Ce weekend prolongé et cette période de déconfinement me donnent envie de vacances, de partir en un endroit heureux et ensoleillé, de retrouver l’un de mes pays de cœur et de famille : l’Espagne. Que de souvenirs ! Que de bons souvenirs ! Pour compenser l’impossibilité d’y aller, je me suis replongé dans les sélections espagnoles du tournant des années 2000 et 2010. J’en partagerai trois avec vous, qui m’auront plus marqué encore que les autres.

Embarquons donc dans la machine à remonter le temps de l’EAQ et repartons en 2008, pour y revivre Salvemos Eurovisión !

La télévision publique espagnole avait raison de vouloir sauver l’Eurovision : ses trois dernières participations, en 2005, 2006 et 2007, s’étaient soldées par des échecs et des fonds de classement. La RTVE décide donc d’innover et de collaborer avec MySpace pour trouver son représentant 2008. Elle ouvre un plateforme spécifique sur le réseau social. Tous les candidats intéressés peuvent y poster leur chanson candidate.

Au terme de la période de candidatures, le 13 février, la RTVE décompte plus de 530 propositions, un beau record. Les Espagnols sont alors appelés à voter en ligne, pour élire leurs cinq chansons préférées. Celles-ci se qualifieront pour la finale, avec cinq autres, choisies par un jury d’experts. L’intention est louable : faire découvrir de nouveaux talents et instaurer un processus de sélection plus démocratique.

Belles et nobles intentions qui éclatent au nez de la RTVE. Aussitôt, la plateforme est prise d’assaut par les fans déchaînés de certains candidats et il apparaît rapidement que le règlement de vote (cinq votes par votant) s’enfreint avec une facilité déconcertante. Une autre distorsion s’en mêle : les candidats les plus célèbres attirent le plus de votes. Ainsi, le personnage d’un talkshow populaire, Rodolfo Chikilicuatre, interprété par le comédien David Fernández, bénéficie d’une vaste campagne de promotion et s’installe en tête du classement.

Des complots difficilement discernables agitent les forums espagnols et la plateforme de la RTVE, jusqu’à l’inévitable scandale. Un obscur candidat, El Gato, voit son nombre de votes passer de 300 à 80.000 en deux jours. Sa chanson étant pour le moins oubliable, la RTVE lance une enquête. Ayant obtenu la preuve d’une manipulation, le diffuseur annule les votes frauduleux. Pas une perte, comme vous en jugerez par vous-même :

Au terme de la semaine de vote, le public qualifie les cinq interprètes suivant :

  • Rodolfo Chikilicuatre – 109.995 votes
  • La Casa Azul – 67,706 votes
  • Arkaitz – 63,460 votes
  • Coral – 58,339 votes
  • Bizarre – 54,842 votes

De son côté, le jury retient les cinq candidats suivant :

  • D-Vine – 1.439 votes
  • Ell*as – 1.533 votes
  • Innata – 2.827 votes
  • Lorena C – 2.423 votes
  • Marzok Mangui – 87 votes

La grande finale se tient le 8 mars, dans les studios de la RTVE à Madrid. Le diffuseur a recruté pour l’occasion une présentatrice-star : Raffaella Carrà en personne. Le vainqueur est déterminé par un double vote du public :

  • 20% pour un télévote préalable à la finale ;
  • 80% pour un télévote durant la finale.

Et voici les prestations de dix candidats, par ordre de passage :

1- Bizarre – Si pudiera

2 – Innata – Me encanta bailar

3 – Arkaitz – Un olé

4 – Ell*as – 100 x 100

5 – Lorena C – Piensa gay

6 – D-Vine – I Do You

7 – Rodolfo Chikilicuatre – Baila el Chiki-chiki

8 – Marzok Mangui – Caramelo

9 – La Casa Azul – La revolución sexual

10 – Coral – Todo está en tu mente

Le résultat était prévisible : Rodolfo l’emporte de loin. Voici le classement final :

  1. Rodolfo Chikilicuatre – 60
  2. Coral – 48
  3. La Casa Azul – 42
  4. Arkaitz – 31
  5. Marzok Mangui – 31
  6. Lorena C – 22
  7. Bizarre – 22
  8. Innata – 15
  9. Ell*as – 9
  10. D-Vine – 9

Si certains d’entre vous le souhaitent, l’intégralité de la soirée est disponible sur YouTube :

À peine Rodolfo choisi, que la controverse ré-éclate. Certains accusent sa chanson d’enfreindre le règlement de l’Eurovision. En effet, elle fait allusion à plusieurs personnages politiques, Mariano Rajoy, Hugo Chávez ou encore José Zapatero, ainsi qu’à la célèbre phrase du roi Juan Carlos, adressée à Hugo Chávez, ¿Por qué no te callas? (Pourquoi ne te tais-tu donc pas ?). Par conséquent, les paroles sont légèrement modifiées.

Le 24 mai, Rodolfo monte sur la scène de la Belgrade Arena, accompagné de cinq danseuses. Deux d’entre elles sont des comédiennes : Grafica, en rose et Disco, en bleu. Les trois autres, Leticia Martín, María Ángeles Mas et Cecilia López, ont été choisies lors d’une émission spéciale Dansin Chiki Chiki. Grafica et Disco se font remarquer en manquant volontairement leur chorégraphie.

Tout cet humour espagnol et ce second degré assumé n’ont qu’un effet limité sur les téléspectateurs européens. Rodolfo termine seizième avec 55 points, dont 12 d’Andorre et 10 du Portugal. La France lui en attribue 5 ; la Belgique et la Suisse, 4.

Deux semaines plus tard, David Fernández annonce son abandon du personnage de Rodolfo et lui organise de fausses funérailles. Il poursuit ensuite sa carrière de comédien à la télévision espagnole. Quant aux autres concurrents de ce Salvemos Eurovisión, seul La Casa Azul connaît une carrière appréciable, sortant d’autres albums, dont le dernier en 2019.

En ce qui me concerne, j’aimais beaucoup Arkaitz. Hélas, mes quatre favoris, eux, n’ont pas atteint la finale !

Yanira – Yo seré

Diego Cosio – Soy mas fuerte de lo que crees

Baltanás – Te prefiero

Alive – Existe un lugar

Sur ce, passez un bon dimanche et prenez bien soin de vous ! À très bientôt !

(avec la collaboration de Pauly)