history_bookL’Eurovision est bonheur, joie et merveille. Tout en ce concours réjouit et enthousiasme. C’est une fête, une fête qui dure depuis soixante ans, une fête incroyable et populaire, qui laisse d’inoubliables souvenirs à ceux qui la suivent et qui la partagent. Chaque mois de mai me voit ainsi retrouver mon âme d’enfant et c’est les yeux remplis d’étoiles que je suis les éditions successives de cette féérie musicale. Sortez vos mouchoirs, j’exagère à peine…

Quel autre évènement grand public enchante autant ? Pour moi, aucun. Délicieux parti pris d’un admirateur consommé, consumé par sa passion… Plus important encore : le Concours fédère des fans fidèles du monde entier, de toutes les langues et de toutes les cultures. Sur ce site, nous nous retrouvons entre francophones, nous formons une bande chaleureuse et sympathique, une famille. Nous discutons, nous partageons, nous confrontons nos opinions et nos goûts, dans la bonne humeur et le respect. Lire vos commentaires demeure un bonheur de chaque jour.

Les_Bisounours

Hélas, ce monde de Bisounours qui est le nôtre voit son ciel régulièrement assombri par ces orages incessants que sont les contempteurs du Concours (en version anglaise, nous les appellerions les haters). Ils sont la peste et le choléra d’Internet, il faut se résigner à leur présence. L’Eurovision demeure une cible facile, les fans savent pourquoi… Lire ces commentaires haineux et méprisants est une épreuve, inévitable cependant. Vous vous en faites l’écho, moi aussi : cela nous soude.

Je jette un voile sur les remarques les plus odieuses, mais j’aimerais vous dresser le palmarès des trois qui m’ont le plus marqué cette année. Ma médaille de bronze revient au fameux « C’est tout de même mieux que l’année passée », émis par un lecteur belge du journal La Dernière Heure, qui jugeait ainsi What’s The Pressure et notre Laura nationale. Tous les goûts sont dans la nature, certes. La comparaison entre Loïc et Laura me semble malgré tout ardue, tant leur chanson, leur prestation, leurs références et leur univers musical sont éloignés. C’est le sous-entendu qui m’a cisaillé : il y a donc des personnes (et des Belges !) pour ne pas avoir apprécié Rhythm Inside et la prestation de Loïc ? Ciel… Allez, juste pour le bon souvenir :

Ma médaille d’argent va au non moins fameux « Les fans tuent l’Eurovision. Si le Concours va aussi mal, c’est de leur faute ». Je paraphrase et résume un long commentaire, exprimé en anglais sur Wiwibloggs. Trois éléments m’ont stupéfié. Primo, Wiwibloggs est un site de fans du Concours. Ce commentaire a donc été rédigé par un fan anti-fan. Est-ce possible ? Secundo, sans ses fans, l’Eurovision serait réduit à peu de choses. Qui remplirait ses salles ? Qui animerait ses plates-formes virtuelles ? Qui perpétuerait sa mémoire ? Tertio, le Concours me semble au contraire se porter à merveille. Son audience s’élargit, ses zones de diffusion s’étendent, sa popularité s’accroit, ses succès commerciaux et critiques augmentent. Par ailleurs, la qualité des chansons, des prestations et des présentations atteint l’excellence, presque la perfection. Bref, ce charmant anti-fan ne doit pas regarder le même Eurovision que moi.

Quant à ma médaille d’or, elle va sans conteste à un lecteur-contempteur belge du journal Le Soir. Son commentaire m’a plongé dans une fureur et une rage inouïes, bibliques. J’eusse voulu le souffler jusqu’aux Enfers avec le ventilateur de Carola et l’obliger à y brûler pour l’éternité en écoutant en boucle les XXL. Car sous l’article annonçant la finale, il posta : « Sinon ce soir au Botanique [salle de concert bruxelloise], il y a de vrais chanteurs avec de vraies chansons ». L’’infâme ! Comme si ! Mais voyez l’ironie : le Concours a justement couronné cette année une chanteuse, une vraie de vraie, ayant en outre écrit et composé elle-même sa chanson. Une chanson qu’elle a interprété sans la moindre fausse note et avec la plus parfaite sincérité. DANS TA FACE, contempteur de mes deux !

Impossible de jeter la pierre à Jamala, en tant qu’artiste. Plus drôle encore : elle est précisément le genre de chanteuse dont les salles de concert bruxelloises raffolent. Sortez-la de son contexte eurovisionesque, vous obtenez une artiste ukrainienne de premier plan, auteur-interprète, chantant les douleurs de ses aïeux dans sa langue maternelle, sur une musique fusion mêlant sonorités traditionnelles et contemporaines. Typique du Botanique et de l’AB, les Bataclan bruxellois. Conclusion : abordez l’Eurovision avec des œillères et l’Eurovision vous décochera un bon coup de sabot ! Notre cher et bien-aimé Concours, notre petite mule têtue et obstinée qui n’obéit jamais à personne et fait toujours le contraire de ce qu’on attend d’elle…

Bref, cela m’a donné envie, pour notre petit classement hebdomadaire, partial et subjectif, de rouvrir notre liste d’histoire sur l’étagère au chapitre des auteurs-compositeurs-interprètes. Oui, Monsieur le Schmock, oui, l’Eurovision, c’est avant tout des vrais chanteurs et des vraies chansons ! Et ce depuis 1956 ! Walter Andreas Schwarz, qui représenta l’Allemagne, cette année-là, fut le tout premier artiste participant à avoir écrit et composé lui-même sa chanson (pas exactement un nirvana musical, mais soit). Rendons-leur hommage, à ces artistes éprouvés et confirmés, qui ont fait briller l’étoile du Concours au firmament. Nous ne remonterons pas aux origines, nul besoin, l’Eurovision est une pépinière de talents. Aujourd’hui donc : cinq auteurs-compositeurs-interprètes qui ont marqué ces trois dernières éditions du Concours.

5. Kjetil Mørland

Kjetil a tout pour lui et je ne parle pas uniquement de son physique : il chante aussi bien qu’il écrit et qu’il compose. Un univers, une voix, un charisme et une huitième place au Concours, en 2015, un chanteur, un vrai et une chanson sublime, A Monster Like Me, sortie de sa plume et de son génie. C’est que Kjetil a de l’expérience : depuis 2008, il est le leader du groupe anglais Absent Elk. Ils ont sorti ensemble un album, en 2009, que Kjetil a entièrement écrit et composé et dont ont été tirés les singles Sun & Water et Emily. Le groupe fait la première partie de The Script et de The Hoosiers, puis accompagne Girls Aloud en tournée. Kjetil se lance en solo, en 2013. Deux ans plus tard, il participe au Melodi Grand Prix, en duo avec Debrah Scarlett. Le duo l’emporte face à Erlend Bratland et s’envole pour Vienne, où ils décrochent un troisième Top 10 consécutif pour leur pays. Kjetil enchaîne avec deux nouveaux singles No Firewall et Skin, préludes à la sortie cette année de son premier album solo, Make A Sail. Un commentaire, Mr. Schmock ?

4. Stig Rästa

Même endroit, même année et autre duo de charme, pour l’Estonie cette fois. Stig Rästa et Elina Born interprètent Goodbye To Yesterday, renversent l’Europe et terminent septièmes. Stig a lui aussi été membre de plusieurs groupes, aux succès plus locaux : de 2002 à 2006, Slobodan River, puis depuis 2006, Traffic et depuis 2010, Outloudz. Stig participe à sa première sélection pour l’Eurovision en 2009, inaugurant l’Eesti Laul. Il est l’auteur de See päev, chanson qu’il interprète avec son groupe Traffic. Ils terminent deuxième, derrière Urban Symphony. Stig revient en 2011, cette fois avec Outloudz. Son I Wanna Meet Dylan termine lui aussi deuxième, derrière Getter Jaani. En 2013, Stig compose Enough pour Elina Born. La chanteuse terminera huitième en finale. Stig revient à l’Eesti Laul l’année suivant, avec Traffic et Für Elise. Ils terminent troisième en finale. 2015 sera enfin l’année de la victoire pour Stig. Fait remarquable : c’est la première fois qu’il est l’interprète principal de l’une de ses chansons, vous prouvant, Mr. Schmock, qu’il est un auteur-compositeur-interprète accompli. En 2016, Stig compose Play pour Jüri Pootsmann et remporte pour la seconde année consécutive l’Eesti Laul. Hélas, revers de fortune, Jüri écope de la toute première place de l’histoire de son pays à l’Eurovision. Du moins, l’aura de Stig demeure intacte…

3. Aminata Savadogo

Décidément, 2015 fut une année éblouissante. Et le Phénix de cette édition, qui renaquit de ses cendres, fut sans conteste, la Lettonie. Après six éliminations consécutives en demi-finales, ponctuées de trois dernières places, le pays se propulsa en finale directement à la sixième place, par la grâce du Homard Céleste, Aminata Savadogo. La jeune chanteuse débute sa carrière musicale à quinze ans, en participant à des émissions télévisées. En 2014, elle concourt pour la première fois à la sélection lettone avec I Can Breathe, qu’elle a elle-même écrit et composé. Elle termine cinquième en finale.  Elle revient l’année suivante et, avec le percutant Love Injected, triomphe à la première édition de Supernova. À l’Eurovision, Aminata convainc jurys et téléspectateurs et obtient le meilleur résultat letton depuis 2005. Dans la foulée, elle sort un nouveau single Bridges, annonce de son second album, Red Moon. En 2016, Aminata compose Heartbeat pour Justs et remporte elle aussi sa sélection nationale pour la seconde année consécutive. Justs terminera quinzième en finale. Aminata, elle, sort un autre single, Fighter. Un message subliminal à votre attention, Mr. Schmock…

2. Ilse De Lange

Là, Mr. Schmock, vous avez affaire à forte partie. En une journée, elle compose plus de tubes que vous en une vie. Dix-huit ans de carrière, dix-huit ans au sommet et un passage fulgurant à l’Eurovision, qui a laissé pantois même les fans les plus endurcis. Tout simplement le meilleur résultat obtenu par les Pays-Bas en quarante ans… C’est qu’Ilse a de l’expérience : elle fait ses débuts sur scène à l’âge de huit ans et jusqu’à ses dix-neuf ans, participe à de nombreuses émissions et compétitions télévisées. En 1998, à l’âge de vingt-et-un ans, elle accède au succès. Son premier album, World Of Hurt , porté par le single I’m Not So Tough, devient numéro un des ventes aux Pays-Bas. Elle réitérera cet exploit avec tous ses albums studio suivants (à l’exception du deuxième). Sa carrière alternera dès lors entre succès commerciaux et critiques, récompenses multiples et tournées triomphales. 2003 la voit devenir auteur à part entière : elle co-écrit et compose entièrement son troisième album, Clean Up, dont sera extrait No Reason To Be Shy. Après un changement de maison d’enregistrement, Ilse publie en 2006, The Great Escape. En 2009, elle décroche le plus grand succès de sa carrière solo : son single Miracle devient numéro des ventes. Elle poursuit avec autant de brio, Next To Me, en 2009 ; DoLuv2LuvU, en 2011 ; Blue Bittersweet, en 2013. Seule ombre à ce tableau : le marché international lui échappe. Pour le conquérir, Ilse fonde en 2013, avec le chanteur Waylon, le groupe The Common Linnets, dont le but est la promotion de la musique country et des artistes néerlandais. Ils sont aussitôt choisis par la télévision publique néerlandaise pour la représenter à Copenhague avec Calm Into The Storm. Le reste appartient à la légende dorée du Concours. CITS, co-écrit et co-produit par Ilse est LE grand succès commercial de la cinquante-neuvième édition de l’Eurovision. Il offre enfin à Ilse la gloire européenne. Le morceau est numéro un aux Pays-Bas, en Belgique et en Islande ; deuxième, en Autriche et au Danemark ; troisième, en Allemagne et en Suisse. Jake Etheridge remplace rapidement Waylon et le groupe sort un nouvel album en 2015, numéro des ventes aux Pays-Bas. Ilse parcourt à présent l’Europe pour des concerts et des tournées promotionnelles. Achetez-vous un billet, lorsqu’elle passera par Bruxelles, Mr. Schmock…

1. Anouk Teeuwe

Une seule artiste néerlandaise dépasse Ilse DeLange en matière de succès et de reconnaissance. Sur la scène de Malmö, en 2013, elle a même accompli un miracle, un véritable miracle : qualifier les Pays-Bas en finale pour la première fois en neuf ans. Vous avez probablement manqué ce moment historique, Mr. Schmock, revoyez-le pour votre édification personnelle. Après une enfance chaotique, la gloire embrasse Anouk en 1997, alors qu’elle est âgée de vingt-deux ans. Après un premier single discret, elle sort Nobody’s Wife. Son succès est européen et son premier album, Together Alone, devient numéro un des ventes aux Pays-Bas. Depuis, Anouk ne s’est plus arrêtée et demeure au sommet. Citons pêle-mêle, R U Kiddin’ Me en 1999 ; Michel en 2000 ; Girl en 2004 ; Lost en 2005 ; Good God en 2007 ; Three Days In A Row en 2009, numéro un ; What Have You Done en 2011. En 2013, la télévision publique néerlandaise s’en remet entièrement à elle pour la représenter à Malmö. Anouk co-écrit alors Birds. Qu’ajouter de plus ? La chanson se hisse à la première place des ventes néerlandaises, le jour de la finale du Concours. Anouk prouve en trois minutes que l’Eurovision est devenue une compétition internationale de très haut niveau, récompensant les artistes véritables et les chansons profondes. En trois minutes, elle restaure la foi d’un pays et permet aux Pays-Bas de redevenir un pilier du Concours. Prenez-en de la graine, Mr. Schmock ! Le rideau retombé, la star poursuit sa carrière. En 2015, elle sort un duo avec un autre véritable chanteur, Douwe Bob. Elle revient la même année à l’Eurovision, en écrivant Walk Along pour Trijntje Oosterhuis. Le morceau échoue en demi-finale. De son côté, Anouk enchaîne avec Run Away Together. Sa carrière semble être partie pour durer cent ans…

Cher Mr. Schmock, t’ar ta gueule à la récré ! La liste des véritables artistes-auteurs-compositeurs-interprètes à l’Eurovision est longue, très longue. Je me suis volontairement limité à ceux m’ayant le plus marqué depuis 2013. Un autre mériterait sa place de plein pied dans ce classement : András Kállay-Saunders. Deux autres artistes ont co-écrit, mais pas composé leur chanson participante. Je leur ai donc préféré notre quintet d’or : Marco Mengoni et Loïc Nottet. Reste un nom, un nom auquel vous pensez depuis le début de cet article, un nom que vous avez prononcé avec ferveur durant des mois : Amir, bien entendu ! Amir est un auteur-compositeur-interprète, puisqu’il a co-écrit J’Ai Cherché. Je m’en rends compte à présent : j’aurais dû plus souvent insister sur cet aspect, au fil de mes comptes rendus et de mes commentaires. Je le retiens pour l’avenir ! Et après avoir souhaité à Amir une carrière aussi réussie que celle de Conny Froboess, je lui souhaite aujourd’hui une carrière aussi fructueuse que celle d’Anouk. Sur ce (je ne m’en lasserai jamais) :

BONUS

Lui n’est ni interprète, ni compositeur, mais c’est un auteur et un artiste de très haute volée. Grâce à lui, l’Eurovision s’est enrichi de ses plus belles pages. Pourtant, il n’a jamais concouru. Rendons-lui hommage dans ce bonus, j’ai nommé : Edward af Sillén. Edward débute sa carrière en tant qu’acteur. Il fait du stand-up, puis adapte en suédois des pièces de théâtre et des comédies musicales. En 2004, pour la première fois, il est engagé par la télévision suédoise : il rédige le script des Oscars suédois. Il est alors repéré par le tout-puissant Christer Björkman et en 2009, accède à la gloire eurovisionesque. Il est chargé d’écrire et de diriger le Melodifestivalen, présenté cette année-là par Petra Mede. Le succès est immédiat. Edward devient le roi de l’Eurovision : en 2010, 2012, 2013 et 2016, il dirige le Melodifestivalen ; en 2009, 2010, 2011, 2014 et 2015, il commente le Concours pour la télévision suédoise ; en 2010, 2013 et 2016, il écrit et dirige l’Eurovision et en 2015, il co-écrit le script de l’Eurovision’s Greatest Hits. Chacune de ses entreprises est une réussite et lui faut des concerts de louanges. Edward manie comme personne l’humour, le sarcasme, la culture suédoise, la culture populaire et les références eurovisionesques. Il est l’ombre dans l’ombre et peu savent à quel point le Concours lui est redevable. Alors pour le remercier, voici un petit medley de ses compositions :

2009


2012


2013




2016



Edward Af Sillen