Entre la France et la Belgique, il n’y a qu’un pas, et c’est aussi le cas à l’Eurovision, comme nous l’avons vu la semaine dernière avec Jonatan Cerrada. Mais c’est cette fois du côté du plat pays que nous allons faire un tour et remonter presque trente ans en arrière, vingt-huit exactement, un an après l’un des plus célèbres eurodrames de l’Histoire.

En sweat, en pantalon drôle de génération.
On cache nos émotions sous la peau d'un blouson,
Oui mais sous l'apparence, mais derriere l'insouciance,
On ne dit rien de nos blessures, ma génération assure.

Nous sommes en 1992, et c’est donc à Malmö, en Suède, que se déroule la trente-septième édition du concours. Parmi les vingt trois candidat.e.s à s’affronter ce soir-là se trouve alors une artiste au tout début de sa carrière. À seulement seize ans, elle est la plus jeune interprète en lice et en représentant la Belgique au concours de l’Eurovision, elle réalisera l’un de ses rêves. Cher.e.s ami.e.s de l’EAQ, voici Morgane.

Classement : 20ème en 1992 (11 points)

C’est par téléphone entre le sud-ouest de la France et la Belgique que nous avons échangé avec Morgane.

EAQ – Comment vous êtes-vous retrouvée à participer à l’Eurovision ?

Morgane – J’avais déjà sorti un 45-tour à l’époque – c’étaient encore des 45-tour, même si on était sur la fin. Un single était d’ailleurs sorti en même temps, et le titre avait assez bien marché en Belgique. J’avais participé à l’émission Dix qu’on aime avec ce single qui s’appelait Un amour aussi grand. Suite à cela, mon compositeur Claude Barzotti et la parolière Anne-Marie Gaspard m’ont proposé une chanson pour l’Eurovision. Cette année-là avait lieu une sélection télévisée, comme une mini-Eurovision en Belgique, avec douze participants. Le public votait et il y a avait un jury organisé par provinces qui donnaient les points à chaque candidat de la même façon qu’à l’Eurovision. Et j’ai gagné la sélection.

A l’époque, qu’est-ce que le concours représentait pour vous ?

J’étais très jeune, mais quand j’étais plus jeune encore, j’adorais. Chaque année, je regardais l’Eurovision avec mon papa. On s’amusait à faire des pronostics et à attribuer les points comme si on était dans le jury. C’était marrant de pouvoir y participer. C’était quelque part un rêve qui se réalisait. C’était vraiment génial.

Vous étiez au tout début de votre carrière.

Tout à fait ! J’avais juste fait une chanson qui avait super bien marché en Belgique. A part ça, j’avais seine ans, j’étais toute jeune, je chantais depuis l’âge de treize ou quatorze ans, mais c’étaient vraiment mes débuts en tant que Morgane et où je suis devenue connue. En participant à l’Eurovision dès mon deuxième titre, ça allait assez vite. C’était vraiment un conte de fées.

Quel souvenir gardez-vous de cette expérience sur place à Malmö ?

Un très beau souvenir ! Ce n’était que du bonheur.Je garde de superbes souvenirs des rencontres avec les chanteurs des autres pays. J’avais particulièrement adoré Mia Martini, qui représentait l’Italie et qui était une chanteuse exceptionnelle. Elle m’a vraiment scotchée. On regardait évidemment les répétitions comme si on était dans le public, puisqu’on pouvait y assister. J’avais pu regarder tous les autres candidats et c’était vraiment elle qui m’avait marquée. Dans ma petite carrière, j’ai vu pas mal de chanteuses et chanteurs, mais c’est vraiment l’une de celles qui m’a le plus émue. C’est une femme qui avait un style classe à l’italienne. Ça a été un souvenir prégnant pour moi.

Tout allait très vite. On a fait plein de choses, notamment des réceptions pour la Belgique et les autres pays. J’avais plein de grigris dans mes chaussures. Beaucoup de personnes m’avaient donné des petits porte-bonheurs avant de partir : des petites médailles, des petites choses … Les gens et les fans m’en avaient donné beaucoup. Elles ne prenaient pas beaucoup de place, mais je me demandais où j’allais les mettre pour qu’ils m’amènent une bonne énergie. Du coup, je les avais mises dans mes chaussures (rires).

Par contre, quand on est arrivé, il y a eu l’histoire des accusations de plagiat contre le chanson, dont vous ne vous rappelez peut-être pas en France. Quelqu’un avait porté plainte pour plagiat contre Nous, on veut des violons. Ça avait fait la une des journaux en Belgique. On avait beaucoup parlé de ça et arrivés à Malmö, c’est vrai que la première question de la presse portait sur cette histoire. C’est un peu dommage parce qu’on savait dès le départ qu’on ne figurerait pas très haut dans le classement. Il n’y a rien à faire quand il se passe une telle histoire, même si après, ce fut un procès d’une dizaine d’années qu’on a quand même gagné. Ça avait quand même fait un gros boom médiatique. Il y avait même eu une pétition pour ne pas que je participe. Le compositeur en voulait certainement à Claude Barzotti, je ne sais pas, parce que le milieu est assez spécial. Il avait donc fait cette pétition pour que les artistes de la sélection nationale signent, mais j’étais très amie avec la deuxième (Maïra N.D.L.R.) – à l’époque on s’était beaucoup rapprochée – et même elle n’avait pas signé la pétition. Plusieurs m’ont dit qu’ils ne l’avaient pas fait, parce que ce n’était pas très sympathique, mais j’ai appris qu’une candidate avait quand même signé. Mais ça n’a mené à rien, parce que c’était juste un dépôt de plainte et il n’y avait aucun jugement. On ne pouvait pas tout arrêter pour ça. C’est dommage d’avoir terni cette partie du concours, mais c’est ainsi. C’était assez spécial. Ce n’est pas une anecdote très gaie.

Vous n’aviez que seize ans. Comment gère t-on de passer de l’ombre à la lumière en se retrouvant à l’Eurovision, qui plus est dans ces conditions ?

Cette affaire ne m’a pas particulièrement touchée, parce que je n’étais qu’interprète. Ce n’est pas moi qui avais composé la chanson, donc je ne pouvais rien à cette histoire. Ça me passait un peu au-dessus de la tête parce que je suis quelqu’un de très optimiste. Je vivais un rêve et je ne voulais pas le ternir. Mon rêve avait commencé avec mon premier single qui a été un succès, et e n’imaginais pas du tout pouvoir participer au concours. Même quand on m’a proposé de participer à la sélection belge, je me suis dit que ce n’était pas possible que ce puisse être moi, que les autres étaient beaucoup mieux. C’était un peu inaccessible, car j’étais trop jeune. J’ai vraiment été surprise d’avoir été choisie par la plupart des jurys parce que, dans ma tête, ce n’était pas du tout moi qui devais y aller. À partir de là, ce ne fut qu’un rêve et de belles choses qui m’arrivaient. Par rapport à cette histoire de plagiat, il s’agissait de ma chanson, certes, mais je n’en étais que l’interprète, je ne l’avais pas composée. J’étais quand même très heureuse. Je n’allais pas à l’Eurovision pour gagner. J’y allais pour l’expérience. Ce fut l’une de mes plus belles expériences artistiques, c’est certain. Tout ce qu’il y a autour, les rencontres avec les autres chanteurs notamment, représente quelque chose d’unique. Aucune émission télé ne permet de chanter devant autant de téléspectateurs,. L’Eurovision est quelque chose d’exceptionnel, même si ce n’est plus vraiment la même chose qu’à l’époque, du moins dans notre pays. En France ou en Belgique, ce n’est pas la même chose que dans d’autres pays, comme les pays scandinaves, où on voit vraiment la différence. Là-bas, c’est la folie. Les suédois sont complètement fans. Je suis retournée en Suède après l’Eurovision. On m’y a réinvitée du fait que j’avais participé alors que j’avais terminé à la fin du classement. J’étais même partie en Turquie, où on m’avait invité à un gros festival parce que j’avais participé à l’Eurovision et que les turcs m’avaient donné quelques points. Il y a des pays où l’Eurovision représente quelque chose d’extraordinaire.

Vous aviez ressenti cela sur place ?

Oui, on sent que les gens adorent l’Eurovision là-bas. Ce n’était déjà pas comme ici, en Belgique. Je pense à la limite que les flamands sont plus attachés à ce concours que les wallons. Alors même que l’on ne parle pas forcément français en Flandre, j’avais été invitée par de nombreuses émissions flamandes. Ils adorent l’Eurovision. Tout dépend des cultures, mais même si je pense que la culture francophone aime l’Eurovision, elle ne l’aime pas autant que d’autres pays.

Comment vous expliqueriez-vous cela ?

Je n’en sais rien. Moi, petite, j’adorais l’Eurovision et je pense que ça s’est un peu perdu au fil du temps, je ne sais pas pourquoi. Personnellement, je préférais l’Eurovision avant. Pourquoi ? Parce que les chanteuses et les chanteurs qui venaient défendre les couleurs de leurs pays en étaient plus représentatifs. Ils chantaient plus souvent dans leurs langues d’origine. Les musiciens étaient aussi en live, ce n’étaient pas des bandes orchestrales. Maintenant, la plupart des participants chantent en anglais et la musique n’est jamais plu en live. C’est fort différent de la période Abba, par exemple. On était à la fin d’une époque. En 1992, on n’était plus que deux pays à être complètement en live. Tous les musiciens jouaient sans aucune bande derrière. Que ce soit fini est un peu dommage.

Aujourd’hui le concours a évolué vers davantage de spectacle. C’est une machine. Que pensez-vous de cela ?

Je préférais le live. Le fait d’aller à l’Eurovision avec mon chef d’orchestre qui dirigeait tous les musiciens. C’était comme un orchestre symphonique, avec tous les instruments, les violons. Je préférais cela. C’est une question de goût. Bien sûr, les choses évoluent, je ne dis pas le contraire, mais j’aimais le live. Le fait que les pays chantent dans leurs langues d’origine, c’est ça qui était beau et apportait de la diversité. Maintenant, quand on écoute les chansons de l’Eurovision, c’est difficile de dire à quels pays elles appartiennent si on ne le sait pas. Tout se ressemble quand même un peu. C’est un avis personnel qui n’est pas forcément le même que tout le monde.

C’est un programme que vous suivez toujours ?

Non, je ne le suis plus. Je ne suis plus trop attirée. Je trouve que ça a changé. Depuis le début, le fait que ce soit un concours me laisse perplexe. C’est dommage que ça ne soit pas plutôt un spectacle où tout le monde vient simplement chanter. Je trouve que les résultats ne sont pas complètement transparents. C’est dommage, parce qu’il y a des pays qui n’ont pas assez d’argent pour pouvoir organiser l’Eurovision, parce que ça coûte très cher. Nous, on a gagné une seule fois en Belgique avec Sandra Kim et ça a coûté très cher. Ils ont dû payer pendant des années, parce que c’est quelque chose qui est évidemment super, mais il faut des moyens derrière. Je ne sais pas si des pays sans trop de moyens financiers peuvent gagner l’Eurovision. C’est un peu compliqué. Je préfèrerai que ce soit un festival Eurovision plutôt qu’un concours. Je n’aime plus trop cet aspect en général, y compris à The Voice. Je trouve que l’art ne doit pas être mis en concours. Chacun a ses goûts et sa personnalité, et mettre quelqu’un au-dessus d’un autre, je trouve cela dommage.

Concernant les résultats, la délégation belge et vous aviez des attentes particulières ?

On ne va jamais au concours avec l’envie de perdre, mais quand est arrivé à l’Eurovision avec les questionnements autour du plagiat, on savait pertinemment bien qu’on ne terminerait pas dans les cinq ou les dix premiers. À partir du moment où il y a un problème, c’est compliqué. On se rend également compte que des pays s’échangent des points entre eux. C’est un moment particulier, l’Eurovision. Avec la délégation, nous étions contents d’y aller, j’étais bien entourée. Il y avait juste ce souci de plagiat, sinon, j’ai vécu le concours de manière très positive.

En tant que belge, vous avez eu la chance de connaître la victoire de Sandra Kim en tant que téléspectatrice. Vous en gardez des souvenirs ?

J’étais très fan de Sandra. C’est marrant, parce qu’après, je l’ai connue, on a fait des émissions de télé ensemble. J’étais très fan d’elle. Je suis un peu plus jeune qu’elle – je crois qu’elle a trois ou quatre ans de plus que moi – et je suis allée la voir en concert lorsque j’avais une douzaine d’années. Elle venait de remporter l’Eurovision. C’était l’euphorie ici. Elle a en plus participé à une époque où le concours était populaire en Belgique. En tout cas, chez moi, on aimait beaucoup ça. D’y participer, je l’ai vécu comme un rêve.

Vous faites ce concours et y terminez à la vingtième place…

Je ne sais même plus, je sais juste que c’était vers la fin (rires).

Quel effet le concours a eu sur votre carrière ?

Cette chanson me suit et me suivra toujours ! La chanson que j’ai chanté à l’Eurovision, tout le monde me la fredonne quand on me reconnaît dans la rue. C’est toujours cette chanson qui vient en premier. Il n’y a rien à faire, elle me colle à la peau. On me parle toujours de ma participation à l’Eurovision. J’ai suivi Claude Barzotti en tant que choriste, j’ai fait ses premières parties, et dans n’importe quel pays, que ce soit au Liban ou ailleurs, tout le monde connaît l’Eurovision. C’est une référence, et l’une de mes plus belles expériences artistiques. Après le concours, j’ai voyagé. J’ai fait d’autres scènes que je n’aurais jamais pu faire si je n’avais pas participé à l’Eurovision. J’ai partagé la scène d’un festival en Turquie avec Kylie Minogue, Patricia Kaas, Donna Summer, et c’est grâce à l’Eurovision. C’était quelque chose de fabuleux. Sans même la gagner et en terminant à la fin du classement, c’est une expérience qui m’a ouvert des portes en tant qu’artiste, d’autant plus que j’étais très jeune. Je ne l’ai pas vécue comme une adulte, j’y allais un peu dans l’insouciance. Ma seule préoccupation était la peur d’avoir un trou de mémoire, pour le reste je chantais, et j’étais heureuse. On n’y va pas avec les mêmes préoccupations quand on a seize ans. Ce n’est pas du tout pareil.

Comment vous gérez le fait d’être systématiquement associée à l’Eurovision ?

Ça m’a peut-être embêtée quand j’étais jeune. Vu que j’ai parfois changé d’orientation musicale, ça m’a un peu ennuyée d’avoir l’étiquette sur le front pendant une vingtaine d’années, mais maintenant, je suis fière d’avoir participé à l’Eurovision et que ça fasse partie de mon parcours musical. Tout le monde n’a pas la chance ou l’opportunité de faire ça. Même si ça me colle à la peau, je chante toujours cette chanson dans une autre version, différente de celle de 1992, en acoustique et elle est toujours belle. Les gens l’aiment toujours. C’est vraiment une fierté. Tout le monde ne peut pas dire ça en tant qu’artiste.

Des concerts à l’étranger, des tournées avec Claude Barzotti … Comment se passe votre carrière depuis l’Eurovision ?

J’ai commencé très jeune, à seize ans. Après l’Eurovision, j’ai sorti deux albums, mais quand j’étais jeune, la popularité n’était pas quelque chose qui ne m’apportait que du bonheur. Je n’ai pas cherché à être connue et reconnue. Tant que je chantais, c’était bien. J’ai fondé une famille à l’époque – j’ai eu mon premier enfant à vingt-et-un ans. Je ne vais pas dire que j’ai mis de côté la musique, parce que je n’ai jamais arrêté de chanter, mais j’ai eu par la suite des opportunités en France que je n’ai pas accepté parce que je ne voulais pas d’une vie de famille où je serais tout le temps partie. Je chante toujours ici, j’ai un nouvel album en préparation, mais je veux quand même pouvoir toujours être là pour ma famille. Chanter m’est extrêmement important. C’est un besoin pour moi, c’est vital. Pour le moment, c’est très compliqué, on ne peut plus le faire, mais j’ai aussi besoin d’être avec mes enfants. J’ai besoin des deux et je me vois mal être tout le temps sur la route. J’ai besoin de mon équilibre : la musique et mes enfants. L’Eurovision m’a permis de faire de belles choses, mais je n’ai pas forcément cherché beaucoup plus. Je sors ici mon quatrième album. Je fais toujours mon train de vie et ça se passe bien. Je travaille également dans une école à sensibilisation artistique où je donne des cours de musique. J’ai les deux boulots : je chante avec les enfants et je fais de la scène avec mes musiques.

Quel style d’opportunités avez-vous refusé ?

C’étaient des choses très axées variétés, même si ce que je fais maintenant reste toujours très accessible. C’étaient dans des girls band. On m’a aussi proposé des duos avec des chanteurs qui marchaient bien à ce moment-là, mais il fallait monter à Paris et y habiter. Beaucoup de conditions me faisaient clairement peur, parce que c’est une autre vie. J’ai besoin de vivre à la campagne avec mes enfants. J’ai besoin de faire la transition. Quand je ne suis pas sur scène, j’ai besoin de me retrouver et de me ressourcer de la sorte. Vivre à Paris ne m’attire pas. Je ne pense pas que je le pourrais. Le faire un peu, oui – j’ai d’ailleurs voyagé au Sénégal et au Liban avec Claude, mais c’étaient sur de courtes périodes. On a même fait des concerts à Paris, mais y vivre est différent.

Vous êtes encore souvent sollicitée par rapport à l’Eurovision ?

C’est marrant, parce qu’on m’a justement appelée le mois dernier par rapport à un livre en cours d’écriture sur les représentants belges à l’Eurovision ! Il m’arrive que des fans me contactent. J’ai déjà été invitée à des soirées à Bruxelles auxquelles participaient d’anciens candidats à l’Eurovision. Il y a quelques années, j’ai participé à un jeu télévisé aux côtés d’anciens participants avec lesquels nous formions des équipes. Ce sont des occasions de tous se revoir. Jean Vallée était avec moi. Il avait participé au concours bien avant moi et il est malheureusement décédé aujourd’hui. Grâce à cette émission, j’avais participé à un spectacle en Belgique avec lui. Tous les hivers, pendant sept ou huit ans, on a fait des spectacles de Noël ensemble. L’Eurovision m’a apporté plein de belles choses et ça en fait partie. Si je n’avais pas fait l’Eurovision, je n’aurais sans doute jamais pu faire ce spectacle avec Jean Vallée.  Ce sont plein de petites choses comme ça qui font que l’Eurovision est un point de départ, mais ça m’a ouvert les portes sur plein d’autres choses, c’est ça qui est chouette.

Et même si vous ne regardez plus le concours aujourd’hui, y a-t-il quand même des titres qui vous auraient marqué ces dernières années ?

Franchement, je n’ai plus du tout regardé le concours. Je n’en suis pas au courant et ne connais pas les participants . Je ne vous cache pas qu’ici en Belgique, il n’y a pas vraiment d’effervescence autour du concours. La dernière fois que je l’ai regardé, c’était il y a fort longtemps.

La France et la Belgique partagent deux mêmes problèmes : celui du manque d’effervescence, mais aussi de résultats …

Je me rappelle quand même d’une chanson qui passait beaucoup à la radio, Mercy ! Je trouvais le son sympa. Il faut aussi que le pays ait envie de gagner. Il ne faut pas chercher loin. Il n’y a rien à faire. En Flandre, je pense qu’il y a toujours une effervescence, mais en Wallonie, on parle évidemment de l’Eurovision au moment où elle est organisée, même moi je reviens dans les émissions, mais ce n’est pas comme avant. Bien entendu, il y a toujours des fans qui regardent et s’intéressent au concours, mais ce n’est pas comme en Suède ou en Norvège, où c’est fort différent.

Vous avez eu la chance d’avoir des Loïc Nottet, des Blanche, qui ont su redorer le blason de la Belgique au concours, mais hormis quelques pics d’embellie, les pays francophones restent en difficulté. Pourquoi selon vous et quelles solutions verriez-vous pour remédier à cela ?

Je ne sais pas. Je pense qu’ils ont peut-être besoin d’originalité. Ce sont souvent des titres originaux qui sont mis en avant. La Belgique a souvent été bien classée ces deniers temps apparemment. Je ne sais pas sur quoi ils se basent pour faire le classement, quels jurys ils envoient … Je ne regarde plus le programme, mais je me rappelle de la participation de Loïc Nottet, surtout du fait que les francophones choisissent toujours d’anciens candidats de The Voice – dont Loïc Nottet avait fini deuxième – pour l’Eurovision. Par rapport aux compos, je ne sais pas comment ils font les choix. Pour gagner le concours, il faut avoir derrière la production nécessaire. C’est quelque chose qui coûte extrêmement cher à organiser, il faut les moyens, surtout avec le nombre de participants qu’il y a aujourd’hui.

Vous auriez des idées d’artistes belges à envoyer au concours ?

Je n’ai pas de noms précis en tête. Surtout que le candidat est choisi en alternance par la Flandre et la Wallonie. Beaucoup d’artistes pourraient participer à l’Eurovision selon moi. Avant, on disait « Ça fait Eurovision » mais on ne peut plus le dire aujourd’hui tellement il y a de propositions différentes. Avant, c’étaient les chansons à la Céline Dion qui fonctionnaient, maintenant ce n’est plus le cas.

Vous avez fait l’Eurovision en tant qu’interprète, mais vous avez aussi connu un autre concours en tant que mère cette fois, puisque votre fils a participé à The Voice Kids en Belgique.

J’ai un peu revécu ça ! Ce n’est pas tout à fait la même chose, parce que The Voice n’est pas l’Eurovision en termes d’envergure, mais par l’aspect concours, par l’âge – puisque j’avais plus ou moins le même âge que lui au moment de ma participation -, c’était chouette de le vivre à une autre place. C’était plus stressant d’être à ma place cette fois-ci que lorsque j’ai participé. Je devais juste subir (rires). Je ne pouvais rien faire. C’est très jouissif de voir mon fils qui suit mes traces. J’étais fière (rires). Je le suis toujours.

Vous lui avez donné des conseils ?

Il n’était pas très stressé lorsqu’il y est allé. Les seuls conseils que je lui ai donnés, c’est de s’amuser et de faire tout sans penser qu’il y avait des gens et un jury. Et que quelque soit le résultat, positif ou négatif, il falalit qu’il soit fier de ce qu’il a fait. C’est pour ça que je vous dis que quand j’ai fait l’Eurovision, la seule chose qui m’importait était de ne pas me tromper dans les paroles, de ne pas avoir de trou de mémoire parce que je sais que ça m’aurait poursuivi après. La seule chose qui m’importait était d’être fière de ma prestation. J’en étais contente. C’est vrai que lorsque je me revois maintenant, j’étais assez stressé au début, mais il n’y a pas eu de couac, je ne me suis pas trompée, je n’ai pas trébuché, je n’ai pas fait de fausse note. Le plus important est d’être fier de ce qu’on a fait et de s’amuser. Le résultat, on s’en moque quelque partt. Ce n’est pas le plus important.

Etyan est allé jusqu’en demi-finale. À présent, quels sont ses projets ?

Depuis, il a le virus, il n’arrête pas de chanter ! On prépare un album, et il fait un duo avec moi dans mon album, qui en sera d’ailleurs le single. Il est complètement mordu, plus que moi puisqu’en plus de chanter, il joue de la guitare, il fait du piano. Il n’a que quinze ans, donc il a tout le temps devant lui, mais il adore ça et il est doué, alors je pense qu’il va continuer. Peut-être qui sait, un jour il fera l’Eurovision (rires) ? Ce serait drôle n’empêche. Pourquoi pas ? Je pense qu’il ne dirait pas non, évidemment. Par contre, je n’y avais jamais pensé, mais ce serait quelque chose.

À refaire, vous le referiez ?

Je n’ai aucun regret par rapport à ça et à tout ce que j’ai fait musicalement. Je n’ai aucun regret de mes choix, de mon parcours. Tant que je peux chanter que ce soit devant dix personnes ou beaucoup plus, comme c’est le cas à l’Eurovision, j’en suis heureuse. Mon plaisir c’est de chanter, et j’ai eu la chance de pouvoir faire les deux : chanter devant dix personnes et des centaines de millions de téléspectateurs. L’histoire du plagiat fait partie de l’aventure, ce n’est pas grave. Aucun regret. Et si c’était à refaire, je le referais, c’est clair.

Une dernière question : pourquoi Morgane ?

À l’époque, les Inconnus avaient fait une blague autour du prénom Ingrid. Claude Barzotti – qui était mon compositeur et mon producteur de l’époque – m’a alors conseillé de trouver un pseudonyme de peur qu’on m’embête, et comme j’étais fan de Renaud et de sa chanson Morgan de toi, j’ai opté pour Morgane. Il m’est plusieurs fois arrivé d’être confondue avec Maurane ! Une fois, je la croise et elle me dit : « Tu sais, les gens, ils sont grave, certains m’ont dit « Je t’ai vue à l’Eurovision, c’était super ! » (Rires). On avait quand même dix ans d’écart ! Même des présentateurs qui ne me connaissaient pas me présentaient parfois comme Maurane.

***

L’actualité de l’artiste :

Morgane est en pleine préparation de son quatrième album (financé grâce à une cagnotte Leetchi). Initialement prévue pour janvier 2021, sa sortie est retardée de quelques mois en raison de la crise sanitaire. Il comprendra un duo avec son fils Etyan, demi-finaliste de la première saison de The Voice Kids en Belgique.

Pour suivre l’actualité de Morgane, rendez-vous sur :

Un immense merci à Ingrid Simonis, alias Morgane, de nous avoir accordé cette interview pour les lectrices et lecteurs de L’Eurovision au Quotidien.

Crédits photographiques : Fa Martin (image utilisée avec l’aimable autorisation de Morgane)