A l’approche de l’Eurovision 2023, la rédaction est allée à la rencontre de celles et ceux qui monteront sur la scène de la Liverpool Arena à partir du 9 mai prochain. Les eurostars en interview, moteur, action !

C’est à l’initiative de Chris Harms que naît en 2007 le groupe Lord. Très vite, les cinq hambourgeois optent pour le nom Lord Of The Lost, histoire d’éviter toute confusion avec Lordi. Au fil de ses premiers albums, le groupe de métal gothique et de rock suscite l’attention de la critique et se forge une notoriété internationale. C’est toutefois à partir de leur cinquième opus, Empyrean (2016) que Lord Of The Lost commence à connaître un grand succès dans les charts allemands qui, depuis, ne se dément pas.

Alors que le groupe cartonne et enchaîne les concerts en Allemagne et à l’international (il assurait d’ailleurs la première partie d’Iron Maiden à Paris à l’automne dernier), Blood & Glitter est l’occasion d’une double consécration. Non seulement l’album leur offre la première place dans les charts allemands, mais le titre leur permet aujourd’hui de décrocher un billet pour Liverpool, destination l’Eurovision ! Pour vous, lecteurs de L’Eurovision au Quotidien, et pour le plus grand bonheur de Régine, voici Lord Of The Lost en interview par la voix de son guitariste, Pi.

EAQ – Quel est votre état d’esprit à quelques semaines de l’Eurovision ?

Pi (Lord Of The Lost) – Nous avons hâte, mais c’est un euphémisme. Nous sommes assez curieux de tout, et de tout ce qui se passe en ce moment. Nous devons apparaître dans les médias, gérer la logistique et les préparations des événements et rencontres, tout en coordonnant nos cinq emplois du temps (les membres de Lord of the Lost sont au nombre de cinq, NDLR). Cette période rend nos vies très occupées, et c’est intéressant. C’est tout nouveau pour nous, nous ne sommes pas encore très familiers avec le monde de l’Eurovision. Nous avons vraiment hâte de passer ces dix jours à Liverpool. Ce sera une vraie expérience, on ne sait pas à quoi s’attendre.

Lord Of The Lost est un groupe qui a beaucoup de succès en Allemagne, et qui bénéficie aussi d’une fanbase internationale. J’ai même lu des articles sur vous en France. Pourquoi avez-vous décidé de tenter votre chance et de participer à Ünser Lied für Liverpool?

Pourquoi pas ? Quand on vous donne la possibilité et l’opportunité d’être sur une telle scène, pourquoi ne pas essayer ? Nous voulions essayer. Nous avions aussi tenté de participer l’année dernière. Dans ce concours, vous pouvez vous présenter et performer comme que vous le souhaitez, tout en disposant d’une scène et d’une exposition incroyable. Et nous pensions qu’en tant que groupe, avec notre musique et notre esthétique, nous pourrions être un bel ajout à la famille de l’Eurovision, si on peut l’appeler ainsi. Et cette année, ça a marché.

Vous représenterez l’Allemagne cette année avec la chanson Blood & Glitter. Comment décririez-vous cette chanson ?

Blood & Glitter une chanson qui résume assez bien Lord of the Lost en tant que groupe. Elle possède tout ce que nous sommes musicalement. Il y a beaucoup de profondeur émotionnelle dans les paroles, un message clair, du moins on l’espère. Il y a les synthétiseurs, les cris, le chant, les instruments … Vraiment, c’est la meilleure chanson avec laquelle participer à l’Eurovision, parce qu’elle réunit tous les éléments qui nous définissent. Elle est représentative de nous à 100%.

Par le passé, l’Eurovision a eu l’image d’un concours très orienté sur la pop et les ballades. Depuis le milieu des années 2010, on a commencé à y entendre davantage de diversité musicale, et votre style contribue à cette diversité croissante. Est-ce important pour vous de faire entendre le métal au concours?

Ce qui est important, c’est de représenter ce que nous sommes en tant que groupe. Nous ne représentons pas le rock ou le métal dans leur entièreté, car il y a tant de variétés et de sous-genres. Nous, nous sommes un groupe, avec notre propre style. Certains nous ont comparé à Lordi, d’autres à Maneskin, d’autres encore aux deux … Je ne sais pas trop quoi en penser, parce que Lordi et Maneskin ont des styles si différents … Et notre esthétique musicale est encore différente de la leur. Mais ce qui nous importe, c’est d’amener notre unicité, parce qu’apporter quelque chose de nouveau, c’est toujours cool.

Quand et comment votre amour pour le métal est-il né ?

Ce devait être à l’âge de 12 ou 13 ans. J’écoutais beaucoup de musique rock grâce à ma soeur. Limp Bizkit, Linkin Park, Korn, Sum 41… Des morceaux avec beaucoup de guitare dedans. Des croisements de genres musicaux, aussi. Quand elle écoutait tout ça, j’aimais écouter aussi, parce que tout était fort, bruyant. C’est comme ça que je suis tombé dans le métal. Je me suis habitué à ce genre, puis je l’ai aimé de plus en plus. Et c’est en découvrant des groupes comme Gun N’Roses que j’ai voulu jouer de la guitare.

Lors de vos apparitions en public ou sur scène, vous avez un look très identifiable. Comment avez-vous travaillé l’aspect visuel de Lord of the Lost ? Cela semble être quelque chose d’essentiel pour vous.

Pour nous, le visuel fait 50% du projet. Parce que notre musique nous ressemble, et vice versa : nous ressemblons à notre musique. Tout est basé sur ce que nous ressentons, sur la vibe que nous avons. Alors la musique et l’aspect esthétique doivent se combiner, se compléter. C’est pour cette raison que nous changeons un peu de look à chaque nouvel album, car chaque opus reflète quelque chose de différent par rapport à son prédécesseur. Par exemple, sur notre dernier album, Judas, les tons étaient davantage en noir et blanc, avec une atmosphère plus sinistre. Ici, sur Blood & Glitter, même s’il y a toujours ce côté sombre, l’ambiance est plus heureuse, comme une célébration. Sans oublier l’hommage au look glam des années 70 et 80. D’ailleurs les années 80 se retrouvent aussi dans la musique, avec les synthétiseurs et les lasers. Donc oui, la musique ne va pas sans visuel, et vice versa.

En parlant de visuel, avez-vous des idées pour votre mise en scène à Liverpool, ou est-ce un secret?

Oh, ce n’est pas vraiment un secret, non. Vous l’avez déjà vu. Notre staging sera basé sur ce que nous avons fait durant la finale nationale. Seulement, comme nous avons une plus grande scène, il y a bien plus de possibilités. Les visuels seront améliorés. Tout sera amélioré pour que nous puissions être représentés et performer au mieux.

Comme je le disais, Lord Of The Lost a beaucoup de succès ces dernières années en Allemagne, surtout depuis 2016. J’ai même vu que Blood & Glitter avait été numéro 1 en Allemagne. Comment vivez-vous ce succès ?

C’est une belle chose. C’est rare, pour un groupe comme le nôtre. Et d’autant plus avec Blood & Glitter. Nous n’avions pas opté pour le schéma classique de pré-vente et de promotion pour annoncer la sortie de l’album. Ici, nous avions gardé le secret jusqu’à six jours avant la sortie de l’album. À ce moment-là, nous avons annoncé « Salut, dans six jours nous sortons un nouvel album, enjoy ! ». Mais visiblement, ces six jours ont été suffisants pour propulser l’album où il est maintenant. On ne s’y attendait pas. C’est vraiment une étape importante, et chacun de nous ressent qu’il y a vraiment quelque chose de différent, à présent. Nous attirons davantage l’attention, maintenant.

Si je comprends bien, Blood & Glitter semble avoir été écrite avant la sélection nationale. Pourquoi avoir choisi cette chanson en particulier plutôt qu’une autre?

On aurait pu en choisir une autre, en effet. On avait déjà essayé de participer à la sélection l’an dernier, avec une autre chanson qui s’est d’ailleurs retrouvée sur l’album Blood & Glitter. Mais comme je l’ai dit, notre chanson cette année est vraiment celle qui nous représente parfaitement. Et puis de façon plus basique, elle collait parfaitement avec le format Eurovision et la durée réglementaire, puisqu’elle ne dure que trois minutes. Alors c’était comme une évidence.

Ces dernières années, l’Allemagne a eu quelques difficultés au niveau de ces résultats à l’Eurovision. Cela vous effraie-t-il ? Avez-vous une forme de pression ?

Non. Pas du tout. Nous n’avons vraiment rien à prouver à personne. C’est vrai que l’Allemagne a souvent fini dernière ou avant-dernière par le passé, et peut-être que nous le serons aussi. Mais ça dépend entièrement des personnes qui voteront. Cela dit, j’ai le sentiment que nous ne serons pas derniers … Et si nous le sommes malgré tout, ce n’est pas grave. L’Eurovision, pour nous, c’est l’occasion de montrer que nous pouvons proposer quelque chose de génial sur une grande scène. Mais au-delà de ça, nous continuerons à tourner. Au Royaume-Uni, avec Iron Maiden puis en solo. En Amérique du Sud, aussi. Nous avons de quoi retomber sur nos pattes même si nous finissons derniers. Être à Liverpool, c’est ce qui nous importe, et nous avons juste hâte d’y être.

Après votre victoire à Ünser Lied für Liverpool, vous avez pu découvrir la réaction des Eurofans à votre chanson. Que pensez-vous de la réception de Blood & Glitter ?

Les retours ont été principalement positifs. Il y a aussi des personnes qui disent: « Ce n’est pas ma tasse de thé, MAIS c’est intéressant ». Même s’ils n’apprécient pas la chanson parce qu’elle n’est pas dans leurs goûts personnels, c’est important que les gens soient capables d’y voir du positif et de reconnaître l’intérêt qu’elle peut avoir, la différence qu’elle peut apporter. Voilà la plupart des retours qu’on a pu voir, et c’est plutôt chouette.

Quelle place tient l’Eurovision pour vous, personnellement ? Avez-vous des souvenirs d’une chanson, une performance en particulier qui vous aurait marqué ?

J’avoue que par le passé, je n’ai pas trop suivi l’Eurovision … On l’a regardé l’année dernière, cela dit. Comme on avait tenté d’y participer, on voulait savoir qui allait gagner. Je me souviens, quand j’étais jeune, l’Eurovision était un grand événement. À l’époque, on l’appelait encore Grand Prix dans le pays. Je me souviens que je regardais le concours, parce que c’était l’une de ces soirées où j’avais le droit de rester debout jusqu’à tard. Je ne comprenais pas vraiment ce qui se passait, parce que j’étais trop jeune pour saisir la musique et sa signification. Mais quand j’y pense, passer de regarder le concours étant plus jeune, à y participer aujourd’hui, c’est vraiment cool !

Avez-vous écouté les chansons des autres candidats?

Quelques-unes, oui.

Et avez-vous des favoris ?

ui, deux chansons en particulier. Celles de la Finlande et de la Suède, ce sont deux très bons morceaux. Mais je dirais que tous les artistes de cette année sont géniaux, que toutes les chansons sont bonnes à leur manière. Au fond, il s’agit juste d’une affaire de goûts personnels, pas de savoir si des artistes sont bons ou non dans ce qu’ils font. S’ils sont à l’Eurovision, c’est qu’ils le sont.

Vous avez parlé d’une tournée après l’Eurovision. Quand aura-t-elle lieu ?

Nous serons en tournée de fin mai à début août en Europe. Puis nous prendrons une pause, avant de revenir au Royaume-Uni pour la troisième fois cette année. Il va se passer beaucoup de choses en fait. Nous aurons encore quelques dates en octobre, en novembre, un festival en décembre à Hambourg… Oui, il va se passer beaucoup de choses.

Vous étiez à Paris l’an dernier …

Oui, avec Iron Maiden.

Comme vous le savez, nous sommes un site francophone. Que pouvez-vous nous dire de la France ?

Pour moi, la France m’a toujours plu. D’abord la langue, que je comprends un peu …

Vous comprenez le français ? C’est l’occasion de nous dire quelques mots !

« Je peux essayer… « (En français dans le texte). Mais je ne parle pas français… (Il réfléchit). « Je m’appelle Pi, je viens d’Allemagne. » Ce n’est pas parfait : je comprends surtout le français en le lisant à mon propre rythme … En tout cas, lorsque nous étions à Paris avec Iron Maiden, nous n’étions que leur première partie. Mais nous avions presque l’impression que c’était une date en tête d’affiche, parce que le public a été tellement accueillant !

Qu’aimeriez-vous dire à nos lecteurs et à ceux qui vous soutiennent pour l’Eurovision ?

Je dirais que si vous souhaitez nous soutenir, alors votez pour nous. Si vous voulez voter pour une chanson différente et qui vous plaît, alors votez pour nous, c’est tout simple. Et puis merci d’être là, et merci à tous ceux qui nous soutiennent, et qui viendront nous voir en tournée, qui sait ?

Un grand merci à Pi, guitariste de Lord Of The Lost, d’avoir accordé une interview en vidéo à l’EAQ ! Nous retrouverons le groupe directement en finale le 13 mai prochain.

Merci également à Michael Thiesen (Schubert Music) pour l’organisation de cette interview, et à ma collègue Juliette pour la retranscription et la traduction.

© VDPictures