Depuis quelques jours, le concours vit un séisme historique avec le maintien de la participation d’Israël et le retrait annoncé de 5 pays emblématiques (Espagne, Irlande, Islande, Pays-Bas, Slovénie) à ce stade. Directeur du concours, Martin Green a souhaité s’adresser aux eurofans.

Dans une lettre ouverte publiée il y a quelques heures sur eurovision.tv, celui dont « United By Music » est resté le mantra au gré des discussions sans fin (et sans résultat) avec les télédiffuseurs s’exprime avec les mots suivants.

« Chers fans,

Je sais que beaucoup d’entre vous ressentent des émotions fortes en ce moment. J’en ai certainement, et c’est la raison pour laquelle j’ai souhaité directement m’adresser à vous.

Je sais également que vous êtes très sensibles aux événements qui se déroulent au Moyen-Orient et à leur lien avec le Concours Eurovision de la chanson. Personne ne peut rester indifférent à ce que nous avons vu dans cette région ces dernières années. Certains d’entre vous nous ont écrit, se sont exprimés ou ont fait part de leur colère et de leur douleur face à ce qu’ils considèrent comme un silence face à la tragédie. Je tiens à vous dire que nous vous entendons. Nous comprenons pourquoi vous êtes si émus et nous partageons vos sentiments.

Le Concours Eurovision de la chanson est né il y a 70 ans, dans une Europe divisée et fracturée, comme un symbole d’unité, de paix et d’espoir à travers la musique. Ces fondements n’ont pas changé, pas plus que l’objectif du Concours. Ce Concours a survécu et prospéré malgré les guerres, les bouleversements politiques et les changements de frontières. À travers tout cela, il est resté un lieu où des personnes venues des quatre coins de l’Europe, et désormais du monde entier, peuvent se réunir pour célébrer la créativité et les liens qui les unissent, malgré et grâce au monde qui nous entoure.

Nous savons que de nombreux fans souhaitent que nous prenions une position claire sur les événements géopolitiques. Mais la seule façon pour le Concours Eurovision de la chanson de continuer à rassembler les gens est de veiller à ce que nous soyons guidés avant tout par nos règles.

En ce qui concerne l’année prochaine, nous veillerons à ce que tous les diffuseurs participants respectent les règles du concours et, s’ils ne le font pas, je m’engage personnellement à ne pas le tolérer et à le dénoncer.

Face à un monde divisé, le Concours Eurovision de la chanson a le privilège d’offrir un espace où des millions de personnes peuvent célébrer ce qui nous unit. Un espace où la musique occupe le devant de la scène. Un espace qui accueille tout le monde, qui que vous soyez, où que vous soyez et quelle que soit votre opinion sur le monde qui nous entoure.

Je tiens à dire tout particulièrement aux fans d’Irlande, d’Espagne, d’Islande, de Slovénie et des Pays-Bas que vos diffuseurs, comme tous nos membres, ont pris une décision qui leur semblait juste et ont contribué au débat avec beaucoup de dignité. Nous respectons tous leur position et leur décision. Nous continuerons à travailler avec eux en tant qu’amis et collègues, dans l’espoir qu’ils reviennent bientôt au Concours.

Nos artistes, nos délégations et, surtout, nos fans, chacun d’entre vous, êtes au cœur de ce concours. Nous savons à quel point vous aimez cet événement, combien de vos vies sont construites autour de votre passion pour le Concours Eurovision de la chanson.

Nous nous engageons à faire tout notre possible pour que, pendant encore 70 ans et au-delà, le Concours Eurovision de la chanson continue d’être un lieu où se nouent des amitiés, où l’on apprend des langues et où l’on découvre de nouveaux genres et de nouveaux artistes.

Dans un monde difficile, nous pouvons en effet être unis par la musique.

Avec amour et gratitude,

Martin Green CBE,

Directeur de l’Eurovision. »

Le discours mériterait analyse, à l’heure où l’euromonde est en train de connaître des divisions historiques, tant parmi les télédiffuseurs participants (incapables de trouver un consensus, finalement tranché par un vote où l’adoption des nouvelles règles a été corrélée à celui sur « la participation d’un pays ») que parmi les eurofans, entre ceux qui restent convaincus que l’Eurovision reste uniquement un concours musical et ceux qui le connectent aux réalités géopolitiques d’un monde traversé par les conflits, la violence, les guerres. À travers cette lettre, le directeur de l’Eurovision semble acter cette scission, tout en rappelant considérer le concours comme un espace de rassemblement et d’union, dans la lignée de ses fondements historiques et du discours habituel largement mobilisé ces dernières semaines. Pour se prémunir et continuer à s’inscrire dans la lignée de « l’union dans la musique« , l’UER se range donc aujourd’hui derrière la question des règles, ces fameuses que se doivent de respecter les télédiffuseurs afin de pouvoir participer au concours de l’Eurovision.

Puisque Martin Green parle de règles, l’heure est donc au rappel historique, puisque les faits sont là pour être rappelés (et les décisions de l’UER avec). Ces dernières années, deux pays se sont vus suspendre de l’UER.

En 2021, la Biélorussie (qui connaissait alors une mobilisation historique contre le dictateur Loukachenko évidemment réprimée par le pouvoir) ne participe pas à l’Eurovision pour ne pas avoir soumis de chanson éligible dans le temps imparti. Le télédiffuseur BTRC avait alors soumis deux propositions qui avaient enfreint le règlement du concours, toutes deux logiquement rejetées par l’UER. Le 1er juillet 2021, le télédiffuseur biélorusse se voit suspendu de l’UER pour manquements au respect de la liberté d’expression et de l’indépendance des médias (voir communiqué officiel de l’UER).

Le 22 février 2022, la Russie envahit l’Ukraine et déclenche une guerre sur son territoire. Face aux menaces de retrait de plusieurs pays et sur conseil du Groupe de référence de l’Eurovision, le comité exécutif de l’UER décide d’exclure la Russie de l’Eurovision 2022 (voir l’article de l’EAQ consacré à ce sujet à l’époque). Dans son communiqué de presse, l’organisme de radio-télévision précise que cette décision est basée sur « les règles de l’événement » et « les valeurs de l’UER ». Il est précisé : « La décision reflète les inquiétudes selon lesquelles, en lien avec la crise sans précédent en Ukraine, l’inclusion d’une candidature russe dans cette édition du concours pourrait nuire à la réputation de la compétition. » En parallèle, l’UER rappelle dans le même communiqué son caractère apolitique, sa volonté de protéger les valeurs d’un concours musical qui, grosso modo, unit l’Europe par la musique et célèbre sa diversité. Dans la foulée, les télédiffuseurs russes membres de l’UER expriment leur volonté de se retirer de l’UER en raison de l’exclusion de la Russie de l’Eurovision.

Le 1er mars 2022, dans sa décision concernant les membres russes de l’UER (disponible ici), le Conseil exécutif déclare « suspendre la participation des représentant.e.s des trois Membres russes (la RTR, Channel One et RDO) qui siègent dans des instances de gouvernance de l’Union, dont le Conseil exécutif et l’ensemble des comités statutaires » en raison des « événements » en Ukraine. Le 29 mai 2022, sur la base des mesures prises par le Conseil exécutif, l’UER suspend formellement les télédiffuseurs russes. Un porte-parole de la chaîne ukrainienne UA:PBC salue à l’époque la décision déclarant « En effet, en violant les normes journalistiques, en diffusant des discours haineux et des informations erronées, ces diffuseurs mènent une guerre de l’information non seulement contre l’Ukraine, mais aussi contre l’ensemble du monde civilisé. »

Ces deux dernières années, la participation d’Israël à l’Eurovision suscite la polémique en raison de la guerre menée par le pays à Gaza suite aux attentats du 7 octobre 2023 et des attitudes du télédiffuseur israélien KAN. Parmi les principaux points soulevés par les télédiffuseurs mobilisés sur le sujet, la sélection de la chanson Hurricane (née d’une réécriture de la chanson October Rains initialement rejetée par l’UER en raison d’une signification politique – voir article du 7 mars 2024), une campagne digitale de grande ampleur en faveur des deux dernières représentantes israéliennes menée par une agence du gouvernement israélien, l’engagement actif du Ministère des affaires étrangères israélien en leur faveur (voir article du 1er juin 2025) et la campagne diplomatique menée par une équipe constituée par le président israélien pour empêcher l’exclusion d’Israël de l’Eurovision 2026, entre autres.

Le 4 décembre dernier, l’assemblée générale de l’UER approuve des règles visant à restaurer la confiance et à renforcer le caractère neutre de l’Eurovision, incluant le droit à participation de tout pays membre de l’UER et excluant toute possibilité de vote sur la participation d’Israël. Cela entraîne le retrait de 5 pays du concours.

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