J-2 avant l’une des finales les plus attendues de la saison des sélections : celle du Melodifestivalen 2025. Afin que vous ayez toutes les cartes en main, Loreen (alias Rémi) a décidé de réécouter plus attentivement les 12 finalistes en lice.
Pourquoi se lancer dans une dernière salve de Loreen alors que chacune des demi-finales du Mello en a été ponctuée ? Pour une raison simple : la plupart des chansons avaient été écoutées dans leur version studio, là où les prestations live ont pu quelque peu changer la donne pour votre auteur du jour. Surtout, une bonne (enfin, bonne…) finale de la sélection suédoise se doit d’être appréciée dans son entièreté et donc réévaluée à l’aune de la concurrence des forces en présence. De quoi justifier le retour de Loreen pour cette ultime étape. Surtout que vous connaissez bien l’adage : une dernière tournée ne se refuse jamais.
Avis général
Le casting de la finale du Melodifestivalen 2025 est à l’image de cette édition : globalement décevante. Si l’on avait constaté depuis quelques années une chute de la qualité de la sélection suédoise (surtout en comparaison avec d’autres pays qui montent en gamme en la matière), cette année marque un point culminant en la matière, tout juste deux ans après l’édition 2023 entièrement tournée vers la victoire annoncée de Loreen. Si les dernières séries nous ont offert quelques bonnes surprises, le triste constat est là : la Suède persiste à se fourvoyer dans des propositions très génériques mille fois entendues, là où ses artistes méritent meilleurs titres que ceux qu’on leur impose. Surtout que plusieurs des « meilleurs » titres de la sélection (Funniest Things, Upp i luften, Salute…) ont vu leur chemin s’arrêter en demi-finales ou au Finalkval de manière assez incompréhensible, là où certaines qualifications en finale laissent perplexes aujourd’hui…
Si, d’un point de vue suédo-suédois, le Melfest reste bien attendu la garantie d’un carton d’audience et dans les charts, sous un angle Eurovision, la sélection commence sérieusement à manquer d’intérêt du fait d’un trop grand formatage et d’auteurs-compositeurs (trop) habitués du Mello qui ne se renouvellent plus. Bien sûr, nos amis suédois nous répondront à raison qu’ils restent sur deux victoires et neuf top 10 à l’Eurovision sur les dix dernières éditions du concours (un bilan dont seule l’Italie se rapproche). Bien sûr, les jurys internationaux saluent à juste titre des prestations généralement très bien rodées et des titres bien produits, de bonne facture. Mais à quand le retour de l’étincelle ? A quand une vraie prise de risque de la part de la Suède ? A quand la fin des éternelles redites et ressaucées de titres ? Tour d’horizon.
John Lundvik – Voice of the Silent
En étant reçu 4/4, John Lundvik poursuit sa série parfaite au Melodifestivalen avec une quatrième qualification consécutive en finale. Avec Voice of the Silent, l’eurostar propose un titre pop très marqué Mello, sans véritable surprise, même s’il rompt avec le côté pop soul de My Turn ou Too Late For Love et les sonorités ballade d’Änglavakt. Mariette n’aurait d’ailleurs pas craché sur son cru 2025 tant il évoque son univers musical habituel, preuve en est de la forte interchangeabilité d’un titre plutôt générique. Formaté, sans doute, mais pas moins agréable, en tout cas à mes oreilles, tant l’efficacité de la proposition me séduit. Même si ses chances en finale risquent d’être relativement limitées.

Dolly Style – Yihaa
Je ne suis pas le plus grand client du « Dolly Style » de base et force est d’avouer que ce genre de son très artificiel m’insupporte assez à l’oreille. Dire que Yihaa est loin d’être un chef d’œuvre n’est qu’un doux euphémisme, tant la production est industrielle et tapageuse, si ce n’est très agressive à l’oreille dans sa version studio. Alors, oui, il y a une certaine efficacité à la proposition et la prestation scénique fonctionne plutôt bien, là où on aurait pu craindre une catastrophe vocale en direct. Non, il n’est pas complétement illogique de retrouver Dolly Style en finale pour la première fois en quatre participations au Mello sur la base de la performance. Mais il y avait franchement mieux à envoyer en finale qu’une proposition aussi surfaite et à la composition aussi grossière.

Greczula – Believe Me
Greczula a séduit les suédois avec son titre glam-pop-rock aux sonorités héritées des années 70-80 qui ne sont pas sans évoquer un certain Elton John – toute raison gardée attention. Believe Me est une proposition à l’irrésistible charme portée par un jeune interprète très charismatique, qui frappe fort pour sa première au Melodifestivalen, de quoi lui offrir une participation en finale toute logique. Il est d’ailleurs fort à parier que Greczula n’y fera pas que de la figuration, tant sa proposition et sa prestation énergiques ont du chien. Nul besoin de quelconque fard ou artifice pour ce faire, tant l’interprète et le son se suffisent à eux seuls pour laisser la magie opérer auprès du public. J’y vois d’ailleurs un petit cousinage (qui pourra étonner) avec Lucio Corsi, le candidat italien, dans un style musical toutefois complètement différent. Peut-être sont-ce que le côté vintage et l’aspect queer de la performance… Face à des titres bien plus formatés et sans âme, pourquoi pas pour l’Eurovision ?

Klara Hammarström – On and On and On
J’avais été plutôt sévère avec Klara Hammarström (dont le Beat Of Broken Hearts de 2021 me reste indépassable à ce jour) en demi-finale, tant j’avais trouvé la proposition initialement bateau et assez faible lors de mes premières écoutes. Mais la prestation en série et la force de réécoute ont fait évoluer mon opinion de manière positive. Si j’avais initialement déclaré avoir trouvé que le cru 2025 était le titre le plus faible que Klara ait proposé au Melodifestivalen, je retire aujourd’hui ce propos tant On and On and On accroche à l’oreille et reste en tête. Le titre n’est peut-être pas exempt de défauts (côté générique, production parfois perfectible…), mais il est très bien porté par l’artiste et, surtout, doté d’une réelle efficacité, qui plus est lorsqu’il se confronte à l’épreuve de la concurrence. Tout compte fait, On and On and On pourrait être une option pour Bâle, même si Klara Hammarström gagnerait à attendre LE titre pour réaliser ensuite son rêve d’Eurovision.

Scarlet – Sweet N’Psycho
Il faudra sérieusement m’expliquer comment ce duo de stars n’a pas remporté sa demi-finale et ne doit sa qualification qu’au second tour de scrutin (tout comme leur élimination au Finalkval l’année dernière me reste encore en travers de la gorge). L’évidence est pourtant là : avec sa performance électrisante, Scarlet mériterait largement de remporter le Melodifestivalen, ce à quoi les suédois ne semblent pas prêt à ce stade. Dommage car, si leur cru 2025 est plus Mello-compatible que Circus (sans pour autant que le duo y ait perdu de son âme), le diabolique Sweet N’Psycho reste le parfait reflet de l’univers musical singulier de Scarlet et de la patte unique que les deux chanteuses impriment sur la sélection nationale. La Suède gagnerait grandement à envoyer ce genre de propositions sur la scène de l’Eurovision, où le duo mettrait assurément le feu avec trois minutes de pur show assuré.

Erik Segerstedt – Show Me What Love Is
En demi-finale, Loreen avait fait une petite fausse route à l’écoute du titre d’Erik Segerstedt. Absente de son écran le samedi soir fatidique, elle s’était carrément étouffée à la découverte de la victoire de l’artiste en série, devant un titre jugé comme de la pop « Eternal Romance » (vous vous souvenez, la fameuse compilation de 2001 ? Seuls les plus de trente ans se souviennent sans doute…) façon années 2000, mais avec 25 ans de retard. On ne m’enlèvera certes pas cela de l’esprit : Show Me What Love Is n’est pas de première fraîcheur, et Roch Voisine en ses années fastes dans l’Hexagone aurait tout de suite signé pour le compter parmi ses tubes. C’était sans compter sur l’atout charme Erik Segerstedt, qui a réussi à transcender en live un joli titre au tempérament suranné avec une excellente prestation pleine de sincérité et surtout dénuée de vocodeurs et autres chœurs pré-enregistrés qui ont écrasé cette édition. Pas assez cependant pour s’assurer une place aux avants-postes de cette finale.

Maja Ivarsson – Kamikaze Life
On ne l’attendait pas forcément à l’annonce de sa présence au casting : voilà Maja Ivarsson en finale du Melodifestivalen 2025 grâce à une prestation so rock pleine d’allure et d’énergie, dont le passage dans le public (ce qui est assez rare de la part d’un artiste en scène) a clairement fait mouche et apporté une touche à l’ensemble. Pour le reste, Kamikaze Life reste un bon titre rock acidulé à la façon de la bande originale d’un teen movie américain de la fin des années 90 ou du début des années 2000, mais sans plus pour ma part. L’efficacité de l’ensemble tient surtout à l’interprète et à la qualité de la performance, là où le titre en lui-même reste une proposition taillée et calibrée pour le Mello, mais pas davantage. Sa présence à ce stade de la compétition est déjà une victoire en soi, un milieu de tableau pas impossible à atteindre devant la globalité de cette finale.

Meira Omar – Hush Hush
J’avais été plutôt timoré par la proposition de la star de la télé-réalité Meira Omar en demi-finale. Non que le titre ait foncièrement explosé entretemps ou que l’artiste se soit révélée une grande voix (ce qu’elle n’est pas si l’on en croit la dose de chœurs pré-enregistrés qui l’accompagnent, si ce n’est qui la doublent). Mais tout compte faite, et à force de réécoute, Hush Hush se révèle plus redoutable qu’il n’y paraît, tant le titre accroche bien l’oreille et parvient à rester en tête dans une édition décidément bien faible. Surtout, la prestation scénique en live achève de rendre l’ensemble plutôt efficace, au-delà de mes attentes initiales. Sans aucun doute insuffisant pour l’Eurovision, mais de quoi permettre à Meira Omar de rêver à un top 5 inattendu, surtout devant le carton de son titre en streaming. Reste une autre réalité : au-delà de ses qualités, Hush Hush reste un petit titre qui ne se serait pas aussi bien distingué si le Melodifestivalen nous avait proposé un line up plus qualitatif cette année…

Måns Zelmerlöw – Revolution
Måns, Måns, Måns… Ou tout ça pour ça. Bien sûr, notre eurostar reste le performeur incroyable qui nous avait ébloui en 2015 avec Heroes. Bien sûr, la prestation et la scénographie restent parmi les meilleures (je n’irais pas jusqu’à dire LA meilleure) et parmi les plus rôdées de cette édition. Bien sûr, l’ensemble reste d’une relative efficacité et Revolution un bon titre… Mais un titre de fainéant, si vous me permettez l’expression, tant il recycle les éléments qui avaient fait le succès du titre vainqueur de l’Eurovision 2015, en version plus solaire, sans aucune mise à jour vis-à-vis de l’actualité musicale. On passera également sur la grande richesse du texte… Je persiste à dire que si l’édition 2025 n’avait pas été aussi faible, et si le titre n’avait pas été porté par un Måns Zelmerlöw, Revolution aurait eu au mieux le potentiel d’un top 5 de Melodifestivalen, et pas celui d’un aspirant vainqueur d’une Eurovision 2025 qui s’annonce musicalement assez moyenne. Alors oui, Loreen reste objectivement positive quant à une proposition qui reste qualitative, mais il ne faut pas lui en demander trop, quand bien même on pardonnerait bien des choses au beau Måns.

Saga Ludvigsson – Hate You So Much
Celle-là, on ne l’avait pas vue venir : initialement à la lutte pour le deuxième billet pour la finale ou le Finalkval, Saga Ludvigsson a finalement remporté sa demi-finale au nez et à la barbe des ultra-favorites Scarlet, et à la grande surprise de l’artiste, qui ne semblait pas en croire ses oreilles à l’annonce du verdict. Il faut dire que la scandic-pop-country est un style qui fonctionne toujours au Melodifestivalen (sauf pour Mimi Werner, que tout le monde a dû oublier sauf votre humble serviteur, dont le cœur de petit cowboy est toujours bercé par Ain’t No Good). Alors, oui, c’est déjà vu et revu, oui, c’est supra-formaté et on aurait pu entendre la même il y a dix ans au Melodifestivalen, oui et re-oui, la scénographie faisait parfois mal aux yeux. Mais même si on a connu fort mieux en la matière (Mimi Werner, encore et encore jusqu’à la fin des temps) et que le titre ne restera pas dans le Hall Of Time de la sélection, force est de reconnaître sa petite efficacité. De là à battre Scarlet…

Annika Wickihalder – Life Again
Sur le papier, Annika Wickihalder n’était pas favorite initiale pour la qualification. C’était sans compter sur ses grands talents de performeuse, qui lui permettent aujourd’hui de s’offrir une deuxième finale consécutive en deux participations au Melodifestivalen. Cette qualification, l’artiste ne la doit qu’à elle et à elle seule, tant ce titre pop léger – que j’ai dû réécouter au moment d’écrire ces lignes tant il n’avait pas imprimé mon esprit – ne met pas en valeur sa grande voix, là où c’est pourtant son principal atout. Alors, oui, Life Again reste une jolie chanson agréable à l’écoute, plutôt bien faite et pas mauvaise en soi. Mais elle est tellement oubliable qu’elle risque bien de faire de la figuration en finale, surtout en passant juste avant la tornade finno-suédoise qui s’annonce.

KAJ – Bara Bada Bashu
Dans la vie de tout eurofan, il y a joke act et joke act. Il y a tout d’abord les mauvais joke acts, ceux qui sont tellement piètres de qualité qu’ils ne font même pas sourire (Estonie 2008, Irlande 2008, Estonie 2025 – coucou Tommy Cash). Et puis il y a les autres, parfaitement rodés et assumés jusqu’au bout dont fait partie la proposition du groupe finno-suédois Kaj, outsider parfaitement inattendu de cette finale où il ira disputer la victoire au grand favori. Et pour cause, tant Bara Bada Bashu est un plaisir coupable et quasi théâtral. Au-delà de la qualité d’un titre qui mêle à la perfection pop, sonorités urbaines et traditionnelles, la proposition de Kaj est d’une efficacité et d’une accroche redoutable, tant dans le son que dans la performance scénique (ni plus ni moins que l’une des meilleures de cette édition), à rebours de la scandic-pop générique ultra-formatée dans laquelle le Mello s’est fourvoyé plus que jamais cette année. De quoi me donner une sérieuse envie d’aller faire un petit tour au sauna de la Strawberry Arena… et de l’Eurovision si plus d’affinités de la part du public suédois ?

Et alors ?
On va la faire brève pour conclure : dans une finale qui aurait gagné à susciter plus d’enthousiasme, des évidences se détachent, quand certaines propositions parviennent tant bien que mal à relever le niveau général d’un Melodifestivalen 2025 qui ne restera pas dans les annales, c’est peu de le dire.
Les yeux inévitablement rivés vers l’Eurovision, la Suède voit trois principales options s’offrir à elle. En position de grand favori à la victoire, Måns Zelmerlöw représente la sécurité de l’eurostar désireuse de devenir à son tour une eurolégende, deux ans après Loreen, dans le contexte d’une Eurovision 2025 qui s’annonce de facture relativement faible. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le pays reste le favori par défaut à la victoire à Bâle selon les bookmakers, avec des chances de l’emporter qui s’affaiblissent de jour en jour à ce stade (où quelques chansons très attendues restent à dévoiler). Comme évoqué précédemment, Revolution reste un bon titre, mais insuffisant dans son ambition et fort éloigné de toute velléité de révolution. Bien sûr, l’effet Suède combiné à l’effet Måns Zelmerlöw cartonnerait assurément chez les jurys : mais on attend autre chose d’un aspirant vainqueur de l’Eurovision que tant de facilité, de fainéantise musicale et de recyclage. Alors, oui, Revolution a de fortes chances de remporter le Mello par défaut, et ce ne serait pas volé au vu de la faiblesse de l’édition proposée. Mais c’était sans compter sur un outsider inattendu nommé Kaj.
Car depuis son passage en quatrième demi-finale, Kaj explose les chiffres en streaming, loin, très loin devant Måns Zelmerlöw. De quoi placer le groupe finno-suédois en capacité d’aller titiller notre eurostar. Et plus si affinités ? Par ici en tout cas, on est particulièrement enthousiaste à l’idée tant Bara Bada Bashu est une proposition joueuse, espiègle, séduisante et surtout une affaire rondement menée, capable de faire mouche sur la scène de l’Eurovision, On n’en attendait pas tant à l’écoute du titre, mais l’adage est bien connu : il suffit de relever le défi de la prestation scénique pour changer le cours des choses, et celle de Kaj est tellement accrocheuse qu’elle me semble une évidence pour Bâle. Surtout qu’elle permettrait enfin à la Suède de sortir de sa zone de confort scandic-pop certes efficace et bien produite, mais de plus en plus dénuée d’âme et d’identité. Elle permettrait aussi au pays de renouer avec le suédois, une langue qu’il a (lâchement) abandonné à l’Eurovision depuis Jill Johnson en 1998 et la fin de la règle obligeant les pays à chanter dans leur langue nationale. Étrange, vous ne trouvez pas ?
La troisième option quant à elle ne semble pas celle privilégiée par nos amis suédois, et c’est fort dommage, tant Scarlet incarnerait un duo de candidates royal pour Bâle avec son style et son univers inimitables en cette édition. D’autant qu’on n’a jamais vu la Suède s’ouvrir à des horizons métal-rock qui lui seraient grandement bénéfiques sur la scène de l’Eurovision. Mais tant les bookmakers que les votants (qui n’ont placé le duo qu’en deuxième position en demi-finale) ne semblent pas des plus enthousiastes à l’idée. Sweet N’Psycho est pourtant une excellente proposition, accrocheuse, captivante, qui aurait de quoi dynamiser le concours 2025 qui s’annonce. Pour le reste, Greczula et la toujours recalée à ce jour Klara Hammarström pourraient faire figurer d’outsiders, là où la marche vers l’Eurovision semble trop haute pour le reste de la concurrence.
Crédits images : Stina Stjernkvist – Sveriges Television – Melodifestivalen 2025
Ne me faites pas rêver à une victoire de KAJ, je n’ai pas envie de souffrir d’une défaite de mon préféré de cette édition.
Sinon c’est le format par tranche d’âge qui pose problème, avec les enfants et les vieux qui ont plus de pouvoir que les vingtenaires et trentenaires votant en majorité habituellement. Forcément qu’aucun des 2 groupes ne votera pour la proposition originale, et quand bien même elle sera plébiscitée par les jeunes adultes, elle ne performera pas autant que normalement