Et nous voici en 1964. Une édition un peu particulière car tout le concours en intégralité a disparu (hormis quelques rares images). Si la rumeur veut que l’enregistrement ait péri dans un incendie, la vérité est que la chaine publique danoise n’ait jamais sauvegardé -faute de magnétoscope à cette époque- l’édition sur ses terres. Comme les deux années précédentes, ce sont quatre artistes qui se sont partagés la dernière place. Les voici, en commençant par…

Nora Nova

Si Nora Nova a bien représenté l’Allemagne, c’est en Bulgarie, à Sofia que Ahinora Kumanova a vu le jour le 8 mai 1928. Son père est un fonctionnaire travaillant pour le tsar de Bulgarie Boris III. C’est donc dans un milieu aisé que la future Nora grandi. Pendant plusieurs années, elle prend des cours de chants et de théâtre à l’académie des arts de Sofia. Mais à la fin de la seconde guerre mondiale, les changements politiques transforment la vie de la jeune fille. Certains membres de sa famille sont condamnés à mort ou envoyés au camp de concentration de Belene. Elle quittera son pays en 1959 en contractant un faux mariage avec un citoyen ouest-allemand. Le chant reste toujours sa passion et l’année après son arrivée outre-Rhin, elle remporte un concours organisé par une maison de disque. Mais ses premiers titres passent complètement inaperçus. Et pourtant…

Et l’eurovision dans tout ça ?

… Et pourtant cela ne la démotive pas et en janvier 1964, elle se présente à la selection allemande avec le titre Man gewöhnt sich so schnell an das Schöne (Comme on s’habitue rapidement aux jolies choses), composé par Rudi von Den Dovenmuhle et le parolier qui la prit sous son aile, Nils Nobach, Et c’est donc avec une avance de 11 points sur la deuxième que Nora et sa chanson remportent le droit de représenter l’Allemagne en terre danoise. Cela fait d’elle la première bulgare a foulé le sol du concours. Le soir du 11 mars, entre deux favoris à la victoire (Matt Monroe pour le Royaume Uni et Romuald pour Monaco qui finiront respectivement 2ème et 3ème) Nora et sa chanson (qui détiendra le record du titre le plus long jusqu’en 1991 et C’est le dernier qui a parlé qui a raison) se présente sur la scène du Tivolis Koncertsal. Et là, c’est le drame car aucun des 15 autres pays ne lui donnera de points. Elle est la 1ère representante allemande (mais pas la dernière !) à obtenir ce score !

Et après l’Eurovision ?

Sa carrière s’arrête quasi immédiatement. La même année, elle épouse un propriétaire de boites de nuit. Sa carrière s’oriente désormais vers le commerce. En effet, elle devient gérante de boutique de mode, d’antiquité ou de restaurants dans les ville de Düsseldorf ou de Munich. En 1989, à la chute du régime communiste en Bulgarie, elle retourne dans son pays natal. En 2001, elle est un des fondatrices du parti politique crée par l’ancien Tsar (et qui lui aussi a eu le droit de retrouver son pays d’origine) Simeon II.

Elle est décédée le 9 février 2022 à l’age de 93 ans.

Et pour l’accompagner sur la dernière marche du podium, Nora pouvait compter sur la galanterie de…

António Calvário

António Calvário da Paz né au Mozambique (qui faisait alors parti du Portugal) le 17 octobre 1938. Il rejoint la métropole à l’age de 8 ans. D’abord dans la ville de Portimão (dans le sud du Portugal). Puis, afin de finir ses études dans la capitale. Et c’est donc à Lisbonne qu’il prend ses premiers cours de chants avec Corina Freire, célèbre chanteuse et actrice de son temps, qui n’est autre que sa grande tante.

En 1957, il est engagé par l’ancêtre de la RTP. Mais c’est véritablement en 1960 qu’il commence à se faire connaitre. D’abord en gagnant un concours de chant. Concours qui lui ouvre les portes des maisons de disques. S’ensuit des nombreux succès au hit parade portugais. Mais l’homme est touche à tout et en 1963, il fait ses débuts au théâtre… Et c’est aussi un succès !

Et l’Eurovision dans tout ça ?

Et c’est donc tout naturellement qu’António prend part au 1er Festival da Canção en 1964 (appelé en ce temps-là : Grande Prémio TV da Canção Portuguesa). 1ère édition… Qu’il gagne bien évidemment ! Mais tous ces succès vont avoir un coup d’arrêt brutal car le 11 mars de la même année au Danemark, pour sa 1ère apparition au concours le Portugal, António et sa chanson Oração (prière) ne récoltent aucun point. Sacré camouflet !

La prière n’a visiblement pas suffit pour António !

Et après l’Eurovision ?

Malgré cette déroute, la carrière de notre jeune artiste portugais aurait pu s’arrêter net. Mais c’est tout le contraire qui va se produire ! Faire un inventaire de son C.V pourrait remplir un annuaire, voici donc un résumé : toujours en 1964, il lance sa carrière d’acteur. Un succès. Il se représente au FdC en 1965, 1966 et 1968. Certes, il ne gagne pas, mais sa popularité reste intacte. Ses disques continuent de se vendre comme des petits pains. Mais un incident survient dans sa vie en 1969. Il décide de produire un film qui sera un échec. Afin de rembourser ses dettes, il est forcé de chanter dans d’obscures salles de spectacles. Après un longue période d’absence, il revient au théâtre en 1977… Et c’est de nouveau un succès ! Dans les années 90, il fait une tournée au Portugal qui fonctionne. Dans ses concerts, il chante ses plus grand succès et quelques nouveautés. Car le bonhomme a reprit les chemins des studios ! En 2006, il participe à une édition du Big brother version Lusitanie. Et enfin 2 ans plus tard, pour fêter ses 50 ans de carrière, il sort une compilation et une autobiographie. Une vie bien remplie donc !

A l’heure où j’écris ses ligne, António vit toujours et il fêtera ses 85 ans en octobre.

Ne partez pas (sans moi) ! Il reste encore 2 artistes ! Et le prochain sur la liste est…

Sabahudin Kurt

Sabahudin Kurt est né le 18 juillet (comme ma fille cadette) 1935 à Sarajevo dans ce qui était encore le Royaume de Yougoslavie. De langue maternelle bosniaque, il décide de se lancer pleinement dans le monde de la musique à l’age de 19 ans en sortant son 1er titre : Dim u tvojim očima (de la fumée dans tes yeux). S’en suit quelques 45 tours qui ont un relatif succès. Quand arrive l’année 1964…

Et l’Eurovision dans tout ça ?

Sabahudin fait acte de candidature à la sélection yougoslave avec sa chanson Život je sklopio krug (La vie forme une boucle). Le voici-ci donc avec d’autres artistes des 4 coins du pays dans les studios slovènes de la télévision yougoslave. Du fait de la particularité de l’état, toutes les langues doivent être représentées. Et en cette année 1964 c’est donc Sabahudin et son titre en serbo-croate qui partent vers le Danemark. Mais le soir de la finale européenne, rien ne se passe comme prévu. Est-ce le fait de passer après la (future) chanson gagnante qui a tout éclipsé (et écrasé, il faut bien être honnête) sur son passage mais le jeune chanteur repartira avec un nul point vers Sarajevo.

Et après l’Eurovision ?

Comme son compagnon d’infortune portugais, la carrière de Sabahudin ne s’arrête pas. Il continue de sortir des disques, de donner des concerts (surtout en Bosnie Herzégovine) et de se lancer dans une carrière au théatre, aussi bien sur les planches qu’à la radio. Coté vie personnelle, elle épouse sa petite-amie Ismet en 1966 qui lui donne deux fils : Damir et Almir. Ce dernier ayant choisi lui aussi une carrière artistique puisqu’il est acteur.

Après avoir subi une attaque cardiaque, ce qui l’amené à être opéré d’un triple pontage, il décide d’arrêter la musique et de se retirer à la campagne. Il est de nouveau hospitalisé en aout 2014 pour de nouveaux problèmes cardio-vasculaire qui le laisse extrêmement fragilisé. Sabahudin Kurt est décédé le 30 mars 2018 dans le village de Vlakovo dans la province de Sarajevo.

Place maintenant à notre dernière malheureuse candidate. Et c’est…

Anita Traversi

Anita Traversi naît le 25 juillet 1937 à Giubiasco, près de Bellinzona dans le Tessin (région suisse de langue italienne). Elle commence à étudier la chant et le piano à l’age de 8 ans puis au mileu des années 50, encouragée par son père Amorino, la jeune fille commence à chanter dans un orchestre avant d’intégrer celui de la Radio Suisse Italienne. Cela lui permet d’accompagner quelques chanteurs européens lors de tournées. En 1959, elle signe un contrat en Italie ce qui lui permet d’enregistrer un titre avec un grand artiste en devenir : Adriano Celentano.

Et l’Eurovision dans tout ça ?

Entre le concours Eurovision et Anita c’est une histoire tumultueuse et c’est peu de le dire ! Dès la première édition, elle soumet un titre Bandella ticinese (petit orchestre du Tessin) mais elle est battue par Lys Assia. Néanmoins elle foulera la scène du teatro Kursaal de Lugano en faisant partie des choeurs. En 1960, elle décroche enfin le sésame lors de la selection helvétique ce qui lui permet de partir pour Londres. Cielo e Terra finit à la 8ème place sur 13. Score un tantinet décevant. Mais cela ne démotive pas Anita. Elle se représente lors des selections de son pays en 1961 avec la chanson en italien Finalmente . Puis en 1963 avec 3 titres (!) dont une en langue allemande. Finalmente (!), elle parvient à représenter de nouveau la Suisse en 1964. Comme vous vous en doutez I miei pensieri (mes pensées) fera un flop. Aucuns jurys ne votera pour Anita. Et pourtant… Elle tentera les selections de 1968 et 1976. Là s’arrêtent ses aventures eurovisionnesques.

Et après l’Eurovision ?

On peut dire d’Anita Traversi qu’elle était une bête à concours. Car en plus de notre concours musical préféré, elle a participé deux fois au Concours international de la chanson de Sopot (en 1962 où elle remporte le prix de la meilleure performance et en 1968 où elle termine deuxième). Elle participe aussi au concours de Rio de Janeiro où elle figure parmi les lauréats. Et enfin au Golden Orpheus en Bulgarie en 1970. Mais les ventes de ses disques ne sont pas bonnes. Et dans les années 70, elle décide de se retirer du monde de la musique pour se consacrer à sa famille.

Le 25 septembre 1991, Anita décède à Bellinzona dans le Tessin, Les causes de sa mort n’ont jamais été divulguées. Elle avait 54 ans.

Vous en avez l’habitude maintenant, rendez-vous mercredi prochain pour de nouvelles (nombreuses) aventures !

Crédit photo : Remi pour l’EAQ

Crédit vidéos : Chaine Youtube de Awuga