Dans le cadre d’une recherche de compréhension de certains faits de société, l’Eurovision Au Quotidien vous propose une série d’articles qui met en lumière la place des femmes dans le monde francophone de l’Eurovision par une série d’interviews de femmes investies dans ce milieu.

« Tiens, c’est marrant ! Je pensais qu’il y aurait plus de filles dans les journalistes », cette petite réflexion anodine fut prononcée par Sandrine, mon aidante, mon accompagnatrice de tous les instants et d’un point de vue beaucoup plus terre-à-terre, ma maman, étrangère complète à l’Eurovision et ses rouages, qui m’a vu me prendre de passion pour le concours en 2018 jusqu’à ce qu’il fasse petit à petit partie de mon quotidien, un intérêt spécifique, une obsession par moment, un moyen inépuisable de partir à la rencontre musicale de talents provenant de toute l’Europe.

Sandrine, c’est l’oeil extérieur, celle qui regarde le concours tous les ans lorsque nous sommes en famille, et écoute les chansons pour la première fois, avec cette candeur des non-initiés, de ceux qu’on appelle les « casual viewers » (ou les lambdas pour les francophones). Mais ce jour-là, Sandrine jouait son rôle d’aidante. Discrète, dans l’ombre, elle me servait de guide aux côtés de Rémi. Elle m’accompagnait au Stade de France pour découvrir maman en même temps que des millions d’eurofans au coeur battant. Ce n’était rien qu’une petite phrase de sa part, une description pour verbaliser ce qui m’entoure, comme elle le fait quotidiennement, une remarque faite sans animosité, un constat, une observation tout ce qu’il y a de plus factuel mais une lumière s’est allumée dans ma tête à ces quelques mots.

C’est un sujet qu’on aborde parfois dans la rédaction. Oui, nous avons la chance de compter beaucoup de rédactrices dans nos rangs. Ce n’est pas le cas de tous les sites (ce qui n’est pas un reproche, mais un fait, à nouveau). Marie, Betty, Lolotte, Audrey (qui n’est plus des nôtres mais qu’il est impossible de ne pas mentionner dans un tel contexte) et moi semblons faire figure d’exception dans un milieu où les figures les plus en vogue sont des hommes, et d’autant plus en France ! C’est William Lee Adams qu’on invite pour donner des points dans les sélections nationales ou parler d’Eurovision à l’international. C’est Fabien Randanne (au demeurant très pertinent et passionné) auquel on pense en tant qu’expert de l’Eurovision en France. Mais où sont les expertes ? Non pas que je veuille absolument que les femmes prennent le pouvoir, ni remplir un quota (j’ai toujours trouvé cela infiniment vexant d’être considérée non pas pour les compétences mais pour remplir un quota d’égalité de genre). Cependant, je me suis souvent demandée d’où venait cette différence.

Les Eurofans féminines ne manquent pas, certaines donnent même leur avis sur les réseaux sociaux, écrivent dans des rédactions, tiennent des chaînes YouTube, certaines ont même réussi à s’imposer comme des références; je pense par exemple à Alesia Michelle, qui fut (avec Wiwibloggs et ESCUnited) l’une de mes premières sources de contenu eurovisionesque lorsque je découvris les joies du concours en 2018. Oui mais Alesia est américaine ! Les eurofans qui ont su s’illustrer dans la communauté sont presque toutes internationales, à quelques exceptions près. Mais où sont les eurofans francophones ? Les rédactrices ? Les podcasteuses ? Les créatrices de contenu ? Elles sont là, bien sûr mais peu présentes et pas toujours mises en avant. Est-ce parce que l’Eurovision peine encore à avoir bonne presse chez nous, malgré nos bons résultats ? Pourquoi sont-elles en minorité lorsqu’il s’agit de s’exposer ou de crédibiliser le concours en l’évoquant publiquement ? Une incompréhension qui me saisit d’autant plus que le monde de l’Eurovision tire sa fierté de son inclusivité. La plupart des eurofans (en tout cas, de mon expérience sur les réseaux sociaux, donc ceux de ma génération) sont sensibles aux questions d’identité, d’égalité de genre, de féminisme aussi.

Nous ne sommes pas dans le monde du football ou de la beauté, où les codes sont bien présents, et où il est plus « logique » (vous noterez les guillemets) que le sujet soit abordé par un homme ou par une femme (même s’il arrive de voir des consultantes sportives ou des figures masculines parler de mode ou de maquillage). Ici, nous parlons de musique (toujours), de compétition (souvent), de géopolitique (parfois), d’enjeux auxquels tout le monde s’intéresse sans distinction. Il ne peut tout de même pas y avoir une hiérarchisation dans le traitement de l’Eurovision, encore moins de patriarcat, ce ne serait pas compatible avec les valeurs de la communauté.

J’ai longtemps réfléchi, perplexe. Comment aborder ce paradoxe sans tomber dans l’accusation, et sans arborer un militantisme qui ne me ressemble pas et que je fuis autant que faire se peut ? Et puis la solution s’est imposée lors d’une nuit d’insomnie. (Nota bene : les meilleures idées viennent au beau milieu de la nuit. Gardez toujours de quoi écrire sur votre table de chevet !). Puisque je suis moi-même incapable de trouver réponse à cette question, pourquoi ne pas demander leur avis aux principales concernées ? Quel est l’état de la place des femmes dans l’Euromonde francophone ? J’ai décidé de rester focus sur la Francophonie (car chaque pays a sa culture et sa perception différente, le sujet serait alors devenu bien trop vaste. Alors, comme dans un mémoire universitaire, j’ai réuni un corpus, un panel, un panorama de voix et d’histoires et de parcours, d’opinions tantôt diverses et tantôt complémentaires.

Ces Eurogirls, comme je les appelle, viennent de divers horizons. Il y a des rédactrices, des podcasteuses, des créatrices de contenu, des membres d’OGAE, et même quelques Eurofans n’ayant jamais pris la plume. L’Eurovision, elles l’aiment, elles en parlent, jusqu’à en faire des sujets de thèse. Je leur ai posé 10 questions, toujours les mêmes,10 questions pour comprendre leurs points de vue et je les remercie chaleureusement de s’être prêtées au jeu et d’avoir participé à cet édito qui, en cours de route, s’est transformé en enquête collective.

Voici donc les noms de celles que vous lirez dans nos articles suivants :

Betty (L’Eurovision au Quotidien)
Lolotte (L’Eurovision au Quotidien)
Marie (L’Eurovision au Quotidien)
Clémentine (Clemovision, créatrice de contenu sur les réseaux et podcasteuse)
Oranie (ex-Wiwibloggs et enseignante chercheuse étudiant l’Eurovision sous un prisme universitaire)
Margaux Savary-Cornali (ex-OGAE France et rédactrice de contenus liés à l’Eurovision)
Agathe (Just Baguette)
Camille (Just Baguette et OGAE France)
M. (eurofan sur Discord et Twitter)
Magali (eurofan sur Discord et Twitter)

À demain pour une première série de questions !

Crédit photographique: Eurovision Song Contest