Lors de finale du Melodifestivalen 2024, SVT avait annoncé la mise en place d’une compétition à destination des adolescents. C’est désormais chose faite avec le Hello Mello !

Depuis le 27 octobre, 25 candidats s’affrontent chaque dimanche au cours d’un marathon digne de la compétition adulte. Présenté par Eric Saade et Malin Olsson, c’est en effet un dispositif reiche de 5 séries de 5 candidats et d’une finale que nous propose SVT pour cette grande première ! Dans cette aventure, mes jeunes artistes peuvent compter sur le soutien de 25 auteurs-compositeurs suédois, qui leur ont écrit des chansons spécialement pour l’occasion. Avant de poursuivre, jetons d’abord un oeil au casting et au programme de cette première édition du Hello Mello, dont le vainqueur sera désigné par le public suédois lors de la grande finale du dimanche 1er décembre, en votant sur l’application officielle du Melodifestivalen.

Demi-finale 1 (27 octobre)

Valencia Montpaz“Dancing All By Myself”
Leon Frohm“Better Days”
Black Roses“Only Strangers”
Sora Elding“Stanna Tiden”
Grannen Måns“Din DJ”

Demi-finale 2 (3 novembre)

Ninija“Vi Kan Börja Om Igen”
4Fun“Get Right Up”
August Follin“Över Mig”
Osman“Droppe I Havet”
Ina Lindgren“Out Of My Head”

Demi-finale 3 (10 novembre)

Edvard E“Rör På Dig”
Leo S Maas“Will You Ever Know”
Maja Söderström“Lat”
Tymur Vasylyshyn“I’ll Find You”
Lilly & Leah“Nighttime”

Demi-finale 4 (17 novembre)

Axel“Tills månen blir sol”
Betty Lo“Varför vill du inte ha mig”
Oliver Eriksson“Numb”
Sixten Linton“Hearts Will Collide”
Jennifer Aoun“Breaking My Heart”

Demi-finale 5 (24 novembre)

Kimberly Rydberg“Through It All”
WillTech“EPA i fjällen”
Leona“Över ytan”
Bianca Rosendahl“Take My Hand”
Felix“Fever Dream”

Réservé aux 13-15 ans, Hello Mello s’adresse donc à une génération qui a grandi avec le Melodifestivalen et l’Eurovision, et offre aujourd’hui la possibilité à ses jeunes chanteurs de vivre leur rêve et de montrer leur talent à la Suède entière. Au-delà, peut-être se cachent parmi eux de futurs candidats de la sélection suédoise… et de l’Eurovision Junior ? Parce qu’aborder le “Melodifestivalen junior” dans un éditorial à six jours du concours madrilène n’a évidemment rien d’innocent, et dire que l’euromonde entier s’est posé la question résonne comme un doux euphémisme : derrière la création du Hello Mello se cache t-il un appel du pied de la Suède à revenir à l’Eurovision Junior ?

Bastion du concours adulte, qu’il a remporté à sept reprises (inutile de refaire ici l’histoire du palmarès impressionnant du pays), la Suède a évidemment été l’un des premiers pays à prendre part à l’Eurovision Junior lors de sa création en 2003. Exception faite de l’édition 2008, le pays y a participé quasi sans discontinuer jusqu’en 2015, où le pays décida de se retirer après des résultats forts moyens lors de l’édition 2014. Depuis, nulle trace de la Suède (et des pays scandinaves d’ailleurs) à l’Eurovision Junior, quand bien même le superviseur exécutif de l’UER est aujourd’hui un local à même de motiver les troupes de SVT à un retour prochain, dans le principe. Mais pourquoi le télédiffuseur du pays le plus eurofan du monde a abandonné l’Eurovision Junior en pleine route de la sorte ?

À la lecture de l’historique des résultats suédois au concours junior, on serait tenté de se dire que la fierté du pays a été sérieusement mise à mal par ses candidats. Là où la Suède brille au concours adulte, ce fut le paradoxal contraire à l’Eurovision Junior où, exception faite la troisième place d’une certaine Molly Sandén (oui, oui, la seule, l’unique) en 2006, le pays n’a jamais réussi à accrocher le moindre top 5 et, pire, y a enchainé les fonds de classement. Autant dire que la treizième place de Julia Kedhammar en 2014 a sans doute été la goutte de trop pour un télédiffuseur compétiteur, plus habitué aux ors de l’Eurovision qu’à l’anonymat du Junior, où son lustre eurovisionesque était alors rendu invisible par la réussite insolente de la Géorgie, de la Biélorussie ou encore de la Russie. Mais là ne réside pas la raison officielle de la sortie de la Suède de la compétition.

Retour dix ans en arrière. 23 mai 2015 : Måns Zelmerlöw devient le héros de la Suède en apportant au pays sa sixième victoire à l’Eurovision avec le bien nommé Heroes. SVT se voit logiquement confier la mission d’organiser le concours à la maison non sans une certaine pression sur ses épaules : celle de faire briller la Suède aux yeux de deux cents millions de téléspectateurs, la scène du concours devenant la vitrine internationale du pays une semaine durant. C’est ainsi qu’un mois plus tard, le télédiffuseur annonce officiellement son retrait de la compétition junior pour un an, pour mieux rester focalisé sur l’organisation de l’Eurovision 2016 et se concentrer en parallèle à d’autres programmes jeunesse. C’est pour la même raison qu’est également annoncée la suspension du Lilla Melodifestivalen… Attendez. Quoi ? Lilla MELODIFESTIVALEN ? Cela signifierait-il donc que le Hello Mello a des ancêtres ?

Élémentaire, cher lecteur. Car à l’aune des années 2000, la Scandinavie se retrouve engagée en parallèle dans un autre projet de compétition junior à destination des 8-15 ans, dont le nom ne vous sera d’ailleurs sans doute pas étranger : le MGP Nordic. À l’origine pensé comme une déclinaison junior de la sélection nationale danoise (le Dansk Melodi Grand Prix), le programme devient dès 2002 un programme junior à l’échelle régionale, qui engageait alors les télédiffuseurs danois (logique), finlandais, norvégien et suédois. Afin de sélectionner son candidat, la Suède décide donc de décliner son Melodifestivalen (alors en pleine renaissance sous l’égide de Christer – Mister Eurovision – Björkman) en version junior : le Lilla Melodifestivalen est donc né.

Très vite toutefois, la création de l’Eurovision Junior vient contrecarrer les plans des télédiffuseurs scandinaves, qui vont suspendre le MGP Nordic pendant trois ans, décidant alors prendre part au nouveau concours junior européen. SVT transforme donc le Lilla en sélection nationale pour l’Eurovision Junior entre 2003 et 2005. Mais en 2006, le Danemark et la Norvège décident de se retirer du concours junior, le premier pointant notamment un manque d’éthique dans le traitement des jeunes candidats et la trop forte pression qui repose sur leurs épaules, tandis que la Suède décide de rester dans l’aventure. De quoi relancer le MGP Nordic, auquel la Suède va également choisir de prendre part en parallèle de l’Eurovision Junior, redonnant alors au Lilla sa fonction originelle de sélection pour la compétition régionale de 2006 à 2009.

2009 marque cependant la fin du MGP Nordic en raison du retrait danois. Lilla Melodifestivalen est ensuite suspendu pendant trois ans – SVT sélectionnant alors ses candidats au Junior en interne -, avant de signer son grand retour comme sélection pour l’Eurovision Junior de 2012 à son retrait en 2014. Vous l’aurez donc compris : Hello Mello est donc en réalité une renaissance du Lilla Melodifestivalen, mais cette fois à destination des adolescents suédois.

Retour au sujet initial. L’Eurovision 2016 passée, SVT a désormais tout son temps pour organiser une candidature à l’Eurovision Junior 2016, tâche qui n’est au demeurant point des plus chronophages pour un télédiffuseur autant rompu à l’exercice des sélections et de l’Eurovision que SVT. Surtout que la première conférence de presse du Junior 2016 s’est déroulée sur ses terres, à Stockholm, pendant le concours adulte (comme il est de coutume). Raison de plus pour les suédois de signer leur retour après seulement un an d’absence, à l’heure où la rumeur s’agite autour de l’intérêt des pays occidentaux (dont la France) et du trio balte pour le concours junior, fut-il question de retour ou de première participation pour ces derniers. Peine perdue : le nom de la Suède n’apparaît pas sur la liste des participants officiels à l’édition 2016 du concours junior, pas plus qu’il n’y apparaîtra les années suivantes et qu’il n’y est apparu depuis. L’organisation de l’Eurovision 2016 aurait-elle en réalité servi de prétexte au retrait d’un concours qui souffre d’un déficit d’intérêt global de la part des télédiffuseurs et du public ?

Au-delà des raisons officielles avancées par SVT, il convient de s’interroger sur des raisons plus actuelles, quoique jamais avancées par la Suède à date, mais à la base même des retraits danois et norvégiens de l’Eurovision Junior (quant à eux plus durables) : le traitement des enfants. Précurseurs en matière de politique de protection de l’enfance, le Danemark et la Norvège l’ont également été quant à la revendication de ce sujet au junior dès les années 2000. Si l’on doute pas que l’UER et les télédiffuseurs aient toujours eu à l’esprit d’offrir aux enfants le meilleur cadre de participation à l’Eurovision Junior possible, plusieurs questions se posent légitimement quant à la participation d’enfants à des compétitions et autres télé-crochets : la pression, les résultats, la réaction à la défaite ou à l’élimination, le rythme de préparation, les médias, etc. D’autant plus que, depuis quelques années, on assiste à une professionnalisation considérable de l’Eurovision Junior, nombre de prestations et de chansons étant aujourd’hui dignes du ou meilleures qu’au concours adulte, si ce n’est plus adultes que junior. Ajouté à cela la toute-puissance des réseaux sociaux et la toxicité croissante de haters libres de tout droit, la participation des enfants soulève de nombreuses questions éthiques sur lesquelles les télédiffuseurs danois et norvégiens restent intransigeants, d’où leur persistance à refuser tout retour à l’Eurovision Junior. La Suède s’inscrirait-elle également dans ce mouvement, d’où la raison de son absence prolongée au Junior ? L’UER et les télédiffuseurs ont en tout cas pris le taureau par les cornes et considérablement renforcé leur politique de protection des candidats depuis 2023, aidés en cela par le lobbying et l’expérience de la BBC, tandis que les télédiffuseurs prennent des mesures de plus en plus drastiques pour créer des bulles de sécurité autour de leurs jeunes artistes. Bodyguards sur les réseaux sociaux, limitation des interviews et des conférences de presse, prise en compte du rythme de l’enfant,… Autant d’éléments en faveur de la poursuite de l’Eurovision Junior dans un cadre le plus bienveillant possible, et autant de gages donnés aux télédiffuseurs les plus à cheval sur le sujet… dont la Suède ?

Car de récents changements pourraient changer la donne du côté de SVT. Depuis 2020, des rumeurs tendraient à effet à rapprocher la Suède d’un retour prochain à l’Eurovision Junior, la manager de SVT Barn (chaîne pour enfants de SVT), Safa Safiyari, ayant déclaré que le télédiffuseur suédois ne ferme pas la porte à une nouvelle participation à l’avenir. Qui ne s’est cependant toujours pas concrétisée à ce jour, SVT n’ayant pas tardé à confirmer son absence de l’édition 2024 quelques semaines à peine après la tenue du concours à Nice.

Derrière la volonté de mettre avant une nouvelle génération d’artistes suédois, la création du Hello Mello ne poserait-elle pas en réalité les bases d’un projet de retour de la Suède à l’Eurovision Junior dès 2025 ? Surtout que l’on sait la présidente du groupe exécutif de l’Eurovision Junior, Alexandra Redde-Amiel, fort désireuse de voir le nombre de pays participants croître et décidée à aller à la rencontre des télédiffuseurs européens pour les convaincre de rejoindre l’aventure l’année prochaine. Et si la Suède en était à nouveau ? À voir le succès de Hello Mello auprès de l’audience suédoise et si SVT est prête à élargir le spectre générationnel de ses candidats, la compétition locale n’étant pour le moment réservée qu’aux 13-15 ans, là où le concours junior est ouvert aux 9-14 ans. La Suède pourrait toutefois prendre le parti de n’aligner que des représentants adolescents et jugés suffisamment mûrs en cas de retour dans l’aventure du Junior. Quoiqu’il en soit, au vu de l’ambition du format proposé (un Melodifestivalen à destination des adolescents), Hello Mello semble être en tout cas un gage extrêmement sérieux, à même de rendre la piste d’un prochain retour de la Suède à l’Eurovision Junior plus sérieuse et crédible que jamais (même si le programme n’est pas vendu comme tel).

À ce stade, le pays de Loreen ne figure pas dans la liste des télédiffuseurs non-participants qui diffuseront l’Eurovision Junior 2024 sur leurs antennes, et semble ne pas l’avoir diffusé depuis plusieurs années. L’éventualité d’un retour suédois reste donc à l’état de simple hypothèse à date, surtout que de nombreux espoirs de participation se sont finalement révélés vains sur les dernières éditions (à l’exemple de l’Islande, souvent donné partante ou intéressée), pendant que d’autres se sont retirés de la compétition quelques années à peine après leurs débuts (Kazakhstan, Pays de Galles) ou retours (Royaume-Uni), déçus de leurs résultats ou du faible intérêt de l’audience pour le Junior. Si l’on veut toutefois renforcer l’attractivité de l’Eurovision Junior à l’heure où la marque gagne en ambition et en qualité, il serait plus que jamais logique et bienvenu de voir le pays bastion du concours adulte (à qui le top 10 n’a échappé que deux fois depuis 2011) revenir aux affaires et s’afficher ainsi le nom de la Suède parmi les pays participants dès la prochaine édition. Surtout que 2025 marquera les dix ans d’absence du pays à l’Eurovision Junior…

La Suède de retour à l’Eurovision Junior : un rêve en passe de devenir réalité ? L’avenir donnera t-il raison à nos espoirs ?