Agnetha 2Ballade ! L’Eurovision est le royaume des ballades. Un violon, un piano, une voix et voilà vos ressentis les plus intimes exposés en trois minutes. Vos canaux lacrymaux s’activent, les actions de Kleenex repartent à la hausse, vous venez de succomber à une ballade. Vous êtes faits et refaits. Pourtant, vous aviez supplié : pas de ballade, pas trop de ballade, une ou deux à la rigueur, point trop n’en faut ! Vous avez déjà gémi au moins une fois dans votre existence : c’est l’année des ballades, horreur, malheur, ballade ! Vous militez pour l’introduction d’un quota pour les ballades : pas plus d’un quart par édition du Concours. Et toutes interprétées dans une langue nationale, sinon à quoi bon ?

Trêve de plaisanterie ! Ballade et Eurovision sont des notions consubstantielles. Les débuts du Concours ne sont d’ailleurs qu’une longue enfilade de ballades et de grandes chansons. Jusqu’à ce que Serge Gainsbourg introduise en 1965, la possibilité d’une chanson pop. Mais les ballades demeurent et triomphent, le Concours leur doit certains de ses moments les plus iconiques, de Gigliola Cinquetti à Il Volo (décidément, ces Italiens savent y faire…). D’ailleurs, notre premier contact personnel avec l’Eurovision fut une ballade : la première chanson de la première édition que nous avons suivie. C’était en 1998, c’était la Croatie, c’était Danijela.

Cette Saison n’a pas fait exception : nous avons eu droit à de la ballade en veux-tu, en voilà. Nessun grado di separazione : aucun degré de séparation entre les ballades et nous ! Reprenons ici le fil de notre série, bilan et conclusion de la Saison. Aujourd’hui : nos dix ballades préférées ! Dix ballades qui n’ont pas été sélectionnées pour Stockholm et qui resteront dans nos cœurs et nos lecteurs MP3 pour les siècles et les siècles. Amen… Nous vous rappelons que nos choix personnels peuvent différer de ceux de nos collègues rédacteurs.

  1. Malte – Franklin – Little Love – Troisième en finale

Le Malta Eurovision Song Contest se déroule dans un univers télévisuel parallèle. Nous vous avouons avoir marqué le pas cette année : trop de morceaux formatés, trop de jury et surtout, trop, trop, trop de publicités. Nous nous doutons que le financement du MESC en dépend, mais de là à lancer des encarts en bandeau au même moment que les bandes son… Limite si le présentateur ne disposait pas d’un espace publicitaire sur le front… Par ailleurs, nos dons de précognition en sont sortis renforcés : nous nous doutions bien qu’Ira l’emporterait avec Chameleon, mais qu’elle changerait de chanson avant la date-butoir. Inutile de nous la monter à l’envers, nous devenons experts à force ! Nous restera au final notre petit chouchou à nous, notre chanteur maltais praliné préféré : Franklin. Il est beau, il chante divinement bien, il est du dernier des kitsch et des camp, il s’adonne avec constance à l’art de la ballade, il nous cueille à chaque fois. Little Love est digne d’un Disney. Et pourquoi pas ?

  1. Pologne – Edyta Gorniak – Grateful – Troisième en finale

Comme vous, nous avons été très émoustillés par le retour d’Edyta-To-Nie-Ja. Il faudrait à ce propos commissionner une enquête sur cette propension des fans du Concours à s’emballer au retour d’anciens candidats. Nous ne nous l’expliquons pas nous-même. Bref, cette Krajowe Eliminacje s’annonçait au mieux. Edyta s’était choisi une bien belle ballade qui a aussitôt résonné dans nos cœurs. Classieuse, puissante, intemporelle… Nous aurions accordé la médaille d’argent à la reine de Pologne, car nous soutenions Margaret à mort, vous avez pu le lire dans notre épisode précédent. La prestation d’Edyta à cette funeste finale nous a trouvé heureux. Heureux pour elle et pour le Concours. Quelques piques à la production : n’y avait-il vraiment pas moyen de lui fixer son boîtier dans le dos ? Sa présence noir sur blanc était d’un goût… Et puis, bonjour les cadrages… La chute de cette sélection fut un abîme. Quelle est désormais la probabilité qu’Edyta revienne concourir à l’avenir ? Laissez-nous espérer…

  1. Lituanie – Aiste Pilvelyte – You Bet – Cinquième en finale

Loreen en colère ! La partie la plus rationnelle de notre moi intérieur donne raison à notre ami Antoine : cette chanson n’est pas ce dont l’Eurovision a besoin en 2016. Nous sommes prêts à en reconnaître les défauts et les faiblesses. Pourtant, nous avons fait trembler notre immeuble en nous époumonant sous la douche (où d’autre ?) : « You beeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeet ! » Nous avions idolâtré Aiste dans Troy On Fire et dans Melancolia. Il faut croire que notre passion pour ses cascades d’aigus ne faiblira jamais… Car c’est la voix d’Aiste qui nous captive, cette voix incroyable, puissante, qui sort sans effort apparent de sa gorge. Cette voix mériterait plus que tout autre de gracier la scène de l’Eurovision. Nous acceptons les autres critiques et nous prions chaque soir dans notre petit lit blanc, avant de nous endormir: « Mon Dieu, faites qu’Aiste se trouve une bonne chanson et qu’elle gagne l’Eurovizijos Atranka. Et si vous pouviez au passage offrir à Donny Montell, un contrat publicitaire avec une marque de sous-vêtements, vous seriez vachement sympa ! »

  1. Suède – Isa – I Will Wait – Éliminée à l’Andra Chansen

Voilà qui est curieux : l’année dernière, elle nous avait porté sur les nerfs avec son Don’t Stop et ses extensions blondes. Cette année, elle nous a ravis avec I Will Wait et ses extensions brunes. Cette ballade nous a transportés vers des sommets. Plus encore : sa mise en scène a comblé nos attentes de théâtreux. Nous n’adorons rien d’autre qu’une présentation dramatisée, scénarisée, qui emprunte aux codes du théâtre pour impressionner le téléspectateur lambda du fond de son canapé. Vous imaginez à quel point nous sommes à la fête, puisqu’il s’agit d’une tendance nouvelle du Concours… Là-dessus, nous aurions bien vu Isa en finale du Melodifestivalen. Mais des goûts et des couleurs du public suédois… Nous l’aurions volontiers échangée contre David Lindgren et Saraha réunis. Isa nous reviendra-t-elle en rousse ? Faites le ciel…

  1. Danemark – Sophia Nohr – Blue Horizon – Éliminée en finale

Nous aurions tant de choses à dire sur le Dansk Melodi Grand Prix et si peu de positives… Qu’un diffuseur investisse autant de temps, d’argent et d’énergie pour au final sélectionner une chanson aussi médiocre, nous dépasse. La qualité de la production, de l’audio-visuel, du spectacle demeurent une référence. Mais la qualité des morceaux en lice et surtout, la qualité des présentations nous a trouvés consternés. Nous aurions aimé entendre des morceaux reflétant la scène danoise contemporaine et pas des morceaux littéralement déjà entendus (coucou, Anja !). Et surtout nous aurions aimé voir de l’audace, de l’audace, encore de l’audace sur scène. Nenni. La victoire des Lighthouse X nous fut amère. Fou : le pays qui a remporté le Concours en 2013 se dirige tout droit vers une seconde élimination consécutive en demi-finale. Sic transit gloria mundi, comme qui dirait… Tout n’était pourtant pas à jeter, Loreen était d’accord avec nous : Sophia Nohr avait du potentiel, avec ce numéro doux, promesse d’horizons bleutés. Nous avons été séduits dès la première écoute, au point de chantonner sur la route du bureau (il faut bien sortir de temps en temps de cette douche) : « I run to the bluuuue horiiiizon. » Nous avions des attentes plus que raisonnables concernant sa qualification en super-finale, mais la présentation ! Sophia s’est contentée de chanter assise. C’était trop peu ! Nous pensons qu’une présentation à la Greta Salomé aurait emmené Sophia dans les hauteurs du classement, voire même au-delà. Cela prête à débat, nous en reparlerons.

  1. Estonie – Mick Pedaja – Seis – Quatrième en finale

De la thèse à l’antithèse, du DMGP à l’Eesti Laul. La télévision estonienne, elle, s’est creusé les méninges avec les artistes en lice pour sublimer leurs trois minutes. Rarement une sélection nationale aura autant innové sur le plan visuel. Une audace bienvenue, qui nous a étonnés et ravis, parfois heurtés. Les démultiplications de Laura nous ont enchantés. Mais l’acmé fut pour nous les projections lumineuses sur le visage et le corps de Mick Pedaja. À première écoute, nous étions passés à côté de son Seis. Il s’est rappelé à nous lors de la demi-finale. Nous avons été subjugués et avons rejoint Antoine : Mick avait l’étoffe d’un gagnant. Vous imaginez notre hurlement lors de l’annonce des qualifiés pour la super-finale et le passage en force de Cartoon. Ceux-là  ne perdent rien pour attendre : nous les repasserons sur le grill dans le dernier épisode de notre série. Laura-Mick-Jüri auraient été notre trio de tête. Nous espérons à présent revoir bientôt Mick et une autre de ses prestations d’avant-garde. De l’Art !

  1. Lituanie – Erica Jennings – Leading Me Home – Deuxième en finale

L’Eurovizijos Atranka est notre chemin de croix annuel. Trois mois pour accoucher d’un vainqueur discernable à la première écoute des chansons en lice, merci bien ! Sur ces entrefaites, le règlement change, change, change, tout le monde discute, discute, discute et Donny Montell reste désespérément habillé. Et puis le coup des prestations préenregistrées et des votes du jury national annoncés avant coup, nous a semblé idiot… Au bout de deux semaines, nous avions compris que cela se résumerait à un combat des anciens, Donny-Ruta-Aiste-Erica. Nous avons parlé d’Aiste, nous reparlerons de Ruta. Parlons de ce duel Donny-Erica. Vous l’aurez compris : nous aimons Donny… jusqu’à ce qu’il se mette à chanter. Pardon, Loreen ! Nous trouvons I’ve Been Waiting For This Night barbant. Depuis ce premier samedi de janvier, notre préférence est allée à Leading Me Home. Erica Jennings insuffle tellement d’âme et d’esprit à ce morceau gospel qu’elle nous a sur le champ conquis. Nous avons dansé de joie lors de sa victoire en demi-finale. Nous avons versé une larme sur sa deuxième place en finale, derrière l’attendu Donny. Nous nous sommes consolés en songeant à ce futur contrat pour une marque de sous-vêtements (cela tourne à l’obsession).

  1. Norvège – Laila Samuels – Afterglow – Quatrième en super-finale

« Je serai ton brise-glace. » Avouez qu’en français, la chanson d’Agnete sonne faux. Nous voyons bien où elle veut en venir avec son refrain et ce changement de rythme, hélas pour elle, notre banquise reste impénétrable et ses trois minutes nous laisse de glace. Cette sélection du Melodi Grand Prix nous aura donné des sueurs froides : le MGP imite dangereusement son petit frère, le DMGP. Les dix chansons norvégiennes retenues nous ont semblé fades et formatées. Notre déception fut sauvée par Laila Samuels et son Afterglow, puis par les présentations, lors de la finale. Dieu merci, la télévision norvégienne a conservé son excellence et son originalité : les visuels étaient à la hauteur des meilleures sélections. Quelques traits d’audace et de bons jeux de caméra ont sublimé ce MGP. Nous avons battu de mains aux lasers de Laila. Puis nous sommes restés interdits devant sa prestation. Elle y a insufflé tant de rage et de souffrance qu’elle nous a un peu rebutés. À notre avis, une interprétation plus sereine et plus douce aurait porté au sommet cet excellent morceau, l’un des meilleurs de la Saison.

  1. Danemark – Simone – Heart Shape Hole – Troisième en super-finale

Et revoilà le DMGP ! Ces trois minutes sont pour nous le plus grand gâchis de la Saison. Nous en avons hurlé de dépit devant notre écran et bourré de coups nos coussins. Comment est-il encore concevable en 2016 qu’une artiste chante dans un cœur géant en raphia ? C’était déjà passable, il y a huit ans, pour Kalomira. Aujourd’hui, c’est un non-non de première ! Pourtant Simone disposait du meilleur des atouts, et Loreen était d’accord avec nous : Heart Shape Hole (mal aisé à traduire en français) est une excellente chanson, contemporaine, puissante, qui aurait causé merveille à Stockholm. Elle se détachait de la pâle sélection danoise, elle nous a marqués dès la première écoute. Et puis patatras ! Notre avis personnel est que Simone a oublié de regarder les dernières éditions du Concours. Déjà en 2010 et en 2013, ses présentations flirtaient avec le cliché. C’était excusable alors, c’était courir au mur en 2016. Fait aggravant à nos yeux d’éditrices de mode : le look choisi par la chanteuse collait parfaitement au décor, absolument pas à la chanson. Le tout rendait à l’œil l’impression que Barbie tentait sa chance à l’Eurovision. À pleurer, car Simone a triomphé vocalement et porté Heart Shape Hole au pinacle. La prochaine fois, nous recommandons à la DR de présenter les morceaux à l’aveugle, derrière un rideau ou dans le noir le plus complet. Cela nous évitera une chute pénible sur notre trou en forme de cœur (désolé, nous n’avons pas pu nous en empêcher)…

  1. Finlande – Mikael Saari – On It Goes – Troisième en finale

Un anti-fan a reproché aux soutiens de Mikael Saari de ne pas juger objectivement sa chanson. Il a eu l’audace d’ajouter que s’il avait chanté faux un extrait du bottin téléphonique, nous nous serions malgré tout pâmés devant lui.  Nous nous insurgeons : On It Goes est à nos yeux, la meilleure ballade de la Saison et l’un des meilleurs morceaux de 2016, à des années-lumière au-dessus de certains sélectionnés pour Stockholm (doigt vengeur pointé en direction de Saint-Marin). La prestation de Mikael était impeccable, avec cette dose de théâtralité et de mystère obscur dont nous raffolons. Nous décider entre Saara et lui fut un brise-cœur. Nous le classâmes deuxième, car No Fear nous faisait rire et danser. Nous aurions cependant tout donné pour qu’au dernier instant, Mikael l’emporte sur Sandhja. Nous avons fait part de notre cruelle déception à l’issue de cet UMK. Nous restons sur nos éloges : cette sélection fut musicalement, l’un des phares de la Saison. Et Mikael dispose de l’avenir. Nous sommes convaincus qu’il dispose des qualités nécessaires pour triompher et apporter une seconde victoire à la Finlande.

Et vous ? Quelles ont-été vos ballades préférées de la Saison ? Dans l’attente de vos réponses, nous vous souhaitons le meilleur et vous donnons rendez-vous pour le troisième épisode de notre série : plaisirs coupables. Ouh…