« Le comité exécutif reconnaît qu’il y a une diversité de points de vue sans précédent concernant la participation de la KAN parmi les membres de l’UER. » C’est par ces mots que Delphine Ernotte-Cunci, présidente de l’UER, convoque une assemblée générale exceptionnelle en novembre prochain pour statuer sur l’avenir d’Israël à l’Eurovision 2026.

Deux ans que la présence du pays au concours et que l’influence géopolitique sur le télévote font polémique. Après avoir ouvert une période de discussions avec les membres de l’UER à l’issue de Bâle, l’Union européenne de radio-télévision doit se rendre à l’évidence : aucune position de consensus n’existe en son sein quant à la participation d’Israël lors de la 70ème édition en mai prochain. Alors que l’avenir du pays devait être scellé à l’issue de l’Assemblée générale des 4 et 5 décembre prochains à Genève (avec une période de retrait sans conséquences financières pour les pays allongée jusqu’à mi-décembre), l’UER prend donc aujourd’hui le parti d’accélérer la cadence et de statuer au plus vite sur une situation devenue ingérable. La convocation pour l’AG exceptionnelle (en ligne) sera envoyée aux télédiffuseurs membres la semaine prochaine.

La KAN (télédiffuseur israélien) ne s’est pas privée de réagir, exprimant l’espoir que « l’Eurovision continuera de défendre son identité culturelle et non-politique » et convaincue que « l’UER préservera le caractère professionnel, culturel et apolitique du concours, qui célèbre cette année le 70e anniversaire de son histoire marquée par l’union à travers la musique. » Pointant le caractère « particulièrement préoccupant » d’une éventuelle disqualification d’Israël et ses répercussions sur les valeurs du concours, le télédiffuseur a mis en avant sa confiance dans l’incapacité des membres de l’UER à s’accorder à 75% sur une décision aussi exceptionnelle selon ses statuts. Sauf que les règles du vote sont plus subtiles que cela.

Le courrier envoyé par Delphine Ernotte-Cunci aux télédiffuseurs membres

Source : krone.at

Chers amis et collègues,

Le Comité exécutif s’est réuni aujourd’hui avec l’ancien vice-président de l’UER, Petr Dvoràk, pour discuter du Concours Eurovision de la chanson 2026.

Dans le prolongement des discussions qui ont eu lieu lors de l’Assemblée générale d’été de l’UER à Londres, Petr a présenté son rapport au Comité sur la base des commentaires qu’il a reçus lors de ses rencontres avec les membres.

Le Comité exécutif a reconnu qu’il existait une diversité de points de vue sans précédent parmi les membres de l’UER concernant la participation de KAN.

Le Comité estime que l’Union défend l’inclusion et un dialogue culturel ouvert reflétant les valeurs des médias de service public.

Néanmoins, le Comité a reconnu qu’il ne serait pas possible de parvenir à une position consensuelle sur la participation de KAN.

Étant donné que l’Union n’a jamais été confrontée à une situation aussi controversée auparavant, le Conseil a convenu que cette question méritait une décision prise sur une base démocratique plus large, permettant à tous les membres de s’exprimer.

En conséquence, le Conseil a décidé d’organiser une session extraordinaire de l’Assemblée générale qui se tiendra en ligne début novembre afin que les membres puissent voter sur la question de la participation au Concours Eurovision de la chanson 2026.

La lettre officielle convoquant cette session extraordinaire, accompagnée de plus amples détails, vous sera envoyée la semaine prochaine.

68 télédiffuseurs, représentant 113 organisations dans 56 pays, sont membres de l’UER (dont 4 pour la France : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Arte). Ils sont éligibles au statut de membre s’ils font partie de l’espace de télédiffusion européen au sein de l’Union internationale des télécommunications (ITU) ou, dans le cas contraire, s’ils sont membres du Conseil de l’Europe. Des membres internationaux peuvent également adhérer à l’UER s’ils offrent « un service de radiodiffusion paneuropéen/transnational coordonné et/ou financé par au moins deux Membres de l’UER, qui contribue activement aux objectifs et aux valeurs de l’UER et qui complète les services fournis par ces Membres par une grille de programmation suffisamment large, incluant au moins des contenus culturels, des fictions, des documentaires, des contenus d’actualités et d’informations. » (article 3 des statuts de l’UER).

Chaque pays dispose d’un total de 24 voix, répartis entre ses télédiffuseurs membres à la proportionnelle du montant de leurs cotisations, sauf accord contraire entre eux (article 15 des statuts). Les pays membres internationaux disposent, quant à eux, chacun de 3 voix. Sauf cas exceptionnel, les décisions se prennent à la majorité simple, soit 50% + 1 voix des suffrages exprimés. La majorité à 75% 1, avancée par le télédiffuseur israélien concerne l’exclusion ou la suspension du statut de membres permanents et associés de l’UER (article 5.9) et non la participation d’un pays à l’Eurovision : or, c’est sur ce seul sujet que portera le vote du mois de novembre. La liste complète des télédiffuseurs membres de l’UER est disponible ici.

Dans un contexte explosif de division historique, quelle décision prendront les télédiffuseurs membres ? Bien malin celui ou celle qui pourrait parier sur l’issue du vote de novembre, d’autant que la lecture des positions officielles adoptées par les télédiffuseurs gagne en complexité de jour en jour. Une chose est certaine : à l’aube où les 70 ans du concours devraient être un gage d' »unité dans la musique », l’issue du vote quelle qu’elle soit pourrait bien laisser des traces au sein de la plus grande compétition musicale au monde. A moins qu’elle n’offre enfin un ouf de soulagement et une sérénité inespérés ?

  1. Calculée en comptant les votes blancs et invalides, et en considérant la participation à l’AG des télédiffuseurs représentant les 3/4 des voix de l’UER au total ↩︎