Berlin me veut, j’embrasse une langue étrangère
La nuit transpire, je veux qu’on me respire
J’aime à la pelle Berlin ma belle

Berlin – Christophe Willem

Nouveau week-end, qui signe cette fois la fin des vacances scolaires de la Toussaint … mais aussi une nouvelle playlist #MadeInEAQ. Et contrairement à ce que chante Chistophe Willem (qui aurait pu finir eurostar …), ce n’est pas à Berlin que nous nous envolons ce vendredi … mais à la découverte des langues étrangères !

Vous savez, ces langues nationales dans lesquelles il était obligé de chanter jusqu’en 1999, avant que la liberté de langue ne laisse une place quasi exclusive à l’anglais (quoiqu’aujourd’hui plus si exclusive que ça, hashtag Tuk-tuk-tuk). Il n’en reste pas moins qu’aussi bien la Scandinavie que les pays d’Europe de l’Est (et même le Portugal en 2021, sacrilège) privilégient généralement l’idiome international afin de se faire comprendre des deux cents millions de téléspectateur·rices assidu·es devant le concours. Pour autant, bien que les eurostars aient pris pour beaucoup l’habitude de chanter en anglais, elles sont nombreuses à être récemment revenues à leurs langues maternelles. L’occasion de faire une petite revue de ce que cela donne musicalement parlant. Prêt·es à embarquer dans le vol EAQ-041122 à destination de l’Europe ?

On commence notre tournée par la Lituanie avec les so iconiques The Roop, portés par le très charismatique Vaidotas. Véritable révélation de l’euromonde – auprès duquel il a acquis une large popularité -, le groupe nous propose cette fois un petit changement de cap avec Šiluma. Un titre en lituanien toujours ambiancé pop, mais à la rythmique bien moins énergique et au tempo moins rapide et ciselé que ses prédécesseurs. De quoi permettre au groupe de déployer l’éventail de ses talents et de ses propositions musicales, tenues très colorées et tout aussi iconiques que ses porteurs à l’appui !

Direction à présent les Pays-Bas avec Willem en Jan. Ce nom ne vous dit rien ? Il est pourtant monté sur la scène de l’Eurovision à deux reprises, en 2019 et surtout cinq ans avant en duo avec Ilse Delange, une médaille d’argent inattendue à la clé. Nous parlons évidemment de Waylon qui, à l’occasion de son passage au néerlandais, se présente sous son véritable prénom, et qui plus est accompagné de Jan. Comme Jan Smit, co-présentateur du concours 2021 ! À la clé, un titre pop rock dans la veine de ce que le premier aime à offrir à son public, teinté d’accents country et électro. Prêt·es pour l’ambiance Retour vers le Futur ?

Un petit saut en Pologne pour un changement d’ambiance TO-TAL. Exit l’électro-pop très vintage (voire datée) du concours 2021 (qui n’avait d’ailleurs pas été une franche réussite pour le pays et son représentant), et direction le … jazz pour Rafał Brzozowski, qui nous livre ici une part tout à fait inattendue de son identité musicale. De quoi surprendre, et de quoi jouer la carte de l’atout charme, car qui résisterait objectivement à l’envoûtement des rythmes jazzy ? Public et jurys auraient en tout cas peut-être davantage craqué pour W zimnych dłoniach chęć (Dans les mains froides, l’envie) que pour l’alliage néon et indus de The Ride. Quoique ça n’avait pas franchement réussi à Monica Zetterlund en son temps (certes dans une autre ambiance) …

On ne se déplace qu’à quelques centaines de kilomètres, direction un pays qui a lâché l’affaire de l’Eurovision malgré une présence récurrente en finale. Semblerait-il que l’esprit du concours ne plaise pas à certain·es, soit. La Hongrie nous avait toutefois dégainé un champion nommé András Kállay-Saunders, deuxième meilleur résultat du pays au concours avec un top 5 à la clé. Quelques retours malheureux à A Dal plus tard – sans euro retour au bout de l’avetunture, le chanteur reste peu avare en activité musicale, et nous propose ce week-end un électro-rap décoiffant en duo avec Young Trabajo. Un Traka en hongrois évidemment (à l’instar des trois dernières participations du pays au concours).

On reste à l’Est, direction son Nord, et la Lettonie, peu en forme et en verve eurovisionesque depuis bientôt quinze ans. À la longue liste d’échecs lettons s’était d’ailleurs greffé le nom d’un duo nommé MUSIQQ qui, bien qu’Angel in Disguise, avait vu s’ouvrir les portes de l’Enfer de l’élimination en demi. Pour autant, les deux chanteurs sont bel et bien toujours présents onze ans plus tard Bijis, ir un būs, un titre pop-rap (qui inspire décidément l’euromonde) à la rythmique asez douce, et évidemment en letton, une langue que le pays n’a plus pratiqué à l’Eurovision depuis … 2004.

« I’ll be waiiiiting for this LA-LA … » Dix ans après, ce refrain résonne encore dans votre tête, et l’eurostar grecque (qui portait les couleurs de Chypre) s’est depuis hissée au rang des indétrônables et incontournables eurodivas. Surtout, Ivi Adamou (signée depuis quelques années chez Panik Records, le label star des eurostars grecques et chypriotes) enchaîne depuis les succès dans ses terres, et il est fort à parier que Ρίξε Με (Ríkse Me) s’inscrira à cette longue liste.

Malgré une décevante quatorzième place à Oslo-Baerum, lui aussi est solidement arrimé au coeur des eurofans. Musicalement parlant, il n’est également pas en reste, tant en termes de productivité que de diversité. L’été 2022 avait déjà été l’occasion de faire un joli détour par Israël : nous y revoilà en ce désormais (enfin) frais mois de novembre aux côtés de, surprise, Harel Skaat, en mode pop énergique et très colorée. Ça s’appelle החיים רצים קדימה et si vous n’êtes pas familier·e de l’hébreu (comme l’auteur de cette playlist), ça donne La vie continue en français.

Surprise, on prend un nouveau vol le temps de longer la Méditerranée, direction Barcelone. Barcelone ? Parce que c’est de Catalogne qu’est originaire notre très sympathique eurostar suivante, elle aussi très en verve musicale ces derniers mois. Si Miki Nuñez n’avait pas particulièrement séduit les votant·es en 2019, le public, lui, semble bel et bien séduit par une aventure musicale qui enchaîne les sorties ! À tel point que, censés vous présenter Dime Que No Duele, nous vous offrons à la place … Barcelona. Comme quoi, la cité de Gaudi était loin d’être une destination hasardeuse, qui plus est en duo avec Marmi. Duo en espagnol, et point en catalan d’ailleurs … Une langue que l’Espagne n’a jamais pratiqué sous ses couleurs à l’Eurovision (Andorre s’en est chargée à sa place).

Et comme vous êtes un lectorat sympa, on vous offre quand même Dime Que No Duele en bonus.

Comme le tour d’Europe est bien organisé par l’agence de voyages (qui a failli finir en liquidation pendant le covid), et qu’on tient à notre empreinte carbone, on passe chez le voisin portugais, où l’on retrouve une eurostar que peu référencent en réalité en tant que telle. Beaucoup cantonnent d’ailleurs cette artiste au simple rôle de choriste de Claudia Pascoal, au point qu’elle n’est référencée qu’en tant qu’autrice-compositrice de la chanson que les deux artistes ont pourtant défendu ensemble à domicile, hashtag Lisbonne 2018. Mais Isaura est bien plus qu’une back up artist : c’est une artiste accomplie, qui nous offre aujourd’hui un Viagem très à propos quant à l’essence de cette playlist.

Et m**de, l’empreinte carbone va exploser ! 4 293,4 kilomètres de distance, 6h35 de vol au mieux (avec une escale à Helsinki), 1,97 tonne de CO2 … Bref, passons, il faut ce qu’il faut pour aller à la rencontre de cette eurostar injustement et violemment déchue dès sa demi-finale de 2016, une inexplicable dernière place à la clé. De quoi mettre un coup d’arrêt à sa carrière ? Que nenni les ami·es ! Depuis, Jüri Poottsmann a délaissé la prose musicale de Stig Rästa (et l’anglaus) pour imposer un univers bien à lui, qui avait déjà fait mouche à l’Eesti Laul 2021 avec l’ovni Magus melanhoolia. On est ici plus pop et moins indie, quand même un peu vintage et synthés sur les bords, mais ça reste très pastel dans l’atmosphère : à deux semaines de la sortie de son album, voici Vaata Mind.

Eurodiva, comme l’Albanie a le don exceptionnel et le sekret pour en produire un incalculable nombre au mètres carrés. Iconique, tant dans la voix, impressionnante, le talent, envoûtant, que dans la majesté du style. Telle une Cléopâtre des Balkans, elle a régné sur le Festivali i Kengës 2018, histoire d’offrir une finale à son pays l’année suivante. Mais point de balade typique et marronnière pour la Reine Jonida Maliqi, qui nous propose ici le bien plus pop Hije.

Pour finir, une petite traversée de l’Adriatique pour débarquer en Italie. Comment ne pas conclure une telle playlist avec la splendeur de la langue italienne ? Ma non possiamo, è vero … Et ce n’est pas Francesca Michielin qui dira le contraire ! La star italienne, et l’eurostar, nous a offert dans l’été une nouvelle sortie en-français-dans-le-titre-mais-en-italien-dans-le-texte. Quoi de mieux qu’un bonsoir pour vous souhaiter une belle … journée ? Et surtout vous offrir un peu de chaleur estivale dans un mois de novembre qui devrait normalement être froid.

Évidemment, vous pouvez retrouver cette playlist sur le compte Spotify officiel de L’Eurovision au Quotidien, mais aussi sur notre chaîne YouTube. En espérant que vous vous plairez à embrasser musicalement les langues nationales qui traversent l’eurosphère.

À vendredi prochain pour une nouvelle playlist du week-end !

© Extrait du clip de Vaata mind (Jüri Pootsman) – réal. : Julian Riikonen