Estonie 2025 : qui est Tommy Cash ?

L’EAQ continue de vous faire découvrir les 37 participants en lice à l’Eurovision 2025 ! Cap aujourd’hui sur la Baltique, et plus précisément sur le pays le plus au nord de la région, alias l’Estonie. 24 ans après sa seule victoire au concours, il mise cette année sur une personnalité détonnante et dérangeante pour hisser haut ses couleurs sur le toit de l’Europe : Tommy Cash.

Qui est-il ?

À 33 ans, Tommy Cash (dont le nom est généralement stylisé en TOMM¥ €A$H) commence à percer sur la scène musicale estonienne en 2012. L’ex-adolescent turbulent – issu d’une famille russophone – est très vite repéré par la presse grâce à sa voix nasale, son look androgyne et son allure de personnage de cartoon. Le temps de faire ses premiers pas sur scène, il décroche le titre de chanson de l’année 2013 (décerné par Raadio 2) avec « Guez Whoz Bak ». Son premier EP, C.R.E.A.M. EP, et l’album qui suit Euroz Dollaz Yeniz (2014) lui valent ses premières nominations aux Estonian Music Awards l’année suivante, qu’il gratifie d’un « suck my balls » après son échec dans les deux catégories dans lesquelles il était nommé. La cérémonie ne lui en tiendra visiblement pas rigueur, puisqu’il décrochera par la suite deux trophées de la meilleure vidéo musicale (2016 et 2018). Depuis, Tommy Cash a réalisé deux albums studio, trois EP (le dernier est sorti en 2024), de nombreux titres à succès (pour des dizaines de millions d’écoutes en streaming) et des tournées en Europe et en Amérique du Nord (il est d’ailleurs passé par Paris en novembre dernier). Aujourd’hui, le voilà qui représente l’Estonie à l’Eurovision 2025 après avoir remporté haut la main l’Eesti Laul le 15 février dernier (avec un score historique au télévote).

En plus de dix ans de carrière, Tommy Cash s’est imposé comme l’un des artistes estoniens les plus connus à l’international, ou du moins l’un des rares à avoir percé au-delà des frontières de son pays. Fasciné par l’œuvre du réalisateur canadien David Cronenberg, il propose un style musical atypique, qu’il qualifie de « rap post-soviétique » avec une « âme est-européenne » et un « CV scandinave ». Celui qui se surnomme « Kanye East » puise ses influences dans l’environnement multiculturel russo-estonien dans lequel il a évolué, ainsi que dans la culture white trash et le style gopnik. Il cultive un certain sens de la controverse avec des titres crus, des textes explicitement sexuels (qu’il interprète dans un anglais teinté d’un fort accent non natif) et des vidéos provocantes. Pas de quoi l’empêcher de multiplier les collaborations de prestige à l’international, puisqu’il a travaillé avec Little Big, Charli XCX, DJ Salvatore Ganacci, Suicideboys, Diplo ou encore Käärija et Joost (avec lequel il vient de signer un titre polémique dans lequel il insulte l’UER…).

Au-delà de la musique, Tommy Cash est un artiste pluridisciplinaire et conceptuel, qui navigue entre la danse, la photo, la vidéo, la peinture ou la sculpture. Il est connu en tant que mannequin, ce qui lui permet de défiler pour les plus grandes maisons de couture et de participer aux fashions weeks de Milan et de Paris (où il a fait ses débuts en 2019) dans des tenues toujours plus iconiques, qui convoquent parfois des figures connues comme Anna Wintour ou le Mime Marceau. Féru de mode depuis sa jeunesse, le rappeur a collaboré avec des marques aussi célèbres qu’Adidas, avec qui laquelle il a participé à la réalisation des plus longues sneakers au monde, et Kappa, qui lui a permis de signer sa première collection de mode en 2022. Sans parler de ses performances « artistico-marketing » (selon Libération) et de ses installations déroutantes, comme lorsqu’il choisit d’exposer son propre sperme lors d’une exposition conjointe avec Rick Owens au Musée Kumu de Tallinn en 2022.

Tommy Cash en chansons

Commençons ce petit tour de revue de l’univers musical de notre rappeur (dont de nombreux clips sont d’ailleurs réservés à un public averti) avec « Winaloto » (2016), dont la vidéo mêle corps et morphing.

Dans le clip de « Little Molly » (2018), Tommy Cash va toujours plus loin dans le décalage et l’excentricité. Toujours sur des sonorités rap qui défient l’univers trap (avec lequel notre estonien n’est pas en bons termes), il se livre à un plaidoyer pour… l’ecstasy (« molly » donc) tout en superposant son visage sur des corps d’enfants façon kitsch. Puisqu’on vous dit que Cash est un monde parallèle à lui tout seul (sinon, l’abus de drogues est dangereux pour la santé).

On avait initialement pensé à « Untz untz » (sorti en début d’année), dont les sonorités ne seront pas sans vous rappeler Little Big. La rumeur dit d’ailleurs que c’était initialement avec ce titre que Cash voulait prendre part à l’Eesti Laul 2025. Mais devant la crudité du clip (c’est peu de le dire, en confère la version censurée – âmes sensibles s’abstenir), nous avons préféré quelque chose de plus terre-à-terre (dans le langage Tommy Cash, cela s’entend), avec le très médiéval « Racked » (2024). Enfin, médiéval, dans la mise en scène, pas dans le son (quoiqu’il serait capable de tout).

Sa chanson pour l’Eurovision

Comment vous raconter Espresso Macchiato à l’aune de la philosophie ? Vaste sujet… ou plutôt plein de café. Car la proposition de Tommy Cash pour l’Eurovision 2025 n’est ni plus ni moins qu’un vaste gag trois minutes durant lequel le représentant estonien s’égosille, la célèbre boisson en fil rouge d’une multiplication de clichés sur l’Italie, avec l’accent per favore. Le titre n’a d’ailleurs pas été sans faire polémique de l’autre côté des Alpes, certains italiens s’en prenant à ce qu’ils considèrent comme une grossière caricature de leur pays. Mais comme le dit le célèbre adage : « No stresso no stresso, it’s gonna be espresso. » Enfin, on vous laisse plutôt apprécier la profondeur du texte.

Qu’en pensent nos lecteurs ?

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils n’ont pas été des plus chaleureux à l’annonce de la victoire de Tommy Cash ! À rebours de tout bon espresso macchiato qui se doit, les lecteurs de l’EAQ se sont avérés particulièrement frileux à l’endroit de la proposition estonienne, pour ne pas dire plus froids que les -7°C enregistrés dans le pays à la période de l’Eesti Laul. Malgré tout, quelques amis émergent à contre-courant de la Baltique, plus enthousiastes quant à la chanson gag que nous envoie cette année le pays de 5miinust x Puuluup.

ALB : « Dommage que cet artiste qui avait sorti des bien meilleures chansons s’abaisse à ce morceau sans signification… Au moins Kaarija Joost Baby Lasagna avaient un sens… »

Jean-Michel : « Malheureusement, dès que sa candidature a été connue, les dés étaient joués ! Cet artiste est adoré des estoniens… Et le télévote express ultime confirme ce choix… décalé, original… mais aussi travaillé, scénarisé et tellement dans l’esprit Eurovision. ❤️ Une candidature qui peut être perçue comme loufoque, mais qui reste dans une ligne droite du choix voulu par le diffuseur estonien !!! »

Manatane :  » C’est tout ce que je déteste à l’eurovision, mais je sais d’avance que ça va bien marcher, certains vont y voir du génie. »

Markan : « Et en plus, c’est tellement riche musicalement, une mélodie superbe, une voix exceptionnelle et un texte très subtil
enfin une chanson de grande qualité… j’ai honte pour l’Estonie. Comme quoi ceux qui apprécient musique et chansons sont bien sur YouTube. Consternant !!!!! »

Max 99 : « Je vais aller à contre-courant des autres avis ici, mais personnellement, je trouve que c’est le meilleur choix pour l’Estonie cette année. Le niveau de cette sélection était assez moyen et seul « Espresso Macchiato » avait du potentiel pour l’Eurovision, selon moi. Certes, c’est un joke act et en général je ne suis pas supporter de ce genre de propositions, mais je dois avouer que la rengaine du morceau est assez catchy et reste en tête. Concernant la mise en scène, je ne suis pas fan non plus, je trouve ça too much et la performance vocal laisse aussi à désirer, mais j’espère que ça va s’améliorer en vue du concours. Je ne me fais pas trop de soucis en tout cas pour la qualification en finale, après ça risque d’être plus compliqué. »

Rendez-vous à midi pour découvrir l’avis de la rédaction sur « Espresso Macchiato » dans le Conseil de Classe, et à demain pour faire plus ample connaissance avec un nouveau candidat de l’Eurovision 2025, à savoir… Ssssh !

Crédits photo : Alina Pyazok