Imaginez un instant une salle remplie de mômes en bas âge, issus de l’école primaire en contrebas de chez vous dont la récréation de 10h à 10H30 ruine tellement votre TT que vous prenez votre pause en même temps qu’eux.
Au premier abord, la vision d’un enfer : celui d’une compétition de juvéniles acnéiques, qui ne savent pas tenir une note ou prendre correctement leur respiration. Souvent paralysés devant une caméra, rarement à l’aise lors des interviews, ces jeunes (entre 9 et 14 ans) font des sourires forcés, dansent parfois comme des robots, portent des appareils dentaires et leur voix oscille entre les aigües et les graves dans une mue incertaine. Une image au demeurant bien éloignée de ce qu’est réellement l’Eurovision junior !
Cela fait 21 ans que cette compétition existe. Tellement ancienne que le premier gagnant, le Croate Dino Jelusić, a aujourd’hui 32 ans. La France y a participé en 2004, mais faute d’une audience correcte cumulée au désintérêt de France 3, elle ne revient qu’en 2018 (pour y demeurer définitivement ?). Les objectifs de l’UER se veulent à l’origine louables. Il s’agit d’encourager les jeunes talents tout en montrant la diversité culturelle à travers le continent européen dans une compétition plus bienveillante. Cependant, l’UER cherche aussi à profiter des concours musicaux pour enfants qui attirent de plus en plus de spectateurs. Toucher un public plus jeune permettrait aussi de fidéliser les jeunes générations à la marque « Eurovision », ces jeunes qui grandissant regarderaient l’édition senior. Les chiffres du junior sont cependant en deçà des espérances, après une édition 2022 regroupant pas loin de 33 millions de téléspectateurs (Télé et Internet), l’édition 2023 n’a recueilli qu’environ 30 millions de spectateurs, soit 5 à 6 fois moins que la version adulte. Certes, la compétition concerne moins de pays et se déroule à une heure d’écoute moins forte pour le public adulte, puisque calibrée pour les enfants, (un week-end d’après-midi, au moment du goûter ; vers 16h quoi, quand les célibataires sans enfants sortent d’after…) mais le succès n’est pas encore au rendez-vous, surtout quand on considère que les pays les plus peuplés d’Europe y participent (Allemagne, France, Espagne, Italie, Ukraine ; ne manquent que les Britanniques).
Pourtant, de nombreuses raisons objectives plaident pour le visionnage de cette compétition. Depuis plusieurs années, le niveau des artistes gagne globalement en qualité. On trouve toujours des prestations peu efficaces (chez les adultes aussi d’ailleurs) mais les délégations prennent soin de choisir des candidats et candidates de plus en plus qualifiées. Certaines chansons deviennent des bop, Bim Bam Toi (5ème en 2019) a connu un énorme succès après son usage dans une vidéo TikTok. Par ailleurs, éloignée des préoccupations adultes, il y règne une plus grande bienveillance. Le vote du public est ainsi fait qu’il permet d’éviter les « zéro point ». En effet, lorsqu’on vote via Internet, on choisit 3 chansons pour lesquelles voter, y compris pour celle de son propre pays. Cela ne garantit certainement pas la victoire mais cela évite la brutalité d’une note nulle (souvenons-nous de l’édition adulte 2021 et ses 4 « zero point » à la suite, qu’un enfant aurait eu du mal à supporter). Dans cette ligne bienveillante, les chansons portent des messages très positifs. C’est un moment acidulé, dont la mignonnerie peut paraitre trop sucrée, mais qui permet de mettre en avant des messages d’espoir, d’amour et de fête. Si les adultes peuvent être blasés, les enfants ont encore le droit d’y croire.
Flattons enfin notre orgueil national. Depuis son retour en 2018, la France a engrangé 3 victoires : en 2020 (Valentina avec J’imagine,), 2022 (Lissandro avec Oh Maman !) et 2023 (Zoé avec Cœur). Mais aussi une 2ème place en 2018 (Angelina avec Jamais sans toi) et la 3ème place de 2021 (Enzo avec Tic Toc). Au final sur 7 participations en tout, sa plus mauvaise place est une 6ème place en 2004. Depuis 2018, elle n’est jamais sortie du Top 5, ce qui en fait l’un des meilleurs pays dans cette compétition. Contrairement aux idées reçues, nous pouvons gagner à l’Eurovision. Une 4ème victoire, 3ème de rang, avec Titouan et son Comme ci comme ça, est-elle alors possible ? Les esprits chagrins argumentent, statistique à l’appui, que c’est impossible. Nous, on aimerait bien, ne serait-ce que pour la qualité de la chanson et pour marquer encore durablement l’empreinte française dans l’histoire de l’Eurovision. Et qu’un jour, ces victoires puissent inspirer les adultes…
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