Alexis, Marine et les deux Sterenn forment ensemble un quatuor décidé à hisser haut les couleurs de la Bretagne sur le toit du PalaOlimpico de Turin en mai prochain. En attendant, iels sont candidat·es à Eurovision France, c’est vous qui décidez, et nous leur avons dédié un portrait en début de semaine. Voici Alvan & Ahez en interview !

Ce sont Alexis et Marine qui se sont prêté au jeu de l’interview.

EAQ – Qu’est-ce que cela vous fait de participer à Eurovision France ?

Alexis – On est très étonné et très choqué dans le bon sens du terme. On ne sait pas encore ce qu’on fait dans l’aventure parce que tout s’est enchaîné très vite. On n’a pas trop l’habitude d’être au centre de l’attention de la sorte, donc c’est assez nouveau. On espère ne pas trop s’éparpiller, parce qu’on doit travailler d’ici le 5 mars prochain (l’interview a été réalisée la semaine dernière N.D.L.R.).

EAQ – Pourquoi vous appeler Alvan & Ahez ?

Alexis – Al-, comme Alexis, et -van comme Morvan, la fin de mon nom de famille !

Marine – Ahez, parce qu’on s’est toutes trois rencontrées à Carhaix. L’étymologie populaire de la ville est désignée comme Ker Ahez, littéralement « la ville d’Ahez ». Ahez est une figure mythologie bretonne à la fois décrite comme une espèce de déesse ou de figure mystique, et comme une sorcière. On aimait bien ce personnage, ainsi que la symbolique de notre rencontre, par rapport à laquelle Carhaix a une place dans notre cœur. C’était court et simple à prononcer également.

Comment vous êtes-vous retrouvés embarqués là-dedans ?

Marine – C’est une histoire rennaise. Alexis et moi nous sommes rencontrés dans un bar cet été. On faisait tous deux de la musique dans des styles assez différents. Je viens du chant traditionnel breton, comme Sterenn Diridollou et Sterenn Le Guillou, les autres membres d’Ahez. Alexis vient plutôt de la scène électro. Il avait une composition en stock dans son ordinateur et on s’est dit que cela serait intéressant d’ajouter des voix en breton chantées de manière traditionnelle. L’idée m’a plu. J’ai ramené mes collègues dans le projet et voilà.

Quel est votre rapport à l’Eurovision ?

Alexis – Pour moi, l’Eurovision est le programme que regardait ma grand-mère quand j’étais petit et que j’écoutais pendant que je jouais avec ma Game Boy à côté. À l’époque, les représentants finlandais étaient Lordi, le groupe de métal, et j’avais adoré ! C’est mon référentiel du concours.

Marine – Je me souviens avoir vu l’Eurovision chez des amis de mes parents quand j’étais ado. J’avais bien aimé. Par la suite, je suis partie en Erasmus en Espagne il y a trois ans et en tendances, il y avait les vidéos d’un gars qui commentait l’Eurovision. Cela m’avait fait marrer et du coup, on avait suivi l’Eurovision en 2019.

Alexis, tu parlais de Lordi. Des artistes ou des chansons vous ont-ils particulièrement marqué ?

Alexis – Pas vraiment. Pour ma part, ce sont plus des artistes et des carrières, comme celle de Bilal Hassani. J’avais trouvé cela très positif pour la communauté LGBT. Il y a eu aussi Conchita Wurst.

Marine – Elle m’avait également marqué.

Alexis – Des personnages ont émané de cette aventure Eurovision, et c’est pour le mieux. Cela véhicule des bonnes valeurs et fait bouger les choses, c’est très bien.

Vous vous êtes lancé dans cette aventure avec une proposition très singulière, Fulenn. Comment la décririez-vous ?

Marine – Il est vrai que ce titre est assez inclassable.

Alexis – Il n’a pas de codes. C’est sa force.

Marine – C’est qui nous avait séduit dès le début en écoutant les sons d’Alexis. Sa musique est traversée de plein d’influences différentes : l’électro, le rock, les musiques du monde … On s’est dit que cela pourrait être bien d’y ajouter du breton, parce que c’est notre langue maternelle aux côtés du français. On veut aussi montrer une image contemporaine de la Bretagne, qui s’inscrit dans son temps.

Alexis – La musique s’y est très bien prêtée aussi, parce qu’avec les instruments utilisés, on n’arrive pas à mettre de mots sur ce qu’on entend. Je dis souvent que c’est de la musique qui n’a pas encore été faite, parce que si elle avait déjà été faite, je me la passerais en boucle. On n’est jamais mieux servi que par soi-même, et Fulenn représente ce que j’aimerais entendre.

Marine, tu évoquais l’idée de donner une image moderne de la culture bretonne. La défense des cultures régionales est aussi au cœur du projet ?

Marine – C’est un sujet qui nous parle. On a souvent une image de la France assez clichée – d’autant plus à l’étranger – où on parle uniquement français, alors que notre pays est constitué d’une multitude de cultures et de langues. C’est cette diversité culturelle et cette richesse que l’on souhaite également mettre en avant. Chanter en breton, c’est un symbole fort dont nous sommes fiers. On espère parler également aux autres langues et cultures de France.

Alexis – Et au-delà de ça, il s’agit également de montrer son côté esthétique, car c’est beau d’entendre quelqu’un chanter en breton.  

Dans des styles différents, vous vous inscrivez dans une forme d’appétence de la France pour la musique bretonne avec Alan Stivell, Dan Ar-Braz, Tri Yann, Nolwenn Leroy …

Marine – C’est vrai depuis le concert de Stivell qui a été diffusé le 5 mars 1972, soit cinquante ans pile poil avant le prime d’Eurovision France 2022.

Alexis – C’est ouf !

Marine – C’est complètement fou comme symbole ! On l’a réalisé hier. On était bluffé. Les basses celtiques ont traversé la France et un peu l’Europe aussi. C’est ce qui nous a fait rencontrer d’autres cultures et langues celtiques, comme l’écossais, le gaélique, le gallois, cousines du breton. Le Festival Interceltique de Lorient est un peu né de cette mouvance là. Il n’y a pas énormément de musique bretonne et à chaque fois qu’il en sort, c’est de la musique traditionnelle. Or, chez nous, il y a des influences traditionnelles mais ce n’est pas de la musique traditionnelle qu’on propose.

Pouvez-vous nous parler du texte de Fulenn ?

Marine – Fulenn signifie à la fois « étincelle » et « jolie fille ». Le texte parle d’émancipation féminine. La chanson raconte l’histoire d’une fille qui danse autour d’un feu de joie à la tombée de la nuit. Elle embarque avec elle tout le monde dans la danse et c’est une personnalité assez lumineuse, qui danse en se fichant du regard des autres. Elle émet plutôt un message positif.

C’est un message essentiel pour vous ?

Alexis – Ah oui ! Ce sont des valeurs dans lesquelles on se retrouve tous les quatre.

Comment comptez-vous faire vivre ce titre sur la scène d’Eurovision France ?

Alexis – Bonne question ! Écoutez-nous bien : va l’incarner au maximum. On ne s’est pas beaucoup vu avec les filles, parce qu’il faut que nous soyons tous les quatre disponibles. C’est une formation assez nouvelle et on n’avait pas pu trop répéter ensemble. C’est pour cela qu’on n’était pas complètement prêt à la conférence de presse – y compris s’agissant de la mise en scène – et qu’on était clairement déçu de notre prestation. Mais nous savons ce que nous valons, nous sommes des perfectionnistes et le 5 mars, nous comptons vous proposer une prestation incroyable ! On espère que vous ne serez pas déçus.

Justement, quel est votre statut par rapport à la musique ?

Alexis – Je suis en passe de devenir intermittent du spectacle. Mon projet a été accompagné par les Transmusicales.

Marine – Je suis étudiante en Master 2 recherche d’espagnol et également en phase de devenir intermittente. Sterenn Diridollou est assistante de communication dans une association qui s’occupe de la diffusion et de la promotion des cultures bretonnes à Rennes. Sterenn Le Guillou est responsable jeunesse dans une MJC à Lyon. Trois rennais et une lyonnaise d’origine finistérienne !

D’où les difficultés d’organisation pour les répétitions ?

Marine – Si nous avons l’expérience de la scène et que d’autres ont celles de The Voice, comme beaucoup d’artistes, le projet Alvan & Ahez est plutôt récent. Cela nous demande un peu de temps d’adaptation et de prendre nos marques. Ce sont beaucoup de chamboulements pour la bonne cause et le plaisir, car on s’éclate sur scène !

Alexis – Même si on ne va pas à Turin, on est persuadé que la chanson Fulenn aura peut-être une belle vie. Dès à présent, on constate qu’elle commence à vous appartenir et que vous vous en accaparez. C’est une très bonne nouvelle.

Comment on gère cette nouveauté avec de surcroît l’étiquette de favoris ?

Alexis – On a un peu vu ça, mais on surtout constaté que c’était clivant. Soit les gens adorent, soit ils détestent. On a tous les quatre conscience d’être une proposition ovni par rapport aux autres. Sur le projet Alvan, j’essaie de faire une musique qui n’a jamais été faite, et là, le fait que cela soit reconnu par les gens me rend heureux et fier de nous. C’est déjà une petite victoire en soi. Quant à l’étiquette de favoris … Je ne sais pas. On ne fait pas de plans sur la comète.

Marine – Je ne la ressens pas trop personnellement.

Alexis – C’est de la musique, il y a de la place pour tout le monde.

Marine – Parmi les douze finalistes, il y en a pour tous les goûts. Nous sommes tous des artistes accomplis qui, chacun dans notre style, avons des propositions uniques et envoûtantes à leur manière. Et si Fulenn plaît, tant mieux ! (Rires) Après, favoris, pas favoris, ce n’est pas ce qui nous importe le plus.

Alexis – Ce qui est sûr, c’est qu’on est très content du résultat.

Quelque soit le résultat au bout, quels sont vos projets pour la suite.

Alexis – Continuer sur cette lancée. Déjà, nous aurons la surprise de savoir si on va à Turin ou pas. Déjà que représenter la Bretagne est fou, alors représenter la France, on ne l’imagine même pas tellement c’est incroyable. En tant qu’Alvan en tout cas, je vais continuer à sortir des chansons et des featuring, et j’ai des concerts de prévu. On va juste voir si je garde le kilt. (Rires)

Marine – Du côté d’Ahez, nous attendons un peu de voir ce qu’il va se passer avec Fulenn. Pourquoi pas continuer sur cette lancée, ou bien rester dans le milieu traditionnel … Cette expérience fait me rendre compte que j’ai aussi envie d’évoluer et d’écrire des choses qui ne relèvent pas forcément du traditionnel. Advienne que pourra ! Pour le moment, c’est compliqué de faire des plans dans la mesure où tout peut arriver et son contraire.

Pourquoi souhaiteriez-vous représenter la France à l’Eurovision ?

Alexis – On pense que Fulenn a tout pour représenter la France, notamment la modernité et le changement. On passerait de Barbara Pravi à Fulenn, ce serait incroyable ! C’est une véritable contre-proposition et quelque chose de différent qui représenterait très bien la France, dans le sens où il y a également eu une vague électro-ethnique avec Fakear, Deep Forest, Petit Biscuit ou Møme. Je pense aussi à Luc Besson, une autre référence française qui a représenté la France à l’international, car on peut retrouver quelques similitudes entre Fulenn et certains sons de la bande originale du Cinquième Élément.

Marine – On aimerait également représenter la diversité culturelle et artistique de la France qui est bel et bien présente, mais qui est souvent mise à l’écart. Et si on peut faire danser l’Europe, nous, ça nous va !

Un grand merci à Alvan & Ahez d’avoir accepté cette interview pour L’Eurovision au Quotidien. Rendez-vous samedi 5 mars prochain dès 21h10 pour les découvrir en direct sur France 2 aux côtés des 11 autres candidat·es d’Eurovision France, c’est vous qui décidez !

Merci également à Sébastien Arios (manager d’Alvan) pour l’organisation de cette interview.

Crédits photographiques : Cyril Moreau/Bestimages