Deux ans et deux mois.

Deux ans et deux mois qu’on essayait d’entraver ma marche vers la gloire.

Deux ans et deux mois qu’on tentait par tous les moyens de me réduire au silence, moi la seule que cette planète daignait écouter telle une prêtresse dessinant la vie devant soi.

Deux ans et deux mois que, du pangolin à Kalush Orchestra, on croyait m’empêcher de viser la lune et de raconter ma vérité, ou plutôt LA vérité, la seule l’unique, et plus que jamais, toujours le poing levé, direct avant postérieur. 

Qu’importe, car le public, lui, sait. Il sait que l’incroyable talent ne se trouve pas dans une vulgaire émission qui fait étrangement les beaux jours des audiences internationales. Il sait que l’incroyable, le magique, le sacrificiel, n’a nul besoin de buzzers (ou burgers ? Je n’ai jamais trop su) pour émerger et émerveiller les foules en délire, celles qui me dénuderaient presque tellement elles s’accrochent à ma majestueuse personne dès lors que je les fends. 

Fière de ma destinée et de mon sexe, c’est royale que je m’avance vers vous, bien décidée à reléguer les starlettes – et plus particulièrement celles affublées du qualificatif d’ « euro » – derrière les bas comptoirs des bas-fonds de cette Moldavie qui manqua d’attenter à mes jours et à qui je l’eus rendu fort bien à coups d’extincteur made in 1983. Car la Seule, l’Unique, la Reine est là, et elle est bien décidée à ajouter du cristal à sa déjà riche collection de trophées et d’ornements divers. 

Que l’Aube (biélorusse, pas celle du cheval de Troyes, mais enfin) se lève sur l’europlanète et que la belle, la plantureuse, la divina-divinesque (je hais le qualificatif de diva, selon moi trop grossier) Davidna atterrisse sur le tapis rouge de vos désirs et de vos envies, plus fraîche et aérienne qu’une pauvre harpie suédoise restée ké-blo sur un trophée déjà décrépi lorsque Bakou le lui offrit il y a dix ans. Comment diable avoir accepté une chose pareille pendant que l’Azerbaïdjan me célébrait dans un bain thermal de pétrole, accompagnée d’une délégation dont moi seule connaissait les secrets ? Ah les azéris … Toujours le sens de l’accueil pour celles et ceux qui sortent du rang et tiennent à leurs vertus dermatologiques comme à leur destin eurovisionesque.

Qu’importe, le passé n’est que le passé, son seul intérêt ne ressurgissant que lorsque je le raconte. 

Deux ans de « pandémie » avaient donc vulgairement – et surtout vainement – tenté d’étouffer mes instincts d’eurostar. Un concours annulé (ce contre quoi je déposai un recours auprès du Tribunal Pénal International, requête qui me fut outrageusement refusée par recommandé sans accusé de réception au bout de cinq mois), des sélections à huis clos (alors qu’on pouvait très bien les organiser à dix … clos. Comment croyez-vous que je faisais lors de mes VIP Party dans les caves de la Royal Davidna House ?) et le pire du pire, mais alors DU PIRE : Philipp Kirkorov.


L’auteur des plus belles pépites que l’univers musical ait daigné produire de son fluide osait me narguer depuis un coussin imprimé en synthétique, que j’avais nonchalamment laissé traîner sur le canapé du salon tertiaire, dans lequel je libérais quotidiennement mes chakras et maniais l’art du remonté du kunda nini comme nulle autre, sous le regard vénéré d’une partie de ma suite que je sortais d’un coup de kärcher à la vaseline biosynthétique. Par dignité et humilité la plus pures, je m’abstiendrais de témoigner de la réaction qui fut la mienne à réception de l’outil sur lequel nous dûmes ranimer la Tante Kapitolina (pourtant bel et bien toujours respirante au grand dam de sa fille malgré ses 2,5 litres de vodka consommés) à la suite de la débâcle russe de 2016. Par simple esprit de superstition, j’avais donc défendu ma suite d’y, la faute à ma consultante astro qui voyait là un karma à n’approcher ni de trop loin, ni de trop près, histoire de s’assurer quelques grâces eurovisionesques en temps voulu. Paraît-il qu’on appelle cela la distance sociale. 

Mais vous connaissez Davidna mieux que vous ne cernez le journal intime de cette pauvre Mylène Farmer, indigne de son coefficient de vénération actuel auquel je n’ai jamais été sensible. Syndrome pangolin ou pas, scaphandrière ou pas, je n’allais pas me laisser démolir par un contexte socio-sanitaire inadéquat à mes projets. C’est ainsi que, conquérante, et ayant appris de ma chère, très chère, extrêmement chère (la Fortune a beau être sans fin, c’était ici un puits sans fonds) source débarquée de France Télévisions à dos de coléoptère (autant vous dire que j’ai davantage gueulé que Bonnie Tyler le jour où elle a déchiré ses cordes vocales à peine opérées), la tenue d’une finale nationale en France pour la première fois depuis environ quelques siècles (je n’étais encore qu’adolescente errant la nuit sur les trottoirs de la salle de divertissement de mon odieuse parentèle), c’est … Soyez un peu attentifs, merde, et écoutez-moi sans me répondre (on n’est pas chez Gjon’s Tears).

Apprenant donc la tenue de ce petit programme intitulé Eurovision France, c’est vous qui décidez, c’est plus animale que jamais, et vêtue de ma nouvelle et souveraine robe panthère du Zèbre (un pays fort instructif dès lors qu’on en découpe les contours) que j’organisais donc le tournage de ma vidéo de présentation. Hélas confinée dans 250 mètres carré de marbre et de Carrare, et interdite d’accès au siège de la Sacro-Sainte France … télévision, je dus donc doubler de travail et de sacrifices pour offrir à notre pays un destin enfin digne du peu qu’il lui reste de prestige : incarner enfin la Succession à celle qui m’avait bénie de ses mains étant enfant (et faire surtout oublier Tom Leeb auquel j’avais, au demeurant, offert une quinzaine inoubliable l’été de son retrait. Retrait dont il n’était toutefois nullement question dès lors que nous socialisions au cours des nuits Davidna). 

Plus princière que les tigresses du Fort Boyard, et sollicitée par l’équipe de Ru Paul elle-même pour la grâce de mes goûts vestimentaires (comme si j’avais besoin de cette piche pour le savoir, non mais), je m’étais alors ornée de mon tomahawk et de mon chapeau de loutre pour incarner la proposition qui allait résonner comme la Révolution Française de l’histoire de l’Eurovision, et bien que cela manqua d’être au détriment de la vie de Farid M. qui, épargné de justesse d’un mythique « dans le mille » décoché avec justesse par l’archère olympique que je suis, quitta illico presto la terrasse tout juste vêtu d’un humble pagne, pour ne plus jamais revenir dans la délicieuse province baptisée de mon nom. Inutile cependant de me briser et de me torturer avec de si viles affaires, c’est sur mon avenir que je me concentrais alors, plus militaire que toutes les armées du monde réunies, et bien décidée à faire régner mon nom sur le monde depuis Rotterdam. 

La claque je reçus trois mois plus tard fut sans appel. Pire qu’un refus, plus dramatique qu’une fin de non recevoir, plus douloureux qu’un mesquin renvoi au maillon faible, je me vis opposer un innommable Ghosting de la part de France Télévisions, les pontes ayant préféré me faire découvrir mon absence de la sélection par la révélation publique de cette dernière plutôt de confirmer en face de moi même la dégradante et insipide décision. 

J’enrageais. 

Mes nerfs ne résistèrent pas devant l’insulte et, plus athlétique que jamais, alors même que j’empêchai Vaidas de m’empêcher d’une tonitruante baffe qui le laissait coi sur le carrelage maculé de petites taches de sang (restes portugais sur lesquels je ne m’épancherai pas pour d’évidentes raisons judiciaires que j’ai moi-même du mal à saisir, pourtant conscience éclairée de ce monde), je me dirigeai vers le garage, dont je défonçais la porte à coups de clavecin.

J’enrageais.

De fureur, je pris le motoculteur, avec lequel je traversai la baraque pour donner l’extrême onction à mes équipements numériques. Sous le regard effrayé de ces esclaves qui n’étaient plus que des minimoys à qui je m’apprêtai à faire leur fête, j’y passais tout, au motoculteur. Le grand écran 160 cm ? Au motoculteur. Le Mac Pro clavier papillon ? Au motoculteur. Les smartphones ? Au motoculteur. Le projo et la sono ? Au motoculteur. Le synthé ? Au motoculteur. Le congélo ? Au motoculteur aussi. Même la cuisine et l’ilot central y passèrent ainsi que, malheureusement, les dortoirs de mes serviteurs, désormais relégués dans un Algeco décoré de la face enjouée de La Gordienko, auquel ils n’allaient pas survivre bien longtemps faute de revenus que je préférais réinvestir dans un nouvel équipement, la faute aux assurances qui m’ensevelirent suite à ce que les pseudo conseillers appelaient cette « nouvelle histoire », ô Carambe.

J’enrageais, donc.

Et ma rage n’était même pas à la hauteur de celle que j’éprouverais les cinq mois suivants, lorsque la France accoucha d’un piaf qui se croyait digne de Piaf. Pis, non contente de susciter la trop dithyrambique réception d’un jury à deux doigts de se noyer dans de déplacées larmes crocodile indignes d’une toute aussi indigne Nuit Odile (dit on que Pauline ne l’a pas supporté par anticipation), elle suscita l’approbation unanime d’un public décidément en manque de repères et de remèdes à l’anticyclone ambiant (et quel anticyclone Mazette Olf). Autant je savais que la Plèbe était autant dénuée de goûts que d’une audition performante, autant là, ce fut le Pompon (et ce n’est guère aimable pour le Pompon).

J’enrageais.

J’enrageais comme un Coyote privé d’un steack de Bip-Bip. J’engageais comme un Sylvestre empêché d’un Titi pour son lunch Time. J’enrageais de mon absence illégitime sur le devant d’une scène décidément scélérate avec mes ambitions de reine, plus amples encore que celles du Roi Hassani. J’enrageais, car n’est pas Edith qui veut, et surtout, n’importe quelle Edith n’est pas Davidna. 

Et que dire du funeste mois de mai où, déjà bien écœurée de la non invitation de Jon Ola à mon encontre, je dus assister au triomphe de celle qui me vola la vedette des mois durant, plus insidieuse que ne le fut Suzy avec moi en 2014. Douleur et gloire ont beau aller de pair, mais privée de la gloire volée, je n’étais que douleur, jusqu’à ce que le combat ne s’arrête qu’à la médaille d’argent, Halleloo moi. 24 points que je me fis guerrière à conquérir en vue de mon sort futur, et non du présent d’une concurrente décidée à me priver d’un honneur mérité, ainsi ma société me le révéla ultérieurement autour de décalitres de Moscow Mule de la production lazarevienne.

Rappelle toi Barbara écrivait Prevert, sauf qu’en ce jour, le pré n’était pas vert, faute de pelouse sur la plage abandonnée au sein de laquelle je me prélassais, fraiche, nue et dispose, au milieu de coquillages et de crustacés que je découpais d’un sec coup de ma canine dentition. Et surtout, une heure passée au petit matin, je ne me rappelais plus, désormais focalisée sur mon prochain objectif tenant en 3-2 et 1-0 : Eurovision – Davidna – France 2022

Chaque samedi, à partir d’aujourd’hui – mais caprice de diva oblige, Davidna a préféré se dévoiler un dimanche – retrouvez un nouvel épisode des « Étés Davidna » sur L’Eurovision Au Quotidien.