Bonjour à tous ! Au programme du jour : du Q ! Attention, les deux au fond de classe qui rigolent bêtement, il n’est pas question d’avoir l’esprit mal placé. Je parle évidemment de notre dix-septième page de l’abécédaire entièrement consacré à la lettre Q. Que peut-il donc y avoir en commun avec cette lettre qui n’est pas la plus évidente dans notre ordre alphabétique ? Je suis là pour y répondre et pour vous emmener vers un monde de diversité et de tolérance. Impatients ? Très bien, récitons ensemble l’Abécédaire de l’Eurovision !

  • Quatre !

Quatre quoi ? Quatre pommes ? Quatre bonbons ? Mes traumatismes (un mot bien trop fort et ironique je vous rassure) en fin de calcul en mathématiques quand j’étais à l’école refont surface. Ce petit oubli où il fallait rajouter « centimètres » ou « kilogrammes » ou je ne sais quelle unité de mesure. Oubli qui te valait un petit regard assassin de la part des professeurs de maths : « Nous ne sommes pas dans un étal de fruits ici, nous sommes devant cette beauté du chiffre qui détermine les dimensions même de notre monde » semblaient-ils dire. Oups, nous somme partis un peu trop loin dans mon passé mais faisons honneur à tous ces professeurs de mathématiques en allant droit au but : quatre vainqueurs !

Dans les premières éditions du Concours, l’UER avait rêvé un peu trop fort en se disant peut-être qu’aucune égalité n’arriverait en première place. Si nous ne pouvons pas en être sur, cela n’empêche pas qu’aucune règle concernant les ex-aequo n’avait été mis en place. Alors l’inévitable arriva puisqu’en 1969, pour la première fois, des pays arriveront en tête à égalité. Et je ne parle pas de deux pays… Ni même trois… Il s’agit de quatre vainqueurs ! Après un vote favorisé par un système qui attribue bien moins de points qu’actuellement, les Pays-Bas, l’Espagne (alors hôte et champion en titre), le Royaume-Uni et la France terminent tous avec un total de 18 points qui ne manque pas de provoquer la surprise du public sur place. Une situation inédite qui décontenancera la présentatrice Laurita Valenzuela qui ne sait qui annoncer comme vainqueur. Elle se tourne alors vers Clifford Brown, le superviseur de l’UER, qui lui confirme qu’il y a quatre vainqueurs. Un moment que je vous invite à revivre ci-dessus – réglé à 1h22 pour assister à la clôture du vote et le moment iconique des 4 reprises des chansons gagnantes mais si vous voulez revoir le show dans son intégralité, ne boudez pas ce plaisir !

Un résultat qui ne fera pas l’unanimité. Tout d’abord, habituellement les auteurs et compositeurs sont aussi récompensés mais devant le manque de médailles qui seront décernées aux 4 chanteuses gagnantes, ceux-ci ne manqueront pas d’exprimer leur mécontentement. Mais la principale insatisfaction vient de la part des autres pays qui refuseront de participer à l’Eurovision tant qu’aucune révision du règlement n’est faite par rapport à ces éventuelles égalités. Les controverses fusent dans les médias, notamment dans les pays nordiques. L’UER réagit directement et adapte son règlement dès l’année suivante pour départager les pays concernés par ce cas de figure s’il vient à se reproduire. Cela ne calmera pas les ardeurs pour autant et 1970 verra la participation de seulement 12 pays.

  • Qami Qami !

N’oublions pas que l’Eurovision ne concerne pas que le concours « adulte » comme nous le connaissons. Nous avions déjà parlé de l’Eurovision Junior (voir abécédaire #J !) il y a de cela 2 ans mais si nous savions ce qui nous attendait à cette période. Une victoire iconique pour la France 2 mois plus tard à peine. Ceci vaudra l’accueil d’un concours Eurovision sur le sol français pour la première fois depuis 1978 ! Un évènement unique, longtemps rêvé et attendu pour ma part et je souhaite que ce soit votre cas aussi. Sous l’œil protecteur d’Elodie Gossuin, d’Olivier Minne et de Carla, 19 pays s’affrontent un 19 décembre pour cette 19ème édition.

Au sein de cette édition placée sous la magie de Noël et de Paris, un pays attire tout particulièrement l’attention : l’Arménie. Le pays fait un retour symbolique suite à un retrait de dernière minute en 2020 causé par le conflit au Haut-Kabaragh avec l’Azerbaïdjan. Une situation de crise qui provoquera l’instauration de la loi martiale en Arménie, empêchant alors de terminer les préparations de la délégation nationale pour l’Eurovision Junior. Pourtant, l’artiste et la chanson avaient déjà été choisis : il s’agissait de Maléna Fox avec Why, une chanson redoutable qui aurait pu prétendre à la victoire.

Ce n’est que partie remise pour l’Arménie et Maléna Fox ! Tous deux annoncent leur retour pour participation à l’Eurovision Junior de Paris. Lors de la révélation de l’entrée arménienne par ces derniers, intitulée Qami Qami, le pays s’installe rapidement comme l’un des grands favoris de cette édition. Un titre redoutable en anglais et en arménien à l’image du règlement du Junior, auquel nous pouvons néanmoins reprochons un côté adulte pour un tel concours. Cela ne reste qu’un détail. Après tout, seule la meilleure chanson gagne à la fin. Et c’est l’avis même du public européen qui lui donnera la première place avec 7 points devant la Pologne tandis que le jury lui accordera la 3ème place, seulement 1 point derrière la Pologne et 4 points derrière la France. Vous l’aurez compris, Maléna réussit l’exploit et remporte une victoire magique pour son grand retour ainsi que celui de son pays. Une victoire qui ne se joue qui ne se joue qu’à 6 points d’écart avec la Pologne et qui est le deuxième de l’Arménie au Junior. Rendez-vous alors à Erevan dans 6 mois ! Etes-vous excités ?

  • Queer !

Il est inévitable de parler d’un sujet qui s’inscrit pleinement dans l’identité de l’Eurovision de nos jours : la communauté queer ou LGBTQIA+. Sa présence est forte, marquant chaque année son engagement fidèle auprès du Concours. Preuve en est les règles stricts concernant les drapeaux, interdisant ceux non étatiques (bien que cela ait été assoupli, ce qui prête à confusion) mais le drapeau LGBTQIA+ demeure l’exception notable et parsème la salle les grands soirs venus.

Evidemment, lorsque nous évoquons la communauté queer au sein de l’Eurovision, nos regards se tournent directement vers Conchita Wurst, désormais figure internationale et indissociable qui a contribué à une plus grande représentation des drags queens. Nous y reviendrons plus tard. Mais la question se pose : l’Eurovision n’est-il qu’une « vitrine LGBT » comme se complaisent à dire certains journaux ? Bien qu’on ne puisse réfuter ou confirmer la présence majoritaire de cette communauté, il est néanmoins réducteur de dire qu’il s’agit d’une vitrine. L’Eurovision est avant tout un concours qui permet une liberté d’expression, une possibilité de partager son art et de s’amuser sur une scène colorée et festive. Une compétition, certes, mais aussi un rassemblement de tant de cultures que forcément tolérance et diversité sont les mots maitres du Concours. De ce fait, il est logique que la communauté LGBTQIA+ soit présente – tout comme elle est plus importante et étendue qu’on ne le pense dans la société – notamment au sein d’un concours qui les accepte tels qu’ils sont.

Ce sont des artistes réellement pionniers qui ont permis de développer un public fidèle à l’Eurovision dans les années 1990. Le tout premier d’entre eux est Paul Oscar, le représentant irlandais en 1997, qui est le tout premier artiste ouvertement gay à l’Eurovision. Il vient casser les codes en proposant un titre en avant sur son temps tant visuellement que musicalement. Il obtiendra une vingtième place bien imméritée à mon avis…

Une représentation forte qui s’inscrira encore plus dès l’année suivante. Israël est représentée par Dana International, toute première artiste transgenre à l’Eurovision, ce qui ne manquera pas d’attirer les polémiques dans son pays. Véritable ode à la femme, Diva est le titre de Dana International mais aussi le titre vainqueur de l’Eurovision en 1998 après un vote serré ! Une victoire iconique et symbolique, première « revendiquée » sous le drapeau LGBTQIA+.

La communauté queer est désormais présente ouvertement à l’Eurovision et une véritable fan-base s’installe. C’est la porte ouverte vers plus de tolérance et de diversité. Les artistes franchissent le pas et viennent sur la scène de l’Eurovision. Parmi eux des vainqueurs comme Duncan Laurence (bisexuel), Loreen (bisexuelle), Ethan Torchio de Maneskin (se décrit sexuellement libre) ou encore Marija Šerifović (qui fait son coming-out en tant que lesbienne en 2013 mais sa prestation gagnante de 2007 montre de nombreux symboles qui ne laissait que peu de doute). Rien qu’en 2021, une bisexuelle, une lesbienne, quatres gays, un non-binaire et un pansexuel ont pu défendre les couleurs de leur pays.

Néanmoins, si cette grande communauté s’étend dès les années 1990, elle aura toujours été présente depuis le début du Concours dans les années 50 en secret. Dès la première édition, la représentante française Dany Dauberson avait eu des aventures avec des femmes qui étaient connues publiquement déjà en 1956. En 1958, André Claveau, premier vainqueur français à l’Eurovision, aurait été ouvertement gay durant la Seconde Guerre Mondiale avant de devoir cacher de nouveau son identité. Si cela s’avère vrai, il est le tout premier gagnant queer à l’Eurovision.

Mais s’il ne faut retenir qu’une figure durant ces toutes premières années, ce serait Jean-Claude Pascal, à la fois célèbre en France et à l’Eurovision,. Vainqueur en 1961 pour le Luxembourg, il était gay selon plusieurs sources et Nous les amoureux, titre qu’il a défendu à l’occasion présenterait un message caché. Si en apparence, il s’agit de simplement un couple qui affronte les préjugés autour de l’amour, le titre parle avec intelligence d’un amour homosexuel qui affronte le rejet et la répression de la part de la société. Ceci sera confirmé par Jean-Claude Pascal des années plus tard. Un réel message d’acceptation qui vise à faire évoluer les mentalités et qui s’annonce comme un message d’espoir pour le futur. J’ai énormément de respect pour cette très belle chanson, son artiste qui est très courtois et son message caché qui en fait un bijou à préserver et à reconnaitre à l’Eurovision. Cela mérite un bel hommage, à l’image de l’hymne que peut être Nous les amoureux qui demeure avant tout un message d’amour universel, que tout le monde mérite quel que soit son origine, son orientation, sa religion et sa propre définition de l’amour.

C’est vrai, les imbéciles et les méchants
Nous font du mal, nous jouent des tours
Pourtant rien n’est plus évident
Que l’amour
Nous les amoureux
Nous ne pouvons rien contre eux
Ils sont mille et l’on est deux
Les amoureux
Mais l’heure va sonner
Des nuits moins difficiles
Et je pourrai l’aimer
Sans qu’on en parl’ en ville
C’est promis
C’est écrit

Extrait de Nous les amoureux de Jean-Claude Pascal (Luxembourg 1961)

C’est à travers les périodes mais surtout à travers ces courageux artistes et les messages des chansons que la tolérance et la diversité qui règnent à l’Eurovision se sont installées progressivement. Aujourd’hui, une réelle communauté s’engage derrière l’Eurovision et celle-ci est bien plus large que celle de la communauté LGBTQIA+ sans pour autant exclure les minorités, et c’est cela le plus beau car l’Eurovision est avant tout un événement visant à rassembler les cultures.

C’est sur ce beau message d’acceptation de soi et des autres que je vais vous quitter. Comme toujours, la section des commentaires est entièrement réservé à vous, évidemment toujours dans le respect, alors n’hésitez pas à y laisser vous aussi votre empreinte. Nous nous retrouvons samedi prochain pour notre rendez-vous hebdomadaire