« La scène est toute ma vie ! Dans ce sens, je vais faire tout mon possible pour que l’Eurovision devienne, une scène de ma vie… »

Musicienne, comédienne, interprète engagée. Samedi soir, elle épousera la Nuit Pauline avec sa harpe électrique. Dans l’attente, l’artiste revient sur sa participation à Eurovision France et la chanson qu’elle défendra du bout des doigts : Pauline Chagne !

EAQ – Dans quel état d’esprit es-tu à quelques jours de la sélection française ?


Pauline Chagne – J’ai le trac ! J’ai l’habitude car je suis souvent sur scène. J’ai vraiment hâte. On ne se rend pas compte mais Eurovision France est un tourbillon. On avance, il y a des choses qui se décident : la scénographie, le stylisme, les personnes qui vont m’accompagner. Chaque jour, on fait des pas de géant. J’ai l’impression que trois jours, c’est déjà une semaine. Je suis très heureuse de comment les choses se passent. Je suis très entourée et les gens comprennent parfaitement, où je veux aller avec ma chanson. J’essaie de me préparer au mieux.


Comment es-tu arrivée au casting d’Eurovision France ?


Les équipes m’ont contactée sur Instagram. Pour moi, l’Eurovision est tellement quelque chose d’immense que je ne pensais pas qu’on pouvait me contacter de cette manière. Au début, je n’y ai pas cru. J’étais tellement surprise que j’ai même failli ne pas répondre. Je ne m’y attendais pas du tout. J’ai montré le message à mon compositeur qui pensait que c’était vrai. Il m’a conseillé de répondre et je l’ai fait. J’ai envoyé des vidéos, des chansons en français et en anglais, des reprises, des compositions… pleins de choses. Nous nous sommes rencontrés. Nous avons fait connaissance pas à pas et finalement, nous sommes tombés d’accord sur Nuit Pauline.


Avant d’être sollicitée, quel intérêt portais-tu à l’Eurovision ?


J’ai une histoire assez particulière avec le concours. Mes parents sont musiciens de jazz et n’aimaient pas du tout l’émission. Je n’avais pas le droit de la regarder quand j’étais enfant. Du coup, je l’ai regardée dans mon coin quand j’étais ado. Je la voyais en cachette avec un ami. Ensuite, j’ai perdu un peu ce lien. Il y a trois ans, beaucoup d’artistes français m’ont touchée comme Bilal Hassani ou Barbara Pravi. J’ai recommencé à regarder. C’étaient des retrouvailles très fortes avec le show ! En plus, il y a eu la sortie de ce film assez drôle The Story of Fire Saga qui a attisé la flamme. J’ai toujours aimé l’Eurovision, mais c’est vrai qu’au départ mes parents n’étaient pas pour !


Peux-tu nous parler de Nuit Pauline, la chanson que tu vas bientôt défendre ?


C’est la nuit qui rend un peu tous les rêves possibles ! C’est la première chanson de mon EP publié en novembre. C’était la plus importante pour moi. Elle a donné le nom de mon petit album. J’étais particulièrement heureuse qu’on la choisisse. Elle a un caractère très cinématographique : on suit cette héroïne comme sur un plateau de cinéma, on voit presque les mouvements de caméras. Le message est aussi de dire, que nous sommes acteurs de nos vies et que nous pouvons écrire l’histoire comme nous le souhaitons. Il y a toujours des rebondissements dans un film car rien n’est jamais parfait dans l’existence. Des hauts et des bas, nous en connaissons tous. Il y a tous ces possibles-là avec Nuit Pauline. J’avais envie de l’écrire comme une B.O des années 80 : un court métrage qui dégage une énergie folle, donne envie de casser les murs et vivre sa vie comme on l’entend. C’est pour ces raisons qu’elle a cette touche très libératrice et dansante, presque exutoire…


Tu parles d’écriture. Ce qui surprend en premier dans ta musique, ce sont les paroles et le choix des mots. Est-ce que le texte est la signature de Pauline Chagne ?


J’aime beaucoup écrire. J’essaie toujours d’aller au plus profond de ce que j’ai envie de faire ressentir. Ce qui comptait pour moi avec Nuit pauline, c’était l’ambiance cinématographique et que les mots résonnent dans tous les sens. On peut célébrer les émotions même malheureuses avec les mots, parce qu’on sait qu’elles sont uniques. Il y a des paradoxes dans toutes mes chansons. C’est un peu une marque de fabrique. L’ambivalence de Nuit Pauline est cette héroïne qui rêve de devenir une sorte d’icône, mais il y a aussi la face cachée de l’idole. C’est un peu une déclaration d’amour à toutes ces actrices françaises comme Isabelle Adjani ou Catherine Deneuve. Ces héroïnes de la nouvelle vague, que nous avons admirées dans des vies professionnelles et personnelles contrastées. Cela m’a inspiré dans l’écriture…


Tu es musicienne. Tu joues de la harpe électrique. Tu souhaites changer l’image de ton instrument fétiche, parait-il ?


Au départ, je viens de la musique classique. C’était ma rébellion d’en faire mon métier face à mes parents jazzmen. J’y ai consacré toute ma vie jusqu’à mes 19 ans. Malheureusement, j’ai eu une professeure qui m’a brisée quand j’étais au plus haut niveau. J’étais seule et en souffrance. Si aujourd’hui j’ai envie de révolutionner l’image de cet instrument, c’est d’abord parce la harpe delta avec laquelle je joue, a été une révolution pour moi : la harpe électrique permet de se déplacer. C’est révolutionnaire pour une harpiste. Je suis la seule à en jouer en France. Quand mon compositeur Antonin Tardy a voulu mettre cet instrument dans mes chansons, je lui ai dit que j’en étais incapable. Il n’en existait pas en France. J’ai essayé d’en faire venir une des Etats-Unis par tous les moyens. Heureux hasard ! Il y avait un magasin à Paris qui savait que j’en cherchais une et qui m’a appelé : « Pauline, on a une delta mais elle n’est pas à vendre, si tu veux la voir ». J’y suis allée et je joue avec depuis.


Vous formez un joli duo au quotidien…


Oui, tout à fait ! Pour l’Eurovision, le magasin a innové avec une nouvelle harpe delta plus légère en fibre de carbone. Je performerai avec elle, le 5 mars !


Tu es aussi actrice. Tu as suivi les cours Florent et joué dans plusieurs pièces de théâtre. Ton talent de comédienne apporte quoi de plus à ta musique ?


Cela me donne envie d’embrasser les choses avec tout mon être et mon corps. Pas seulement avec ma voix. Cela me donne une certaine approche dans tous mes projets musicaux. On a besoin de sens dans ce qu’on dit, quand on est comédien. Une chanson qui ne raconte rien, ne m’évoque rien ! Je suis toujours à la recherche de sens pour interpréter. Je n’ai pas peur du « too much ». Le temps d’une chanson, Nuit Pauline me pousse à incarner cette idole dans ce qu’elle représente. Je ne parle pas de moi, bien sûr ! C’est ce que j’ai envie de proposer à Eurovision France.


En parlant d’icônes. Y-t-il des artistes actuels ou passés, qui t’inspirent dans ton travail ?


Oui, il y en a beaucoup. Je pense à Pina Bausch dans la danse. Elle a réveillé pleins de choses chez moi dans l’expression du corps, le physique, la féminité. Je pense à Barbara dans la chanson. Elle m’inspire en tant qu’artiste, parolière, femme. Elle a une histoire avec sa féminité, ses amours, sa solitude. Cela fait écho chez moi. Elle incarnait la liberté et l’humour [ndlr : Pauline a joué dans « Moi aussi, je suis Barbara » de Pierre Notte au Festival d’Avignon]. Ce sont des choses qui m’ont guidé dans des moments, où l’on se questionne sur ce que nous sommes. Cela fait avancer…


La féminité est très présente dans ton dernier EP. C’est un thème qui te tient à cœur, semble-t-il ?


Je suis une artiste engagée. Mon premier single Orange sanguine parlait des « menstruations », mais c’était plus une célébration des femmes. C’était le fil rouge, sans jeu de mots, entre toutes les femmes. Dans l’inconscient, ne pas avoir ses règles c’est ne pas être encore une femme. Quand elle s’arrête et qu’on est ménopausée, on est moins femme. C’est un peu débile. Que les choses soient jolies ou moches, je voulais en faire une fête ! L’engagement est né aussi de mon quotidien de femme et de ma légitimité à en parler. À la fin du tournage d’Orange sanguine, nous avons fait don des produits hygiéniques à des femmes dans la précarité. En décembre dernier, j’ai réussi à organiser un « Noël menstruel » [ndlr : en collaboration avec l’association « Règles élémentaires »]. C’était un concert-collecte à Paris. C’est une cause qui me tient à cœur…


Revenons au concours. Ton instrument de prédilection prend feu dans ton clip Tous les deux. À l’Eurovision, on adore brûler les pianos ! As-tu déjà pensé à ta mise en scène ?


La scénographie de Nuit Pauline est déjà toute décidée.


Nous t’avons donné des idées peut-être… (Rires)


On l’avait évoqué. C’est le fantasme absolu ! C’est comme les concerts de Rammstein. Il y a de la pyrotechnie dans tous les sens et c’est magnifique. L’idée de brûler la harpe est arrivée sur la table mais pour Eurovision France s’était trop compliqué techniquement. Honnêtement, j’aimerais bien pour Turin. Pour tout vous dire, la harpe qui brûle dans Tous les deux, je l’ai faite moi-même. Je ne suis pas encore une rock-star pour mettre le feu à une vraie harpe ! (Rires). Ce que je peux dire, c’est que Nuit Pauline comme l’Eurovision sont une grande fête ! Je souhaite avoir ce côté festif. Par conséquent, je ne serai pas seule et il y aura de la brillance…


Vous êtes douze finalistes à participer à Eurovision France. De Soa à Alvan et Ahez, en passant par Hélène in Paris. As-tu des chansons préférées parmi tes concurrents ?


Musicalement, je n’ai aucune préférence. La sélection est tellement éclectique. Chaque jour, je me mets à chanter les chansons des uns et des autres. Elle sont toutes très efficaces et marquantes. Si j’ai des préférences, c’est parce qu’il y a des gens que j’ai un peu plus vus que d’autres, que j’ai un peu plus croisés en audition. J’ai plus échangé avec Saam par exemple. Depuis janvier, on a fait les auditions et tourné les portraits ensemble. Je connaissais certains candidats de nom mais je n’avais rencontré personne avant le casting…


Si tu es sélectionnée pour représenter la France à Turin. Que souhaites-tu faire passer aux 200 millions de téléspectateurs qui te regarderont ?


Que chacun est libre ! C’est la chose la plus importante pour moi : la recherche de liberté dans ce que je fais, comment je choisis les choses, les gens avec qui je suis, comment j’aime. J’aurais envie de leur dire que vous êtes libres, écrivez votre histoire, faites la fête, soyez désinhibés. Si vous avez envie de danser sur Nuit Pauline en pyjama chez vous, je serai la plus heureuse !


As-tu un dernier message à adresser à nos fidèles lecteurs et aux eurofans francophones pour qu’ils votent pour toi ?


La scène est toute ma vie ! Dans ce sens, je vais faire tout mon possible pour que l’Eurovision devienne, une scène de ma vie. Je viens du milieu de la musique classique dans lequel j’ai rencontré un certain public. J’arrive à Eurovision France, personne ne me connait. J’ai besoin du soutien de ceux qui aiment Nuit Pauline et qui me découvrent pour la première fois. Toute cette force me sera nécessaire, le 5 mars !

Un grand merci à Pauline Chagne d’avoir accepté cette entrevue pour l’Eurovision Au Quotidien. Rendez-vous samedi prochain dès 21h10 pour la découvrir en direct sur France 2 aux côtés des onze autres candidat(e)s d’Eurovision France, c’est vous qui décidez ! En aparté, l’artiste programmera bientôt des concerts et des événements caritatifs afin de soutenir les causes qui lui sont chères. Vous pourriez la croiser au prochain Festival d’Avignon…

Crédits photographiques : Pauline Chagne – Facebook