Ça y est. C’est le grand jour. Il est temps d’accueillir la plus géniale et la plus sous-cotée, j’ai nommé le Festival da Canção ! Loreen a écouté pour vous les 20 chansons en compétition, et vous donne son opinion un brin trop enthousiaste.
(Note en préambule : les opinions apportées ici n’engagent que l’autrice de ces lignes; si j’avais la vérité absolue, ça se saurait!).
Opinion générale
Mais quelle joie, quelle extase, quel paradis pour les oreilles! Le Festival da Canção prouve une fois encore pourquoi c’est un indispensable de la saison des sélections, avec un véritable sans faute musical ! S’il y a des propositions plus adaptées que d’autres dans l’optique de l’Eurovision, l’ensemble est d’une qualité irréprochable et indéniable. Comme pour l’EMA, votre Loreen du jour est absolument aux anges. Ne tardons pas, et embarquons pour ce voyage lusitanien.
A Cantadeira – Responso à Mulher
Morceau pour le moins désarmant, comme seul sait le proposer le festival. Une plongée dans les sons traditionnels portugais, sans pour autant sonner vieillot ou poussiéreux. Tambours, cornemuses et refrain harmonieux donnent à ce morceau toute une portée mystique. Un peu trop niche pour l’Eurovision, mais peut se tenter pour rester fidèle aux traditions d’un pays qui n’a pas peur de se montrer et de prendre des risques.

Bluay – Ninguém
Peut-être l’un des morceaux les moins convaincants du line-up, sans pour autant être mauvais (loin de là même !). La jolie voix de Bluay, l’ambiance soul et la guitare confèrent au morceau une ambiance feutrée qui m’évoque (dans un contexte post-Sanremo) presque Ballorda Nostalgia. Très joli, mais le Portugal a de meilleures options.

Bombazine – Apago tudo
Disco disco ! Bombazine nous apportent un véritable petit rayon de soleil, à mi-chemin entre The Kolors et JEREMIAS, une petite bouffée d’air frais qui donne le sourire autant que l’envie de danser. Inoffensif pour l’Eurovision, mais Dieu que c’est addictif.

Capital da Bulgaria – Lisboa
Alerte pépite ! Alerte pépite ! La voix de la chanteuse, douce et vaporeuse comme celle de Maro, nous entraîne dans ce voyage planant et contemplatif, où la musique nous laisse presque imaginer une scène de film. C’est superbe, cotonneux, à mille lieues des attentes de l’Eurovision, c’est de la beauté à l’état pur. Serait extrêmement risqué pour Bâle, mais dans un monde où Katarsis et Birds of Prey existent, pourquoi ne pas ouvrir la porte à cette parenthèse enchantée ?

Diana Vilarinho – Cotovia
On retourne aux bonnes vieilles traditions, aux sonorités de fado comme seul le Portugal en a le secret. C’est le pendant mille fois plus accessible à Responso da mulher. C’est un moment hors du temps, un voyage, une histoire qu’on vous raconte, comme une légende ancienne qu’on se passe de générations en générations. Un oui évident pour l’Eurovision, si le Portugal veut montrer avec fierté ses sonorités typiques (ce qui lui réussit plutôt bien depuis quelque temps).

Du Nothin – Sobre Nós
Pop-rock tout à fait portugaise dans l’esthétique, marquée par des violons, un chouette riff de justesse, et un chanteur à la voix un peu éraillée. Rien à en dire de plus; non pas que le morceau ne soit pas remarquable, mais il est très simple et exhaustif dans ce qu’il a à proposer. C’est un non pour l’Eurovision, mais le titre est d’une classe absolue.

Emmy Curl – Rapsódia da Paz
Quel drôle de morceau que cette rhapsodie de la paix. Ça part dans tous les sens, c’est expérimental au possible, entre jazz, pop et sonorités plus traditionnelles. Je sais que ça fait beaucoup, mais ne paniquez pas. C’est juste une chanson typique d’Emmy Curl. (Si vous détestez, sachez que vous y avez échappé de peu car je comptais l’envoyer au Quorovision). Emmy Curl est une artiste que je suis depuis 2020, et que je rêvais de voir au Festival. Je ne suis absolument pas déçue, car elle reste infiniment fidèle à son univers habituel et indescriptible. Une proposition artistique, avant-gardiste, dont je rêverais de voir ce qu’elle pourrait donner à l’Eurovision. Ça divisera, mais pour moi c’est un oui, assurément.

Fernando Daniel – Medo
Connaissant la popularité de l’artiste, j’avais peur qu’on se dirige vers un son pop commercial. Effectivement, le titre n’est pas de la première originalité, mais, mais, mais : il est excellent. C’est une très belle ballade à l’évolution profondément Italienne, ce qui n’est pas pour me déplaire. Cependant, je crains qu’il n’y ait plus unique pour l’Eurovision. On va lui laisser le bénéfice du doute, allez.

Henka – I Wanna Destroy U
Festival da Canção. Metal. Regardez-bien ces deux mots, regardez-bien comme ils ne vont pas ensemble. Et pourtant, et pourtant… Henka a pris le pari fou d’allier les deux. Et mon Dieu que ça marche! C’est la seule chanson en anglais du lot, »et on lui pardonne volontiers de ne pas chanter en Portugais. Surtout qu’elle n’y va pas de main morte, même au niveau des paroles. « JE VAIS TE BRISER LES OS !!! » (Je n’invente rien, c’est dans le texte). C’est si peu habituel de la part du Portugal, ordinairement tout doux et tout calme, le décalage serait absolument formidable. Les haters de Bambie Thug l’an dernier auraient à nouveau de quoi s’étrangler, mais les metalheads, les fans d’Evanescence et ceux qui n’assument plus leur période emo se rangeront tous autour d’Henka. Le pari est trop beau pour ne pas le tenter.

Inês Marques Lucas – Quantos Queres
Un peu de douceur, voulez-vous ? On en a bien besoin après l’ouragan Henka. Petite chanson électro-pop toute douce, un tantinet déstructurée, comme on en voit chaque année au Festival da Canção. Un peu trop sage pour l’Eurovision, mais très délicat et plaisant à écouter.

Jéssica Pina – Calafrio
Petite douceur pop-jazz aux sonorités chaloupées, là aussi c’est un classique du Festival da Canção. Le morceau remplit son office à merveille et séduira les oreilles des mélomanes, mais pour l’Eurovision c’est trop sage (même si très élégant). Rien de plus à dire, si ce n’est que vocalement Jéssica me rappelle Camélia Jordana, sans que je ne réussisse à m’expliquer pourquoi.

Josh – Tristeza
Cette année, je suis tombée amoureuse quatre fois durant cette saison des sélections. Lucas Bun, Joan Thiele, Lucio Corsi et Josh. Voilà les noms de ceux qui ont volé mon coeur par leur talent. Tristesa, c’est (comme pour Capital da Bulgaria), de la beauté à l’état pur. C’est aérien, c’est angélique, mélancolique juste comme il faut, porté par une instrumentale sublime et une voix divine. C’est le merveilleux mélange entre Grito et Amar pelos dois. C’est une chance légitime de remporter le Festival da Cançao, et peut-être même l’Eurovision. Le live va être déterminant, j’espère qu’il saura se montrer à la hauteur des attentes parce que cela peut être grand. Très grand.

Lucas Argel et Pri Azevedo – Quem foi?
Vous connaissez cette expression que les eurofans des réseaux sociaux emploient quand ils sont vexés du flop d’un de leurs favoris ? « Non mais laisse tomber, de toute façon c’était trop bien pour l’Eurovision ». Eh bien je crois que j’ai trouvé une chanson qui est objectivement « trop bien pour l’Eurovision ». Trop belle, trop douce, trop mélodieuse, trop habitée pour être appréciée à sa juste valeur par des non-initiés. La voix douce de Lucas (décidément s’appeler Lucas, c’est un présage de qualité cette année), seulement habitée d’un accordéon, murmure et vous enveloppe dans un moment aussi douillet que triste. C’est de la nostalgie. Non. Plus fort encore. C’est de la saudade. De la saudade en musique. Et cette émotion indescriptible en français est bien trop complexe pour que la ménagère tchèque ou le jury italien soient d’accord dessus. C’est un diamant brut, mais je vous en prie, préservez-le. Gardez-le bien au chaud au portugal. (C’est bien la première fois que je supplie qu’on envoie pas un coup de coeur à l’Eurovision).

Marco Rodrigues – A Minha Casa
Un morceau symphonique et théâtral qui m’évoque bien davantage un Disney ou un numéro musical de Broadway que la folie Eurovisionesque. C’est superbe, très beau à écouter, mais c’est totalement inapproprié pour Bâle. Qu’à cela ne tienne; le titre aura au moins sa place à l’ombre de ma playlist.

Margarida Campelo – Eu sei que o amor
Un Festival da Cançao sans jazz, ce n’est pas un Festival da Canção. Ce morceau m’évoque un slow. Ou un coup de foudre dans un restaurant. Mille et une images d’histoires romantiques passées et futures. Mais à nouveau, c’est à des années-lumières de l’Eurovision (où le jazz n’a hélas que très peu d’adeptes). Tant pis; ma playlist lui ouvre grand les bras !

Napa – Deslocado
Ah ça y est ! Je l’ai trouvé ! Le Volevo essere un duro du FDC ! Le morceau follement anglais aux arrangements finement ciselés!
Deslocado respire la sophistication, le charme à la fois dandy et timide d’un groupe talentueux au style indie et sans concessions, intemporel. Un voyage dans les années 60 comme je les aime, qui pourrait créer la surprise à la Love is On My Side. Je l’espère en tout cas.

PECULIAR – Adamastor
ATTENTION ! ATTENTION ! C’est ma chanson gagnante de l’édition. Si vous n’y aviez pas prêté attention auparavant, faites-le maintenant et montez dans le train de la hype avec moi. La voix grave du chanteur vous attrape dès les premières secondes, et vous ne vous attendez absolument pas au virage électro que le titre prend aussitôt. C’est un titre indescriptible, mystique et moderne, presque un chant de guerre épique. De quoi me rappeler Missio ou Imagine Dragons, mais à la sauce portugaise. Le potentiel de mise en scène est évident, et si c’est bien exécuté en live, ce sera pour moi une évidence, et le Portugal n’aura plus qu’à envoyer ce bel électrochoc.

Rita Sampaio – Voltas
Un morceau très envoûtant, mais à qui il manque le petit truc pour m’impacter comme Capital da Bulgaria dans le même genre. Reste une proposition de très belle facture, mais manque clairement d’impact pour l’Eurovision. Ça n’enlève en rien la beauté du tout.

Tota – á-tê-xis
Alors là je suis bien embêtée, parce que je suis incapable de dire si Tota est un homme ou une femme. C’est cette voix androgyne que j’ai remarqué plus que tout dans cette chanson. Une voix chaleureuse, avec un beau vibrato. Une voix qui grimpe dans les aigus puis retombe dans les graves. Une voix qui se fait plus théâtrale à mesure que la »chanson prend de l’intensité. Une voix qui perd le contrôle et part dans un éclat de rire. Si Tota habite déjà sa chanson à ce point en studio, son interprétation en live promet d’être explosive. J’ai hâte! Musicalement, on reconnaît la patte mélodique de Eu.Clides avec la grande présence de guitares et d’accords très méditerranéens (presque corses à certains moments). La mélodie s’autorise aussi quelques belles envolées lyriques (en particulier sur le pont). Un morceau indescriptible (à nouveau), où tout va se jouer sur l’interprétation.

Xico Gaiato – Ai Senhor!
Là aussi on joue la carte des sonorités traditionnelles, mais teintées de modernité, et ça vise juste ! Il y a potentiel pour une mise en scène très impactant, c’est tout à fait Eurovision-compatible tout en restant profondément portugais. Il y a à nouveau ce côté très hypnotisant, presque incantatoire, presque primitif. Un beau pari à ne pas laisser passer.

Conclusion
Loreen aime tout. Vraiment tout. Le Portugal est déjà assuré d’être dans son top 10 cette année. C’est si confortable de regarder une NF où tout lui plaît! Cependant, pour l’Eurovision, quelques évidences s’imposent : Henka, Josh, Peculiar, Diana Vilarinho et Xico sont, sur le papier, les options les plus appropriées pour l’Eurovision. Paris plus risqués mais de qualité, Emmy Curl et A Cantadeira sont en embuscade. Mais la satisfaction sera grande peu importe le titre choisi. Oui, même celui de Fernando Daniel !
Bon festival, et que le meilleur gagne !
Musicalement,
Juliette.









Henka pour nous représenter força Portugal Portugal vainqueur de l’Eurovision cette année le double avec l’Eurovision junior
Comblé je suis par cette sélection portugaise et… par cette analyse fine, intelligente, amusante et limpide des artistes en compétition cette année..
Effectivement, comme précédemment indiqué, le Portugal peut jouer » la gagne » avec des propositions réellement alléchantes !!!
Dès les premières secondes de Tristezsa, les poils. En un mot comme un seul. Winner !!
Une winning song enchanteresse et particulièrement à fleur de peau…
Une prestation scénique des plus originales, percutantes, étrange mais qui reste en tête tout le temps.
Capital of Bulgaria est dans la même veine : doucereux et voluptueux….
Une playlist des plus agréables et qui efface magnifiquement les bops faciles du nord de l’Europe et qui met en évidence une musicalité indispensable dans un concours international comme l’est notre chouchou.
Que ça fait du bien aux oreilles….
4 coups de cœur dans cette sélection : A cantadeira, Xico Gaiato, Josh et Péculiar.
J’avoue que A Cantadeira et Xico Gaiato comblent mes goûts pour les chansons vraiment atypiques et ethnico-tribales mais je ne les vois pas avoir une quelconque chance au consours.
Quant à Josh et Peculiar, ils proposent chacun un titre qui apporterait vraiment quelque chose de grand au concours en termes de musicalité, d’originalité et d’atmosphère.
En tout cas merci Juliette pour cette présentation. Le Portugal montre qu’il mérite lui aussi qu’on préserve son exception culturelle, loin des recettes formatées que l’on voit ici et là et qui contribue à l’appauvrissement musical du concours.
Je ne serai pas objectif car je n’ai pas eu le temps de tout écouter mais je suis vraiment curieux de découvrir Tristeza. J’ai écouté à plusieurs reprises cette chanson et je l’adore. Dès la première écoute j’ai été réceptif. Le Portugal a peut-être une chance de faire un classement incroyable cette année.