Maudits ! Qu’ils soient maudits et leur chanson aussi ! Qui donc ? Mais ces artistes qui auront miné ma Saison 2017, pardi ! Chaque année, la même pièce dramatico-comique se rejoue : des concurrents viennent heurter les brisées de mes nerfs. Ils me rendent fou, fou à lier. Il leur suffit d’apparaître à l’écran pour me mettre hors de moi. Dès la première note de leur chanson, je perds sens et raison, je suis livré aux démons de la haine. Je ne me calme que lorsque leur élimination est officialisée et qu’ils quittent la scène, l’instrument entre les jambes.

Notez que sans eux, ma Saison ne serait pas réussie. Car il faut que je les haïsse pour que j’en aime d’autres avec plus d’ardeur et de ferveur (si vous suivez bien ce raisonnement sans raison). De même, il faut qu’à l’Eurovision, des concurrents me bouleversent de haine et de rancoeur, pour que mon coeur batte plus intensément encore pour mes favoris. Si vous avez fidèlement suivi mes articles, vous savez que cette année Ilinca & Alex et Jacky Garland étaient dans ma ligne de mire. Oh, que je les ai abominés ! Oh, que je les ai conspués ! Oh, que je les ai maudits !

Ils ne furent pas mes seuls bêtes noires, loin de là. Durant les sélections nationales, d’autres candidats ont inscrit leur nom au panthéon des artistes que j’ai passionnément détestés. Qui sont-ils ? Rouvrons notre livre d’histoire sur l’étagère pour le savoir ! Aujourd’hui donc, cinq concurrents malheureux qui ont rejoint mes Enfers intimes. Puissent-ils y brûler pour l’éternité ! Vous prendrez garde : il s’agit ici de jugements subjectifs, partiaux, personnels, qui n’engagent que moi. Si vous les désapprouvez et/ou si vous en aviez d’autres qui vous ont enragés, faites-nous en part dans les commentaires !

5. Daði Freyr Pétursson – deuxième au Söngvakeppnin

Une très belle tête à claques et des prestations vocales qui m’auront mis les nerfs en pelote. La chanson, surtout en version studio, donne l’impression d’avoir été composée sur un clavier Playskool. Mais enfin, il y avait encore quelques idées intéressantes dans la partition et dans les paroles, un vague potentiel. Sauf que, sur scène, Daði surjoue la carte du hipster fatigué par la vie et par l’amour, trop branchouille que pour se laisser affecter par des sentiments. Un genre qui m’a déplu dès la première seconde. Grosse prise en grippe de Daði et envie de lui enfoncer la tête dans un pot de céréales. Évidemment, il se qualifie pour la finale du Söngvakeppnin, sinon, ce ne serait pas drôle. Et évidemment, Aron Brink se plante vocalement, lui dégageant un boulevard. Notre hipster s’envole pour la superfinale. Rage et désespoir ! Qu’ont pu trouver les jurys à ce mec ? À genoux devant la télévision, supplique au ciel et aux Islandais de choisir Svala. Et alléluia… Ma joie sera de courte durée. L’Islande est un trop petit pays que pour voir disparaître Daði de mes horizons eurovisionesques. Il reviendra, soyez en sûrs !

4. Genc Salihu – deuxième au Festivali i Këngës

Inutile de réécrire toute une tartine sur le Festivali i Këngës, je me suis déjà largement exprimé à ce sujet dans un article antérieur. En résumé : si la télévision albanaise souhaite se faire remarquer positivement à l’Eurovision, elle aurait tout intérêt à oublier le FiK. Attention : ce festival albano-albanais est digne de se perpétuer pour les siècles et les siècles. Mais pour l’Eurovision, c’est non, juste non. Prenez Lindita : une excellente chanteuse qui donne dans le hip-hop hardcore. Ça aurait pu dépoter à Kiev, sauf que le FiK est passé par là et qu’elle s’est métamorphosée en beuglante hallucinée. Mais celui qui m’aura rendu fou lors de cette dernière édition, est Genc Salihu, l’incarnation totale des travers de la sélection albanaise. Genc est un autre hipster (décidément…) et un chanteur populaire (dans les deux acceptations du terme). Ses prestations vocales se sont révélées professionnelles, un petit (tout petit, hein !) argument en sa faveur. Mais sa chanson, bon Dieu ! Sa chanson ! Une horreur sans nom pour les amateurs de musique pop comme moi. Passée et poussive, quatre minutes d’ennui total pour ma petite personne. Sommet atteint avec ces extraits vidéos d’un vieux monsieur. Sans doute le morceau lui rend-il hommage… Ma première réaction à vif : « Pas ça à l’Eurovision ! Pitié ! ». Plus philosophiquement, je me suis demandé si le Groupe de Référence validerait pareille chanson. Là-dessus, fatalement, les jurés albanais, toujours en retard de quelques guerres, se sont enflammés pour Genc, le catapultant jusqu’à la deuxième place de la finale. J’en aurai bouffé mon canapé ! Mes seuls espoirs concernant l’Albanie tiennent désormais en deux mots : Dilan Reka.

3. The Ludvig – deuxième au Supernova

Il y eut Ludwig van Beethoven. Il y eut Ludwig van 88. Il y a désormais The Ludvig. Hélas, Jēkabs Ludvigs Kalmanis, de son vrai nom, est nettement plus irritant que ses lointains prédécesseurs musicaux. Seule excuse envisageable : The Ludvig est jeune. Ce qui nous valut bons nombres de vidéos attendrissantes de The Ludvig avec son papa, sa maman et sa petite soeur. Et vas-y que je suis respectueux à table ; et vas-y que je passe le sel poliment ; et vas-y que maman déballe son émotion sur fond de piles de linge repassé ; et vas-y que papa détaille sa fierté dans le garage ; et vas-y que The Ludvig se raconte dans sa chambre d’ado (qui entre parenthèses, aurait bien besoin d’être repeinte). Mes nerfs, mes nerfs, mes nerfs ! Et cette chanson ! Une scie composée par The Ludvig lui-même et qui me mit aussitôt en capillotade. Forcément, tous mes favoris furent éliminés d’emblée au Supernova et The Ludvig se vit porter à bout de bras par le public letton jusqu’en finale. Je m’arrachai les cheveux et implorai tous les saints eurovisionesques : tout, tout, mais pas The Ludvig ! Rien qu’entendre sa voix me propulse au plafond. Plutôt Santa, plutôt le Castor, plutôt n’importe quoi d’autre ! Quelqu’un a dû m’entendre quelque part, car The Ludvig a terminé deuxième, loin derrière Triana Park. Aucune illusion à avoir, ici, non plus : il va revenir, il va revenir ! Mais que fait Aminata ? Pourquoi n’a-t-elle pas participé cette année ? Elle vient de sortir un morceau parfait… Allez, quoi…

2. Ivo Linna – cinquième à l’Eesti Laul

Vous m’accuserez encore de jeunisme. J’assume ma position : tenez les vieux éloignés de l’Eurovision, surtout lorsqu’ils chantent des trucs de vieux ! En 1996, Ivo était encore agréable à écouter. Vingt-et-un ans plus tard, il est insupportable. Le fait d’être une légende vivante dans son pays ne lui donne pas tous les droits musicaux à mes yeux. Ma première réaction à la découverte de Suur loterii a en effet été une surprise incrédule : le jury de l’ERR a reçu 242 chansons et il a retenu celle-là !? Dites-moi que je rêve ! Ils n’ont pensé qu’à l’audimat, impossible autrement. SL est un vieux rock poussiéreux et sans intérêt. Certes, Ivo est irréprochable en tant qu’interprète. Mais musicalement, on tutoie la Chance aux Chansons… Impossible de croire que l’une des meilleures sélections européennes s’adonne à ce genre de plaisirs… Et pourtant : le public estonien lui a fait un triomphe. Ivo remporte sa demi-finale. Notez que le jury, lui, n’a été que moyennement convaincu. En finale, mon malheur se prolonge, le couteau musical est retourné dans la plaie. Ivo s’accroche, avec le soutien du télévote. Là-dessus, merci jury ! Ivo termine quatrième et échoue aux portes de la superfinale. Intense et profond soulagement. Et maintenant, si Ivo pouvait se concentrer sur sa carrière et ses tournées en Estonie et oublier l’existence même de l’Eurovision, il me serait enfin agréable. Ma grosse lotterie à moi, en somme…

1. Wiktoria – sixième au Melodifestivalen

Eh bien, oui, oui ! C’est elle, c’est bien elle la concurrente qui m’aura le plus insupporté cette Saison. Vous n’imaginez pas combien elle m’aura mis hors de moi… Cet aveu devrait m’attirer quelques ennemis, mais il est franc et honnête : Wiktoria m’a cassé les burnes durant toute la période du Melodifestivalen, soit six longues semaines. Quel attrait peut-elle bien exercer sur les téléspectateurs suédois et les fans qui ont réclamé sa victoire à cor et à cri ? Un vaste mystère en ce qui me concerne… L’année dernière, elle ne m’avait pas même fait lever un sourcil. Entre-temps, elle nous avait gratifié d’un très bon single, que j’ai téléchargé (preuve que je ne suis pas si hermétique à son talent). Et puis, la voilà de retour au MF, en sosie officiel de Christina Aguilera, avec ses insupportables maniérismes vocaux et surtout, avec une chanson pastichant les standards de la country. Certains se sont extasiés sur sa mise en scène et sur son lit. J’ai trouvé l’ensemble ridicule. La voir se qualifier directement pour la finale devant Loreen m’aura porté au comble du désespoir. J’étais alors, comme bon nombre d’observateurs, convaincu et surtout, résigné de la future victoire de Wiktoria. Aarrghh : deux mois supplémentaires à me la farcir ! J’étais bon pour un exil temporaire à Bratislava. Comprenez alors ma surprise et mon ravissement en découvrant que les jurys européens l’avaient boudée, eux aussi. Wiktoria termina à la huitième place de leur classement. C’en était fini pour elle et pour moi ! Certes, les Suédois lui attribuèrent une deuxième place au télévote, insuffisante, hélas. Reposez-en paix, prétentions à l’Eurovision ! Sur ce, je devrais être tranquille pour quelques années, avant qu’elle ne revienne. Nous fera-t-elle un Mans Zelmerlöw ? Si ça ne tenait qu’à moi, elle nous ferait plutôt un petit Yohio…

BONUS

Il y a ceux qui m’auront fait grimper de rage aux rideaux et il y a ceux qui m’auront désespéré du Concours. Rude d’être fan, de défendre l’institution et de lui montrer sa loyauté, lorsque que ces derniers se piquent d’y participer. Petit contre-classement du pire du pire de cette Saison 2017, quand l’Eurovision blesse, oui, blesse, réellement blesse, au milieu de la nuit, à la lumière du jour. Et vous, vous savez à quel point cela blesse

5. Danyl Johnson – finaliste d’Eurovision You Decide

Un jeune homme souriant, un morceau compassé et insipide et surtout, une prestation qui vire au massacre vocal. Trois minutes insupportables et douloureuses, un accident industriel, qui auront fait saigner mes tympans.

4. Fabiola & Agnesa – treizièmes au Festivali i Këngës

Elles ont vu de la lumière et elles sont entrées. Je ne vois que cela comme explication. Tout est à jeter dans ces trois minutes, à commencer par ces deux pseudo-chanteuses. À peine digne d’une fête scolaire de fin d’année.

3. Club La Persé – neuvième à l’Uuden Musiikin Kilpailu

Ni drôle, ni abouti, ni même intéressant. La télévision finlandaise a décidemment perdu toute direction en matière d’Eurovision. Ce gloubi-boulga électro est vocalement et scéniquement charcuté par des interprètes qui veulent choquer le bourgeois, mais assassinent la musique.

2. Lermont & Julic – treizièmes de la finale biélorusse

La sélection biélorusse ne vole jamais bien haut. Là, elle touche le fond. Nos deux compères ne savent pas chanter, un handicap sérieux lorsque l’on envisage carrière dans le milieu. Y aurait-il une âme charitable pour le leur signaler ?

1. Dorel Giurgiu – éliminé aux auditions de la Selectia Nationala

Là, je renonce. D’un autre côté, les sélections nationales sont faites pour trier le bon grain de l’ivraie. Mais enfin, que ce truc ait pu être diffusé à la télévision et comporter la référence « Eurovision », me tue.

Sur ce, passez un excellent week-end et rendez-vous la semaine prochaine ! Au menu : un hommage tout particulier à Salvador Sobral.