esc2015_logo1600Voilà l’été, enfin l’été, toujours l’été, encore l’été ! Préparez le goudron et les plumes : Madame Michu reviendra bientôt pourrir vos vacances, incendier vos écrans et vous faire hurler de rage et de dépit. Vous rirez, vous ne rirez pas du tout. Vous trouverez cela génial, vous trouverez cela scandaleux, honteux, indigne, d’un piètre humour de bas étage, du plus parfait mauvais goût. Mais comme nous le rappelle sans cesse cette grande philosophe post-existentialiste qu’est Priscilla : « Aime-moi, regarde-moi. Teste-moi, déteste-moi. Mais surtout, regarde-moi. »

Mais avant ce retour en fanfares et trompettes, jetons un dernier regard sur 2015 et cette nouvelle année eurovisionesque écoulée. Que d’incroyables moments vécus depuis l’ouverture de la plateforme suisse, en octobre dernier, que de chansons et d’artistes découverts, que de fabuleux moments de musique et de télévision, que de suspenses… et que de déceptions parfois ! Tous nous avons succombé au charme irrésistible et à la beauté mélodieuse d’un morceau… sèchement éliminé dans son parcours de santé vers Vienne. Vous avez sorti vos mouchoirs et vos habits noirs : il vous faudrait faire le deuil de cette chanson, qui aurait tellement mérité le Wiener Stadthalle, mais qui restera oubliée et méconnue des millions de téléspectateurs du Concours à travers le monde.

C’est dans cette perspective que nous avons rédigé cette rétrospective personnelle, nos estimés collègues et lecteurs ayant tout dit des quarante morceaux en lice. Voici nos quinze chansons non sélectionnées préférées de l’année écoulée, celles que nous réécouterons pour longtemps encore et qui concourront dans nos cœurs par défaut. Commençons par cinq morceaux pop-rock de la meilleure des factures, qui auraient certainement brillé à Vienne et prouvé l’excellence du Concours de par leur fraîcheur et leur modernité.

5. Sunday – Fjaðrir – Islande – 5e en finale

La sélection islandaise, le Söngvakeppnin, propose toujours d’excellentes contributions et la plupart des morceaux retenus cette année nous ont plu… à l’exception, bien entendu, loi de la contrariété universelle oblige, de celui de Maria, qui, à notre grande surprise fut sélectionné. Pourquoi ? Comment ? Alors que le groupe électro-conceptuel Sunday aurait offert à l’Europe et au monde, une chanson et une prestation arty comme nous en raffolons depuis Bruxelles. Oui, nous aimons ce genre de pop glacée et sophistiquée et nous aurions bien vu Sunday en compagnie de Loïc et d’Aminata. Les Islandais en ont décidé autrement. Nous en venons à souhaiter que d’autres prennent cette décision à leur place.

4. Celia – Letter To Myself – Suisse – Élimination par les experts

Ah, la plateforme suisse ! Des heures et des heures d’ahurissements, de fous rires et de délires quadridimensionnels. Puis l’heure du tri sélectif sonne et c’est la soupe à la grimace. Les artistes étrangers passent systématiquement à la trappe et les experts votent avec du coton dans les oreilles. L’heureux élu semble avoir été choisi un peu par défaut, un peu par hasard. Mais dans ce bouillon, surnagent toujours quelques morceaux enchanteurs. Letter To Myself par exemple, pastille fraîche et sucrée qui nous a mis l’eau à la bouche. Lors de la comparution de Celia, force fut de constater qu’elle manquait un peu de bouteille et de prestance vocale. Qu’importe : nous suivons son judicieux conseil et nous nous écrivons quotidiennement des lettres à nous-même.

3. Bálint Gájer – That’s How It Goes – Hongrie – 7e ex aequo en finale

La sélection hongroise demeure l’une de nos préférées, car elle nous offre chaque année des perles sur un plateau d’argent. Dès la première écoute des trente chansons en compétition pour l’édition 2015, nous avons succombé au charme endiablé et rétro de That’s How It Goes. L’entendre interprété en direct par Bálint nous a confirmé dans notre coup de cœur. Puis Gálint a dégainé le costume brillant. Puis les jurés ont dégainé leurs scores. Nous sommes passés de l’extase à l’amertume. Mais que diable trouvaient-ils à cette Boggie ? Nous avons beau eu nous trémousser que notre canapé et ressortir tous nos vêtements à franges, Bálint n’a reçu aucun point en final d’Á Dal. Nous en sommes retournés à la lecture de Francis Scott Fitzgerald.

2. Arbresha – Same Stars – Suisse – Élimination par les experts

Cela demeurera pour nous le plus insondable de tous les mystères de cette Saison 2015. Pourquoi ces experts diligentés par la télévision suisse ont-ils recalé Arbresha ? Elle avait tout, à nos yeux, pour réussir et pour briller à Vienne. Same Stars a l’étoffe d’un tube, avec son atmosphère nostalgique et brumeuse. Arbresha nous a magnétisés de sa voix rauque et de son timbre profond. Nous avons trouvé parfaite sa prestation en direct. Alors ? Et lorsque l’on compare cette chanson aux quarante participantes, l’on se dit qu’une qualification aurait été à portée de la Suisse. Nous aurions certainement voté pour elle, ce qui lui aurait fait rejoindre la Lettonie, l’Estonie et la Norvège parmi nos préférées.

1. Ív – Fire – Hongrie – 6e en finale

Ah, ces jurés hongrois ! Ils soutiennent leurs favoris du début à la fin de la sélection, sans quasiment varier d’opinion. Au point que les carottes semblent cuites longtemps avant la finale… Pourtant, de Bruxelles, nous avons voulu y croire jusqu’au bout, tellement Fire nous a enthousiasmés. C’est là un morceau d’ampleur international, à l’incroyable potentiel, une pépite pop, une gemme, un joyau. Ív fut recalée aux portes de la superfinale, à notre plus profond dépit. Dépit augmenté par la victoire de Boggie, que nous aurons décidément poursuivi de notre haine jusqu’au bout, en partie pour cette raison. Nonobstant cela, Fire restera notre chanson non sélectionnée préférée pour 2015, toutes catégories confondues.

Il y en eut cette année en veux-tu en voilà. Nous en redemandons encore ! Des ballades, des slows, des berceuses, de l’amour, du sucre et des longues notes conclusives, formules ayant déjà prouvé leur efficacité au Concours. Voici cinq ballades non sélectionnées à nous avoir touchés par leur émotion et leur prestation.

5. Elisa Kolk – Superlove – Estonie – 3e en super-finale

Bien sûr, sans aucun doute, Stig et Elina DEVAIENT gagner l’Eesti Laul. Nous les avons soutenus tout au long de la sélection nationale estonienne. Néanmoins, dans notre poitrine de midinettes, notre cœur a battu pour Superlove, ballade légèrement tarte à la crème, délicieuse pourtant. Et puis rejouer ainsi Les Hasards Heureux de l’Escarpolette… Nous avons été plus qu’heureux pour Elisa qu’elle se hisse jusqu’en super-finale. La victoire de Goodbye To Yesterday nous fut douce, la troisième place de Superlove tout autant…

4. Siru – Mustelmat – Finlande – Élimination en demi-finale

Rien que de repenser à la sélection finlandaise de cette année, fait à nouveau bouillir le sang dans nos veines. Notre sentiment demeure celui d’un monumental gâchis. Des chansons brillantes, il y en avait à la pelle dans cet Uuden Musiikin Kilpailu 2015. Et il a fallu que ce soit Je Veux Une Pita qui l’emporte… La vengeance est un plat qui se mange froid : nous avons accueilli l’élimination, puis l’annonce de la dernière place de cette minute et demie de bruit, avec un rire mauvais. Nous aurions tellement voulu Crossroads… Mais au fond de nous, nous avons conservé une petite place pour Siru et sa ballade délicate.

3. Fahrenhaidt – Frozen Silence – Allemagne – Élimination au premier tour

La sélection allemande mériterait un article à elle-seule. D’une part, parce que les artistes et les chansons qui y concourent sont à la fois brillants et fascinants. D’autre part, parce que son système de vote est certainement le plus idiot, le plus absurde et le plus frustrant de la Saison. 2015 nous l’a encore démontré, avec son imbroglio final et le terrible nul point teuton à Vienne. De notre côté, nous avons été sur le champ emportés par la mélodie aérienne de Frozen Silence et la voix éthérée d’Amanda Petersen. Hélas, la présentation visuelle, lors de la finale de Hanovre, nous a laissés plus circonspects. Mais quel morceau envoûtant…

2. Franklin – Still Here – Malte – 5e en finale

Il est partout ! Et si chacun conserve en tête sa participation à la finale biélorusse et sa réaction enflammée après sa quatrième place, n’oublions pas qu’Alexander Rybak a aussi concouru au Malta Eurovision Song Contest. Ah, le MESC ! Un monde en soi, tout en sourcils épilés, faux-cils en plastique et extensions capillaires capricantes. Et puis ces visages familiers que l’on revoit année après année après année après année… Pour sa troisième participation consécutive, Franklin Calleja a travaillé son look, sa voix et son émotion. Il nous a émus au point que nous sommes un peu tombés amoureux de lui… Si nous suivons la logique du MESC et l’évolution personnelle de Franklin, nous devrions retrouver sous peu le jeune chanteur sur la scène de l’Eurovision. Quant à ce cher Alexander, nous parierions volontiers qu’il ressurgira l’année prochaine, dans un pays où l’on ne l’attend pas…

1. Stefanía Svarvarsdóttir – Augnablik – Islande – 6e en demi-finale

Nous y revoilà ! Le Söngvakeppnin 2015 ! Et cette étrange constatation : c’est incroyable comme, depuis son propre pays, l’on peut être convaincu de la victoire d’une chanson ou d’un artiste, pour se voir détromper par les locaux, pour des raisons qui échappent souvent à la raison. Ainsi d’Augnablik. Tout nous semblait parfait, idéal, idyllique, depuis Bruxelles. Nous sommes donc tombés de notre divan lorsque Stefanía s’est vue congédiée en demi-finale. Avec une dernière place encore bien ! Si l’un ou l’une d’entre vous a une explication à cet incompréhensible résultat, nous serions heureux de l’entendre… Au final, Augnablik restera pour nous la meilleure ballade non sélectionnée de cette Saison et nous campons fermement sur nos positions : oui, Stefanía aurait obtenu à Vienne un meilleur résultat que Maria !

Le fan acharné de l’Eurovision conserve au terme de la Saison et du Concours, au fond de son lecteur MP3 une série de chansons qu’il qualifie spontanément de « plaisirs coupables ». Vous nous comprenez : ces morceaux un brin kitsch, jouissifs au possible, sur lesquels on se trémousse dans sa salle de bains, dont on raffole, mais que l’on aurait un peu honte à supporter tout haut, même sur ce site (qui pourtant en a vu d’autres). Comme nous ne reculons devant rien, nous vous dévoilons nos « plaisirs coupables » de la Saison, ces cinq chansons qui nous donnent la danse de Saint-Guy et sur lesquelles nous vous laissons vous répandre, car vraiment…

5. Shava – Ostarilla – Finlande – 8e en finale

Bollywood sur Baltique, voilà la comparaison que nous vint à l’esprit, lorsque nous écoutâmes Ostarilla pour la première fois. Bien qu’il s’agisse là d’un résumé un peu stéréotypé, car ce morceau dépasse les cadres connus de nos références musicales. Nous avons rendu ses mérites à l’UMK : nous surprendre, nous emmener dans de nouvelles contrées sonores et nous faire découvrir des artistes brillants. Inutile de vous dire que ce début d’interprétation dans une fourgonnette hippie nous a ravis. La suite, vous la connaissez, nous ne nous répéterons point. Nous attendons désormais avec la plus grande des impatiences l’édition 2016 de l’UMK, qu’elle nous laisse encore bouche bée.

4. ElektroFolk – Sundance – Lettonie – 3e en finale

Ben oui ! Et alors ? Nous avons supporté Aminata jusqu’au bout du bout, dépensant une grande partie de notre forfait téléphonique pour elle, lors de la finale du Concours. Dans notre esprit, il ne faisait aucun doute que c’était elle la plus digne représentante lettone. Mais le cœur a ses raisons et l’oreille, ses faiblesses… Nous succombâmes dans le même mouvement à ce joyeux mélange foutraque qu’est Sundance. Cela tient à la fois du pastiche, du potache et du second degré, flirtant avec le génie et se vautrant dans la facilité. Cela n’aurait rien apporté au Concours, ni même à la Lettonie, mais cela nous apporte chaque fois que nous l’écoutons sous notre douche, un sourire pour la journée.

3. Dinah Nah – Make Me (La La La) – Suède – 12e en finale

Ah, les années nonante ! Toute notre jeunesse, notre adolescence, notre âge ingrat… Depuis que la vieillesse nous a rattrapé et que les Spice Girls passent sur Nostalgie, nous courons les soirées God Save The 90’s pour retrouver notre insouciance d’alors. Nous avions ainsi été TRÈS excités, l’année dernière, à l’annonce de la participation de Dr. Alban au Melodifestivalen. Et nous avions été TRÈS déçus à la fois par par sa chanson et sa prestation. L’espoir nous est revenu cette année, lorsque nous avons découvert qu’il signerait la chanson de Dinah Nah. Et dès les premières notes, nous avons été TRÈS ravis : cela embrassait les nineties, sans scrupule ni remord. Le pont musical nous plongea dans l’extase. Ah, c’était le bon temps…

2. Midnight Boy – Don’t Say No – Suède – 7e en demi-finale

Des années nonante aux années quatre-vingt ! Midnight Boy nous fait revivre le meilleur de la décennie qui nous a vus naître. Bien qu’il y ait quelque ironie dans ce titre, au vu de son résultat. Mais cela fait longtemps que nous avons cessé de nous illusionner au sujet du Melodifestivalen : dès qu’une chanson nous plaît… elle se fait éliminer ! Don’t Say No intègre pourtant ce dédale existentiel qu’est devenue pour nous la sélection suédoise, la plus pailletée et la plus spectaculaire de la Saison, mais aussi la plus formatée. Autant de morceaux faisandés et d’interprètes naphtalinés, c’est confondant et heurtant. Aucune audace musicale, ni de près, ni de loin. Et malgré tout, des succès à n’en plus finir au Concours et deux victoires en quatre éditions… Juvénal doit s’en retourner dans sa tombe…

1. Jessika – Fandango – Malte – 9e en finale

Fatalement, fatalement, même si vous n’y comprenez goutte. Voilà : cela fait trois ans que nous supportons chaque année Jessika dans cette sélection dégoulinante qu’est le MESC. Nous avions succombé pour Ultraviolet en 2013 et pour Hypnotica en 2014. Fatalement, nous avons pris le même chemin cette année. Et notre parcours émotionnel fut identique : joie à l’annonce des noms des sélectionnés, coup de foudre à l’écoute de l’extrait, délire à l’écoute de la version intégrale et espoir brisé lors du direct. Car il faut l’admettre : Jessika n’est pas la chanteuse du siècle et ses mises en scène frisent le carton jaune. Ce fut encore plus vrai cette fois : Fandango fut écorché par notre rousse préférée. Mais c’était encore excusable au regard de ces affreux costumes et de cette mauvaise chorégraphie. Et pourtant, six mois plus tard, il nous arrive encore de succomber à des crises frénétiques et à écouter des heures en boucle Fandango, notre kitscherie de l’année.

Bonus

Les apparences sont contre nous. Et pourtant : nous avons une vie en-dehors de l’Eurovision. Plus incroyable encore : nous avons une vie musicale en-dehors du Concours. Parfaitement : nous écoutons d’autres choses. Afin que vous puissiez nous situer dans nos goûts et mieux nous comprendre, comprendre nos jugements et nos coups de cœur, voici les cinq chansons contemporaines que nous avons le plus écoutés durant ces dix derniers mois. Come into our world :