrangements pour la mettre au goût du jour, elle est plus pêchue, plus pop, et la jeune génération l’adopte. Il y a toujours des gens comme ça qui te donnent un coup de main et qui te permettent d’aller plus loin, et la chanson perdure. Je la chante à la fin de chaque show pour dire bas les masques, comme le transformiste qui se montre démaquillé, tel qu’il est. C’est comme ça aussi que je vis. A la fin de mon show, les gens font le lien et se disent que c’est Nayah, Eurovision 1999, et comprennent la ressemblance de voix. Les gens viennent me voir aussi pour me dire qu’ils se rappelaient de moi et même qu’ils avaient voté pour moi. On voit les gens, les visages, la vraie vie, la réalité. Je suis fière d’appartenir à cette famille, je le garderai de manière indélébile sur la peau. Jusqu’à la fin de ma vie, je resterai Nayah de l’Eurovision 1999, et pourquoi pas bientôt de l’Eurovision 2021, 2022, on ne sait pas.

Avec le recul, sachant ce qui a découlé de ta participation au concours, à refaire tu le referais ?

Oui ! Mais pour gagner je te l’ai dit. Je le referais avec une chanson quelque soit l’origine des auteurs compositeurs. Je pense qu’il faut que la France apprenne ça. Il faut ouvrir le débat ailleurs. Il faut que les français acceptent qu’on puisse chanter en anglais, ça aussi c’est très important, ou en français et en anglais, comme l’ont fait Amir ou Bilal. Il faut s’y mettre. Je sais que ça peut ne pas plaire à certains français qui sont attachés à leurs racines, à la langue de Molière, mais je pense que la France, c’est l’Europe aussi. On en fait partie, et il faut accepter humblement que l’anglais est la langue des affaires aujourd’hui, et devient de plus en plus la langue mondiale. C’est une langue qui a aussi une certaine poésie, une prosodie, une musicalité à l’oreille qui fait que les gros tubes planétaires sont malheureusement majoritairement anglophones. Donc il faut accepter ça. Si on veut gagner, il faut jouer le jeu, il faut s’accrocher à la nouveauté, il faut faire confiance à ceux qui décident, et surtout à celle ou celui qui va représenter la France et qui va gagner. En tout cas, si quelqu’un m’entend, si quelqu’un souhaite que je participe à nouveau pour gagner, on ne le sait pas à l’avance je le sais, mais une victoire, ça se prépare. Je veux que les gens voient que je suis autre chose que le sosie de Céline. Même si je pouvais participer en tant qu’invitée, que je puisse défendre l’Eurovision, tous ceux qui y croient encore et qui veulent se battre, vous pouvez compter sur moi. Je sors de cette famille. Je n’oublie pas que ceux qui m’ont donné ma chance en premier, ce sont Bruno Berbérès et les fans de l’Eurovision. Ma célébrité sort de là, et c’est pour ça que je suis ravie que tu m’aies appelée.

Je rêve de gagner l’Eurovision et je veux que ce rêve se réalise. Si quelqu’un m’entend et si la délégation française m’entend, il ne faut pas avoir la frilosité de présenter une candidate qui a déjà participé au concours. De nombreux artistes ont refait l’Eurovision pour leur propre pays, parce qu’ils sont ouverts et cherchent à gagner. Ils cherchent parfois dans les vieilles recrues, parce que je ne me considère pas comme du passé, mais presque, vu mon âge ! Je me fous de l’âge. J’ai la chance d’avoir ma voix en bonne santé, et je me dis que l’important est d’être efficace. Si on veut gagner, il ne faut pas avoir de préjugé ou d’a priori, et pourquoi pas refaire une nouvelle fois l’Eurovision ? J’en rêve et je sais que je vais réaliser mon rêve ! Et si ce n’est pas pour la France, ce sera peut-être pour un autre pays. Faites attention les français, j’ai envie de faire l’Eurovision pour la France, et ce sera le mot de la fin. Je veux que la France me redonne la chance de gagner, alors on y va !

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L’actualité de l’artiste :

Durant le confinement, Nayah a mis en oeuvre le projet Nous sommes tous Un. À partir d’une chanson écrite et interprétée par ses soins diffusée au préalable, elle a demandé à ses fans de la rejoindre en vidéo pour chanter avec elle et faire de ce titre une oeuvre collective. Le clip de Nous sommes tous Un est sorti le 23 septembre dernier. Nous vous laissons le découvrir ci-dessous.

Nayah se produit régulièrement en concert dans le cadre de son spectacle Céline & moi (dédié à Céline Dion) ou pour interpréter ses titres originaux. Comme vous l’aurez cependant deviné, le contexte sanitaire a entraîne le report ou l’annulation de plusieurs de ses dates.

Le dernier EP de Nayah, Je n’ai rien oublié, est sorti à l’été 2019, dont est notamment extrait Ils n’auront jamais mon âme.

L’artiste prépare actuellement de nouveaux projets dont elle nous donnera plus de détails le moment venu.

Vous pouvez suivre l’actualité de Nayah :

Nous remercions chaleureusement Nayah pour sa sympathie, sa générosité et son enthousiasme à avoir partagé avec nous son expérience du concours et son parcours artistique. Merci également à Nadine Guillon, attachée de communication de Nayah, pour avoir organisé cette interview et pour sa disponibilité.

Et bravo à Lolotte66, notre fidèle lectrice, d’avoir une nouvelle fois deviné le nom de l’artiste vedette de cet entretien grâce à notre habituelle devinette du vendredi postée sur les réseaux sociaux de l’EAQ !

Crédits photographiques : Étienne Clotis (pour la photo de couverture) et Nadine Guillon (pour la photo du concert de 2018 à Monaco) (avec l’aimable autorisation de l’artiste)