_ap67844Le titre de ce compte rendu aurait pu paraphraser Eurovista : Celle que l’on n’avait pas vu venir. Car je vous le garantis sur ma vie : personne, absolument personne dans mon salon n’a vu venir Mariam Mamadashvili. Loin de là… Mais bon, déjà le 14 mai dernier, personne n’avait vu venir Jamala. Ce qui nous laisse deux possibilités : ou mes amis et moi sommes désormais trop vieux pour saisir la Zeitgeist de la décennie, ou l’Eurovision est entré dans une ère d’imprévisibilité totale… Plus sérieusement, que ce soit au Senior ou au Junior, 2016 aura été une année émaillée de surprises et de rebondissements, sans favoris évidents, à la compétition ouverte et au suspense insoutenable, merci le nouveau système de vote !

Donc, nous étions réunis à une encablure du Château de Laeken (là où résident Leurs Majestés Le Roi et La Reine), dans notre salon. Nous étions sept : trois sur le canapé de gauche, trois sur le canapé de droite et moi au milieu, l’oreille attentive. Les trois amis de gauche sont des novices de l’Eurovision : ils découvrent et apprennent. Les trois amis de droit sont des confirmés : ils maîtrisent les ressorts et les subtilités du Concours. Seize heures sonnent, les gaufres de Bruxelles maison sont servies, nous décollons pour La Valette.

Fort jolie vidéo d’introduction. Le canapé de gauche a envie de visiter Malte. Moi aussi. Premiers cris d’enthousiasme à la voix et à l’apparition de Destiny. Trop, trop fan de cette petite. Le budget est plus modeste qu’en 2014, cela se voit. Entrée sur scène des danseurs, qui nous vaudront bien des fous rires. Défilé des nations, les traditions sont respectées. Belle énergie, belle inspiration du Senior 2016. Un des danseurs ressemble à Thomas Vergara, perturbant. Ovation pour la candidate maltaise. Toujours les traditions. Explication pour le canapé de gauche de quelques ressorts du Junior, dont le désormais traditionnel hymne annuel interprété par tous les candidats.

Haie d’honneur pour Valerie Vella et Ben Camille. Valerie ressemble à une communiante. Ben s’est tartiné les cheveux de gomina. Plutôt l’impression qu’ils présentent le MESC que le JESC. Agrippés à leurs fiches, crispés, plutôt la galère que la croisière. Et l’anglais ! Même moi qui le parle comme une vache, j’ai tiqué. Ben disparaît derrière un drapeau. La prise de vue n’est pas optimale, la suite le confirmera. Introduction du Panel d’Experts. Première grosse controverse de la soirée : Christer Björkman, d’accord. Deux victoires et deux organisations du Concours à son actif et la responsabilité de la plus importante des sélections pour l’Eurovision, il est incontournable. Mads Grimstad, bon. Un chanteur d’opéra danois reconverti dans le management et qui travaille chez Universal Music spécialement pour les Concours Senior et Junior, pourquoi pas. Mais Jedward ? Il y a clairement conflit d’intérêt, non ? Ils ont participé à la sélection irlandaise pour ce Junior et donc à la victoire de Zena Donnelly. Bref, bref, bref. Le canapé de gauche s’interroge sur leurs cheveux. Oui, ils sont authentiques ; oui, c’est une de leurs marques de fabrique. Ceci étant dit et sur un plan plus eschatologique : à quoi sert vraiment ce Panel ? Mystère… Pour qu’il ait un poids déterminant, il aurait fallu qu’ils soient au moins dix ou alors que leurs votes comptent pour un tiers. Là, ils font de la figuration et me semblent à double emploi avec les Jurys. Là-dessus, le public est un peu mou, surtout dans les tribunes.

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Les cartes postales démarrent en douceur, elles vireront bientôt au drame. L’avez-vous constaté ? Au début, l’on a droit à des vues plutôt touristiques de Malte. À la fin l’inspiration semble manquer et les séquences étranges s’enchaînent où la jeunesse maltaise se balance et s’écrase des choses sur le visage : de la mousse, des cupcakes, de la poudre colorée et des substances visqueuses qui font penser à autre chose. Le canapé de gauche n’aura plus du tout envie de visiter Malte.

1. IRLANDE

Le logo s’efface et le caméraman apparaît. Première transition visuelle manquant de subtilité. Zena est jolie, les canapés s’accordent : elle chante fort bien. Puis les bottines surgissent à l’écran, cela casse le look. Le canapé de droite trouve que l’ensemble fait Reine des Neiges. Celui de gauche, qu’il manque quelque chose à l’ensemble pour se transcender. Un mauvais esprit assis au milieu résume : « Cela ne casse pas une brique. » Bonne ouverture, vite oubliée.

2. ARMÉNIE

Du poumon, beaucoup de poumon pour lancer une chanson étrange. Le salon est unanime : revival nineties. Étrange non de la part de pré-ados ? Ne sont-ils pas censés aimer le rap et l’électro ? Les fioritures vocales lassent rapidement notre auditoire. Le canapé droit tranche : « Trop de vibe, tue la vibe. » Changement de costumes venu de nulle part, just because. Anahit et Mary s’énervent de la corde vocale, nous poussent un petit cri final et s’en vont. Fou rire dans le salon, nouvelle fournée de gaufres.

3. ALBANIE

À moi, à moi, à moi ! C’est ma chouchoute à moi ! Ambiance première communion. La robe de Klesta fait rire, ses chaussures tout autant, jetons un voile sur le nœud dans les cheveux. Le salon concède : elle est minouche, on a envie de l’embrasser. Refrain. Klesta mouche les sarcasmes. Un silence s’installe. Consensus : voix impressionnante. Klesta se frotte l’œil. Controverse immédiate : effet spontané ou effet voulu ? Larme d’émotion ou poussière dans l’œil ? Là-dessus, petit mouvement du poing fermé et re-fou rire. Klesta est une mini-diva. Je le concède : elle ne gagnera sans doute pas, mais elle vient de marquer notre imaginaire collectif. Besoj et dashuri : vivement le 25 décembre !

Retour de Ben et Valerie. Espérons que la télévision maltaise ne les engage pas pour présenter le Senior, si d’aventure elle venait à le remporter. Début d’un running gag qui fera se gausser le salon durant les deux heures suivantes : en arrière-plan, les danseurs poursuivent leur chorégraphie, alors même que l’on n’entend aucune musique. Fausse bonne idée et effet raté.

4. RUSSIE

Oh mon Dieu ! Impression d’être à la fête de fin d’année d’une école primaire, sur le thème « Sauvons la planète ». Rendu à l’écran plus amateur que prévu, couronnes en papier alu, robes de hippies recyclées, chorégraphie pas synchrone et iceberg final : effets visuels ratés de chez ratés. La caméra n’est pas alignée : les gouttes d’eau manquent leurs objectifs. La, la, la, la, no, no, no, no, bref un Titanic Project. Sauf que… le bout du canapé gauche est conquis ! Petit cœur final, Papa et Maman doivent être fiers. Le bout du canapé gauche maintient son soutien, malgré l’opposition du salon. Le mystère de l’Eurovision a encore frappé.

5. MALTE

Représentante locale : la salle s’enflamme, il était temps ! Vue plongeante sur les amygdales de Christina et confirmation de la tendance saisonnière : du cri, de la vocalise, du contre-ut. Nos concurrents poussent la note haut, parfois trop haut, juste pour le plaisir. Ils nous ont trop écouté Mozart ou quoi ? Sur ce, on a perdu Christina. Elle a l’air un peu ailleurs. Moi, je la trouve un peu seule sur scène. Deux ou trois danseurs auraient été les bienvenus. Bonne chanson, mais le refrain ne décolle pas. Le salon est unanime : l’on n’a pas encore entendu le vainqueur. Re-plongée dans la bouche de Christina. Pas d’angine en vue. Discussions en aparté. Je m’interroge en moi-même : deviendra-t-elle une taularde du MESC ? Mmm, fort probable. Hein, quoi ? C’est fini ? Quelqu’un veut une gaufre ?

6. BULGARIE

Ah, en voilà une qui vit la chose intensément ! Très intensément. Très, très… Lidia est habitée par sa chanson. Elle nous donne tout de chez tout. Le salon l’accompagne un temps, se trémousse en cadence sur Magical Day. Mais rapidement, Lidia se fait voler la vedette par son bras et sa main gauche qui semblent dotés d’une vie propre. Les sarcastiques du canapé de droite se prennent à l’imiter, en agitant le bras dans tous les sens. Lidia continue d’y croire. Moi, plus trop trop. C’est le problème de regarder l’Eurovision avec des amis si lucides et détachés : ils repèrent tout de suite la faille. Là-dessus, la magie s’efface et l’on ne voit plus que le défaut en HD sur 32 pouces.

7. MACÉDOINE

Pour la première fois de la soirée, le silence s’installe dans le salon. Les deux canapés sont attentifs. Verdict : une excellente chanson, la meilleure jusqu’ici, très moderne. Enfin, le genre de chose que les pré-ados écoutent. Martija a l’air de concourir pour le Senior. Je révèle le résultat de notre petit sondage : la Macédoine est votre favorite. Tout le monde comprend. Mais la lucidité rapplique : la chorégraphie n’est pas au point et Martija n’exsude pas l’énergie et le dynamisme d’une supernova. Décidément, il manque une petite étincelle à l’ensemble. Le canapé de droite résume : c’est adulte, ce n’est pas Junior. Je continue d’y croire, mais le doute s’infiltre. Et si nous avions jugé le Junior sur les mêmes critères que le Senior ?

8. POLOGNE

Une chanson fort adulte, une interprétation fort mature, le Junior se hisse au niveau du Senior. C’est très polonais, tout de même. Le salon n’adhère pas. Olivia ne s’attire aucune critique, sa prestation vocale survole les standards de l’Eurovision. Il n’y a rien à redire sur rien, je suis impressionné. Mes camarades demeurent Teflon : toujours aucune adhérence. Ça n’accroche pas, ça ne colle pas.

9. BIÉLORUSSIE

Non, je ne peux pas. Je ne peux pas, je vous dis ! Je ne peux vraiment pas encadrer Alexander. Il ne m’a rien fait, le pauvre. C’est juste épidermique… Ses petits airs faussement rebelles, cette prétention qui transpire de tous ses pores, ses manières conquérantes, cette attitude à la Justin Bieber, cela me hérisse. Et vas-y que je me la joue, que je gigote dans tous les sens, que je marche sur mes danseurs, que je me dandine sur mon overboard. Raah, mettez-lui une claque ! Notez que son numéro est très, très efficace, bien filmé, bien exécuté, du matériel de vainqueur. Le salon est impressionné par la capacité d’Alexander de danser et de chanter en même temps, sans perdre de ses capacités vocales. J’avoue : j’ai prié secrètement pour qu’il se plante sur son damné overboard. Le Ciel étant bien plus impartial et honnête que moi, Alexander a terminé en beauté. Vivement pas qu’on le retrouve à l’Eurofest

AAAAAHHH ! POOOLIIIII ! Notre monstre sacré est de retour, la nouvelle reine de Bulgarie, mon artiste homonyme préférée de tous les temps ! État avance d’hystérie et de transe sur ma chaise. Prestation magistrale de If Love Was A Crime. Aux anges… Le parlement bulgare devrait modifier la constitution pour que Poli représente la Bulgarie chaque année au Senior. Ceux du salon qui étaient présents en mai applaudissent et fredonnent en chœur le refrain. Le canapé droit trouve qu’elle aurait vraiment dû gagner à la place de Jamala. Moi aussi, finalement. Là-dessus, espérons que personne ne songe à réinviter Valerie et Ben l’année prochaine. Ou alors pour un numéro comique…

10. UKRAINE

Comment tuer dans l’œuf toutes ses chances de réussite, malgré une bonne chanson et une solide interprétation ? C’est simple : imitez Sofia et chantez dans un parapluie ! Pas sous, pas à côté, non : dedans ! Dès que le dit accessoire apparut à l’écran, ce fut fini, terminé, over pour l’Ukraine dans le salon. Les canapés furent pris de fou rire, redoublé à l’apparition de l’air violoniste. Mais qui a eu cette idée ? Et quel rapport avec la chanson ? Quelle idiotie, quel gâchis ! Je sais bien que la télévision ukrainienne raffole des accessoires, mais là, il faut qu’ils se calment un peu. Mon Dieu ! Et s’ils allaient coller des accessoires à tout le monde, en mai prochain ? Imaginez l’angoisse : les concurrents obligés de chanter dans des roues de hamster ou des parapluies…

11. ITALIE

Keep it simple ! La télévision ukrainienne aurait dû prendre exemple sur sa collègue italienne : Fiamma et rien que Fiamma, habillée sobrement, pas d’accessoire délirant, pas de danseur tentant de lui voler la vedette, d’instrument dont les cordes ont été enlevées ou de chorégraphie « je vous mets mon pied derrière mon oreille ». Juste Fiamma et sa chanson, on vous dit ! Divine surprise : le salon est conquis. Silence total, six adultes fascinés par une pré-ado déclarant son amour à sa mère. Moi, je la joue mauvaise : la Fête des Mères est passée, là, non ? On m’intime l’ordre de me taire. Re-silence. Je me souviens que vous aviez classé Fiamma deuxième de votre sondage. Elle plaît donc. Se pourrait-il que l’Italie remporte une seconde victoire en trois ans ? Je scrute l’écran : verra-t-on la dite cara mamma ? Non, hélas. Dommage…

12. SERBIE

Ouh, la, la… C’est le cas de le dire… L’overboard est de retour pour cette prestation, cause directe d’un nouveau fou rire dans le salon. Certes la chanson est bonne, certes la prestation vocale de Dunja est irréprochable, mais que voit-on à l’écran ? Une pré-ado extrêmement mal fringuée qui roule d’un coin à l’autre de la scène, de manière assez approximative. Sa descente sur pied n’arrange que peu la situation. Là aussi, j’aurais ajouté deux ou trois danseurs. Débat : quels moyens les télévisions accordent-elles au Junior ? Forcément plus limités qu’au Senior. Tentation de ma part de juger sur les mêmes critères et de dire : payez-vous un(e) scénographe de talent. Raccourci facile et rappel de ça : un bon effet visuel fait autant, si ce n’est plus que trente-six overboard.

13. ISRAËL

Ce n’est déjà pas facile de monter sur la scène du Concours pour représenter votre pays devant la Terre entière, mais cela l’est d’autant moins quand le présentateur estropie votre nom. Notre ami Ben connaît un instant Marlène Charell : Tim devient Tom. Là-dessus, il s’enfonce en ajoutant que les participants ont attendu cet instant depuis des mois. Merci encore pour ce pauvre Tim-Tom… Ce dernier n’en pas l’air affecté. Sa prestation ne souffre aucune critique. La chanson est une grosse tarte à la crème. Le salon proteste : les jeunes d’aujourd’hui n’écoutent pas ça, tout de même ! Shir débarque et j’ai comme un déjà-vu. J’aime bien, je suis lâche : je n’ose pas l’avouer aux autres. Je balance les bras en cadence, je me prends un vent. Solitude…

14. AUSTRALIE

Le canapé de gauche découvre que l’Australie participe au Concours. Explications rapides, nostalgie de Dami. Si seulement… Bref, revenons à la réalité et à Alexa. Sa prestation est impeccable, la présentation visuelle manque un peu de dynamisme. We Are est une bonne chanson, mais le refrain ne décolle pas. Le salon reçoit l’ensemble assez favorablement. L’Australie a choisi une certaine sobriété. Et soudain, accident labial : Alexa nous avale un mot. Silence stupéfait sur les canapés et questions incrédules. Yaourt ? Yaourt ! Cela n’enlève rien au reste. Très mature, très fini, manque d’une accroche. Aurait-elle dû tracer la route sur un overboard ou chanter dans un truc renversé ? Non, certes. Alors ? Taguer un sac poubelle et le porter ? Tiens, tiens…

15. PAYS-BAS

Le pire, c’est que ça marche ! Kisses retient en une seconde l’attention du salon. Je monte sur mes grands chevaux d’éditrice de mode et je démolis ces costumes. Le salon trouve cela plutôt drôle. Controverse, débat, refrain et surprise générale : kisses and dancin, kisses and dancin, clap, clap ! Cela re-marche ! À fond, même. Le refrain et la mélodie sont si simples que dès la première écoute, tout le monde chante en chœur. Parlez-moi de voisins conquis… Le doute s’immisce en moi : persuadé que ce ne serait (toujours) pas l’année des Pays-Bas au Junior. Erreur : le salon apprécie beaucoup. Serait-ce ces réminiscences des années 80 ? Ou alors l’enthousiasme des trois demoiselles ? Re-mystère de l’Eurovision : l’alchimie de la formule gagnante est décidément impénétrable. J’y repenserai en mai prochain, lorsqu’une chanson que j’aurai sévèrement jugée au préalable remportera le Concours…

16. CHYPRE

Soucis de micro pour Ben, espoir que l’on ne l’entende plus de la soirée, déception : la technique repart. Et soucis de micro également pour George ? Non, mesdames et messieurs : c’est sa vraie voix ! Il y aurait de quoi pleurer : Dance Floor est une bonne chanson, dans l’air du temps, et sa présentation visuelle, fort réussie. C’est très Concours Senior, du coup, cela passe parfaitement à l’écran. Ah si seulement, on avait refilé ce morceau à n’importe quel autre concurrent de ce soir… Le salon est unanime : les précédents ont tous assuré sur le plan vocal. George est le premier à fauter : il le paiera cher. Pluie de sarcasmes, de huées et fou rire généralisé. Voilà Chypre enterrée, funérailles de première classe. Quelle idée aussi d’avoir sélectionné un môme qui chante faux…

17. GÉORGIE

On ne répètera jamais assez les avantages qu’il y a à l’Eurovision de passer en dernière position ET après un concurrent qui s’est vocalement planté… Mais en cet instant, nous étions loin de nous en douter. Le salon reçut Mariam dans un éclat de rire. Sa robe, sa robe ! Je propose à ma meilleure amie de s’en faire une pareille pour le prochain Bal des Vampires. Sarcasmes et soupirs : on se croirait dans un Disney, limite dans une comédie musicale. Mzeo n’inspire personne. Je suis perturbé par le kilo de beurre sur la mèche avant de Mariam. Le canapé de droite proteste (encore) : c’est déconnecté de la musique actuelle. Quelqu’un (qui ?) souligne qu’elle chante très bien. Et c’est vrai : sa prestation vocale est digne des plus grandes. Le canapé de droite lui reconnaît le mérite d’avoir résisté aux sirènes de l’anglais. De fait, l’on ne comprend guère que « mzeo ». Là-dessus, rideau sur les concurrents, les jeux sont faits !

Retour de Ben et Valerie, avec une robe qui lui sied un brin mieux. On n’ose imaginer ce qu’il serait advenu de l’Eurovision si ces deux-là avaient été contraints de parler en français… Parole aux experts. Mads est ébloui, tant mieux pour lui. Ceci dit : un col roulé, vraiment, Mads ? En 2016, à la télévision ? En novembre, à Malte ? Silencio ! Le Maître va parler ! Christer est partagé. Un peu comme moi… Incroyable : j’ai un point commun avec le Maître. Jedward marque un point : les concurrents de cette édition ont effectivement beaucoup de potentiel (même George, mais plutôt comme danseur). Je vous parie que dans quelques années, nous les retrouverons au Senior. La relève est assurée, les amis !

Justement, re-voilà l’espoir d’une génération : Destiny ! Le canapé de droit s’enflamme : enfin de la musique de jeune ! Fast Life est pile dans l’air du temps et Destiny atomise la soirée. C’est génial, elle est géniale ! Si, si seulement, nous pouvions avoir ce genre de morceaux au MESC et au Senior ! Nous serions sauvés et les contempteurs du Concours iraient rôtir en Enfer (le troll du journal Le Soir le premier). Sans compter que Malte remporterait enfin le micro de cristal…

C’était prévisible : Jedward envahit la scène. Les organisateurs n’ont encore rien compris : c’est à Christer qu’il fallait demander de chanter ! Là, au moins, on aurait ri (souvenez-vous) ! Plus sérieusement, Hologram est une bonne chanson. J’aime bien. La prestation vocale des jumeaux irlandais est comme attendue : pathétique. Le salon s’interroge : comme ont-ils pu faire carrière avec des voix pareilles ? Mystère… Forcé de préciser qu’en 2011, ils ont terminé huitièmes. Merci les choristes…

Ben et Valerie, comment dire ? Ils sont censés avoir répété leur présentation, non ? Je veux croire qu’ils ont eu le temps de relire leurs fiches et de les apprendre par cœur. Les voilà incapables d’arriver au bout de leur texte. Quel est leur problème ? Est-ce l’anglais ? Est-ce le stress ? Tout cela est oublié en un éclair, grâce à Destiny. C’est plutôt elle qui aurait dû présenter ce bazar. Je parie qu’elle s’en serait mieux sortie… Le remix de Not My Soul est excellent et la chanteuse réduit à néant la concurrence. C’est un crime majeur qu’elle n’ait pas chanté à Stockholm, en mai dernier ! Limite, elle aurait dû remplacer Justin Timberlake. Bref, en trois minutes, elle fait oublier tous les gagnants précédents du Junior. Et les prochains vivront dans son ombre…

Question subsidiaire : Ben et Valerie arriveront-ils à bout de la procédure de vote ? Seront-ils les Toto Cutugno et Gigliola Cinquetti du Junior ? En attendant, nos concurrents nous offrent un moment 100% pur Eurovision : ensemble, sur scène, ils interprètent une chanson commune We Are. Voilà une idée qui devrait être reprise au Senior. Persuadé que les concurrents arméniens et azerbaïdjanais seraient ravis…

Le récapitulatif ! C’est l’heure de choisir son camp pour le salon. La majorité des voix se porte sans hésitation aucune sur… Fiamma et son Cara Mamma ! Ce choix rejoint assez le vôtre, puisque vous aviez placé l’Italie en deuxième position. Raisons invoquées : simplicité, authenticité, émotion, message universel, esprit Junior. Surtout, les canapés ont particulièrement aimé l’absence de prétention adulte de Fiamma. Elle ne cherchait pas à imiter le Senior. Et puis l’italien aussi, une si belle langue… La palme de la chanson la plus infectieuse revient, elle, sans conteste à Kisses and dancin, kisses and dancin, clap, clap !

Jon Ola Sand est au balcon, il demeure muet. Remerciements du superviseur adjoint, Gert Kark (oui, oui, grosse galère pour retrouver son nom sur Internet) et confirmation attendue de la validité des résultats. Ouf ! Lancement de la procédure de vote et moment le plus douloureux du Junior : l’annonce des résultats des jurys par des mômes présents dans la salle. Pire qu’une coloscopie… Personne n’a-t-il songé à leur dire qu’hurler est inutile ? Jésus, mes pauvres nerfs ! L’année prochaine, l’UER devrait engager Katharina Bellowitsch pour les coacher : bonsoir-bravo-les-points-au-revoir d’un ton égal et professionnel. Plus encore : des enfants qui annoncent les résultats des jurys adultes, bonjour la confusion ! Le salon est perdu, moi-même, je n’ai plus où l’on en est ! Ca hurle, ça part dans tous les sens, la Géorgie s’envole, du mal à y croire, les Pays-Bas s’accrochent, Gaia Cauchi est devenue une ado, snif, la Biélorussie troisième, dégouté ! Le salon ne comprend pas : qu’est-ce que les jurys adultes ont pu autant aimer dans Mzeo ? L’Italie vote à rebours des autres, hilarant. La Géorgie prend une avance quasi impossible à rattraper. Délire dans la salle lorsque l’Australie attribue douze points à Malte. L’Arménie est revenue en deuxième position. Avons-nous regardé la même émission ?

Au tour du Panel d’Experts… qui ne sert pas à grand-chose, question pondération. Mads attribue un point à la Géorgie et douze à l’Italie, rejoignant curieusement le vote du salon. Christer se découvre une passion pour l’overboard. Son vote ne me surprend pas : il a toujours eu un faible pour les prestations totales où l’interprète chante, danse, balance des gimmicks, disparaît derrière des effets spéciaux, tout en courant sur un fil à travers des cercles de feu et en préparant des soufflés. Les Jedward se sont souvenus de leur prestation de 2012 et attribuent douze points à la Russie. Tout ça pour ça : le tableau final a peu bougé.

Ce système de vote est superbe et terrible à la fois. Quel suspense ! Mon cœur a battu comme en mai. Certainement plus rapidement que celui du public présent dans la salle… Gros plan sur la tribune : les adultes ont la tête vaguement ennuyés des parents obligés d’accompagner leur progéniture au concert d’une idole dont ils ignoraient jusqu’à l’existence même. Les sept premières annonces ne changent strictement rien : les enfants et les adultes ont voté de manière identique. Ouh, la, la, la, la, la Serbie finira dernière. Cri du cœur dans le salon : c’est Chypre qui aurait dû ! Ma petite minouche à moi, ma Klesta, est reléguée. Votre favorite, Martija, passe elle aussi à la trappe. Les enfants n’ont pas suivi Christer, Alexander est éliminé de la compétition. Les concurrents restent positifs malgré tout. Bon esprit et nouvelle surprise ! La Géorgie se classe sixième. Sera-ce suffisant ? Suspense à couper le souffle. Hélas, trop nul en maths que pour établir à chaud une prévision. Le décompte se poursuit : l’Australie, l’Italie et la Russie échouent à accumuler suffisamment de points que pour dépasser la Géorgie. Le salon tombe des nues : ces enfants qui votent ont placé en tête l’Arménie et Malte ! Dans quel univers vivent-ils ? Malte se hisse jusqu’à la cinquième place provisoire. Tout va se jouer entre la Géorgie et l’Arménie. Quel choix, merci bien ! Bon à tout prendre, je me résigne pour la Géorgie. C’est tout de même plus classieux que les deux autres donzelles égarées dans une décennie qu’elles n’ont visiblement pas connue… Et c’est la Géorgie qui l’emporte pour sept points, grâce au soutien massif des adultes. Hum… Tout cela confirme une tendance de plus en plus marquée au Junior : la meilleure voix l’emporte. Pourquoi pas ? Mais cela ne fait pas avancer d’un pouce le schmilblick de la modernité musicale…

Mariam nous fait un petit Marie Myriam, se laissant désirer sur la scène. Ben et Valerie moulinent et comblent le vide un peu embarrassant. Silence et Mariam surgit enfin des coulisses. Ciel, elle est toute petite ! Elle a l’air fort émue. Le trophée ressemble à un projet d’architecte pour un escalier hélicoïdal. Destiny ne sait pas où aller. Les autres concurrents embrassent la gagnante. Voilà une très très belle image. Elle m’a beaucoup émue. C’est l’esprit de l’Eurovision : ni haine, ni rancœur, juste des chansons et de la fraternité. On devrait faire cela aussi au Senior. La reprise porte le Junior aux nues : un véritable moment de grâce et une leçon pour la Terre. La pauvre Mariam est trop émue, trop perdue, elle se perd. Les autres viennent à sa rescousse et chantent à sa place. Mariam se reprend, sublime. Mzeo se hisse au rang de culte. Le Junior écrit son histoire…

Tout cela m’a presque donné envie d’avoir des enfants… Presque… Conclusion du salon : c’était un excellent moment, un excellent moment d’Eurovision, de chansons, de télévision et surtout, c’était un excellent moment passé entre nous. Amitié, convivialité, discussions, controverses, partage, merci l’Eurovision !

Voici mes conclusions personnelles. Ce que j’ai particulièrement aimé et trouvé réussi, tout d’abord. La scène et les animations graphiques étaient fort réussies. Le bruitage d’écriture manuscrite lors de l’apparition du logo à l’écran m’a vraiment plu. J’ai été conquis par les concurrents. Ils nous ont offert l’image d’un monde pacifié. Ils se sont montrés professionnels et hormis George, ont été éblouissants vocalement. La qualité des chansons m’a marqué. Le Junior s’élève. L’ambiance m’a emporté et la procédure de vote est décidément redoutable. Je l’apprivoise, elle me plaît pour l’intense suspense qu’elle procure. Les vidéos et les cartes postales étaient fort bien produites. Avoir choisi Poli et Destiny pour les entractes était une excellente idée. L’émission        était au final dynamique, moderne et diablement attractive.

Ce que j’ai nettement moins aimé et trouvé raté, maintenant. La salle était trop petite. Du coup, le public était trop restreint et les angles de caméra, trop limités. Les deux présentateurs n’étaient pas au niveau escompté. Ben s’est perdu dans son texte, Valeria a pédalé dans la semoule à cause de l’anglais. Ces deux points n’ont qu’un impact limité. L’an prochain, le diffuseur organisateur remettra ces problèmes à plat. En revanche, l’UER devra sacrément réfléchir sur la procédure de vote. Supprimer le télévote me semble être une erreur. Franchement, un Eurovision sans télévote, c’est comme une pizza sans mozzarella : il y manque un ingrédient essentiel. Par ailleurs, le Panel d’Experts est un appendice inutile. Sans compter que recruter des personnes ayant été juges dans une sélection nationale, laisse planer le doute sur leur objectivité. À revoir, donc…

Bref, le Junior a de l’avenir ! Il lui faut à présent poursuivre sa professionnalisation et se créer une identité forte. Son attractivité augmentera et par effet mécanique, sa popularité. Vivement l’année prochaine !

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