Jeudi 1er mai 2025. C’est donc en ce jour de fête du travail que démarre officiellement le mois le plus attendu de l’année pour n’importe quel eurofan sur cette planète : le mois de l’Eurovision (ou Eurovision Month pour nos amis anglophones).

Dans seize jours précisément, nous connaîtrons ainsi l’identité du successeur ou de la successeure, à moins que ce ne soit « les », de Nemo, lauréat·e de l’Eurovision 2024 avec The Code. Vous le savez sans doute déjà (le contraire eut été étonnant), mais c’est en Suisse que nous nous retrouverons d’ici quelques jours pour vivre ensemble la plus grande compétition musicale au monde, celle qui nous fait vibrer depuis tant d’années. Rendez-vous est ainsi pris à Bâle, ville hôte de cette 69ème édition au carrefour de l’Europe, à la fois frontière de l’Allemagne et de la France, pour un retour de l’Eurovision à ses sources. En effet, c’est au cœur de la Confédération helvétique que le concours a vu le jour en 1956, sur l’idée d’un certain Marcel Bezençon, journaliste suisse et directeur de l’Union européenne de radio-télévision tout juste créée. Depuis, nos voisins avaient accueilli le concours en 1989, l’année après la victoire d’une certaine (elle aussi) Céline Dion, et puis plus rien, jusqu’à ce que le jour de gloire (ou de cristal) survienne enfin trente-six ans plus tard à Malmö. Autant le dire tout de suite : à défaut d’une gastronomie flamboyante, Bâle mettra les petits plats dans les grands pour faire de l’Eurovision 2025 un événement unique, de la Marktplatz à la St. Jakobshalle, en passant par la Messe Basel (qui accueillera l’Eurovillage et l’Euroclub) et l’Arena Plus.

United By Music. Unis par la musique. En allemand, cela donne « vereint durch Musik » selon DeepL (non, dans le sud, nous ne pratiquons pas la langue de Goethe en LV2 – le contraire eut été profondément illogique à quelques encablures seulement de la Jonquera). Pourvu que l’édition 2025, ici accueillie dans le pays de la neutralité et de l’écoute mutuelle, redonne son honneur à ce slogan, là où Malmö 2024 reste encore dans les mémoires pour son climat de tension extrême. Qui a oublié le jour de cette finale où, la salle entourée de tireurs d’élites et la ville de Malmö cerclée de policiers suédois et danois, on redoutait le verdict de l’Europe et ses possibles conséquences ? Qui a oublié ces invectives sur les réseaux sociaux, entre eurofans, dans la salle, mais aussi entre artistes et délégations (fait inédit) ? Où était passée cette Europe unie par la musique ? Effacée par les tensions géopolitiques et la violence qui sévissent dans un monde en proie à une instabilité croissante. Qu’il soit musical, sportif, culturel ou autre, un événement international mettant aux prises 37 pays (comme c’est le cas de l’Eurovision) ou 204 nations participantes (à l’instar des Jeux Olympiques de Paris 2024) ne peut être imperméable à un contexte international et aux conflits interétatiques qui le traversent. Reste cependant à veiller, en tant que média spécialiste de l’Eurovision, à mettre à distance les débats de nature politique et partisane, qui ne nous appartiennent pas, même si en tant qu’être humains, nous ne fermons évidemment pas les yeux sur les tragédies qui se jouent partout dans le monde.

Horizon Europe, et plus particulièrement Eurovision 2025, que nous espérons voir redevenir la grande fête qui réunit le continent (et même le monde) autour d’une semaine de célébration de la musique, du spectacle, de la diversité et des fiertés. Au programme de l’édition, 37 pays, qui s’affronteront sur le ring pour tenter de décrocher le tant rêvé Micro de Cristal, celui-là même dont la conquête résulte d’un alignement de planètes et d’une imperceptible recette magique (que même Alexandra Redde-Amiel, pourtant à la tête de trois victoires quasi consécutives à l’Eurovision Junior, prétend encore ne pas détenir). 37 pays pour autant d’artistes ou groupes d’artistes qui prendront part à une compétition qui n’a plus été aussi ouverte depuis longtemps, là où les trois dernières éditions semblaient avoir un lot de favoris plus resserré. La faute à un niveau général quasi-unanimement jugé faible, générique (à de rares exceptions lituanienne et italienne près) et, surtout, sans évidence ? Du côté des bookmakers, il semblerait pourtant que les jeux sont déjà en voie d’être pipés, tant la Suède (oui, encore, cher Stéphane) domine son monde avec 39% de chances de l’emporter, loin devant l’Autriche et ses 15% (en chute libre) et la France et ses 8% (j’y reviendrai plus tard). Du côté des eurofans et des spécialistes, nous sommes moins convaincus que le Voyage soit aussi facile pour les suédois, en lice pour une 8ème victoire historique à l’Eurovision, tant le line up est homogène. Mais alors : qui ?

Là réside tout le mystère, puisque les répétitions seront l’étape cruciale à l’issue de laquelle la planète Eurovision y verra plus clair. Comme chaque année, c’est sur la scène de la St. Jakobshalle préservée des regards indiscrets (surtout en une édition d’autant plus restrictive quant à la couverture médiatique) que certains se révèleront, là où d’autres confirmeront ou plafonneront, tandis que des chances s’effondreront. À ce jeu-là, un autre favori (actuellement en lutte pour la tête du classement OGAE international) jouera gros en la personne de l’Autriche, avec l’aérien Wasted Love dont l’exigence vocale ne laisse d’autre choix à son interprète que de toucher le ciel au-delà du doigt. Pour le reste, la partie semble ouverte avec les Pays-Bas (très sérieux outsider), la France (qui pourrait séduire les jurys nationaux), Israël (qui disposera inévitablement d’un solide socle au télévote), la Finlande (dont l’engouement des débuts vis-à-vis d’Ich komme semble loin, mais télévote friendly), la Tchéquie (dont la côte est montée en flèche depuis le passage d’ADONXS en pré-parties) ou l’Albanie (de plus en plus évoquée comme le dark horse avec sa touche singulière). À qui profitera donc l’Eurovision 2025 ? Le suspense reste entier et l’on ne s’étonnerait pas de se retrouver au soir du 17 mai dans une configuration similaire à celle de Düsseldorf 2011, à savoir un vainqueur inattendu. Si celui-ci pouvait porter les couleurs tricolores ou nous offrir la saveur d’une première victoire (ce qui serait inédit depuis le Portugal en 2017) …

Et la France dans tout ça, me direz-vous ? Après la quatrième place de Slimane en 2024, France Télévisions a fait l’exploit de rallier une nouvelle star de la scène musicale tricolore à la cause de l’Eurovision : Louane. Petite fiancée des français depuis plus de dix ans maintenant, elle se retrouve aujourd’hui confrontée au plus grand défi de sa carrière : celui d’avancer dans la plus grande compétition musicale au monde et d’essayer d’offrir à la France une sixième victoire à l’Eurovision qui lui échappe depuis 48 interminables années (dont on finit par se demander si elles prendront fin un jour). Pour relever le challenge de l’impossible, elle se présente avec maman, ballade hommage à sa mère disparue à laquelle elle raconte qui elle est aujourd’hui, elle qui est devenue mère à son tour. Au-delà de la mère, c’est un authentique message de résilience que nous livre Louane, elle qui a su gravir des montagnes de douleur pour trouver ensuite la voie de la reconstruction, pour ne pas dire de la renaissance. Alors, et si… ? Avec son professionnalisme et son expérience de la scène, Louane est capable de relever bien des challenges – ne chante pas à 12 mètres au-dessus d’un stade de 80 000 personnes sur une plate-forme instable qui veut. Sa maîtrise vocale, forte et fragile à la fois, pourrait bien séduire les jurys nationaux, qui savent généralement reconnaître le talent. Restera ensuite à créer la connexion avec les européens autour d’une chanson universelle susceptible de parler au plus grand nombre. La mise en scène sera déterminante et nous a-t-on dit dans l’oreillette qu’on n’était pas prêt à voir ce que nous allons voir…

Pour la troisième année consécutive, l’EAQ vous fera vivre l’Eurovision 2025 au cœur de l’événement, puisque nous nous rendrons à Bâle en tant que média accrédité. C’est désormais une bande de 4 qui vous accompagnera dans l’aventure en direct de la Suisse, ou plutôt « Marie et les garçons ». L’historique de la rédaction sera non seulement accompagnée de ses acolytes habituels Kris et Rémi, mais aussi d’un petit nouveau dans l’aventure de l’EAQ (et de l’Eurovision In Real Life) en la personne de Salem, qui découvrira pour la première fois le concours sur place. Autant dire que nous sommes impatients de partager ce Voyage (le titre de Zoë Më était décidément prédestiné) et de vous embarquer avec nous dans cette quinzaine de l’Eurovision 2025 qui approche à grands pas. À événement exceptionnel, dispositif exceptionnel : en dépit des nouvelles restrictions imposées par l’UER aux médias (ni photos ni vidéos des premières répétitions individuelles, interdiction de photographier ou de filmer lors des Dress Rehearsals réservées aux médias, suppression des conférences de presse des demi-finales…), nous tâcherons au mieux de vous faire vivre l’Eurovision 2025 au quotidien comme si vous y étiez.

Happy Eurovision Month, hashtag joyeux mois de l’Eurovision 2025 à toutes et tous !