eurovision-1956francoise-hardyCela fait plusieurs semaines que j’ai cessé de vivre. Je suis tourmentée au plus haut moins. Hier encore, je disais à Madame Martineau : « Suzanne, je n’en dors plus. » Ne croyez pas qu’il s’agisse encore de la victoire de ces maudits Vikings à l’Eurovision. Cela, j’ai fini par l’accepter, soutenue par l’idée que la merveilleuse Madame André allait nous en débarrasser l’année prochaine, grâce à son grand courage, sa force d’âme et au renfort de Mademoiselle Mireille Mathieu. Non, je vous parle d’un drame terrible : la maladie d’une des plus grandes étoiles de la chanson française, contre laquelle elle se bat depuis une décennie et qui l’a contraint à mettre un terme à sa carrière. Parviendrais-je à m’en remettre ? Je vous parle évidemment de Françoise Hardy, l’icône d’une génération, un des monuments les plus brillants et les plus pérennes du Concours.

Vous haussez les sourcils ? Sachez que j’ai été jeune, moi aussi, et que j’ai bien profité de la vie, avant de me ranger, en épousant Marcel et en m’installant dans le Vésinet. Je puis vous l’avouer, puisque nous n’avons pas de secret les uns pour les autres : j’ai été yé-yé. C’était une époque de ma vie amusante et dont je me souviens avec beaucoup de nostalgie. J’étais libre et insouciante. Paris n’était qu’une fête, le général de Gaulle était président de la hardy2République, l’Eurovision était une institution prestigieuse et respectée, bref, c’était le Paradis sur Terre. Depuis, tout est allé de mal en pis. Je ne vous parlerais ni de l’économie, ni de la politique, ni de la jeunesse actuelle. Je me contenterais de vous rappeler ce triste chiffre : durant la dernière décennie, l’Eurovision a été remportée à cinq reprises par des pays scandinaves ! Une fois sur deux… Triste époque…

Vous n’avez sans doute pas connu les années soixante et les riches heures de la France au Concours. Cet article vous y replongera, tout en rendant hommage à mon idole yé-yé. Car il fallait choisir son camp, à l’époque : soit on était Françoise, soit on était Sheila, soit on était Sylvie. La romantique, la provinciale, la Parisienne. Vous devinez : j’étais une romantique, une très grande romantique. C’est d’ailleurs ce qui en moi, a séduit Marcel… Et puis des trois, elle est la seule à avoir participé à l’Eurovision. La preuve qu’à l’époque, le Concours accouchait de stars, de vraies stars, pas d’étoiles filantes à la Coqueline Saucisse ou de pétards mouillés à la Maxime Roylion. Bref, aujourd’hui, revenons sur la carrière de Françoise Hardy et sur ses plus grands succès.

Naissance et jeunesse

Françoise Hardy naît le 17 janvier 1944 à Paris. Elle vit dans le dix-septième arrondissement en compagnie de sa mère et sa sœur cadette. Son père est aux abonnés absents, car marié avec une autre femme. En 1961, à l’âge de dix-sept ans, Françoise a découvert le rock’n’roll et trouvé sa voie : la musique. Elle entame une licence de lettres allemandes et se met à courir les auditions. Parallèlement, elle s’inscrit au Petit Conservatoire de Mireille.

Débuts et succès

En novembre 1961, Françoise signe un contrat avec la maison de disque Vogue et fait sa première apparition à la télévision, le 6 février 1962. Elle chante devant Mireille et les élèves du Petit Conservatoire, La Fille Avec Toi.

Sa carrière prend son envol le 28 octobre 1962. Françoise chante Tous Les Garçons Et Les Filles en intermède musical, lors de la soirée de référendum sur l’élection au suffrage direct du Président de la République. Le morceau devient un tube et se vendra à quatre millions d’exemplaires.

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Concours Eurovision de la Chanson

En 1963, Françoise est choisie par la télévision publique monégasque pour la représenter à Londres, au huitième Concours Eurovision. Elle y interprète L’Amour S’En Va et termine à la cinquième place, ex aequo avec Alain Barrière.

Afin de renforcer son succès sur la scène internationale, Françoise adaptera son morceau en allemand (Die Liebe geht) et en italien (L’amore va).


Les années soixante

1964 voit Françoise enchaîner les succès : Le Temps de l’Amour, Mon Amie la Rose, Et Même notamment. La chanteuse se hisse au rang d’icone, icone de la mode, icone des yé-yé, de par son style et sa collaboration avec les grands couturiers de la décennie, André Courrèges, Paco Rabanne et Yves Saint-Laurent.


En 1965, Françoise reçoit un accueil des plus favorables Outre-Manche avec ses premiers disques en anglais : la reprise de Catch a Falling Star, l’adaptation de Et Même, However Much et All Over The World.


Françoise chante de même en allemand et en italien. Elle participe au Festival de San Remo en 1966, avec Parlami di te et y termine à la quatorzième place.

1967 voit Françoise fonder sa propre maison de production. En septembre, elle rencontre Jacques Dutronc et forme bientôt avec lui, l’un des couples phare de la chanson française. Elle chante Des Ronds dans l’Eau.

Les années soixante se concluent en apogée pour Françoise. Serge Gainsbourg lui écrit deux chansons, intégrées sur son neuvième album : Comment Te Dire Adieu et L’Anamour. Le succès est au rendez-vous, Françoise caracole en tête des ventes et les deux morceaux compteront désormais parmi ses plus emblématiques.


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Les années soixante-dix

En 1970, Françoise quitte Vogue pour Sonopresse. Jusqu’en 1973, elle enregistre et publie un album par an. Le succès est plus relatif. Françoise chante Le Crabe, Même Sous La Pluie et T’Es Pas Poli avec Patrick Dewaere.



En 1973, Françoise signe avec Warner. Elle rencontre Michel Berger qui l’accompagne dans l’enregistrement de son quatorzième album. Françoise met au monde son fils unique, Thomas, le 16 juin. L’album est commercialisé en novembre et rencontre un très grand succès, porté par les deux chansons de Michel Berger : Message Personnel et Première Rencontre.


En 1974, Françoise chante Je Suis Moi et en 1975, Que Vas-Tu Faire, composé par Jean-Michel Jarre.


Françoise marque ensuite une pause dans sa carrière. En 1978, elle signe avec EMI et grâce à Michel Jonasz, revient au sommet avec J’Écoute de la Musique Saoule.

Les années quatre-vingt

Françoise prolonge l’expérience en 1980 avec Juke-Box et Tamalou, mais se lasse de ce genre musical. Le 31 mars 1981, elle épouse Jacques Dutronc.


Françoise revient à l’écriture de ses chansons et retrouve ses styles préférés, dès 1983, avec Moi Vouloir Toi, en collaboration avec Louis Chedid.

Françoise espace désormais ses enregistrements. En 1986, elle sort V.I.P. et en 1988, Partir Quand Même, en collaboration avec Jacques Dutronc. Cette dernière chanson est le premier extrait de son vingt-et-unième album. Françoise déclare qu’il s’agira de son dernier et annonce son retrait de la scène musicale.


Les années quatre-vingt-dix

Durant la première moitié de cette décennie, Françoise écrit pour d’autres artistes, français, mais aussi anglais : Revenge Of The Flowers pour Malcolm McLaren en 1994 et To The End pour Blur en 1995.


Encouragée par Étienne Daho, Françoise décide de reprendre le chemin des studios. En 1996, après avoir signé un nouveau contrat avec Virgin, elle sort un nouvel album, porté par Mode D’Emploi ? et Les Madeleines. Il ne rencontre cependant pas le succès escompté.

Les années deux mille

Françoise conserve le silence durant quatre années. En 2000, elle enregistre Clair-Obscur, en compagnie de son fils. Sa reprise de Puisque Vous Partez En Voyage, en duo avec Jacques Dutronc, la voit renouer avec le succès. L’album devient disque d’or et décroche une nomination aux Victoires de la Musique.

En 2004, Françoise est diagnostiquée d’un lymphome. La même année, elle sort Tant de Belles Choses, son vingt-quatrième album. Lui aussi devient disque d’or. Françoise remporte le titre d’interprète féminine de l’année aux Victoires de la Musique.

En 2006, Françoise reçoit la Grande Médaille de la Chanson Française. Elle publie un album de duo, Parenthèses, qui devient disque de platine.

En octobre 2008, paraît le premier tome de ses mémoires, Le Désespoir des singes et autres bagatelles. Le livre rencontre un immense succès.

Les années deux mille dix

Françoise sort sont vingt-sixième album en 2010, La Pluie Sans Parapluie, porté par Noir Sur Blanc. Le disque est certifié d’or.

En 2012, Françoise enregistre et sort son vingt-septième et ultime album L’Amour Fou. Il commémore le cinquantième anniversaire de son premier disque et est porté par Pourquoi Vous ?, composé par Calogero. Il se conclue sur Rendez-Vous Dans Une Autre Vie, sa toute dernière chanson, message d’adieu à ses admirateurs.


Son lymphome s’aggrave en 2014. Françoise abandonne définitivement la chanson et publie en 2015 Avis Non Autorisé, suite de ses mémoires. Sa santé continue de se dégrader…

Bonus

Ah, la revoir durant ses premières interviews… Cela me donne la larme à l’œil…



Comme je disais à Madame Martineau : « Ah, Suzanne, des comme ça, on en fait plus. Le moule est brisé… » Citez-moi un seul nom parmi ces jeunots actuels qui se gargarisent d’incarner la nouvelle scène française, qui serait capable d’atteindre le statut d’une Françoise Hardy ou d’une Mireille Mathieu. Aucun, je vous dis ! Et ne me jetez pas la pierre, j’ai farfouillé sur VousEntubez et ce fut le désespoir. La preuve en un, deux, trois :



Envoyez-moi ça à l’Eurovision et c’est certain : nous terminerons à nouveau à la dernière place et avec un nul point, cette fois. Non, non, non ! Je suis formelle et je n’en démords pas : une grande chanteuse, une grande chanson, une grande interprétation et nous volerons vers les sommets. À bons entendeurs… Là-dessus, je m’en retourne préparer mes vacances à Saint-Marin. Nous avons trouvé notre hôtel : le Bellavista. Notre programme est déjà chargé et je ne sais si nous aurons assez de deux semaines pour tout voir. Au fait, si l’un d’entre vous connaissait l’adresse de cette chère Valentina Monetta, pourrait-il me la communiquer ? C’est que je tiens à mon autographe…

Bien à vous,

Francine MICHU

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