Ce lundi, a eu lieu le Siste Sjanse du Melodi Grand Prix 2021. La soirée s’est conclue par le repêchage de Jorn. Certains d’entre vous avaient vu le rockeur arriver de loin. Quant à moi, jen ‘ai été fort surpris, m’attendant à ce que les Norvégiens sauvent Stina Talling ou Daniel Owen.

Ce mardi, Benny Cristo a présenté sa chanson pour Rotterdam. J’ai été très agréablement surpris par Omaga, une chanson plus vivante et plus enthousiasmante encore que Kemama. Benny explore un genre musical peu représenté au Concours et ce sera tout bénéfice pour sa diversité artistique.

Ce jeudi, s’est déroulée la première demi-finale de l’Eesti Laul. Je l’ai suivie avec attention et j’ai été surpris par la qualité des mises en scène. L’ERR a retrouvé son mojo en la matière et nous a offert un excellent moment. Les deux derniers qualifiés m’ont également surpris, car je m’attendais à voir Kristin, Kea ou Nika être sauvées par la public estonien.

Tout au long de la semaine, Victoria a dévoilé les cinq chansons complétant son EP. Fidèle à ce rendez-vous bulgare quotidien, j’ai été surpris de la qualité constante de l’ensemble des morceaux. Aucun ne donne l’impression d’un remplissage et tous seraient d’excellents choix pour l’Eurovision.

Et hier soir, grâce au « live tweet » général de la rédaction, je n’ai manqué aucun instant des six soirées de sélection. J’ai été surpris des éliminations sèches de Raylee, Imerika et Emmy au Melodi Grand Prix. Elles auraient mérité une meilleure reconnaissance de leurs efforts artistiques et personnels.

Cette semaine aura donc été marquée par de nombreuses surprises, excellentes, bonnes et moins bonnes. Elle succède à d’autres semaines émaillées de surprises renouvelées et en annonce d’autres tout aussi surprenantes, jusqu’à la grande surprise du samedi 22 mai prochain, la surprise des surprises attendue depuis deux ans déjà : le couronnement d’un ou d’une autre vainqueur de l’Eurovision. Le cycle des surprises s’arrêtera pour un temps, avant de reprendre son cours annuel.

À y réfléchir, la surprise est le ressort fondamental de l’Eurovision, ce qui en fait son intérêt. Le Concours est un fournisseur certifié de surprises. Ces dernières rythment notre année et la rendent palpitantes. Souvenez-vous de votre dernière grande surprise eurovisionesque en date et des sentiments qu’elle vous a causé. Elle vous aura rendu plus vivants encore et aura enrichi vos souvenirs d’une nouvelle séquence marquante.

Pour l’heure, ma plus grande surprise de cette Saison 2021 aura été la découverte du Discoteque de The Roop. J’espérais aimer cette chanson. J’ai été abasourdi par sa qualité. Je me suis pris à l’adorer et j’ai été surpris de la voir exercer une emprise croissante sur mon cœur, au point d’aboutir à la cerise-surprise sur ce gâteau-surprise : Discoteque est en passe de devenir ma chanson eurovisionesque préférée de tous les temps. Surprise impensable : songer à remiser au placard Poupée de cire, poupée de son (France Gall, Serge Gainsbourg, le mythe, la légende, tout de même !).

Vous le voyez : sa faculté à nous surprendre sans cesse et ce depuis soixante-six ans, demeure un élément-clé de notre attachement à l’Eurovision. De surprises en surprises, de découvertes en découvertes, d’un suspense à l’autre, le Concours appuie sur les ressorts de notre âme d’enfant, âge où tout étonne, tout surprend, tout est première. Jamais sa mécanique n’ennuie, ni ne lasse. Toujours elle entretient notre intérêt et se renouvelle, nous emportant en des lieux insoupçonnés, nous présentant des sons nouveaux, nous désarçonnant, nous transformant en admirateurs d’artistes inconnus de leurs propres compatriotes.

Mais l’Eurovision n’est pas que surprises musicales, artistiques ou télévisuelles. L’Eurovision est aussi surprises technologiques, économiques, touristiques et sociétales. Ainsi, de toutes les surprises qu’il m’aura apportées, la première, la plus importante, la plus déterminante, celle qui explique pourquoi je vous écris des longs éditoriaux sur ce site, le dimanche matin, est la plus éloignée possible de la musique.

Le premier Eurovision que j’ai suivi est son édition 1998. La première raison tient à la représentante belge, Mélanie Cohl, originaire de la même région que moi, le Tournaisis. La presse régionale, à commencer par le Courrier de l’Escaut que nous lisions à la maison, s’était enthousiasmé pour sa candidature et l’avait portée à grands renforts d’articles, de reportages et d’interviews. Jusque-là, je n’avais jamais songé à suivre le Concours. Mélanie Cohl fit germer l’idée dans ma tête.

La seconde raison fut cependant plus déterminante encore : Dana International. Il me serait difficile de vous décrire précisément, avec des mots justes, l’immense surprise qui m’a saisi en découvrant un reportage de la RTBF à son sujet. Première candidate transgenre à se présenter à l’Eurovision, Dana suscita un immense intérêt de la part des médias du monde entier. J’avais quinze ans, je vivais dans une petite ville du Hainaut, je grandissais dans un milieu fortement hétéronormé, mes parents avaient quarante ans de plus que moi et leur morale avait été forgée dans l’immédiate après-guerre, dans des milieux marqués par le patriarcat. Nous ne parlions jamais ni de sexe, ni de sexualité. J’ignorais tout à ce sujet ou presque. J’ignorais même que j’étais homosexuel.

Et là, en deux minutes télévisées, je fus renversé sur le fauteuil de mes grands-parents par la surprise et l’étonnement. Je découvris des concepts qu’un instant auparavant, je n’aurais jamais pu concevoir en mon for intérieur. Je découvris la question du genre, de l’identité, de l’orientation sexuelle. Je découvris la question transgenre, la chirurgie transgenre, les luttes transgenres, la transition transgenre et hélas, la transphobie. Ce fut-là un point de bascule complet de mon existence, la réévaluation de ses fondements moraux, le doute ontologique porté sur la justesse de nos valeurs familiales et le début d’un long, très long parcours vers l’autonomie de ma pensée et mon émancipation personnelle.

Je n’étais pas au bout de mes surprises. Le samedi 9 mai 1998, je suivis l’Eurovision pour la première fois. À la radio, car nous n’avions pas la télévision à la maison. Dana International remporta la victoire, autre immense surprise pour moi, persuadé que jurés et téléspectateurs seraient frileux à l’idée de voter pour une chanteuse transgenre. L’Eurovision m’ouvrit alors des perspectives nouvelles : quelque part, de l’autre côté de l’arc-en-ciel, de l’autre côté du bocal étroit dans lequel je vivais, existait un monde meilleur, bien plus vaste, bien plus accueillant, bien plus tolérant, où mes différences seraient acceptées et où il me serait possible d’être moi-même.

Cette surprise radieuse m’attacha profondément au Concours. Dans les vingt-deux années qui suivirent, il me surprit à haute fréquence. Il y est encore parvenu cette semaine, renouvelant le contrat d’affection implicite nous liant. J’attends à présent avec impatience la semaine qui s’annonce et espère qu’elle sera elle-aussi pourvoyeuse de surprise, belles et captivantes.

Dans l’attente, il m’intéressait au plus haut point de connaître la plus grande ou la meilleure surprise que l’Eurovision vous ait causée. Je vous remercie par avance de partager vos histoires, petites et grandes, avec nos lecteurs et nos rédacteurs et vous souhaite un beau dimanche et mille-et-une autres surprises eurovisionesques.