Le dernier jour du disco de 2024 a retenti hier soir à 23h59. Soixante secondes ont ensuite suffi pour tourner la page de l’année écoulée et laisser place à la nouvelle qui s’annonce. Willkommen im Jahr 2025 !

C’était un mardi soir de novembre 2023 – oui, exceptionnellement, le rétroviseur nous mène quelques semaines avant 2024. Dans l’antre de France Télévisions surplombant la Seine depuis les hauteurs de l’Esplanade Henri de France, nous nous retrouvons autour de la table avec plusieurs autres, étonnés d’une convocation de dernière minute et visiblement de la plus haute importance, au vu de l’absence totale d’éléments au sujet de la réunion. Le suspense est très vite éventé : le lendemain, 10 heures, Slimane se voit officialisé représentant de la France à l’Eurovision 2024 sur les ondes de France Inter, pendant la célèbre matinale de Léa Salamé, tandis que Mon amour est dévoilé le soir même à l’issue du JT de France 2. La stupeur est sans nom : pour la première fois de son histoire, la France sera représentée à l’Eurovision par l’une de ses plus grandes stars du moment, dont la grande tournée des Zéniths et des arenas en partie prévue pendant la préparation du concours s’affiche déjà à guichets fermés. Une première onde de choc au début de l’année Eurovision 2024, qui allait être synonyme d’une saison où l’euphorie habituelle allait rapidement céder la place à de multiples rebondissements, jusqu’à ce fameux 13 mai 2024 où la tension allait toucher son pic.

Vous l’aurez sans doute constaté au printemps dernier : pour la première fois depuis longtemps, l’EAQ ne vous a pas offert son édito de clôture de l’Eurovision 2024. Volonté délibérée ? Plutôt la continuité logique d’une édition épuisante de tensions inédites, que Malmö nous a littéralement fait éprouver sur place, et le soulagement de boucler la saison, au point que le dit édito fut rapidement enfermé dans le tiroir sous verrou. Sans doute le valait-il mieux également plutôt que de réagir trop à chaud sur un ensemble qui ne demandait que recul. Les eurodramas habituels (défaites de favoris en sélection, chansons déjà publiées deux ans avant, plagiats, résultats prétendument truqués, pannes dans l’appli de vote…) n’étaient rien à côté de ce qui allait nous attendre en Suède, et il me semble indispensable d’y revenir brièvement dessus.

En tête d’affiche, un protagoniste principal : Israël, dont la participation a été entachée de polémique en raison de la guerre à Gaza, consécutive aux attentats du 7 octobre 2023. Dès le début de la saison, les premiers éléments du décor (boycott de la couverture du pays, appels au retrait, menaces de disqualification…) étaient plantés et Malmö en deviendrait la scène principale : spoiler, cela n’a pas loupé. La quinzaine Eurovision fut régie par une ambiance électrique, dont les tensions ne sont allées que crescendo, surtout lorsque le pays s’est retrouvé parmi les grands favoris à la victoire. Avec un dispositif de sécurité inédit et la Malmö Arena encerclée par les tireurs d’élite, les tensions furent à leur sommet le soir de la finale, qui n’a finalement pas offert à Israël son cinquième trophée à l’Eurovision. Un concours musical, à la dimension intrinsèquement politique du fait qu’elle met en compétition des pays aux interactions parfois complexes (comme les JO, la Coupe du Monde de football ou d’autres événements sportifs et culturels internationaux), mais où nous sommes censés être Unis par la musique. Un concours musical dont une nouvelle victoire aux relents géopolitiques aurait pu définitivement mettre à mal la crédibilité. Ainsi, eurodrama est un terme trop faible pour évoquer cette année Eurovision 2024. D’ailleurs eurodrama ne rime t-il pas avec Europapa ? La polémique autour de la participation israélienne ne suffisant pas, il ne manquait plus que Joost Klein y aille de son coup de sang et se retrouve disqualifié de la finale le Jour J, fait inédit, suite à une altercation avec une camerawoman de la télévision suédoise, finalement conclue par un non-lieu. Martin Osterdahl doit encore en avoir des acouphènes…

Malmö 2024 devait être Unie par la musique, tel le nouveau mot d’ordre de l’Eurovision né en 2023 suite à l’édition de Liverpool co-organisée par le Royaume-Uni et l’Ukraine dans le contexte de la guerre qui sévit à l’est de l’Europe depuis bientôt trois tragiques années. Malmö 2024 a été finalement plus désunie par la musique que jamais. De quoi sérieusement ébranler votre motivation à l’heure où l’Eurovision n’est censée être “qu’une” compétition musicale et avant tout un terrain de jeu pour ses dizaines de milliers d’eurofans à travers l’Europe et le monde, sans parler des 160 millions de téléspectateurs les yeux rivés devant leur écran le Jour J. Souhaitons une édition 2025 plus sereine : que l’organisation en terre neutre suisse (ironie du sort) en pose le cadre. Au sein de la rédaction, nous resterons attentifs à ce que l’EAQ reste un espace d’échanges bienveillant, constructif et des plus respectueux, tant pour les lecteurs et les rédacteurs que pour les artistes. Ce qui ne nous empêchera pas toutefois de conserver notre liberté de ton et notre fougue, bien au contraire et plus que jamais.

Pendant ce temps-là, la France vivait une année olympique dans tous les sens du terme et par tous les pores. Je parle bien évidemment de la magie de Paris 2024, qui aura su souder un pays (lui aussi traversé de dissensions) un été durant, telle une parenthèse enchantée et historique, au son de la divine Parade de Victor le Masne qui a retenti sur les 139 podiums réalisés par nos athlètes olympiques et paralympiques français. Peut-être des eurofans se cachent-ils parmi eux ? Auquel cas, votre médaille n’en aura que davantage de goût. Qui dit année olympique dit surtout une année Eurovision olympique, puisque la France n’a pas été exempte de réussite à la matière. Ne nous réjouissons pas trop vite : une année encore, comme c’est devenu l’habitude depuis désormais 48 ans, Marie Myriam reste la dernière française à avoir gagné l’Eurovision (ce qui signifie donc que 57% de la population française n’a jamais connu de victoire nationale au concours, dixit l’INSEE, sans parler de ceux qui avaient moins de 6 ans à l’époque et n’en gardent probablement aucun souvenir).

Mais l’année Eurovision France fut pour autant des plus belles. Avec une prestation qui a touché le ciel, dans le silence de cathédrale de la Malmö Arena, Slimane a relevé son défi de l’Eurovision et imposé l’une des prestations les plus puissantes de l’histoire du concours, émotionnellement et vocalement. Un moment de grâce qui a offert à la désormais eurostar une magnifique quatrième place, deuxième meilleur résultat de la France depuis 1991 ex-aequo avec Natasha St-Pier. Une quatrième place qui rime visiblement bien avec Paris 2024, puisque c’est également le classement obtenu par Titouan à l’Eurovision Junior en novembre dernier à Madrid, confirmant ainsi la success story de la France au concours junior depuis son retour aux affaires en 2018, qui ne rime pour le moment qu’avec un enchaînement inédit de tops 5. Moralité : tant en matière d’olympisme que d’Eurovision, quand la France veut, la France peut.

L’année Eurovision 2024 n’aura donc pas été que désunion dans la musique. Preuve en est l’audience record que s’est offert France 2 avec 5,6 millions de téléspectateurs (record depuis 2009) et 35,4% de part d’audience (record depuis 1993), de quoi placer l’Eurovision dans les 100 meilleures audiences de l’année ! Si la présence de Slimane (dont l’image est aujourd’hui ternie par les accusations de harcèlement et d’agression sexuelles à son encontre, qui ont fait l’objet de dépôts de plainte) et le randam autour des eurodramas n’ont pas été étrangers au net regain d’intérêt médiatique et social pour le concours, ceci ne suffit pas à expliquer cela. 69 ans après sa création, l’Eurovision est plus que jamais le concours musical le plus populaire au monde, lieu d’échanges entre les différentes cultures musicales, symbole de l’union de l’Europe dans la diversité, autour de la musique, au-delà des conflits qui n’en sont pas moins manifestes. En 69 ans d’existence, le concours a eu le temps d’évoluer, évolue au quotidien, au point de nous offrir aujourd’hui un panorama de scènes musicales nationales qui nous resteraient complètement étrangères si l’Eurovision n’était pas cette vitrine internationale de la musique. Grâce à l’Eurovision, en 2024, l’europop et les ballades sirupeuses ne sont plus circonscrites à un duel solitaire, la scène du concours étant désormais ouverte à des styles musicaux que nous n’aurions pas vu vingt ans plus tôt : rock, métal, électro, sonorités traditionnelles et contemporaines croisées, musiques urbaines,… Surtout, les eurostars parlent aux européens en plein coeur, leur racontent des histoires, incarnent quelque chose à leurs yeux, au-delà des genres musicaux et des cases dans lesquelles la société tend à nous ranger.

À ce jeu-là, un·e artiste a réussi à unir l’Europe en 2024 en cassant les codes : Nemo, 25 ans, qui a offert à la Suisse sa première victoire depuis Céline Dion en 1988 avec The Code, titre décoiffant et inclassable, voyage en train entre la pop urbaine, le rap et le lyrique. Devant la prestation de haute voltige proposé par le·a candidat·e, doit-on vraiment s’étonner que les jurys nationaux lui aient accordé un tel plébiscite ? C’est ainsi grâce à iel que, 36 ans après, l’Eurovision retrouvera enfin le sol helvétique qui l’a vu naître en 1956.

Le nom de code de l’Eurovision 2025 est ainsi connu. Willkommen im Basel, troisième ville de Suisse, cœur de l’Europe, au carrefour avec la France et avec l’Allemagne, connue pour sa grande foire internationale d’art contemporain, son carnaval, ses musées (même si le musée Lindt se trouve à Zurich), et bien sûr en tant que place financière et bancaire (comme toute le pays). Face au duel annoncé des favorites Zurich-Genève, Bâle, l’outsider alémanique, a réussi à séduire par sa créativité, son cosmopolitisme et son positionnement frontalier unique parmi les candidates. Rendez-vous est donc pris du 13 au 17 mai 2025 pour réunir à nouveau l’Europe autour de la musique, dans un moment où “l’unité [façonnera] l’amour”, mot d’ordre de la création graphique de cette édition. Dans quatre mois précisément, 38 pays s’affronteront sur la scène montagneuse et contemporaine de la St. Jakobshalle, reflet de la richesse linguistique, de la beauté naturelle et du pouvoir fédérateur de la Suisse. Un pays de la démocratie directe où l’écoute est érigée en maître mot, plus que jamais décidé à unir à nouveau l’Europe par la musique et la magie de l’Eurovision.

Mais avant cela, tâche aux télédiffuseurs de trouver les 38 représentants qui porteront leurs couleurs en mai prochain. Pour cela, la saison Eurovision 2025 vous promet a minima 28 sélections nationales (!) pour animer vos longues soirées d’hiver et des Super Saturday de folie (la rédaction en transpire déjà !) – moins le Montesong et le Festivali i Kengës, qui ont déjà accouché de leurs verdicts en novembre et en décembre (“Zjeeeeeeeeeern !”), et les quelques représentants déjà sélectionnés en interne à date. Nous retrouverons donc au programme les traditionnels Melodifestivalen, Sanremo, Eesti Laul, Benidorm Fest, Festival da Canção, Pesma za Evroviziju, Eurovizija.LT, Melodi Grand Prix… pour ne citer qu’eux, tandis que nous célèbrerons le grand retour de l’Eurosong (Belgique), de l’EMA (Slovénie), de la sélection polonaise, mais aussi de sélections nationales en Arménie et en Grèce après plusieurs années de sélections interne. Côté francophone, l’Eurosong belge (1er février) animera bien sûr le début de l’hiver, qui plus est avec la présence de Mentissa au casting, tout comme la deuxième édition du Luxembourg Song Contest (25 janvier). Sans oublier les nombreuses occasions de rencontrer nos eurostars d’ici l’épopée bâloise, de la PreParty ES de Madrid à la London Eurovision Party, en passant par Amsterdam, Barcelone et Oslo. Avant tout ça, il conviendra également de faire le bilan de l’année 2024 avec les incontournables Moustaches de l’EAQ, dont la cérémonie sera ouverte dès demain !

Pendant ce temps, quid de la France ? Focalisée sur la préparation du Junior à l’automne, Alexandra Redde-Amiel n’a jusqu’alors livré aucune cartouche quant aux modalités de sélection du représentant tricolore pour Bâle, si ce n’est la promesse de premières annonces pour fin décembre 2024 ou début janvier 2025. Il est donc fort à parier que, d’ici quelques jours, France Télévisions sortira du bois avec des informations sur l’Eurovision 2025, avec LA question qui brûle les lèvres des eurofans français et internationaux : sélection interne ou sélection nationale ? Lors de l’officialisation de la candidature de La Zarra en 2023, la cheffe de délégation avait évoqué une mise en pause temporaire du format Eurovision France, faisant du retour d’une sélection nationale télévisée un objectif à terme. Face à la complexité de rebondir après le choix d’un artiste aussi installé et populaire que Slimane, France 2 serait-elle tentée de revenir à une finale nationale dès 2025 ? Face à l’absence totale d’informations à date, le suspense est à son comble, et il serait bien audacieux d’émettre le moindre pronostic : preuves en sont les nombreuses rumeurs évoquées ces dernières semaines (Helena, Lénie, Lumis, Kimberose, Styleto…) pour beaucoup démenties. Quoiqu’il en soit, la sélection du candidat français à l’Eurovision 2025 devra considérer le changement de cap qu’a imposé Slimane dans l’histoire française de l’Eurovision. Nul retour en arrière n’est désormais possible : pour rompre avec 48 années de disette interminables, il sera indispensable de continuer à mettre les moyens à nos ambitions de victoire.

Surtout que 2025 sera une année particulière pour notre site. C’est en effet en 2010 qu’un certain Eurovista créait la Quotidienne Eurovision, un blog signé d’un passionné de l’Eurovision qui, très vite, rencontra plus de succès que prévu, jusqu’à devenir l’Eurovision au Quotidien. Un site qui, au fil des années, sera construit pierre par pierre par une équipe de passionnés (à moins que nous ne fûmes des fous furieux quand on y pense), jusqu’à devenir le fan média qu’il est aujourd’hui. Vous l’aurez compris : l’EAQ fêtera cette année ses quinze ans et compte sur vous pour souffler les bougies au cours d’une programmation très spéciale !

Ainsi, à toutes et tous, nous souhaitons la plus belle…

(Parce que Loreen reste la Reine)

… des années 2025 !

Que 2025 vous apporte Amor, salud y pesetas (Marie me dit dans l’oreillette que l’Espagne est passée à l’euro en 2002, mais bon), qu’elle illumine votre année de mille et un soleils, bref qu’elle vous comble de bonheur et vous permette d’être qui vous êtes ! Depuis la France et le Portugal, la rédaction de l’EAQ vous souhaite une très belle année 2025 et surtout de continuer de vivre l’Eurovision au quotidien à nos côtés.