13h36 à Paris, 23h36 à Gold Coast. Après maintes jours passés sous la pile de dossiers Eurovision France (et ce n’est pas fini), entrecoupées de quelques croquées de Wasa prises à la volée avec un demi-hareng à l’aneth, Loreen a enfin trouvé le temps de se concentrer sur cet Australia Decides qu’elle n’a pourtant de cesse d’écouter et de réécouter sur la playlist Spotify de l’EAQ (héhé !). Parce que, tout simplement … Bref, Loreen parlera d’elle même par la voix de Rémi.

Artiste et chansonCommentairesLoreen
G-Nation – Bite MeMettez les Pussycat Dolls (et autres consoeurs) au placard, G-Nation est de sortie ! Avec son titre urban-pop sauce R&B, le girls band livre un son percutant au rythme de simples BIte Me qui suffisent à construire un refrain efficace, ou qu’on garde a minima en tête. Rien de tel que pareille entrée en matière pour mettre le feu à la salle, ce qui s’avère toujours un atout lorsqu’il s’agit d’ambiancer un public d’eurofans très friand de ce genre de titres. Même si je n’irais pas jusqu’à la qualifier d’addictive, et à défaut d’être tout de même hyper pimenté (on aurait pu ajouter un poil d’épices de plus à la recette), Bite Me présente toutefois un certain goût de redoutable qui tend à faire toujours son petit effet.
Erica Padilla – To The BottomLA surprise du cru 2022 d’Australia Decides ! Débarquée au gré d’une wildcard TikTok et inconnue du grand public, Erica Padilla nous livre ici un titre pop aux claires influences soul certes plutôt simple et classique de prime abord, ce qui est le cas. Mais « le mieux est [parfois] l’ennemi du bien » dans le sens où To The Bottom n’est sans doute pas LE titre du siècle, mais avant tout un classique du genre qui s’assume comme tel et fonctionne bien, avec juste ce qu’il faut de force et de puissance pour faire vivre le truc. Pas révolutionnaire donc, mais doté d’une petite efficacité qui devra toutefois affronter une concurrence de taille dans cette édition 2022 d’Australia Decides.
Sean Miley Moore – My BodyEntre la ballade pop et l’europop, My Body est dans le texte un bel hymne aux corps et aux différences, à nous assumer qui que nous sommes. Un joli titre qui repose sur des arrangements plutôt bien réalisés et musicalement équilibrés, dont la production évoque d’ailleurs des titres déjà entendus en sélection australienne … Cependant, le titre manque clairement de marquant et de puissance sur le plan de la construction pour en faire une proposition assez compétitive pour l’Eurovision. Agréable à l’écoute, indéniablement. Facilement oubliable, malheureusement, en dépit de ses réelles qualités (quoique pas exceptionnelles en soi).
Charley – I Suck At Being LonelyUne belle ballade pop pour Charley, dont la composition est joliment surmontée d’instruments à cordes qui renforcent son cachet, particulièrement dans le dernier tiers de la chanson, qui prend des allures d’envolée. Dommage que cette dernière intervienne aussi tard, car là se trouve à mon sens le défaut d’ I Suck At Being Lonely : en dépit de ses qualités musicales intrinsèques, le titre souffre à mon sens d’une trop grande linéarité et d’un trop fort sentiment de stand by pour qu’il parvienne à s’imprimer dans nos mémoires dès la première écoute … et plusieurs autres écoutes renforcent ce sentiment. D’autant plus qu’Australia Decides n’est pas en reste s’agissant du nombre de ballades différentes et – surtout – plus marquantes proposées.
Andrew Lambrou – ElectrifyUn titre pop-électro dont les incursions en espagnol résonnent tel un son latino en mode « musiques actuelles » (terme qui ne veut pas dire grand chose en soi, surtout ici, mais bon, vous comprenez l’idée). Electrify n’est peut-être pas le plus aisé à lire sur le plan de la composition, et particulièrement du refrain, mais l’atmosphère à la fois sexy et électrique que dégage le titre est suffisamment forte pour lui permettre d’imprégner nos esprits. À voir ce que la proposition donne en live, car ce style de titres n’est jamais particulièrement évident à défendre sur scène, mais il y a clairement un joli potentiel à exploiter.
Sheldon Riley – Not The SameSheldon sera assurément l’un des candidat·es à battre ce samedi matin (heure française). Not The Same est une ballade pop parfaitement construite sur le plan de la composition et d’une très belle production. Tant dans le texte que dans la musique, elle dispose de ce qu’il faut de puissance et d’intensité pour en faire un titre marquant susceptible d’offrir à l’Australie un très beau résultat à Turin. « Not The Same », « Pas le même », le message est fort, et live s’annonce très prometteur au vu des évidentes qualités scéniques de Sheldon Riley, un performer iconique et unique dans son style. Beaucoup érigent d’ailleurs l’ex finaliste de The Voice Australia en giga-favori … mais c’est à mon sens oublier que la concurrence est au rendez-vous et qu’elle aussi présente de solide atouts.
Paulini – We Are OneTerrible ordre de passage pour Paulini, et surtout terrible concurrence que cette dense sélection australienne, alors qu’elle aurait pu s’en tirer avec les honneurs dans bien des sélections (pour ne pas dire en toper carrément certaines). Déjà par son intitulé, mais aussi de par son message et sa rythmique, We Are One sonne comme un véritable hymne qui rentre immédiatement dans l’oreille et devient extrêmement entêtant. Les ondes sont positives, et l’énergie et le coeur que la talentueuse Paulini met dans sa chanson sont très communicatifs. Hélas pour elle, We Are One souffre d’un net déficit de composition et de production vis-à-vis de l’ensemble de ses camarades, beaucoup plus solides sur le plan musical. Mais mettre moins d’une Loreen serait quand même injuste.
Jaguar Jonze – Little FiresLe phénomène Jaguar Jonze est de retour et nous surprend avec cette ballade pop, assurément plus accessible que Rabbit Hole, mais sans pour autant renier les sonorités indie et alternative pop rock qui font la marque de fabrique de l’artiste. « Plus accessible » ne veut peut-être pas dire « facile d’accès », car le titre n’est sans doute pas aussi percutant à l’écoute qu’un Not The Same cousin … mais pas sur le même créneau. C’est pile ce qui fait la force de ce Little Fires : sa singularité et son atmosphère unique, à la fois délicatement électrique et vaporeuse, avec la juste dose de légèrement psychédélique. Une excellente contre-proposition pour Turin, qui serait un choix sans doute plus risqué et moins facile qu’un Sheldon Riley, mais dans la vie, qui ne tente rien n’a rien … Et non seulement je rêve de voir Jaguar à l’Eurovision, mais je suis prêt à l’envoyer à Turin avec son Little Fires.
Isaiah Firebrace & Evie Irie – When I’m With YouUn titre pop léger et très plaisant pour notre représentant australien à l’Eurovision 2017, cette fois-ci en duo avec Evie Irie. Les sonorités ne sont d’ailleurs pas sans rappeler les surfeurs de la vague Ed Sheeran, ce qui inscrit d’autant plus ce When I’m With You dans une tendance musicale aujourd’hui omniprésente. Et si, éternels insatisfaits d’eurofans que nous sommes, ne serait-ce pas là le défaut de ses qualités ? Car la proposition du duo est inévitablement sujette à la comparaison, et à ce titre, elle me semble souffrir d’une moindre force eu égard aux standards d’un style actuellement très mobilisé. Dit autrement : hashtag probable manque de marquant. Ce qui ne l’enlève toutefois rien à ses qualités.
Voyager – DreamersRock’n roll attitude ! Voyager nous livre ici un titre qui transfigure les genres musicaux, dans la parfaite lignée de l’ADN musical du groupe qui fait son succès depuis plus de vingt ans. Entre un progressive metal et un rock teintés de touches pop, Dreamer est une proposition énergique aux délicieuses sonorités vintage et néo-romantiques qui évoquent de manière assumée les années 80 – je pense par exemple à Depeche Mode, dans un style un soupçon différent toutefois. On est en tout cas dans un style qu’on n’entend que trop rarement (voire jamais) à l’Eurovision et qui contribuerait pleinement à la diversification de sa line up (en cours depuis plusieurs années déjà). D’autant plus qu’on connaît le succès rencontré par des Maneskin ou Hatari …
Jude York – I Won’t Need To DreamOn pourrait se dire à la 11ème et dernière chanson que la sélection australienne 2022 aime les ballades, et c’est en soi vrai. Leur force ? Aucune n’est le copycat l’une de l’autre et c’est une très belle clôture que nous offre le newcomer Jude York avec son magnifique I Won’t Need To Dream, un titre d’une justesse remarquable. Éminemment indie pop, le titre mêle très harmonieusement sonorités contemporaines et évocation assumée et défendue de l’univers comédies musicales des années 50. Ce en se permettant une construction atypique où, d’une lancinante et délicate première partie qui pose le titre, le tout décolle complètement et s’envole dès la moitié de la chanson pour ne plus ensuite s’essouffler. La proposition n’est peut-être pas la plus facile pour l’Eurovision, mais je suis prêt à prendre le risque de vivre ces 2:36 à la mode turinoise.

L’avis de Rémi

L’Australie aime l’Eurovision, et elle nous le fait une fois bien sentir avec l’une des meilleures sélections d’une saison 2022 que beaucoup jugent à ce jour décevante (alors qu’on touche à sa fin). Australia Decides se distingue en effet par une remarquable densité et diversité de propositions, de la pop classique aux (nombreuses) ballades toutes différentes les unes des autres, en passant par la pop-électro et le progressive metal. Dur dur pour certains artistes et titres qui, dans une autre sélection nationale, auraient parfaitement tenu la route, mais qui subissent ici la concurrence de plein fouet. Et sous réserve des lives de demain, celle-ci s’annonce de taille, et impitoyable.

Qui sortira vainqueur·e de l’arène de Gold Coast ? Observateur·rices et bookmakers semblent s’accorder sur un seul et unique nom : Sheldon Riley, érigé grandissime favori annoncé de la sélection 2022, pour ne pas dire quasi vainqueur énoncé, le trophée presque à la main. Certes, ce serait loin d’être volé car la proposition est excellente et permettrait d’assurer à l’Australie un très beau résultat à Turin (quoiqu’un Krystian Ochman est un concurrent direct dans le genre). Sauf que … des propositions de qualité capables d’offrir un joli résultat à l’Australie, il y en a d’autres. Certaines sont plus risquées, plus osées. D’autres sont plus « populaires » et parlent aux australien·nes. Et parmi elles, des titres avec une identité et une véritable singularité, ce qui ne font pas forcément d’eux des aspirateurs à télévote, mais ils peuvent trouver une certaine résonance. Sans oublier que le jury pèse pour 50% dans la balance d’un ordre de passage où Sheldon ne passe qu’en cinquième position sur onze…

Alors, à qui profitera la victoire au pays des kangourous ? Réponse demain matin 10h30.

Australie 2022 : quelle chanson aimeriez-vous voir partir à Turin ?
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Crédits photographiques : SBS