L’impossibilité d’organiser une édition de l’Eurovision selon les standards habituels a poussé les organisateurs néerlandais à multiplier les innovations et à développer plus encore les plateformes virtuelles. Il y a deux ans de cela, vous auriez été surpris de la perspective d’un Eurovillage en ligne, d’activités dans la ville-hôte retransmises en direct sur YouTube ou encore de programmes courts quotidiens accessibles à tous. C’est désormais chose concrète.

Jusqu’ici, toutes ces réjouissances étaient réservées à quelques rares chanceux ayant décroché un billet pour assister à une soirée et ayant déniché un logement sur place. « Chanceux » au sens premier, car la demande est chaque année supérieure à l’offre. Les précieux sésames ne s’obtiennent que difficilement. Quant aux logements, ils sont réservés douze mois à l’avance. « Chanceux » au sens second, car tout le monde ne peut s’offrir deux semaines de congés en beau milieu du mois de mai, des trajets pour des destinations lointaines et les frais inhérents à un séjour à l’étranger.

Certains Eurofans trouvent des compromis. Ils ne séjournent que quelques jours sur place, assistent plutôt aux répétitions, dorment en tente, profitent des activités gratuites, suivent les soirées en direct sur les écrans géants de l’Eurovillage. Les autres, qui disposent de moins de moyens encore, qui ne peuvent se soustraire à leurs obligations professionnelles ou familiales, suivent cela à distance et regardent l’Eurovision, comme tout un chacun, à la télévision. Le plaisir n’est pas moindre, mais l’envie affleure de se plonger dans le chaudron bouillonnant de la salle et de communier de façon fiévreuse et passionnée avec tous les Eurofans présents. Les plus optimistes attendent que leur pays l’emporte et que la caravane du Concours s’arrête dans leur capitale. Hélas, il leur faut parfois patienter plusieurs décennies avant que leur rêve ne se réalise.

Il en va de même pour les différents Eurosites. Tous couvrent les répétitions pour leurs lecteurs, mais tous ne sont pas égaux quant à l’accès à l’information. À nouveau, les Eurosites dont les rédacteurs ont la chance d’effectuer le voyage et d’accéder au centre de presse, bénéficient de plus d’informations et sont à même de produire des contenus plus détaillés et plus pertinents. Les autres se contentent de rester chez eux et de résumer les informations partielles distillées au compte-goutte par la production et qui sont par ailleurs accessibles facilement et gratuitement à leur lectorat. Résultat prévisible : les premiers gonflent leurs abonnés et leur notoriété ; les seconds restent cantonnés à de la figuration et sont incapables de se démarquer.

Tout cela entraîne quelques injustices flagrantes, que vous avez certainement notées. Des rédacteurs doués et des Eurosites méritants, disposant hélas de peu de ressources, sont incapables de déployer leurs ailes. L’Euromonde passe ainsi à côté de talents et son renouvellement reste en panne. En outre, une certaine routine s’instaure. Artistes, rédacteurs, délégations, production, Eurofans rejouent des partitions semblables. À tel point que le déroulement de ces deux semaines en devient prévisible. Or l’Eurovision a besoin de nouveaux visages, de nouvelles approches et de nouvelles audaces pour demeurer frais et pertinent.

Heureusement, cette année verra cette ouverture et ce changement tant espérés. La création de ce centre de presse virtuel accordera enfin l’égalité à l’ensemble des Eurosites. Leurs rédacteurs seront mis sur le même pied, quelles que soient leurs capacités financières ou leurs possibilités matérielles. Tous auront accès à la même information, au même moment. Leur pays d’origine, leur situation socio-professionnelle, leur culture n’auront aucun impact sur leur capacité à relater ces répétitions à leurs lecteurs. Nous assisterons à une réelle démocratisation de l’Eurovision et à l’accomplissement d’un idéal : un Concours égalitaire et ouvert au plus grand nombre.

Vous, lecteurs, serez donc comblés : vous disposerez d’une offre pléthorique. Nombreux, très nombreux seront les Eurosites et les accrédités qui vous transmettront en temps réel ces précieuses informations. Vous n’en manquerez aucune miette. Souhaitons que cela nous fournisse un plus bel Eurovision encore. Souhaitons surtout que cette virtualisation soit reconduite année après année et ne se limite pas à cette édition 2021. Il serait en effet cruel d’offrir des accès une fois seulement. Cela causerait déception et frustration. Nombre d’Eurosites innoveront et renouvelleront leur couverture des répétitions. Leurs ailes seront coupées si l’Euromonde d’avant reprend ses droits en 2022.

À titre personnel, à cette reconduction souhaitée, j’ajouterais une autre demande : que les critères d’attribution des accréditations soient rendus publics. Pour l’heure, les dites accréditations sont accordées de manière discrétionnaire par les organisateurs et l’UER. Certains la décrochent, d’autres pas. Sur base de quels critères ? Mystère. Est-ce le nombre d’abonnés ? La régularité des publications ? Leur pertinence ? Y a-t-il des quotas linguistiques, nationaux, personnels ? Les délégations interviennent-elles ? Les contenus écrits ont-ils le même poids que les contenus audiovisuels ? Tout cela mériterait une clarification et une transparence accrue. Ne fut-ce que pour éviter des situations pénibles où certains postulent de bonne foi et se voient refuser la précieuse carte, sans explication, ni justification aucune.

Sur ce vœu pieux, je vous souhaite une nouvelle fois de belles, joyeuses et passionnantes semaines de l’Eurovision. Amusez-vous au mieux, profitez de chaque instant, partagez-les avec vos proches et soyez les plus heureux ! Quant à moi, je vous retrouve samedi prochain sans faute pour le coup d’envoi des répétitions. Je reprendrai le fil de mes éditoriaux, fin mai, une fois le vainqueur couronné et les paillettes balayées. À très bientôt !