Il y a à peine plus d’un an, notre collègue Sakis avait suggéré son nom pour représenter la France en 2020. Et d’ici quelques semaines, ce souhait pourrait bien se voir exaucé, si le public et le jury d’Eurovision France, c’est vous qui décidez en décident ainsi. Vous avez découvert son portrait musical ce matin, et L’Eurovision au Quotidien a eu la chance de pouvoir échanger avec lui : voici sans plus attendre l’interview de Casanova !

EAQ – C’était une évidence pour toi de chanter en corse et de mettre ainsi en avant la culture de ta région d’origine ?

Casanova – Tout à fait. Ça me tenait à cœur d’être le plus vrai possible. Je fais toujours les choses avec le cœur et avec sincérité, et j’avais envie que dans la musicalité et les instruments que j’utilise, cet album fasse ressortir la Corse, même si je chante souvent en français. C’est vraiment important pour moi de représenter ces valeurs-là. Ça me tenait vraiment à cœur de chanter en corse, particulièrement sur cette chanson – pas le titre dans son intégralité, mais au moins le refrain. Quand l’Eurovision s’est présentée à nous, c’était pour moi le meilleur titre pour représenter la France, parce que si la France est ce qu’elle est, c’est aussi grâce à ses merveilleuses régions, dans lesquelles se trouvent ses valeurs et sa culture. Grâce à cette chanson, je peux les mettre en valeur, et c’est vraiment ça qu’on doit partager avec les autres pays à mon sens.  

Si tu venais à gagner cette sélection, tu succéderais à Patrick Fiori qui avait représenté la France avec Mama Corsica en 1993.

C’est un artiste que j’aime beaucoup. Il y a eu aussi Amaury Vassili, qui avait représenté la France avec Sognu en 2011. Si j’ai la chance de représenter la France, ce serait un honneur et je donnerai tout, comme d’habitude, pour ne pas décevoir et pour représenter au mieux le pays.

Pourquoi as-tu envie de représenter la France à l’Eurovision ?

C’est une question que tout le monde se pose. Je regarde l’Eurovision depuis que je suis petit et c’est un show qui m’a toujours attiré. J’étais vraiment intrigué par ce spectacle incroyable où on peut voir différentes cultures et comment les autres pays abordent la musique. Je trouve ça intéressant et, si j’ai la chance de pouvoir représenter la France, il me semble important de mettre en avant la culture et les valeurs du pays. À l’heure d’aujourd’hui, j’ai l’impression qu’elles se perdent beaucoup et je trouve ça dommage, parce que l’essence même d’un pays et de ce qu’on est en tant que personne relève beaucoup des valeurs et de la culture. Je n’ai pas envie de les perdre et c’est pour ça que j’ai envie de représenter la France.

Comment t’es-tu retrouvé embarqué dans cette aventure ?

Le directeur de casting d’Eurovision France, c’est vous qui décidez a contacté mon manager. Quand il nous a annoncé être intéressé par notre profil, on était super content. Ça s’est fait ainsi, de fil en aiguille. Après, on a passé quelques étapes, parce qu’on a fait une petite audition pour voir ce qu’on valait sur scène. On a su il y a environ un mois qu’on faisait partie des douze finalistes.

Tu avais spontanément proposé Tutti ou tu avais envisagé d’autres titres ?

On en avait plusieurs en tête, mais au final, on est resté focalisé sur Tutti, le directeur de casting y compris

Ce sont des titres de l’album ?

Oui. Ce sera un album de quatorze chansons. Il est prêt depuis le mois de mai mais à cause de la crise sanitaire, sa sortie a été repoussée. On n’a toujours pas de date définie. On est des artistes encore en développement. Je ne suis pas une grande personnalité de la chanson française pour pouvoir sortir un album en cette période assez compliquée. J’espère que cette aventure Eurovision France, c’est vous qui décidez permettra de faire un peu de lumière sur ce projet et d’y voir plus clair sur la sortie de l’album, que j’espère dans les prochains mois.

J’espère que la situation va se décanter pour les artistes. Comment la vis-tu ?

Je suis un peu fleur bleue et Bisounours, donc j’ai toujours tendance à relativiser les choses. De toute façon, on ne peut rien y changer, c’est comme ça et il faut faire avec. On fait comme on peut, il faut se dire qu’on est tous dans le même panier. Si je fais de la musique, c’est pour partager et être avec les gens. Mon métier, c’est vraiment la scène, c’est là où je me sens le mieux, où je suis moi à 100%. C’est ça qui est le plus dur, de ne pas monter sur scène, de ne pas chanter devant les gens. C’est ce qui me manque le plus. On fait au mieux, on relativise, on espère et on prie pour que cette situation s’améliore.

Comment comptes-tu faire vivre Tutti sur la scène d’Eurovision France, c’est vous qui décidez ?

On a plein d’idées en tête. On travaille justement dessus en ce moment. On est également en train de voir pour modifier quelques éléments sur la chanson elle-même, pour apporter un peu plus de folklore. Je ne peux pas encore dévoiler tout ce qu’on a en tête, je veux en tout cas faire quelque chose de grand et j’ai vraiment envie que ce soit du mieux possible. Je ferai tout que ce soit une belle prestation, digne de pouvoir représenter la France à Rotterdam.

Dans ce but, c’était une évidence de choisir un titre aussi solaire et enthousiasmant ?

Quand j’ai écrit et composé cette chanson avec mon équipe, Jérôme, Théo et Vitto, mon manager, c’était la chanson de l’album sur laquelle j’avais envie de mettre ma culture et mes valeurs. Et j’avais surtout envie de créer un hymne à la joie, pour faire danser et pour faire du bien. Dans les paroles, on est parti sur l’idée que la société devenait de plus en plus individualiste à mon sens. Malgré les réseaux sociaux qui nous font croire qu’on est lié, on est au final très éloigné. J’avais envie de mettre un doigt là-dessus en disant que dans de telles circonstances, l’union fait la force et on sera meilleur tous ensemble. J’ai créé cette musique et cette chanson pour danser, pour faire du bien et pour faire la fête. Il y a des personnes qui ne sont pas fans des « La, la, la, … » dans la chanson. Pour moi, les inclure sert à indiquer que je veux qu’on chante ce moment-là tous ensemble, avec le public. J’ai vraiment envie que ce soit le moment où je ne suis pas seul à chanter. C’est une manière de faire partager ce titre. D’ailleurs, dans la version studio, pas mal de mes amis participent aux voix pour les « La, la, la … ». – on est une dizaine en tout. C’est vraiment le moment de la chanson où on chante tous ensemble et où on est connecté.

Je vais faire un retour en arrière, puisque tout a commencé il y a quelques années avec tes participations à The Voice. Comment t’y es-tu retrouvé ?

C’est une longue histoire. J’ai participé pour la première fois à The Voice en 2015. J’ai commencé à chanter avec le groupe Cirnese, que j’ai formé avec trois amis, dont mon meilleur ami, Jean-Vincent Servetto, Jean-Laurent Massey et Frédéric Santucci. On a fait trois albums de pop en langue corse. Suite à ça, j’ai été contacté par Letizia Alberti, qui était en contact avec le directeur de casting de The Voice et qui a donné mon nom pour l’émission. J’ai pris contact, je suis monté à Paris, j’ai passé les castings nécessaires et je suis arrivé aux auditions à l’aveugle. Malheureusement pour moi, ça ne s’est pas retourné (rires) mais je ne l’ai pas du tout vécu comme une défaite, parce que c’était une première expérience. Ça m’a ouvert les yeux sur le fait que je voulais vraiment faire ça de ma vie et qu’il n’y avait que ça qui me rendait vraiment vivant et heureux. Je suis parti de Bastia pour aller à la Music Academy International à Nancy, où je suis resté deux années. À la fin de la première année, les équipes de The Voice m’ont rappelé pour que je retente ma chance. Je n’y croyais pas trop . J’ai passé de nouveau les castings pour acquérir encore de l’expérience et puis au final, je suis arrivé en finale. Ça a été une aventure incroyable que je n’oublierai jamais. Même si je pouvais appuyer sur replay, je referais tout tellement c’était incroyable de vivre cette expérience. C’étaient mes premières expériences télévisuelles et heureusement, parce que ça m’a beaucoup apporté pour la suite et pour la scène.

Qu’est-ce que ça t’a apporté ?

Ça vous apporte toujours de l’expérience de faire ce genre de scène et de plateau, que vous soyez débutant, amateur ou expérimenté. Vous découvrez comment ça fonctionne, ainsi que les ficelles du métier. Plus tu vas loin dans la compétition, plus tu apprends et plus tu engendres de l’expérience, plus ça te libère. Ça m’a fait du bien. Au fil des émissions, je me libérais, et au fil des prestations, je chantais de mieux en mieux. Travailler avec des danseurs, avoir des plateaux tels que j’ai pu en avoir, c’était vraiment incroyable et inimaginable à vivre. Ça m’a énormément apporté.

Tu as eu l’occasion de côtoyer de grands artistes et d’interpréter des titres forts. Parmi eux, Kid d’Eddy de Pretto, m’avait particulièrement marqué.

Cette chanson et cette prestation ont beaucoup marqué. Je n’étais pas sûr de moi quand on a choisi cette chanson avec la production, mais elle m’a beaucoup apporté dans mon interprétation et dans la recherche des émotions enfouies en moi. Ça a été une superbe prestation et je suis fier aujourd’hui d’avoir pu défendre cette chanson.

Tu me disais suivre l’Eurovision depuis toujours. Y a-t-il des chansons qui t’ont particulièrement marqué récemment ?

Celle qui m’a le plus marqué, c’est Amar pelos dois, de Salvador Sobral, une chanson très émouvante qui a remporté l’Eurovision en 2017. Je garde également en tête les prestations de nos représentants français. Mais la prestation du portugais m’a vraiment beaucoup touché, même si je ne comprends pas la langue. Je me doute que certaines personnes ressentiront la même chose que moi avec cette chanson par rapport à Tutti, parce qu’elles ne comprennent pas forcément le corse. Mais même quand on ne comprend pas une langue, c’est toujours l’émotion qui prime et ce qu’on veut faire partager grâce à la musique, au texte, et au cœur qu’on y met. Même si on ne comprenait pas ce qu’il disait – du moins moi – toute la musicalité et l’émotion qu’il a mis dans cette chanson m’ont littéralement transpercé. Bien sûr, il y a des performers et de grands vocalistes qui sont passés à l’Eurovision, mais c’est vraiment une prestation qui m’a beaucoup marqué. J’aime beaucoup Il volo également. Ils chantent de manière très lyrique, mais avec de la modernité.

On parle de la langue et on évoquait tout à l’heure le rapport entre la Corse et l’Eurovision. Il y a également Battista Acquaviva qui avait participé à Destination Eurovision en 2019.

Exactement. Elle n’a pas pu représenter la France cette année-là, mais à mon sens, dans une sélection, il faut de tels artistes qui mettent en valeur leur culture et leur langue. Je sais que ça touchera bon nombre de personnes de voir de tels artistes sur un plateau, à l’image de Nolwenn Leroy, qui représente très bien la Bretagne. Je fais les choses avec le cœur et j’ai envie que cela se ressente dans ma musique. Je n’ai pas envie de faire quelque chose qui ressemble à quelqu’un d’autre. J’ai envie d’être moi. La Corse et sa langue font partie de moi et j’ai envie de l’inclure dans ma musique. Si ça doit marcher et si le public y adhère, tant mieux. C’est ça le plus important : que le public aime ce que je fais par rapport à ce que je suis. Dans son chemin artistique, Nolwenn Leroy a dû penser la même chose, « Je suis bretonne, j’ai des valeurs bretonnes et je porte la Bretagne en moi » et je pense que c’est pour cette raison que les gens ont aimé ce qu’elle a proposé.

Qu’as-tu envie de dire au public qui va te lire pour l’encourager à te soutenir et à t’envoyer nous représenter à Rotterdam ?

J’ai simplement envie de leur dire que s’ils ont accroché à ce titre; s’ils ont dansé, chanté; si Tutti les a touchés, si je les ai emportés avec ma chanson; s’ils ont ressenti ce que j’ai voulu transmettre et partager, à savoir de la bonne humeur et une sensation de « maintenant, on oublie le covid pendant trois minutes, on chante, on fait la fête et on se laisse transporter par la chanson »; s’ils ont envie que Tutti et le petit corse représentent la France, je serais le plus heureux et je serais ravi d’être le représentant de la culture et des valeurs de la France.

Un grand merci à Casanova de nous avoir accordé cette interview avec la sympathie et la générosité qui sont les siennes. Quant à vous, rendez-vous dès demain matin pour découvrir l’avis des rédactrices et rédacteurs sur Tutti dans le fameux « Conseil de classe ».

Crédits photographiques : @Casanova