Aujourd’hui, je crois qu’il est temps de redonner ses lettres de noblesse à une chanson bien trop en avance sur son temps, considérée trop souvent comme une joke entry, mais dont la qualité musicale est indiscutable. Aujourd’hui, on va parler de « Divine » par Sébastien Tellier, arrivé 19ème lors de l’édition 2008 de notre cher concours.

En 2018, alors fraîchement initiée aux joies de l’Eurovision, j’étais une adepte des vidéos YouTube compilant les pires fausses notes, les meilleurs résultats, les records les plus impressionnants et autres statistiques liés à l’Euromonde.
J’étais en plein visionnage d’une énième vidéo baptisée « Joke entries in Eurovision », lorsque, entre « Cake to Bake » et « Leto Svet », un morceau se fit entendre: c’était « Divine ». Deux pensées me traversèrent alors l’esprit.
Primo: « Tiens, je la connais celle-là. Je suis sûre de l’avoir entendue dans une publicité. » (Et c’était le cas; Renault utilisa en effet « Divine » pour faire la promotion d’un de ses modèles). Et deuzio: « Mais elle est bien, cette chanson. Qu’est-ce qu’elle vient faire au milieu de toutes ces excentricités? ».

Je découvrais « Divine » littéralement à l’aveugle, d’autant plus que l’extrait choisi provenait de la version studio. (Si j’avais été d’abord confrontée à la version live, j’aurais compris illico presto). Alors je décidais d’écouter le morceau en entier.
Il y a, dans « Divine », une classe absurde, à l’anglaise; d’ailleurs, je suis quasi-persuadée que le titre aurait facilement pu être réinterprété par Gorillaz; il y a, dans la contribution de Tellier, ce même psychédélisme électro-pop que dans les compositions de la bande de Damon Albarn. Et puis, mélodiquement, « Divine » a une progression très élégante, passant avec une grande fluidité du majeur au mineur. Et ce magnifique break au piano, qui vient casser le rythme, avant que le morceau ne reparte de plus belle… Ce n’est pas la chanson la plus complexe du monde (loin de là!), mais il y a une telle finesse dans la structure et les arrangements, que cela mérite d’être souligné.

Pour l’anecdote, le morceau (qui se trouve sur l’album « Sexuality » de Tellier, dans lequel on retrouve aussi « Roche » et « L’amour et la violence », deux de ses titres phares)a même été produit (entre autre) par Guy-Manuel de Homem de Christo, ex-moitié des Daft Punk ! Et oui; sur « Divine », il y avait la crème de la crème de la French Touch.
Séduite par ce morceau audacieux à la patte artistique marquée, je voulus alors écouter la version live… Et je compris enfin sa présence dans la vidéo des « Joke entries » (les commentaires YouTube étaient suffisamment détaillés pour m’en faire une description précise). L’arrivée en voiture de golf, l’hélium, les backing vocals qui essayaient tant bien que mal de passer la chanson à reproduire les harmonies présentes sur la version studio, le pont chanté en français (pour faire taire ceux qui s’étranglaient à l’idée qu’une chanson entièrement en anglais représente la France)… Rien n’allait, et en même temps, c’était si conforme avec l’esprit déjanté de la chanson. C’était une performance artistique, dans tous les sens du terme, et il ne fallait pas mieux pour un titre aussi hors du commun, à des années-lumière du reste du line-up de 2008…
Ces années-lumière, justement, sont peut-être ce qui n’a fait obtenir à une prestation si iconique qu’une maigre dix-neuvième place. Si « Divine » avait été envoyée cette année, Sébastien Tellier n’aurait pas tardé à devenir la coqueluche d’une culture Internet (et TikTok) friande de même, de performances burlesques et assumées jusqu’au bout. Il n’y a qu’à voir l’accueil qui fut réservé à « In Corpore Sano ». Au-delà de cela, la scène électro-pop française est encore plus reconnue à l’étranger qu’elle ne l’était en 2008.
Aujourd’hui, « Divine » aurait eu des chances évidentes de top 10, peut-être même de top 5.

En tout cas, derrière son aspect fantasque, « Divine » est une proposition musicale plus qu’intéressante, qu’il me paraît important de reconsidérer pour ce qu’elle est. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai insisté pour ne pas mettre la version live au début de cet article; je veux que vous oubliiez pour un temps le kart de golf, que vous l’écoutiez en fermant les yeux, et que, si vous deviez la juger aujourd’hui, ce soit d’un point de vue uniquement musical.
Je n’ai, de mon côté, pas peur de dire, sans rougir, que « Divine » est l’une des meilleures contributions que la France ait envoyé dans l’histoire de ses participations à l’Eurovision.

Sur ce, voyons ce qu’en pense mes chers collègues, à qui je laisse la parole à présent.

Commençons par l’avis enthousiaste de Betty :

 » Divine est amusante, drôle très sympathique, originale et surtout inclassable. J’admire le choix audacieux de chanter la chanson presque entièrement en anglais. Cette chanson c’est de l’art. La France et l’Europe n’étaient pas prêts pour cette contribution en 2008. Un plaisir coupable. « 

Poursuivons par l’avis de Zipo, absolument sans concession :

« Je suis souvent sévère voire intransigeant avec les chansons françaises, certainement parce que j’attends toujours beaucoup trop de la France. Là, dès la première écoute, ce fut encore pire que d’habitude car je n’ai pas trouvé le moindre petit point positif dans cette chanson. En ce qui me concerne, ce fut une erreur de casting même si le résultat définitif a été finalement meilleur que je ne l’avais imaginé, puisque je lui avais prédit la lanterne rouge. Pourquoi autant d’hostilité envers cette chanson ?  Vocalement c’est plus que faible, et parfois accompagné de fausses notes flagrantes ; la chanson est très monotone et les choristes encore pires. La souffrance de mes oreilles a été la hauteur du degré d’estime que je porte à cette chanson, à savoir quasiment le néant. Le passage en français n’a pas arrangé les choses et là, l’interprète n’y est pour rien car si je ne me trompe pas, ce morceau en français lui a été imposé par l’équipe de la sélection française. Enfin, le faux rythme et la voix très limitée du chanteur ont fini par m’exaspérer au point d’avoir mis cette chanson aux oubliettes ; elle en est ressortie le temps de cette rubrique. Pour moi une des pires contributions françaises jamais proposées au concours et je pèse mes mots ! »

Alors? Êtes-vous prêts à redonner une chance à « Divine »?
J’ai hâte de lire vos avis en commentaires.

Musicalement,
Juliette.

C’est à votre tour de vous exprimer ci-dessous dans la partie réservée aux commentaires ; rendez-vous demain pour un nouveau titre à la une.

Crédits photographiques : Maraaya (visuel EAQ)