Je n’avais jusqu’alors aucun goût pour la gênance, n’étant moi-même pas une personnalité prompte à générer de la gêne envers mes interlocuteurs. Si j’avais pensé que mes D-Angels s’en seraient donnés à coeur joie de la sorte …

Générique

Kärleken, Kärleken


16 heures. Je rentrais de mon jogging quotidien destiné à entretenir l’endurance de mes jambes et la sveltesse inébranlable de mon corps de déesse. Cristina Cordula au placard, et le Docteur Bénichou avec, pour être une eurodiva digne de ce nom, il faut ce qu’il faut, et c’est avec plaisir que je souffre pour être belle, moi la plus flamboyante des eurodivas. Ana Steele ne prenait-elle pas de plaisir dans la souffrance en même temps ? No comment. J’avais lâché mon cher Cesar depuis un bon moment déjà. Je me demandais réellement s’il était coach sportif pour ne pas être à ce point en mesure de suivre mon rythme effréné de course. Décidément, j’étais bien mal entourée, à moins que ce ne soit moi qui rayonne trop pour ces individus trop modestes ? Si Aunt Kapitolina m’entendait, elle me corrigerait de penser de la sorte : on n’est jamais trop lumineuse, à commencer par moi-même. Oubliez les lampes UV, du moment que Davidna est là, elle vous garantit un bronzage naturel 365 jours par an, et ce au simple coût d’un séjour dans un palace à Alexandrie, si vous manquez de moyens financiers, une simple bouteille de champ les doigts de pied en éventail dans un king size bed du George V suffira amplement, restons simples et groupés.

En arrivant devant la Villa, quelle ne fut pas ma surprise de retrouver Cesar m’attendant dans l’allée centrale en train de procéder à ses étirements, le buste délesté de son débardeur fort seyant ? Il avait tellement calé pendant le sprint final qu’il était juste impossible qu’il soit arrivé avant moi. A coup sûr, il avait loué l’un des hélicos de la Baronne Von Brandstetter pour me la faire à l’envers. Pas très sport comme attitude, d’autant plus qu’il brandissait déjà son impitoyable fouet sur les rebords de ma piscine pour m’infliger une heure de torture musculaire que même les All Blacks n’auraient pas supporté, et pourtant il y en a de la bidoche là-dedans. Et vas-y que je te bouffais des pompes, des abdos, des jumping jacks, des burpees, des fentes et autres réjouissances, par dizaines, par centaines, presque par milliers si je ne le menaçais pas d’hydrocution avec mon motoculteur de combat. Qu’il n’oublie pas que je suis une fille de la campagne et que je maîtrise les engins à la perfection. Bref. Je passe sur les détails, parce que je tiens à l’honneur de mon subalterne, le tout est qu’après l’effort, le réconfort, et c’est tout naturellement sans lui que je rentrais à la maison. À Davidna les massages dans la véranda, à Cesar le rangement dans la cabane de jardin : j’ai en effet pour principe élémentaire de ne jamais faire pénétrer mes sous-fifres les plus modestes dans la pièce principale, sauf si les circonstances l’exigent, à savoir mon consentement.

Je me dirigeais alors vers la Royal Davidna Bathroom telle Charlize Theron dans la publicité pour Dior, au son de ma grande amie Lolita Zero (que j’avais répudiée après qu’elle m’ait littéralement plagiée sa performance à l’Eurovizijos Atranka 2017 – qu’elle commence par prendre des cours de chant avant de venir me faire la leçon, cette folle), j’avais une pensée émue pour la branche carolomancienne du Secours Populaire. C’est en effet à elle et à elle seule que je dois le revêtement unique de ma tenue de fitness aussi inimitable que moi. Je me rappellerai toujours de l’affront qu’avaient osé me faire ses bénis oui-oui, en m’invitant à participer à un concert « gratuit » (c’est-à-dire non rémunéré) pour ses membres. J’avais pourtant précisé qu’une notoriété telle que la mienne se rémunérait chèrement, quelle que fut la cause, a fortiori si elle est noble aux yeux du commun des mortels : je ne fais pas du social, moi, sauf pour les phoques du Groenland que je sauve des griffes des chasseurs en les chassant moi-même, n’est pas la Bardot qui veut. Je ne me laissais pas faire, et une nouvelle fois, ça n’avait pas plu : j’en prenais vivement note en dérobant à ma manière pas moins de la moitié du stock de conserves de maïs Saint-Eloi afin de nourrir les D-Angels, ce au détriment des usagers, bien entendu, auxquels je laissais quelques peanuts, et en avais profité pour piquer quelques couvertures de survie en vue de mes nuits à la belle étoile dans les oasis marocaines, entre deux dromadaires trouvés asséchés à la palmeraie tout aussi asséchée de Marrakech la Suprême, où je possède un riad dans lequel je me fais ventiler à coup de feuilles de bananier par quelques poivrots découverts sur le bord de la nationale défoncée par les troupeaux de bovins. C’est ainsi que les dites couvertures devinrent un accessoire de mode salué de tous, y compris dans la Médina, dont je me délestais petit à petit avant d’entrer dans la pièce du vice : la RDB, comme KGB.

La Royal Davidna Bathroom … J’aimais m’y prélasser de longues minutes dans mon immense baignoire à jets, en me couvrant généreusement les jambes de mousse au chocolat noir El Inti du Pérou (glané à la force de mes biceps et du dos du personnel local que je dynamisais à coup de feuilles de coco et de bâtons de bambou), après avoir au préalable vidé un flacon d’Embruns d’Ylang de Guerlain, cette vieille Coco Chanel étant devenu has been depuis que je découvrais ma cousine Ana-Vittoria s’en badigeonneant généreusement les aisselles flétries avant de s’occuper des crevasses de mon oncle Giuseppe tout droit rentré de ce bazar qu’on appelait la saloperia, où il vendait les quatre pauvres bols en céramique qu’il trouvait le temps de confectionner avec son tour de potier entre deux verres de Martini. Ah les joies de l’Italie du Sud … Heureusement, il suffit d’une simple descente dans mon toboggan estampillé Silvia Night pour profiter d’une bonne une coupe de bianco à la main (pour un fois que j’optais pour un plaisir de bas étage), charlotte sur la tête lorsque je ne jugeais pas utile de toucher à ma chevelure davidnesque. It’s Congratulations !

Derrière une porte se cache l’escalier menant à l’espace balnéo sis au sous-sol, dans lequel j’ai fait installer un sauna et un hammam à la sueur du front de plombiers polonais que j’hydratais à coup de goulache hongrois que leur versais avec autorité, ce qui les surprenait étrangement, mais pas autant que l’absence de croûtons à la tomate séchée de Provence – et pourquoi pas du caviar aussi, non mais. Je n’ en autorisais évidemment la réservation que sur demande manuscrite motivée, avec vérification des antécédents judiciaires (je n’ai guère d’appétence pour les manipulateurs) et depuis peu prise de température : je tiens à la bonne moralité de cette maison. Les D-Angels étaient en général suffisamment disciplinés et à mon écoute pour que je leur en laisse la clé tous les mois à tour de rôle, à la seule condition qu’ils me supplient au préalable en position quadrupédique et surtout qu’ils y rentrent en solitaire, je ne suis point niaise pour connaître les méfaits de la collectivité, surtout en temps de guerre, comme nous le dit le Président qui n’avait pas même daigné me faire chanter la Marseillaise devant la pyramide, fils ingrat dont je ne suis pas la mère, merci Céline. À Mireille Mathieu, les chants patriotiques, à Davidna, la pôle position des charts et des écoutes Spotify. Je consentais alors à m’abaisser à utiliser la modeste salle d’eau privative de ma chambre, avec sa douche à l’italienne également d’inspiration mauricienne et son code d’accès unique …

Kostas m’avait pourtant bien prévenu (nous échangions tous deux en grec pontique, que je maîtrisais sur le bout des doigts depuis que j’avais coaché Argo) :

– Davidna ! Vous qui avez si peu d’appétence pour la coco-dance, pourquoi en avoir fait votre mot de passe ?
– Enfin Kostas, pauvre con ! C’est parce qu’il faut justement se lever tôt avant d’y penser ! Même moi j’avais oublié son existence.
– Certes, mais quand même, avec le génie qui est le vôtre, j’aurais sans hésiter choisi Pépita Davidna !
– Mmmh Kostas tu sais me parler toi, tiens finis les Curly du Pas de la Case, ils sont périmés de six mois.

Le meilleur d’entre eux et il a préféré me lâcher pour sa Grèce natale, le salaud. Au moins avait-il fait les choses bien et reconnaissait-il mon talent avec ferveur et réalisme … Mais ça, c’était avant qu’il me colle un procès pour lequel j’ai payé très cher, ah maudite année 2014 ! Il faut dire qu’il me prenait tellement cher le coquin que son choix de privilégier la situation économique déplorable de son pays au luxe de mon foyer ne m’a pas fait pleurer bien longtemps : grâce à son départ, j’ai même pu investir dans un chalet à Cortina d’Ampezzo, et face aux pistes s’il vous plaît ! À moi les petits hollandais haha !

Pépita Davidna Text och music : Davidna Lamburosco

(Composition : couplets sur fond de musique exotique façon Compagnie Créole, intermèdes et refrain électros)

Version originale

(premier couplet)

Yo lo sé que tu quieres mas, chiquito
Pero no tengo el tiempo – rococo
Estoy occupada abriendo
Las llaves de mi paradiso

Porque, porque, porque, dime que gloria
Quieres, quieres, quieres, quieres,
mas -dre mia !
Tienes el sol antes tu ojos
Y sabes que se llama Davidna


(intermède)

DA – VID – NA

DA – VID – NA

Por Dios, soy Pépita

Soy Pépita Davidna


(refrain)

Soy la sal de la vida
Soy el fuego de los peccadillos
Maravillosos
Soy la Sierra Nevada
El boli de la indulgencia
Me llaman Pépita Davidna

(deuxième couplet)

Yo lo sé que me espera mucho, Pollito
Me cabreaste lo suficiente
Me torturas y no puedo mas
Si tienes una pequeñita

Veras, veras, veras que madera caliento
Porque, porque, voy a patear
tus bolas
Tu cielo va a volver tu infierno
Cuando llegara la Davidna

(intermède)

DA – VID – NA

DA – VID – NA

Santa Pilar, soy Pépita

Soy Pépita Davidna


(refrain)

Soy la masa del pasillo
Soy el fuego de las torturas
Guatemaltecas
Soy la Junta Suprema
La proxeneta de la masedumbres
Me llaman Pépita Davidna

(troisième couplet exotico-électro)

Has visto, visto, visto, la pantera
Descubriste, briste, briste, la Pépita
El fantasma de tus noches oscuras
Que te mantene encadenado

(intermède)

DA – VID – NA

DA – VID – NA

Maria Dolorès, soy la Pépita

Soy Pépita Davidna


(refrain)

Soy la oscura de tu sonrisa
Soy el fuego de los malditos
Generosos
Soy la Doña Patricia
La gogo de los psicóticos
Que me llaman Pépita Davidna

Traduction

(premier couplet)

Je sais que tu en veux plus, mon petit
Mais je n’ai pas le temps, rococo
Je suis occupée à ouvrir
Les clés de mon paradis

Parce, parce, parce que, dis-moi quelle gloire
Tu veux, tu veux, tu veux, tu veux, plus, mamma

mia !
Il y a le soleil devant tes yeux
Et tu sais qu’il s’appelle Davidna

(intermède)

DA – VID – NA

DA – VID – NA

Par Dieu, je suis Pépita

Je suis Pépita Davidna


(refrain)

Je suis le sel de la vie
Je suis le feu des pécadilles
Merveilleuses
Je suis la Sierra Nevada
Le stylo de l’indulgence

On m’appelle Pépita Davidna

(deuxième couplet)

Je sais que tu m’attends beaucoup petit poulet
Tu m’as assez énervée
Tu me tortures et je n’y peux rien
Si tu en as une petite


Tu verras, tu verras, tu verras de quel bois je me chauffe
Parce que, parce que, je vais te donner un coup de pied
dans les couilles
Ton ciel va devenir ton Enfer
Quand arrivera la Davidna

(intermède)

DA – VID – NA

DA – VID – NA

Sainte Pilar, Je suis Pépita

Je suis Pépita Davidna


(refrain)

Je suis la masse du couloir
Je suis le feu des tortures
Guatémaltèques
Je suis la Junte suprême
La proxénète de la mansuétude
Ils m’appellent Pépita Davidna

(troisième couplet exotico-électro)

Tu as vu, vu, vu la panthère
Tu as découvert, vert, vert, la Pépita
Le fantôme de tes nuits obscures
Qui te laisse enchaîné

(intermède)

DA – VID – NA

DA – VID – NA

Maria Dolorès, je suis la Pépita

Je suis Pépita Davidna


(refrain)

Je suis l’obscurité de ton sourire
Je suis le feu des maudits
Généreux
Je suis la Dame Patricia
La gogo-danseuse des psychotiques
Qui m’appellent Pépita Davidna

Mais avant ça, je n’étais plus qu’à deux pas de la porte de la Royal Davidna Bathroom, et quel boucan en sortait ! Ma mère ! Mais qu’est-ce que c’est que ce foutoir ? Je ne suis que trop expérimentée pour savoir que lorsque le chat (en l’occurence la chatte) n’est pas là, les souris dansent, et je peux vous dire que je suis une professionnelle en la matière, ayant évité de justesse quelques gardes à vue pour de sombres histoires de trafic d’influence dans le dos de l’entreprise familiale dont je me vois forcée de taire l’activité à ce jour. Mais ne me dîtes tout de même pas que mes Anges ont encore profité de la situation pour occuper la salle de bains ! Ah les vilains ! C’est qu’ils vont m’entendre ! Ça va gueuler, mais ça va gueuler à un point inimaginable, parce que je ne suis pas d’humeur à patienter pour détendre mes sphincters et m’offrir un petit spa avant la douche. Comme si je n’avais que ça à faire, moi qui suis à deux doigts de l’arrêt de travail pour surmenage mais bien assez forte pour ne pas perdre de vue mon objectif premier … Je suis déjà bien gentille de les laisser faire mumuse dans la piscine jusqu’à pas d’heure au détriment de la qualité de mon sommeil inexistant (bien que je dispose de l’arme fatale pour leur imposer le calme – et hop une petite gélule de somnifères dans le macaron ni vu ni connu, à condition que ce ne soit pas moi qui les ingère par erreur…) : moi qui pensais avoir affaire à des hommes au meilleur de leur condition lorsque je les ai négociés à prix coûtant auprès leurs précédents employeurs (Ictimai, je vous retiens), je me coltinais des gamins. Moi qui ai fait le choix délibéré et assumé de ne pas en avoir au mépris des injonctions inacceptables que la société fait encore aux femmes en la matière, je pouvais dire Madame est servie. Et en plus, il y a déjà de la flotte partout dans le couloir ! Non, mais ils se foutent de moi ou quoi ? Et c’est qui qui va nettoyer ça en plus ? C’est qui ? C’est Kiki ? Danielsson ?

Kikki Danielsson: "Melodifestivalen used to be better" - ESCXTRA.com

À moins que … Eurêka ! C’est Kiki, c’est … GIFI ! Et bien non ! C’est Bibi qui va en prendre pour son grade de nettoyage ! Mais depuis quand il y a t-il écrit sur le front de Davidna l’étrange expression « technicienne de surface » ? Non mais ! Comme si je ne payais pas déjà les D-Angels pour ça …

Mais ne t’énerve pas Davidna, Hold On Be Strong, laisse-toi accompagner par ton karma occidental, herborise toi les narines comme te l’as dit ton précepteur hippie à l’époque du secondaire et invoque ta scimmia nuda balla, prend une profonde inspiration, et not a last breath, enchaîne les inspire-expire avec la majesté qui t’es propre, libère tes chakras et fait remonter ton kunda ni-ni, Namasté allez, et ouvre la porte de ce paradis perdu que tu t’apprêtes déjà à retrouver, toi l’Athéna conquérante, chasseuse de têtes en quête des jouissances de la vie et de l’esprit.

En toute élégance et avec l’humilité qui me caractérisent, comme tant et tant de mes admirateurs me l’affirment dès lorsqu’ils parlent de moi partout dans les rues (et que les gens y sont nus), je fis une entrée fracassante dans la salle de bains. Je m’apprêtais à toucher mon palmier comme l’on s’appuie sur la grotte de Lourdes pour prier Madonna Louise Ciccone, lorsque je me fis aéroglisseur sur le carrelage bondé d’eau et de mousse, celle-ci arrivant à moitié mur de la pièce. Je manquais de m’assommer contre la porte-fenêtre, au risque de fendre mon crâne en deux, pestant contre le plombier à qui j’avais pourtant demandé de régler au mieux les canalisations de mon jet, lorsque … lorsque …

WHAT THE PHOQUE ?

Non, mais je rêve !!! DITES-MOI QUE JE RÊVE !

Je n’en croyais pas mes yeux. Je convoquais l’esprit de la vivante Rita Yahan-Farouz, patronne des cas désespérés comme le mien, mais était possédée par celui du mâle Mal. S’il y a des rodweillers dans les parages qu’ils m’achèvent au plus vite, enfin qu’ils me laissent juste préparer le concours, parce que je n’étais pas en mesure de me permettre le luxe de ma propre disparition, dans la fleur de mes plus beaux atouts. Et que la scène méritait tout de même d’être scrutée avec attention de mon oeil expert.

De ce que je voyais ou de ce que j’entendais, je ne savais pas ce qui dépassait le plus l’entendement.

Tous. Ils étaient tous là. Luca. Sergey. Tooji. Judah. Miki. Chirgiz. Jurij. Imri. Vaclav. Luka Nizetic. Iasonas. Fruelas. Fernando Daniel. Oscar Loya. Haret. Tom … TOM ? Je m’arrête là parce que mes nerfs ne vont pas résister à l’énumération de la trop longue liste que j’aurais pu dérouler à l’infini. Même Fatih était là … et … Cesar !!! Je lui avais pourtant dit de dégager le terrain ! À coup sûr qu’il était passé par le balcon. Ça m’apprendra à avoir viré les clôtures électrifiées à la tronçonneuse un soir d’Halloween …

Tous. Ils étaient tous là. Jamais de ma vie je n’avais vu un si vaste bordel. Dieu Céline sait que je suis audacieuse, et pourtant, même moi je n’aurais jamais osé réalisé le centième du film qui se déroulait sous mes yeux, et pourtant j’ai objectivement une vie riche en rebondissements de tous bords. Dieu Céline sait pourtant que j’ai l’esprit large et ouvert, mais de là à inviter TOUS leurs copains (ou plutôt mon carnet d’adresse qu’ils avaient sciemment détourné de moi) à faire de la contorsion dans la baignoire en chantant Kome zu mir, kome zu mir au milieu de trois canards en plastique et de deux bouées flamant rose dénichés à Palavas-les-Flots Beach, il fallait vraiment qu’ils n’aient aucun respect du luxe que j’impose sous mon propre toit !

Dis-lui toi que je rêve, oh my Gode-ness. Tous si peu vêtus dans ma si belle baignoire que je m’étais tuée à récurer moi-même avec des produits nobles et sophistiqués achetés moi-même à la droguerie du BHV Marais. Si vous saviez à quel point cela m’est difficile d’aller au BHV … Il suffit que je mette un pied au Marais et tout le monde me saute dessus. Je ne peux même plus aller acheter ma crème Grison tranquille tellement j’y ai de fans. Même la nouvelle « icône » Leona Winter est obligée de se mettre en retrait sur mon passage et de me laisser briller telle le diamant que je suis. Les gens du quatrième ont des goûts si raffinés … Je devrais peut-être me trouver un rooftop dans le quartier, à coup sûr que j’y trouverais un personnel de service plus investi que mes D-Angels, et probablement à titre gratuit, tellement je suis une perle indomptable et inaccessible aux yeux du commun des mortels.

Ma baignoire, ma Royal Davidna Baignoire, pauvrette … Si belle et grande taille, à la céramique incrustée de pierres précieuses généreusement ramassées par quelques gamins à qui j’avais offert un autographe pour salaire – car tout travail en mérite un, aux carreaux formant des toucans, des dromadaires et des éléphants d’or et de bronze fabriqués sur la place des Ferblantiers à Marrakech, où tous me prenaient pour Dalida. Ma baignoire, surplombée de palmiers ramenés de Syrie dont j’ai failli être la princesse par épousailles, à l’époque où l’on rentrait dans le pays comme dans un moulin, et Dieu Céline sait que j’y ai été accueillie comme la nouvelle Oum Kaltoum que je suis. Salma ya Salama, je reviendrai à Salama. Ma baignoire … Ô ma baignoire … Celle-là même où, entre deux tacos nappés d’un épais guacamole mexicain ramené de ma triomphale tournée sur place et une gorgée de Blue Lagoon, mon troisième ex-futur mari me demanda en mariage par une nuit d’ivresse printanière …

Ma baignoire, ô ma pauvre baignoire, dans quel état allais-je te récupérer après que ces souillons aient mis à mal ta dignité royale ? En plus le BHV est fermé à cause de ce foutu virus … et les hypermarchés sont en rupture de lingettes désinfectantes, ô rage, ô désespoir, ô jeunesse ennemie qui est la mienne ! Che casino ! Et par-dessus le marché, la Grèce et la Suède étaient en pleines négociations diplomatiques dans l’espace balnéo, dominées d’un poing de fer dans un gant de velours par ce traître de Kostas … My Gode-ness, qu’avais-je donc fait pour devoir subir pareil préjudice ? Et Thibault Orsoni qui sortait par dessus le marché du hamam en hélicoptère par-dessus le marché en essayant de se cacher derrière Danny Saucedo …

Essayez de me réveiller à coup de banane molle sur la face, sapée comme jamais du rideau qui servait jadis de robe à Barbara Dex, je resterais ébahie devant une telle atteinte à mes règles de bonne conduite. Moi qui suis si attachée à la droiture pour ne pas dire à la raideur en société, moi qui me tiens tant à carreau en présence d’autrui, toujours débordante de sympathie et de souci de mon prochain, moi qui réagis d’ordinaire avec calme et mesure comme me le conseille si bien le Dr Occi Karma, mon thérapeute ayurvédique déniché à la grande foire de Kiev entre deux mètres de binouse semi-fermentée aux eaux de Pripyat près de Tchernobyl, moi qui, par mon statut, ne devrais pas recourir à tant d’efforts psychiques de par ma stature unique jalousée par Bonnie Tyler, moi que mes parents auraient pu prénommer Dallas à cause de cet univers impitoyable, comment pourrais-je laisser passer un tel affront ? Pourtant, Dieu Céline m’en est une nouvelle fois témoin, j’en ai tenté des expériences, et je continue d’en tenter, foie de Davidna !

J’étais consternée par la scène, et le devins encore plus dès qu’Imri découvrant ma présence, les yeux exorbités d’euphorie :

Davidna, mais qu’est-ce que vous faites ici ??
Je suis juste un peu chez moi aux dernières nouvelles, non mais LOL, annonçai-je la couleur.
– Ah bon ??? Mais t’aurais pu nous le dire Vaidas ! C’est génial !!!
– Davidna ! Mais venez-donc avec nous, on était justement en train de travailler la mise en scène de « Love In The Tropico » pour la sélection moldave de l’année prochaine !
s’empressa rajouter Farid – toujours le bon mot celui-là.

C’est moi ou ils se foutent de ma gueule ? En plus … Sniff … Sniff … Mais pourquoi diable ont-ils versé de la farine de châtaigne sur les rebords de ma RDB ? Quelle idée absurde. Mais … Sniff … Sniff … Mais …

– On a sorti le champagne, exprès pour vous ! me proposa Luca H. en en badigeonnant Chingiz qui ne se faisait pas prier pour picoler.

LES CONS ! ILS ONT VIDÉ LES MAGNUMS DE CHAMPAGNE DANS LA BAIGNOIRE ! Et en plus ils ont mis du foie gras de canard partout !!!

Il suffit.

Stop. J’explosais à ma hauteur :

NON MAIS VOUS VOUS FOUTEZ DE MOI OU QUOI ? QU’EST-CE QUE C’EST QUE CE BORDEL ? VOUS VOUS CROYEZ OÙ ? AUX THERMES DE CARACALLA ?

Et ils riaient les malotrus. Ils riaient et continuaient à se jouer de moi. Une seule solution s’imposait alors à moi : celle d’agir. Dustin, sors-moi de là si tu es une dinde digne de ce nom. Musique, babies.

La réaction ne se fit pas attendre. Les Eurovision hunks se sont mis à hurler comme des dératés, et dès lors ce fut l’Apocalypse. Surtout que j’avais omis que ma fidèle Drucilla serait de la partie …

Drucilla ?

Bah, oui. Drucilla.

Mon caïman. Ou alligator, ça dépend des jours, elle est comme Fantômette. Bref, c’est Drucilla, mi amor cariño.

Il est bien connu que les éléphants se tiennent par la queue, et c’est ainsi qu’à la vision de mon animal de compagnie, une armée d’éléphantidés déferla sur moi, me plaquant et m’écrasant sur leur passage tel le XV de France les rares fois où il est en réussite. Drucilla sortait les crocs, et tenta de tout dévorer sur son passage, à tel point que la baignade manqua de virer en bain de sang pire qu’un massacre à la tronçonneuse. Plus Drucilla les poursuivait dans le couloir, plus tous courraient comme la Foudre, pendant que l’autre niaquait tout ce qui se trouvait sur son passage. Heureusement qu’il y avait peu de tissus dans la RDB, sinon c’eut été un carnage, d’autant plus que je gisais déjà comme Gisèle, la gueule ouverte et enfarinée, le corps tellement meurtri que rester en vie relevait du miracle

Ils courraient, ils courraient, poursuivis par mon caïman qui tenta de les dévorer tous les uns après les autres, certains y ayant tout de même laissé quelques centimètres carré de peau, mais du moment qu’elle ne les privait pas de leur masculinité … Danny S. y échappa d’ailleurs de justessse, Drucilla se contrentant de sa tenue de chantier qui le laissa courir nu dans la Villa pendant qu’elle s’en donnait à coeur joie, manquant presque de me bouffer la porte. Et moi, pendant ce temps, tout le monde me laisser crever, la tête et le corps submergés par l’eau souillée du bain que ces ignares avaient entraîné dans leur fuite, tout en prenant bien soin de laisser les robinets ouverts. Je surnageais comme je pouvais dans des flots de champagne, de mousse, de restes alimentaires et de Dieu Céline sait quoi, et tous la laissaient là, la pauvre Davidna, la première à aller au front en cas de crise aigüe chez son petit personnel, elle qui n’hésitait pas à aller contre vents et marées pour épargner ses anges et leurs copains, quitte à affronter à mains nues la Corée du Nord toute entière pour sauver son bifteck eurovisionesque. Je m’en souviendrais le moment venu. D’ailleurs … OH SHIT ! Mon rendez-vous, j’ai oublié mon rendez-vous !

Loving you gives me Vertigooooooo …

Mmmh. Seule. Enfin seule dans la pénombre, embaumée d’encens au patchouli, moi la plus stylée et la plus prometteuse des eurostars en devenir, au point de faire abdiquer la principauté de Monaco toute entière et ce qu’il reste du Grand-Duché au concours, c’est-à-dire de simples, mais précieux souvenirs. Masque à l’argile verte sur le visage, tranches de concombre entre mes orteils, cocotte dans le panier et extensions sur les cils, je détendais mes sphincters avec une bonne tasse de thé vert bio, le corps recouvert de sels de bain à la Simmondsia chinensis (ou huile de jojoba pour les intimes) et de pétales de rose qualité premium. Seule face à moi-même et à mes nombreuses vertus que j’admirais dans le reflet du miroir qui recouvrait le plafond au dessus de la RDB, je …

– Vous me le dites si je vous dérange Davidna ? parce que j’ai un concert « at home » qui m’attend juste après vous, alors soyez brève.« 

Et merde. J’avais zappé la Severina. S-s-s-s-seks.





Si je fus obligée de tomber aussi bas pour daigner accepter une visio avec une telle amatrice sur ma demande expresse depuis ma RDB, c’est pour la bonne cause : celle de l’Eurovision. Me rappelant les préceptes du Peace Peace Love Love que je tâchais d’appliquer à la lettre depuis près de quatre ans, je m’étais aussi résignée à peaufiner mon expérience en vue de m’offrir les meilleurs atouts en vue de ma future participation au concours, que j’estimais imminente suite aux nombreux retours positifs que je recevais quant à mes contributions, quoiqu’elles ne furent guère couronnées de succès auprès de sélectionneurs aux goûts fort douteux et auxquels j’avais imposé une fin de non-recevoir après le traitement inacceptable dont je fis l’objet de leur part.

Je n’avais ni pour habitude ni pour goût de solliciter des conseils, et pourtant c’est ce que je faisais depuis quelques années, traversant l’Europe de part en part à la rencontre de ces idoles, jusqu’à les atteindre pour beaucoup en plein coeur de mon éminence musicale lors de mes soirées mondaines. Le printemps 2020 aurait dû être le summum en la matière, des déplacements professionnels par monts et par vaux au programme : un pangolin me forçait toutefois à rester enfermée dans ma Davidna Résidence, au bord du gouffre dépressif, obligée à me soustraire à ma vie sociale fort active et à l’engouement de mes nombreux fans, qui se désespéraient de moi sur les réseaux sociaux.

Une fois de plus, je n’aurais pas du écouter ces amateurs de l’EAQ, à commencer par ce Rem_Coconuts de pacotille dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’alors, et qui avait même dû me payer à coup d’écharpes plumeaux orange fluo en s’égosillant au son de la divinité Eleni, pour que je daigne communiquer avec. Lui qui m’avait incité à me lancer dans cette tournée des eurostars m’avait récemment recommandé la Croatie comme point de repère, et Dieu Céline sait qu’il m’en a parlé en long, en large et en travers : la route vers l’aéroport de Toulouse en pleine nuit au son de Severina, le décollage avec un sac en papier kraft sur la bouche direction le Split Dalmatia Airport un Hollywood Chewing-gum portugais à la pastèque entre les dents, les baignades libres et désinvoltes dans les cascades de Krka, le raki à neuf heures du matin sur le bateau de la Croisière s’amuse direction Hvar accompagné des sempiternelles ballades balkaniques du siècle dernier (ne manquait plus que les albanaises et vous me retrouviez noyée dans une cuve de pinard), le raki à midi sur les plages de la Markaska Riviera, le raki à minuit sur les remparts de Dubrovnik face au château de Game of Thrones pendant un concert des restes de Femineem … et le raki à quatre heures du mat en dansant au son du Bombo (c’est norvégien mais on s’en fout) sur le toit terrasse du poste de police de la frontière herzégovine, improvisant un boeuf métal avec Hari Mata Hari. Je voyais venir les précieux détails sur la fabrication de l’huile d’olive de Gozo et ses parties de hula-hoop avec la famille Calleja toute entière devant le Palais des Grands-Maîtres de la Vallette au point que, ne supportant plus ce déballage intempestif et ô combien vulgaire, je fus contrainte d’activer mes réseaux auprès la DGSI pour le mettre hors d’état de nuire et surtout me délivrer de ce supplice. Wilkommen Baku. Il faut dire que l’accueil qui m’a été réservé par l’EAQ fut DÉ-PLO-RA-BLE, mais de ça, je témoignerais le moment venu auprès des autorités compétentes.

Bref, j’avais entamé depuis belle lurette ma tournée européenne, et force est de constater qu’elle n’avait été guère fructueuse jusqu’alors, en dépit d’énormes attentes de ma part. J’avais pourtant déjà côtoyé du beau monde, comme vous pouvez le constater sur ma carte du tendre eurovisionesque et encore, je ne vous livre que les plus modestes des noms, le reste étant classé secret défense.

La carte du tendre eurovisionesque selon Davidna Lamburosco

STEP 1 – AISHA
L’Eurovision ?
What For?
> Avancer directement
à la case HP
STEP 2 – RODOLFO CHIKI
« Davidna, dansez le
chiki-chiki et allez chercher bonheur »
> Et pourquoi pas
la danse à coco
STEP 3 – KATI WOLF
What about my liiiife ?
Une étoile était née,
sauf qu’elle s’est éteinte à Düsseldorf
> La Hongrie est out du concours,
donc next
STEP 4 – KATE RYAN
« Tout est chaos, à côté » surtout notre pauvre
amie
> Privilégier les rois aux oies de Charleroi
STEP 5 – DEEP ZONE
ft DJ BALTHAZAR

Stp DJ, emporte-moi comme un Uber Eat.
> Autant s’intoxiquer
avec un curry
décongelé depuis 10 jours
STEP 6 – ELL & NIKKI
Venir avec vous ce soir, parce que
Dieu a besoin de moi ?
Plutôt revenir au Bélarus
> Fuir au Mexique
et se lancer dans le commerce de marijuana
STEP 7 – ANDREA DEMIROVIC
C’est toujours
une mauvaise idée
de sortir des démons
en carton
> 2019, c’est comme 2009,
mais avec dix ans d’évolution en plus
STEP 8 – La BRASSBANDA
Faites du concours
l’Oktoberfest de demain
> Au moins
ça me donnera l’occase de picoler gratos
STEP 9 – FABRIZIO FANIELLO
I do, I do, I do :
c’est bien beau,
surtout sans Fabrizio
> C’est par où l’issue de secours ?
STEP 10 – 3+2 FEAT ROBERT WELLS
Papillons de lumière
sous les projecteurs
> Cindy Sanders, sors
de ce corps, avant que je parte faire une
cure de repos
dans un monastère
en Oudmourtie
STEP 11 – HOMENS DA LUTA
Le concours est politique,
la politique est le concours,
alors soyez politique
> Et pourquoi pas
chanter Quatre-quarts
pour le quart-monde ?
STEP 12 – D-MOLL
Falling, I’m in Heaven, falling
> Si D-Moll est le Paradis,
autant choisir l’Enfer
STEP 13 – ROKO
I have a dream
> Il vaut mieux
parfois faire des cauchemars face à certains rêves
STEP 14 – PIRATES OF THE SEA
L’important,
ce n’est pas le chant, mais le spectacle
> Armande Altaï, sortez-moi de là
STEP 15 – JESSIKA MUSCAT
S’exiler à SNM
pour assouvir ses désirs après 253 échecs
dans son propre pays
> Il faut savoir se retirer au nom de son
propre honneur

Je savais intrinsèquement que, bien que cette expérience fut d’un enrichissement extrême sur le plan humain et qu’elle m’avait au moins permis d’accéder aux toutes premières marches de l’escalier de la gloire eurovisionesque, une partie des espoirs artificiels que j’avais fondé dans cette quête se révèleraient déçus. Pourtant, mes nombreux déplacements officiels dans le cadre du concours, à Amsterdam, Madrid, Londres, Riga, Moscou, au coeur des sélections nationales et évidemment dans les arcanes du concours aux côtés de mes amis les eurofans, m’avaient donné de nombreuses occasions de socialiser avec les véritables eurostars et d’étoffer mon carnet d’adresses, et je dois dire que j’ai été à la hauteur. Toutefois, je dois avouer mon amertume, car beaucoup n’ont pas été capables de saisir la perche que je leur ai tendue durant ma longue tournée hélas interrompue contre mon gré, trop prises dans leur emploi du temps de ministre pour venir saluer leur future successeure, auprès de laquelle ils se prosterneront d’ici quelques mois, quand elle lèvera le micro de cristal plus haut que les étoiles et que tous les dieux grecs et aztèques réunis dans un Tiki-bar de Honolulu Beach.

Je me doutais pourtant que cette opération était une mauvaise idée, d’autant plus que nul ne m’égale en termes de qualité d’analyse eurovisionesque. N’en déplaise à certains, je détiens le savoir absolu sur le concours et j’en suis fière : ce devrait être plutôt aux autres à me demander des conseils qu’à moi d’aller pleurer dans les jupes de ces eurostars pour qui j’ai énormément d’affection, mais dont le dixième du talent ne m’arrive même pas à la cheville. Si ma chère Andrea Demirovic avait préféré me consulter au lieu de se soumettre aveuglément aux injonctions de la production monténégrine, jamais son honneur n’aurait été violé à ce point dix ans après son injuste échec de 2009 que je pleure encore tous les jours, d’autant plus que j’aurais dû être sur scène à sa place, car Get Out Of My Life, c’est moi, rien que moi et seulement moi, me, myself and I, Pépita Davidna, la pépite Davidna si vous n’entendez pas le latin. Si je n’ai pas été sélectionnée à ce jour en dépit de nombreuses tentatives, c’est tout simplement parce que le monde est de plus en plus peuplé de petites gens de mauvais goût, a fortiori au sein des télé-diffuseurs nationaux. Qu’y puis-je si certains complotent contre moi parce que je suis susceptible de leur faire de l’ombre ?

Heureusement, comme Marion Cotillard soulignait à raison qu’il y avait des anges à Los Angeles (s’il pouvais y en avoir quelques uns qui lui éclairent l’esprit avec …), il y en a bel et bien de nombreux sur la planète Eurovision. Certes, ils n’aiment pas le concours autant que moi, qui me scarifierais pour lui, mais au moins ces eurostars angéliques ont-elles accepté de répondre à mon invitation de les rencontrer chez elles, vingt-quatre heures durant, pour un partage d’expérience en faveur de ma candidature au concours. Et pour cela, je leur dis merci comme j’ai dit merci à Mercy d’avoir inspiré Madame et Monsieur à la fois : c’est rare de faire coup double, alors chapeau mon petit. Je n’irais pas jusqu’à publier un journal de mes rencontres, car la modestie m’étouffe trop, mais bon, puisque nous sommes entre nous et que vous insistez, je dois avouer que certaines resteront ainsi à jamais gravées dans ma mémoire.

Je pense à Sakis Rouvas qui, depuis sa vaste mais humble demeure qui domine ce port du bout du monde qu’est le Pirée, m’exhorta à craquer le haut comme il le fit si bien avec son polo sous mes yeux en direct live. En réponse appropriée, je me mis topless, ce qui le choqua étrangement, d’autant plus que son épouse débarqua et fit acte de violence à mon égard, me menaçant avec la carabine qui avait offert la médaille de bronze en fosse olympique 125 cibles à feu son aïeul Anastasios Metaxas aux JO de Londres 1908, ce qui m’envoya directement en Oudmourtie en camionnette blindée entourée de boucs qui puaient littéralement le bouc.

J’ai toujours rêvé d’être La Bolduc.

Je pense donc à mes cops les Buranovskie Babushkie, qui ne trouvèrent rien de mieux que de me gaver de cookie comme un canard à deux doigts de virer foie gras en me couronnant d’une chapka au son de leurs hymnes locaux, histoire de me réconforter de mon départ précipité de Grèce Antique. Je me confiais à elles, révélais ma déception et ma douleur de n’avoir pas encore réussi à franchir le cap des sélections, et expliquais chercher l’essence de la chanson idéale, et c’est ainsi qu’elle me répondirent Party For Everybody, dance ! J’étais bien montée avec elles.

J’ai toujours rêvé d’être La Bolduc.

Je pense à Lordi, que je suis allée rencontrer au fin fond de Rovaniemi et Dieu Céline sait que je m’y suis tellement gelée au point de louper de peu la pneumonie fatale, obligée d’enchaîner les verres de vin chaud pour me remettre de mes indomptables frissons, d’autant plus qu’il est quand même particulier de se faire accompagner par des monstres sanguinaires dans une sombre cabane encore debout par le miracle de l’Esprit Saint de Mr Lordi, qui exigeait que je rejoigne leur secte pour mieux perpétuer leur espèce au concours, ce qui signifiait renoncer à une partie de mon honneur. Refusant poliment, je n’eus d’autre choix que de fuit en motoneige poursuivie par des cannibales rachitiques qui voulaient faire de moi un crocodile rôti au dessus du feu hivernal de la Finlande, et c’est par miracle qu’un bateau m’accompagna à Vilnius, où Vaidas m’accueillit en réfugiée apolitique.

J’ai toujours rêvé d’être La Bolduc.

Je pense évidemment à d’autres, comme Pastora Soler, qui tenait à ce que je reste avec elle pour sauver l’Espagne de la faillite eurovisionesque dans laquelle elle était empêtrée, hashtag Quedate CONMIGOOOOOO, à Trijntje qui me demandait pourquoi je ne voulais pas marcher le long des portes de sa propre gloire (LOL) ou encore Chiara Siracusa qui m’enjoint carrément à renoncer, ce que j’aurais dû faire depuis longtemps selon elle, car au-delà de trois fois, il serait statistiquement impossible de muer une participation en réussite, précédent Valentina Monetta oblige. « Et puis le temps passe Davidna vous comprenez, il est probable que vous ne correspondiez plus aux standards du concours actuel ». Pauvre Chiara, qu’est-ce qu’elle ne m’a pas dit au mépris de la colère d’Athéna … Si elle avait daigné se renouveler, elle ne se retrouverait à faire des publicités télévisées pour une obscure chaîne de supermarchés maltais, me direz-vous, mais oser me traiter de la sorte …

J’ai toujours rêvé d’être La Bolduc. J’ai toujours rêvé d’être Maruv.

Mais de toutes ces rencontres, si je ne devais en garder qu’une seule en mémoire, ce serait celle avec ma déesse (et il est rare que j’affuble de ce terme des artistes dont j’estime le talent équivalent-inférieur au mien), mon alliée, mon double eurovisionesque, ma préceptrice, celle qui m’a ouvert les yeux et qui a refusé les diktats avec passion et courage, déjouant les vicissitudes de ses ennemis illégitimes : MARUV. Je ne reviendrais pas sur son tragique sort de 2019, j’en suis encore furieuse, furieuse, mais furieuse au point que je parvenais encore à offrir de belles et régulières menaces de mort évidemment anonymes – je tiens à mon honneur – à Jamala, de même que je réussis à lancer un début d’incendie au siège du télédiffuseur et du ministère de la propagande culture et de la propagande communication ukrainien. De toute façon, il n’y a plus rien à cramer, puisqu’ils n’ont plus de locaux depuis la révolution orange de 2004. But Maruv is Maruv, donc inextinguible, inatteignable et ce fut déjà une belle prouesse que d’arriver à l’atteindre sans trop de difficultés. Il faut dire que je suis tellement à sa hauteur …

Rendez-vous fut pris dans un club hype en sous-sol de la capitale ukrainienne, qui servait jadis de salle d’interrogatoire musclé aux forces de sécurité soviétiques (c’était donc pour ça qu’il y avait tant de menottes léopard dans la salle et de gens vêtus de chaînes en train de picoler dans des baignoires ! Aaaaaaah …), où elle m’offrit la joie d’un long tête à tête enivré dans un salon privé dans lequel se faisaient face deux sofas également … léopard. Je ne saurais jamais si c’était l’effet de la vodka qui agissait sur notre diva, le tout est que de son anglais teinté d’un délicieux accent de l’Est, Maruv fulminait et ruminait comme jamais. Plus elle me révélait les sombres coulisses de son retrait forcé, plus je descendais de vodka, c’est dire, et pourtant je ne peux pas dire avoir un rapport addictif à l’alcool. J’étais effarée : on était allé jusqu’à lui demander de régler intégralement sa participation au concours, dont elle était l’une des grandes favorites ! Mais quelle honte ! Et pourquoi elle n’a pas fait un Kiss Kiss Bang Bang ou une cagnotte Leechti ? Heureusement que je n’ai jamais mis un pied au Vidbir ! D’ailleurs …

– « Davidna, ma chérie, ne perd pas ton temps dans ce foutu pays corrompu jusqu’à la moelle, et en plus tu es à demi-biélorusse, pauvre de toi ! Fais comme moi, et va chez les russes, ce sont des potes les russes ! Avec eux, c’est simple au moins : tu vas chanter à Moscou, tu te fais une petite tournée en Crimée, tu vas à Novosibirsk, tu veux aller n’importe où en Russie, ils te disent Welcome, c’est où tu veux quand tu veux et ils te paient bien, et en cash ! Pourquoi tu crois que Lazarev il est revenu avec sa chanson à deux balles ? Je peux te dire que moi avec Siren Song, j’aurais tout démonté pour la Russie alors que l’Ukraine, elle, m’a reniée, pour de sombres raisons politiques ! Mais je suis une artiste moi, pas une politique ! Alors quand Lazarev il a su que j’étais à deux doigts de signer … Les russes, ils ne s’embarrassent pas de politique, sauf pour leurs compatriotes bien sûr, mais ce n’est pas un problème ça ! La Russie, c’est le paradis des étrangers ma belle, surtout si ce sont des femmes de caractère, comme nous, allez boovatje zdorovi, et come zu mir, come zu mir au lieu de blablater des conneries ! »

Je rentrais de chez Maruv à neuf heures du matin.

J’entendais donc les précieux conseils de mon alliée, de même que j’avais écouté avec attention le goût des autres, et de cela, je les en remercierais éternellement, d’autant plus que c’était le premier pas qui ferait de moi l’eurostar de demain, la vraie, celle que tout le monde envie et s’arrache, et je sais très bien au fond de moi que je suis de cette trempe-là, et pas de celle des Aisha ou des Jessika Muscat qui n’ont à leur triste tableau d’honneur que le sel de leur humiliation, bercées d’illusions par un pseudo amour propre qui leur fait terriblement défaut contrairement à moi, qui m’aime plus que la Terre entière réunie, pire, que l’Univers, au point que j’envisageais sérieusement de m’unir à moi-même. Après tout, une américaine s’était bien mariée avec la Tour Eiffel, alors pourquoi pas Davidna avec elle-même ? Cela aurait toutefois l’inconvénient de manquer de mâle, et Dieu Céline sait que j’en aime la présence pour mieux les dominer de ma stature. Oh-oh-oh-oh, oh Ding Dong.

Je sentais cependant qu’il manquait encore le petit truc, le conseil ultime pour faire de moi l’aspirante idéale, la seule, l’unique, celle-là même qui ne ferait nulle part débat à travers l’Europe. Celle-là même qui mettrait à la retraite ce Rybak de fortune, dont la principale activité depuis 2009 consistait à se faire mousser parce qu’il avait aligné 387 points en finale à Moscou, alors que depuis, l’inspiration lui avait comme par miracle échappé, de sorte que sa contribution 2018 fut une catastrophe de niaiserie et d’indécence. Oser nous donner des conseils pour écrire une chanson, lui ? Prends-en de la graine avec Pépita Davidna mon chou … Celle-là même qui rangerait également au placard le père Sobral, celui qui a fait pleurnicher l’Europe entière avec son truc de vioque tout droit sorti des cartons de la RTP 1964, et bam prends toi 760 points fidélité ! Je ne parle même pas des suédois qui me faisaient bien rire avec leurs 372 et 365 points respectifs qui la leur faisaient croire plus longue que ce qu’elle ne l’est vraiment … En parlant de la Suède …

La Suède. Voilà pile ce qu’il manquait. Le bastion historique du concours. Six victoires. Un nombre incalculable de top 10. Un Melfest, un mini concours. Une chanson médiocre, un top 5. Un titre de merde, un top 10. Même une daube réussirait à atteindre les sommets. Dustin la Turquie en suédois, c’est minimum une cinquième place chez les jurys, et une finale au télévote. Heureusement, Loreen, Mans, Sanna et les autres sont passés par là. Si Maruv était une déesse, que dire d’eux, qui restaient certes très loin de ma majesté et de mon génie, mais bon, il faut parfois remettre en cause les critères de sa modestie pour reconnaître la réussite de ses partenaires artistiques.

La Suède. Voilà pile ce qu’il manquait à ma réussite. Dieu Céline sait pourtant que j’en avais tenté des approches, touché des mains, échangé quelques mots, offert des boulettes de boeuf sauce airelles rouges de chez IKÉA Göteborg, assisté à des MelFest en VIP, sans parler des inoubliables séjours à Malmö 2013 et à Stockholm 2016. J’avais même réussi à déjeuner avec Christer Björkman chez Exki Rambuteau, c’est dire. Et pourtant il me manquait l’avis, que dis-je l’onction de la seule, l’unique, à disposer de la main suprême pour offrir la bénédiction ultime à l’aspirante au Graal que je suis fière d’être, et fière de l’être davantage que Tamara Todevska. Depuis que j’avais découvert son existence par un soir du printemps 2012 à l’Ericsson Globe, la Terre ne tournait plus de la même façon, et pourtant il en faut beaucoup pour faire évoluer les insubmersibles certitudes de Davidna. Elle, la suédoise au potentiel fort modeste (à croire qu’elle s’était faite pistonner pour rentrer là-dedans) qui avait réussit à commettre l’innommable : franchir les portes de l’EBU et en devenir la porte-parole officielle.

Non, vous ne rêvez pas pour le coup.

Après tant de nuits d’insomnie à espérer ce qui n’était possible que pour Davidna, reine des coeurs, j’allais enfin rencontrer celle qui rendait mes journées presque aussi belles que celles où j’enflammais les foules européennes avec mes prestations de haut vol. Elle allait E-N-F-I-N me lancer sur le circuit eurovisionesque, la voici, Madame LYNDA WOODRUFF !

J’avais dû consentir à d’énormes sacrifices avant de pouvoir franchir les portes de l’European Broadcasting Union à Genève. De plus longues années que celles que j’ai mises avant d’obtenir un rendez-vous avez Lynda me furent nécessaires pour mettre un pied dans le lieux des saints. J’avais tout d’abord entrepris la voie de la Norvège, comme vous le savez, mais depuis que Môssieur Jon Ola Sand était devenu le grand manitou de l’Eurovision, il ne daignait plus avoir le moindre regard pour moi, et débarquer par surprise devant le siège de l’EBU (dont je me suis faite tej sans avoir vu Jon) n’avait rien changé. J’avais essayé le chemin plus classique de la correspondance, harcelant littéralement son secrétariat d’appels et de mails, jusqu’au jour où j’ai découvert l’existence de Lynda ce fameux mois de mars 2012. Et puis, il faut parfois savoir la jouer finaude et la mettre en veilleuse pour mieux se faire valoir auprès de ceux que l’on veut atteindre de par la lumière qu’on dégage de soi-même.

Là aussi, ce ne fut point chose aisée d’approcher la nouvelle diva des pèquenauds d’eurofans, et j’allais même jusqu’à la faire suivre par un détective privé de la rue du Louvre, que je payais chèrement pour le peu d’informations dignes d’intérêt que je parvenais à lui faire pondre. Je le mis hors d’état de nuire lui aussi (il a aimé la douche au cyclohexane), et ni une ni deux, les yeux ceints de mes larges lunettes de soleil, je pris un billet pour Stockholm sous un faux nom (celui de mon caïman, à savoir Drucilla Winters-Palmipedos-Racolos) et m’installais momentanément juste en face de chez elle, suivant son quotidien au plus près avec une jumelle téléscopique que j’avais réussi à négocier auprès d’un ancien du RAID depuis devenu député au Parlement de Slovaquie. C’est qu’elle coûtait cher la Lynda ! Entre ses nombreux allers et retours entre Stockholm et Genève, entre Genève et le reste du monde, jusqu’à Astana, Vadoz et Pristina, et même en Chine et au Liban, son duplex dans le quartier le plus aisé de la capitale, ses déjeuners réguliers à l’Ekstedt, ses virées shopping chez NK, et je passe sur ces folles soirées mondaines pour lesquelles je devais payer chèrement mes réseaux pour y accéder en VIP, autant vous dire que mes finances en furent à très court terme affectées, d’autant plus que j’avais refusé de sous-louer les nombreux pieds-à-terre dont je disposais en Europe et sur le pourtour méditerranéen, notamment le petit studio à Monte-Carle dont j’avais hérité d’un grand-oncle de mon père Giacomo, dont on avait découvert l’existence lorsque son fantôme vint hanter la soeur thanatopractienne de mon père pour lui demander d’aller chez le notaire le lendemain. Ce qu’elle fit, Thanks Gode.

Pour la première fois depuis mon adolescence, et avant tout pour approcher Lynda de manière anonyme, je dus m’abaisser à vaquer à des activités de subsistance inqualifiables, ayant réussi à me faire embaucher à la SVT pour préparer le café de Petra Mede, ce qui me permit cependant d’observer le fonctionnement interne des professionnels du concours. Je tais mes expériences chez le fleuriste de Lynda, au foodtruck voisin de la SVT, à l’Absolute Ice Bar, dans un motel de Dalécarlie, bref partout où j’officiais en scred dès lors que Lynda se déplaçait. Je me fis même pâtissière, pire encore, médium dans un local à vélos proche du Hötörjet Square, où je la reçus et lui racontais que le tonnerre et la foudre étaient excitants, ce qui l’excita encore plus la nigaude.

Pendant que je souffrais de passer aussi inaperçue, traitée comme une moins que rien à base de simples formules de politesse et de sourires enjoués, mes interlocuteurs se contentant de m’entretenir le dialogue et de s’intéresser à moi et mes ambitions alors que j’avais pour habitude d’être a minima vénérée, je voyais le bastion de l’Eurovision à l’oeuvre dans ses coulisses, tout en restant tenue à l’écart de certaines de ses personnalités en dépit de mon offre d’une protection rapprochée à leur égard. Je réussis toutefois à faire mon nid, et à jouer la carte de la proximité avec les personnes indispensables à mon devenir, et c’est ainsi que successivement Sanna Nielsen, Danny Saucedo (qui n’avait guère daigné me reconnaître lors de son escapade dans la Royal Davidna Bathroom), Magnus Carlsson, Alcazar (mes chériiiiiis <3 <3 <3), Andreas Lundstedt, Lina Hedlund, Ace Wilder, Mans Zelmerlöw (oui, oui), Petra Mede, Frans (même si je me contrefiche des ados pré-pubères), Roger Pontare (autour d’un feu de bois nocturne dans les régions les plus reculées du pays) ou encore Robin Bengtsson (dit le Davidna Quatre Hours) ont rejoint mes réseaux étoffés au point que je sabrais régulièrement le champagne avec eux dans les soirées les plus courues de Stockholm dont je devenais peu à peu une indispensable. C’est ainsi que de fil en aiguille, je réussis à m’attirer les sympathies des uns et des autres, et au prisme de vingt degrés de séparation, à négocier au bout de cinq ans, une rencontre avec Lynda par le biais de l’intervention de Carola Häggkvist, qui s’était pris d’énormément de sympathie pour moi et que je remerciais vivement en sapant sa réputation auprès de la maison de disques qui distribuait nos disques respectifs là-haut.

(Hymne de l’UER)

Rendez-vous fut donc pris en janvier 2020 au siège de l’EBU à Genève. Pour des raisons de sécurité, et afin de m’éloigner du bureau de Jon qu’ils ne voulaient pas déranger pour « si peu » me dirent les officiels, on me mit dans une pièce somme toute modeste où deux sièges entouraient une simple table éclairée par une fenêtre. Le goût des suisses pour un design simple et épuré … Encore heureux qu’on nous ait porté le thermos de café noir.

Vêtue de son tailleur et de son foulard de prestance, Lynda arriva, enjouée et énergique, au son d’un toniturant « Hello everyone ! I’m Lynda Woodruff, the spokesperson fort the E-B-UUUUUUU, the Eurovision Broadcasting Union, and you are David-ney, this is that ? ». Je manquais de me jeter sur elle et de pleurer dans ses bras en la dévorant avec ma mâchoire de carnivore, mais par souci de décence, je me contentais d’un serrage de main à la suédoise, quoique l’approche de Lynda était fort méditerranéenne de par sa chaleur. Mon CV long comme le bras à la main, elle pétilla lorsqu’elle constata mon expérience : « You got a golden disc in Azerbadjan … Azerba-badjan, euh Azerjan euh … in Baku, in Baku ! It’s very exciting ! Do you know Elly and Nick, with I’m running I’m scared ? ». Je ne les connais que trop bien hélas, Lynda. « And you made the first part of Every Dick Di-ki in Nicole-Sia ? It’s wonderful darling, I’m very impressed ! » C’est trop de louanges, Lynda, vous allez réussir à me faire rougir pour la première fois depuis l’été 80 … « What ? You know Anthony Edward ? He’s working for you ! Call him immediately ! We need him in Stockholm for Melodia-Festival-hum ! ». Il ne faut quand même pas m’en demander trop Lynda.

« And so, how can I help you David-ney Lama-Borows-Co ? » Je répondis « Tout de moi, je dépose à tes pieds mes heures et mes armes, quand tout déjà, me rappelle que je ne suis rien sans toi. » Lise Darly exagère quelque peu, parce que je rappelle qu’on parle de Davidna Lamburosco, mais bon, je déballais quand même pas mal de choses et m’ouvrais à Lynda, qui lisais en moi comme dans un livre ouvert, ce qui m’émut fortement et manqua de me faire renverser le ristretto sur la table, ce qui fit rire Madame Eurovision. Jamais on ne me dit d’aussi belles choses qu’elle, qui n’avait de cesse de dresser des louanges légitime sur mon remarquable parcours, sans même qu’elle n’ait besoin d’écouter une seule note de ma musique. « Davidna, I trust in you like I never trust in a future eurostar ! You smell the power of music and the power of love, and you know how it’s important to feel that, take a look a the DJ David Gnetta : she has understood eveything with Poy … Toy ? Toyboy you stupid boy in Lesbon ! Do you know Lesbon ? The lesbian people are so kind ! I love lesbians ! Oh and I cross Jesus over there ! You remember ? Dries like a kleenex in Wiena ? » Les larmes montaient. « David-Ney, a Coca-Rola destiny is waiting for you ! Come on sweety and live your dreams in Roasted-Arm with Sanna Mary No ! » Euh comment vous expliquer que les délais sont un petit peu dépassés …

L’emballement de Lynda faisait plaisir à voir, et c’est tout naturellement que je lui proposais d’écouter quelques unes de mes oeuvres que j’avais embarquées sur mon Ipad. Elle refusait poliment dans un premier temps, expliquant avoir confiance en l’évidence de mon génie « Oh no, no, no David-ney, it’s too much honour for me, I know you darling, some people have talked to me about you, you have something special, David-ney, have you ever think to call Jesus Christ Fjord-man ? » Je vidais ma bouche de café sur la table et suffoquais. « I’m sure you could be an excellent chorist or dancer for our fabulous swedish team, because you know, we only accept norwegian and polish people at Melodia-Festival-Hum, but only to be beated at first round ha ha. » Je jouissais. « How is it possible to be famous all over Europe but not in Sweeeeeeden ? You are going to reach for the stars, David-ney, more quickly tant Ali ABBA-BA and Water-gloo-gloo. » Ma déesse intérieure était déjà à Ouagadougou.

J’insistais pour qu’elle écoute. Elle refusait poliment, expliquant me faire confiance.

J’insistais pour qu’elle écoute. Elle refusait poliment, expliquant me faire confiance. Je pris une gorgée de café.

J’insistais pour qu’elle écoute. Elle refusait poliment, expliquant me faire confiance. Je pris une gorgée de café et une profonde inspiration, du calme Davidna.

J’insistais pour qu’elle écoute. Elle refusait poliment, expliquant me faire confiance. Je pris une gorgée de café et une profonde inspiration, du calme Davidna. J’étais à deux doigts de sortir la machette.

J’insistais pour qu’elle écoute. Je fourrais sa bouche de kanelbullar et petits biscuits ramenés tout droit d’IKEA Malmö sept ans avant, qu’elle accepta avec joie, m’expliquant être adepte des plaisirs simples de la vie.

J’insistais donc et elle accepta enfin de découvrir The Best Of Davidna.

Les stores se baissèrent, laissant tout de même une légère clarté dans la pièce, l’écran se déploya sur le mur et c’était parti pour un quart d’heure de délice … durant lequel Lynda ne cessa de déployer d’étranges rires et sourires comme gênés. Je le pressentais, et c’était à présent sûr : elle me vénérait à son tour. D’une cible, il faut toujours toucher le coeur et le défi était désormais relevé haut la main : Lynda était désormais une grande fan de Davidna. Paris 2021, nous voici, nous voilà et que toi, Sainte Ara, tu me couvres d’ooooooor !

La salle se mua de nouveau à la normale, et Lynda croisa ses mains sur la table. « Okay David-ney … » Un homme se précipita dans la pièce et parla suédois. « Eric Shadaedae this it not your turn ! » le pointa t-elle du doigt.

ERIC SHADAEDAE ?

ERIC … SAADE ?

Le seul que j’espérais et le seul qui ne figurait pas dans ma baignoire. Je me retournais, le salut mollement de la main car sidérée, et d’un sourire, il me fit un « Hej ! » énergique. Je bondis à ses pieds, m’accrochant à ses mollets en ne cessant de répéter son nom et il me fit lâcher le morceau d’un léger coup de pied, pendant que Lynda exigeait mon retour sur la chaise, ce à quoi j’obéis quoique dépitée.

« David-ney … David-ney …  » C’est Davidna. « Okay hum David-ney, I love you, I adore you like Jesus loves Emmy From The Forest and Duck Duck Can-Lawless, but … I have to be honnest with you » Le moment de la consécration. Je me mis à genoux devant elle, lui tendit le thermos de café plein de marc pour procéder à la bénédiction et baissait la tête en lui baisant au préalable la main. « Oh, I’m so excited, but it is a little « gênant » so please stand up and go sitting down now, it’s better for your state of mind » Et en plus elle prenait soin de moi. Préparant sans rien laisser paraître son irrévocable sentence.

« Do you know Frosties the Tur-KiKi David-ney ? » Plutôt être sourde oui. « So, darling, your music is a concept, and concepts are essential at Eurovision, you can ask it to the Lordies or the Hata-Mata-Aries from Rekimik- Rejka – Regime-kadivik, from Iceland from Iceland, but … I lost my word David-ney » Je sentais l’élévation de mon corps au dessus du ciel genevois se précipiter. Le micro de Cristal avançait vers moi à grands pas, abandonnant mes piètres collègues à leur triste sort. « So, David-ney, I guess you want to become an Eurostar, but I’m not sure that Loving the trump and cos, or Péripat’ David-ney are so … appropriate for the contest, do you know what I mean ? » Amen … Hein ? Comment ça not so appropriate ? « David-ney, I have to tell you the truth, but you are not Dana National or Mary-Céline Dior, and you can’t surely go to the contest looking like Juicy Burger. Contest is a professionnel affaire, David-ney, and I really that you can work a lot and a lot and a lot to reach your dream, but I would be a miracle if you finish like Vanina Moneo-Time from Sanna Mary No. »

La chute.

« In fact, you’re so closer to Durban the Thor-Key or the estoniestan vegetables than Loreen or Alexander Rayban. But Francis Omoba sayed « Yes We Can » so Yes You Can haha ! »

La désolation.

« Are you okay Davidna ? »

Le désespoir.

Sans mots devant cet affront inexcusable, je me levais et quittais la pièce.

Quelques minutes plus tard, Lynda et Eric négociaient ensemble les termes de leur futur contrat pour le MelFest dans le bureau de la spokesperson from the EBU, hashtag con***sse, riant à gorge déployée autour d’une tasse de café noir. C’est alors qu’un étrange bruit se fit entendre.

(Conversation en suédois)

ERIC : Vous n’avez pas entendu, Lynda ?
LYNDA : Ah ce bruit ? Ne vous inquiétez pas Eric, c’est normal, il y a beaucoup d’animaux dans la forêt à côté.

(Le bruit d’origine mécanique se rapproche de plus en plus)

ERIC : Lynda, je crois que ce n’est pas un animal …
LYNDA : Mais ce n’est que le vent et votre imagination hahaha. Vous n’avez pas l’habitude de la beauté de la nature en ville …
ERIC (face à la fenêtre) : Oh My Godness …
LYNDA : Ne vous mettez pas dans cet état voyons ! On dirait que vous venez de voir King Kong … (Eric se met à hurler) Ça va Eric ? (elle se retourne) AAAAAAAAH OH MY GOD ! OH MY GOD ! HOLLY SHIT ! WHERE ARE YOU LIZZIE ASIA ? AAAAAAAAH !

Et c’est ainsi que je commençai à démonter le bureau de Lynda Woodruff à coup de tractopelles, pendant que la spokesperson et Eric Shadaedae fuyaient en courant comme des dératés, osant même déclencher l’alarme incendie qui inonda littéralement le bâtiment, à commencer par la spokesperson, ce que je ne compris pas.

– Oh Davidna ! Je vous parle !

La croate hautaine et autoritaire me réveillait de mes pensées en déversant ses inutiles jérémiades.

– Non seulement vous me harcelez depuis des mois sur la demande d’un certain Rem_Coconuts, que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam, et je suis bien gentille de vous consacrer du temps avec mon planning overbooké, mais en plus vous ne daignez même pas m’écouter !
– Désolé Severina, mais imaginez-bien qu’avec le confinement, vous n’avez un peu que ça à foutre.

– Pardon ? Répétez un peu ? Mais moi, madame Lamburosco, j’ai un planning au moins, vous m’entendez ? J’étais déjà une star avant l’Eurovision, et depuis Athènes, je suis une eurostar, capisci ? l’Europe entière me demande ! Venez faire un tour dans les Balkans en plein été …
– Je m’épargnerai cette futilité, en plus l’Espace Schengen sera fermé …
– Mais je l’emm**** Schengen, et vous avec ! Moi madame, tous les soirs, je fous le feu aux nuits de la côte Adriatique, je fais vibrer toutes les scènes de la riviera de Makarska et des Balkans tout entier, je passe ma vie dans les night-clubs des capitales européennes après trente ans de carrière ! Alors vos leçons, gardez-les vous pour quand vous aurez parcouru le quart de ce que j’ai accompli !

– Bizarre, on ne vous a jamais vu à Paris …
– Parce que je mérite mieux que Paris ! Moi c’est à Londres et à Berlin que je veux, tu le comprends ça ? Qu’est-ce que tu veux que j’aille faire en France ? Si vous aviez du goût vous les francophones, jamais on t’aurait achevé avant que tu commettes Be Hot Be Strong !
– Mais moi, Severina de mes deux ovaires, moi au moins, mon titre il a fait le tour du monde, tu m’entends, du monde ! J’ai été leader des charts électro au Royaume-Uni et même classée dans les classements alternatifs américains ! Ici c’est moi la Reine, et oui je me frappe le torse bombé parce que c’est moi et rien que moi la Reine, alors arrête de me faire chier avec tes Balkans et avec tes leçons à la con, parce que moi, je n’ai besoin de personne en Harley Davidson, capito ? Bye Bye ! »


J’interrompis la conversation sur quelques insultes de sa part, et sortis de la douche. On frappe à la porte de la RDB. Entrez donc si le coeur vous en dit.

Farid : « Madame, on vous demande. » Quelle tronche d’enterrement.

Lynda Woodruff débarqua et me pointa du doigt : « That’s Her ».

Générique de fin.

(Suite et fin au prochain épisode)