history_bookVous, moi, nous les fans sommes des privilégiés : nous connaissons déjà le nom du vainqueur de la soixante-deuxième édition du Concours Eurovision de la Chanson, qui aura lieu en mai 2017, quelque part en Ukraine. Quoi ? Comment ? Vous m’objecterez que la ville-hôte n’a même pas encore été choisie et qu’aucun nom n’a été cité parmi les futurs représentants. Alors ? Qu’est-ce qui me permet d’avancer pareille allégation ? Un constat simple et intéressant, déduit sous ma douche (où d’autre ?) : Jamala l’était, Måns l’était, Conchita l’était, donc le prochain gagnant a de fortes chances de l’être. D’ailleurs, si l’on y réfléchit, Loreen l’était aussi, tout comme les Olsen Brothers, Dana International, Johnny Logan, ABBA et Dana.

Vous avez cliqué sur les liens, vous avez deviné le point commun entre ces vainqueurs : ils ont tous été des candidats malheureux ! Ils se sont présentés à une sélection pour l’Eurovision, ont échoué, sont revenus avec une meilleure chanson et ont remporté le grand chelem. Hier, ils étaient des chanteurs obscurs à peine connus des fans ; aujourd’hui, ils ont leur nom gravé dans l’inconscient collectif. Nous pouvons prolonger notre propos : depuis 2005, tous les vainqueurs du Concours ont au préalable remporté une sélection nationale télévisée. Ruslana est la dernière gagnante à avoir été choisie par sélection interne.

Nous en avions déjà discuté : participer à une sélection nationale est la meilleure des préparations à l’Eurovision. Les artistes s’y aguerrissent, y apprennent l’art de charmer la caméra, y développent des visuels forts. Ils arrivent au Concours avec une expérience, une maturité et surtout, une équipe entraînée, capable de les conseiller au mieux. Par ailleurs, la sélection télévisée confronte opinion des experts et opinion du public. Les sélections dont la procédure de vote reflète celle du Concours (mi-télévote, mi-vote d’un jury international) produisent généralement d’excellents candidats.

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Moralité : il y a avantage à tenir une sélection ouverte. Imprévisibilité eurovisionesque oblige : si cela demeure vrai pour les vainqueurs, cela ne l’est pas pour le restant du classement. Cette année, les choix internes de l’Australie, de la Russie, de la Bulgarie, de l’Arménie et bien entendu, de la France ont terminé parmi les dix premiers. Aucune règle générale donc, une tendance marquée cependant pour le micro de cristal. Qui nous ramène à notre phrase introductive : il y a de fortes probabilités que le vainqueur de l’édition 2017 ait déjà concouru à une sélection antérieure et que nous connaissions donc son nom et son visage ! Étrange perspective…

C’est le moment de rouvrir notre livre d’histoire et de parcourir son chapitre consacré aux sélections nationales. Repassons le trombinoscope des artistes non sélectionnés et tentons d’y repérer le futur gagnant. Je les ai triés sur trois critères : une ou plusieurs participations à une sélection nationale télévisée ; une envie marquée de représenter son pays au Concours et une présence scénique indéniable. J’ai rassemblé le tout et établi un classement personnel et subjectif. Aujourd’hui donc : cinq artistes qui pourraient remporter l’Eurovision en 2017 (comprenez : cinq artistes dont j’aimerais qu’ils remportent l’Eurovision en 2017 et souvenez-vous qu’en la matière je n’ai pas souvent le nez creux).

5. Linnea Dale pour la Norvège

Linnea est née il y a vingt-cinq ans dans une vallée rieuse de la Norvège profonde. Elle fait sa première apparition publique à l’âge de seize ans, en 2007, lorsqu’elle participe à la cinquième saison de la Nouvelle Star norvégienne. Elle y termine septième. En 2009, elle collabore avec le groupe Donkeyboy et ensemble, ils atteignent la première place des charts norvégiens avec Ambitions. Linnea sort son premier album en 2012, Lemoyne Street. Elle en tire deux singles : Children Of The Sun et And The Sun Comes Up. Deux ans plus tard, en 2014, Linnea embrasse l’Eurovision : elle est retenue pour le Melodi Grand Prix avec High Hopes qu’elle a coécrit. En robe verte sur fond rouge, entourée de danseurs costumés, elle impressionne, elle m’impressionne. Sa voix envoutante se joue d’une chanson fraîche et contemporaine. Linnea gagne son ticket pour la finale, puis pour la superfinale. Elle y termine deuxième, derrière Carl Espen. Dans la foulée, elle sort son second album, Good Goodbyes. Depuis, je l’attends, je l’attends, je l’attends et je ne vois qu’elle pour redresser la barre d’un MGP balloté par les flots. Je lui conseillerai de conserver son mystère et son élégance naturelle et de se ciseler un autre joyau électro.

4. Mikael Saari pour la Finlande

Les Finlandais m’auront brisé le cœur cette année, en choisissant Sandhja pour les représenter à Stockholm. Saara Aalto avait mes faveurs, mais plus encore, c’était pour Mikael Saari que mon organe cardiaque battait. Mikael naît en 1988 dans la banlieue d’Helsinki. Il fait ses débuts musicaux dans un groupe local et étudie le théâtre et la musique à l’Université de Lahti. Il joue dans plusieurs pièces et comédies musicales, jusqu’en 2013 où il surgit dans le spectre eurovisionesque. Il est retenu par la télévision finlandaise pour la deuxième édition de l’Uuden Musiikin Kilpailu. Il y interprète We Should Be Through, une chanson écrite et composée par ses soins. Les fans s’emballent, Mikael s’envole vers la finale. Face à lui, deux rivales : Diandra et Krista Siegfrids. Le vote du public permet à Krista de l’emporter. Mikael termine deuxième et reprend sa carrière d’acteur. Il sort un single en finlandais en 2015, avant de revenir sous les projecteurs de l’Eurovision en 2016. Son On It Goes, autre composition personnelle, concourt au cinquième UMK. Mikael remporte sa demi-finale et le vote du public en finale. Hélas, le jury le classe troisième et la victoire lui échappe pour six petits points : le voilà à nouveau deuxième. Je pleure toutes les larmes de mon cœur sur ma moussaka. Mikael se console avec la sortie de son premier album The Grand Letdown. Quant à moi, je me console dans l’espoir de son retour, car l’Eurovision a besoin d’auteur-compositeur-interprète de son talent.

3. Bogi pour la Hongrie

Bogi voit le jour en 1997, au nord de la Hongrie, sur les bords du Danube. Ses parents artistes l’initient très tôt à la musique et au chant. Bogi est découverte par son manager en 2012, grâce à des vidéos postées en ligne. Elle enregistre alors son premier single, Mesehös. L’année suivante, elle participe à la deuxième édition d’A Dal, la sélection hongroise pour l’Eurovision. Elle y chante Tükörkep, mais est éliminée d’emblée. Elle revient en 2014, en anglais, avec We All. Ces trois minutes me mettent à ses pieds. Je lui trouve toutes les qualités du monde. Portée par mes pensées, Bogi s’envole jusqu’en superfinale, s’incline devant András Kállay-Saunders et classe ensuite sa chanson en tête des charts hongrois, belle balle de match. Elle sort un autre single en anglais, Feels So Right, avant de se réattaquer à A Dal. En 2015, elle y chante World Of Violence et échoue cette fois en demi-finale, à mon désespoir le plus complet. Depuis, elle s’est adjoint le groupe The Berry et chante en hongrois. Je fais le vœu que 2017 soit son année, soit l’année de la Hongrie. Je vois en Bogi la nouvelle Lena, une Lena hongroise qui amènerait à ce nouveau pilier du Concours une première victoire méritée, une victoire attendue depuis 1993.

2. Claudia Faniello pour Malte

Attention, monstre sacré ! Claudia Faniello est l’une des candidates maltaises les plus emblématiques et les plus marquantes de la décennie écoulée. Elle est également l’une des plus malheureuses : elle a participé huit années consécutives à la sélection nationale sans jamais la remporter. De Claudia, vous connaissez le frère Fabrizio qui mériterait un épisode à lui seul. Claudia, née en 1988, participe à des concours de talents depuis ses douze ans. Elle se produit dans de nombreux concerts, aux côtés de son frère et d’autres représentants maltais. En 2006, elle participe pour la première fois à la sélection maltaise pour l’Eurovision. C’est le début d’une quête inassouvie. Claudia se classe douzième en 2006, septième en 2007, troisième ET deuxième en 2008, quatrième en 2009, huitième en 2010, neuvième en 2011. Elle s’essaye à tous les genres musicaux, tous les spectres de la musique pop, toutes les coupes de cheveux, rien n’y fait : la victoire lui échappe. En 2012, elle revient avec une mémorable ballade, Pure. Elle termine première du vote du jury. Hélas, à la toute dernière minute, le public lui préfère Kurt Calleja. Claudia s’incline pour six points et revient une toute dernière fois en 2013, terminant septième. Depuis, le silence. Il manque à Claudia LA chanson qui la fera briller et apportera enfin à Malte sa première victoire tant désirée. Je ne peux vous le cacher : je l’adore !

1. Margaret pour la Pologne

Voilà encore un classement dont la conclusion ne surprendra pas les plus fidèles d’entre vous, qui me lisez avec constance et attention (merci infiniment à vous !). Margaret aurait pu prétendre à la couronne cette année déjà, vous connaissez les circonstances qui l’en ont empêchée. Je prie le Ciel pour une revanche en mai prochain et pour un Concours 2018 en Pologne. Car tout y est ! Margaret naît en Poméranie occidentale, il y a vingt-cinq ans de cela. Tout en menant des études d’anglais et de mode, Margaret entame une carrière de chanteuse, sur scène et à la télévision, en groupe et en solo. Elle publie son premier single, Thank You Very Much, en 2012, qui ne rencontre le succès qu’en 2013, grâce à clip vidéo où la chanteuse est entourée de figurants nus. Margaret enchaîne avec Tell Me How Are Ya. 2014 voit sa carrière s’envoler. Wasted et son premier album Add The Blonde se classent dans le Top 10 des charts polonais. Start A Fire et Heartbeat sont également des succès. En 2015, Margaret sort un album de duos avec le chanteur de jazz Matt Dusk. 2016 la voit embrasser l’Eurovision. Dès la publication de Cool Me Down, les parieurs lui attribuent le micro de cristal. C’était sans compter Michal… Je bute encore et toujours sur l’incompréhension : CMD respirait le meilleur de la musique pop actuelle. Certes, Margaret n’avait pas l’air fort à son aise sur la scène de la Krajowe Eliminacje, rien d’insurmontable cependant. Enfin, la TVP nous promet monts et merveilles pour sa sélection 2017. J’implore les mânes de Marcel Bezençon…

Non seulement ce classement est affreusement partial, mais il est en outre affreusement partiel. Les noms se bousculaient dans ma tête, le tri a été radical. J’ai fort pensé à Laura (Destiny et Supersonic), mais elle avait déjà participé en 2005 et ne rentrait donc pas dans les critères. À ce propos, la sélection estonienne regorge de talents et j’ai manqué de peu d’inclure Grete Paia (Päästke Noored Hinged et Stories Untold). Chez les cousins finlandais, je les ai citées, j’aurais pu les substituer à Mikael Saari : Saara Aalto et Diandra. Je leur ajouterai MIAU qui m’avait causé forte impression. Le Melodifestivalen est un autre réservoir de talents. La plupart des artistes y participant pourraient remporter une septième victoire pour la Suède. J’avoue une préférence pour un trio de chanteuses : Ellen Benediktson, Isa et forcément, Ace Wilder. Leur sort repose entre les mains du tout-puissant Christer Björkman. Côté norvégien, je placerais quelques espoirs en Laila Samuels et surtout en Karin Park, auteur-compositeur-interprète magistrale. Le Dansk Melodi Grand Prix déçoit beaucoup, elle m’a déçu, mais uniquement quant à sa présentation, je remets donc son nom sur le tapis : Simone, qui a la voix et le charisme nécessaire, qui doit cependant aborder le Concours avec plus de modernité. Restent nos amis islandais, dans la même situation. Pour redynamiser le Songvakeppni, je rappellerais trois candidates gravées dans ma mémoire : Gudrún Árný, Greta Mjöll et Stefanía Svarvarsdóttir. Un tout dernier nom me vient à l’esprit. Je le cite, bien que je sache par avance que Loreen va hurler : Aiste Pilvelyte pour la Lituanie. Je lui concède quelques travers et des chansons peu XXIe siècle. Je persiste néanmoins : quelle voix, quel vibrato ! Il y a là de quoi souffler l’Europe… Bref, beaucoup, beaucoup de talents ! Ne l’oubliez jamais : l’Eurovision est une marée de talents. Il faut être de la plus parfaite mauvaise foi pour ne pas le reconnaître… À vous maintenant ! Selon vous, qui serait susceptible de remporter la soixante-deuxième édition du Concours Eurovision de la Chanson ?

BONUS

La Belgique gagnera-t-elle, l’an prochain ? Pourquoi pas, ai-je envie de vous dire ! Au vu de notre montée en puissance, tout semble possible. Cela ne serait pas du luxe : trente années se sont tout de même écoulées depuis Sandra Kim. La malheureuse réclame à cor et à cri de partager cette lourde couronne avec un autre artiste. Vous le savez (car vous êtes des castards) qu’en 2017, c’est au tour de la RTBF de choisir notre représentant. Les succès critiques, publics et commerciaux de Roberto et Loïc devraient logiquement amener le télédiffuseur francophone à désigner un finaliste de la dernière saison de The Voice Belgique. Celle-ci s’est conclue le 19 avril dernier par la victoire de Laura Cartesiani. Peut-être sera-ce elle qui portera nos espoirs en Ukraine. Sinon, cela pourrait être l’un des trois autres : Emma de Quick, deuxième ou les troisièmes Olivier Kaye et Christophe Wurm. Réponse à la rentrée !

La Suisse gagnera-t-elle, l’an prochain ? Hum… Je serais plus réservé. Nous savons que le processus de sélection sera remanié. Tant mieux, mais je me pose cette question : tout sera-t-il mis en œuvre question scénographie ? Nous en reparlerons dans un an. Sur ce, Nico nous présente des artistes de qualité susceptibles de briller sur la scène du Concours. Je ne le concurrencerai pas, je me contenterai de vous rappeler quelques candidats talentueux, repérés sur la défunte plateforme Internet de la SRF, injustement éliminés et dont j’espère qu’ils retenteront leur chance en 2017. Les premiers que je citerai sont Arbresha et My Body Has Legs. Je leur ajouterai Celia, Elias Bertini et évidemment Patric Scott. Ah, que tout cela nous annonce une bien belle Saison 2017 !

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