C’est peu de chose mais elle, tout ce qu’elle a, elle l’a déposé là…. Voilà !

C’était le 30 janvier 2021, dans un studio de télévision de la Plaine Saint-Denis. En ce soir de finale nationale française, une jeune femme s’avance sur scène à l’évocation du numéro 7. Les lumières s’abaissent. Une silhouette frêle, avec une coiffure brune reconnaissable parmi tant d’autres, un vague air de Piaf, se tient droite devant le micro. « Ecoutez-moi…. » nous chante t-elle. Nous comprîmes alors. Malgré les qualités des onze artistes qui concourraient ce soir-là, la représentante française à l’Eurovision 2021 se tenait devant nous. Fin de la prestation. Ovation de la salle. Et nous, eurofans, sans mots devant une performance éclatante et subjuguante. Si seulement nous nous doutions que …

Sans surprise, elle gagna haut la main la sélection française. Barbara Pravi irait à Rotterdam défendre les couleurs tricolores au concours de l’Eurovision avec Voilà. Le début d’une folle aventure, qui la mena sur tous les plateaux télé, elle la discrète, désormais dans les feux des projecteurs. Très vite, de l’empreinte de son talent, son naturel désarmant, sa passion, elle marqua les esprits. Autant à l’aise dans une réinterprétation nocturne de Dalida (artiste dont elle se qualifie de « malade mentale ») au piano chez Ruquier que dans un fredonnement d’On ne change pas de Céline Dion sur le plateau d’un journal télévisé, elle nous offrit une délicate reprise en français d’Amar Pelos Dois de Salvador Sobral … tel un prélude à une collaboration future ? En attendant, elle trouvait le temps de publier six « prières » musicales au mois de mars dernier, alors qu’elle multipliait les séances de travail pour l’Eurovision. Un espace a priori aux antipodes de son univers musical de prédilection, mais avant tout un défi, unique dans une vie d’artiste : affronter le regard et le jugement de deux cents millions de téléspectatrices et téléspectateurs dans un concours marqué par le sceau d’une histoire.

Quinze semaines après sa victoire à Eurovision France : c’est vous qui décidez, c’est accompagnée de la délégation française, menée par Alexandra Redde-Amiel, et notamment de sa manager, Elodie Filleul et de sa coach vocale, Léa Ivanne, qu’elle partit du siège de France Télévisions, Paris XVème, destination Rotterdam en minibus. Depuis le 30 janvier dernier, l’engouement n’était point retombé, bien au contraire, bookmakers et eurofans s’étant décidés à l’habiller du costume de grande favorite aux côtés de quelques rares autres. Une pression supplémentaire, mais une concentration, extrême, et surtout la tête froide, toujours. Et l’humilité, avant tout.

Eurofans français, nous avions vu bien quelques fois notre pays susciter l’enthousiasme des parieurs, avant de voir le soufflé retomber le grand soir, causant une nouvelle déception de plus. Mais cette fois, ce ne serait pas la même, et il n’était pas seulement ici question de points. Les premières répétitions donnèrent très vite le ton. Quelque chose se passait, et l’on n’osait y croire.

« Ecoutez moi…. ». Soir de finale. Salle plongée dans le noir. Les coeurs qui battent. Les souffles qui se coupent. La caméra braquée sur l’artiste, éclairée par un spot. Elle est là, « cette fille aux yeux noirs [avec] son rêve fou » qui veut écrire des histoires qui arrivent jusqu’à nous. Elle est là, seule, à nous regarder droit dans les yeux. Elle est là, déterminée comme jamais. Elle est là, la rage au ventre, prête à délivrer ses mots, à les libérer. Elle se présente comme une « chanteuse à demi », mais chanteuse, elle n’est pas seulement, tout comme Voilà n’est pas qu’un simple titre. Car tous deux forment une seule et même entité. Parce que Barbara est Voilà comme Voilà est Barbara. Elle ne chante pas, elle n’interprète pas, elle n’incarne même pas : elle est. Elle est là, devant nous, à vider ses tripes sur la scène d’une Ahoy stupéfaite, à délivrer ces mots qu’elle a co-écrits, à les crier aux yeux embués de l’Europe et du monde, le corps en pleine phase avec la voix, décidée, intense, puissante.

VOILÀ ! Bras en croix. Noir. Fin..

Ce lundi matin, nous, eurofans et français.e.s, sommes fier.e.s. Oui, nous sommes fier.e.s de cette deuxième place historique, meilleur classement de notre pays au concours de l’Eurovision depuis trente ans, ô combien inespéré il y a encore quelques temps. Mais au fond, qu’importe le classement. Parce que c’est avant tout d’une grande artiste que nous sommes fier.e.s. C’est une fille aux yeux et aux cheveux noirs de vingt-huit ans. Il y a quelques années de ça, elle s’ennuyait de ses études de droit, jusqu’au jour où une amie l’incita à rejoindre son amour, la chanson française. Samedi soir, c’est seule qu’elle est montée dans l’arène, mise à nu sous le regard de deux cents millions d’européens et d’australiens. C’est seule qu’elle délivra une prestation éblouissante, sublime, magique, telle une magistrale claque qui se prive de tous mots. Ces derniers me manquent aujourd’hui. Ces derniers me perdent. Ils nous perdent. Comment est-il possible de poser des mots sur l’immensité ? La réponse suit. Car samedi soir, à Rotterdam, une étoile est née, et elle s’appelle Barbara Pravi.

À toi, Barbara, l’ensemble de la rédaction de L’Eurovision au Quotidien te dit merci. Follement. Éperdument. Passionnément. Et aucun de nos mercis ne pourrait être à la hauteur de la prestation que tu as offerte à la France et à l’Europe, de celles qui s’inscrivent dans l’éternité et se limitent à un seul mot : extraordinaire.

Crédits photographiques : Thomas HANSES/UER