La saison 2020 bat son plein; les finales nationales se suivent mais ne se ressemblent pas. Les déceptions, les petits bonheurs et les coups de cœur s’enchaînent avec frénésie. Alors que ce remue-ménage n’est pas encore fini, je prends le temps de vous présenter 10 chansons qui hantent ma playlist et promettent déjà de m’accompagner toute l’année.

10. Ziggy Wild – Lean On Me (Eesti Laul)

Après une édition plutôt bonne mais sans grande diversité l’année dernière, j’attendais que l’Eesti Laul se renouvelle un peu.

Et je n’ai pas été déçue.

En découvrant la playlist des 24 contributions, je décidai d’écouter en premier celle dont le nom me parlait le plus: ce fut « Lean on me« .

Et je n’ai pas regretté mon intuition.

Du rock !

Du bon rock un peu old school, mais diablement efficace, qui vous donne envie de bouger la tête, d’ébouriffer votre chevelure et de vous prendre pour une rockstar un peu rebelle.

Ce morceau me rend positive et pleine d’énergie à chaque écoute; il me fait littéralement sauter de joie et m’apporte ma dose quotidienne d’adrénaline musicale.

9. Bad Habits – Sail With You (Supernova)

Qui a dit que le Supernova était la pire finale nationale de l’année (alors que le Norsk Melodi Grand Prix est juste là) ?

Même si il ne payait pas de mine, même si je ne suis pas satisfaite du résultat final, ce Supernova regorgeait de pépites, et plus particulièrement celle-ci: « Sail with you« .

Tout comme pour « Lean on me », un parfum de rock flotte dans l’air. On s’imagine sur une route acidentée, marchant sous le soleil de plomb, une guitare sur le dos. La voix éraillée du chanteur renforce cet effet « baroudeur ». Pour moi, « Sail With You » est un appel à l’aventure et au voyage, et je visualise toujours des périples épiques à chaque écoute.

Bad Habits se seraient-ils qualifiés à Rotterdam ? Aucune idée.

Mais ils auraient apporté de la diversité et auraient sans doute été remarqués.

8. Baltos Varnos – Namu dvasia (Eurovizijos Atranka)

Une petite pépite passée inaperçue dans la sélection lituanienne, bien qu’elle ait réussi à atteindre les demi-finales.

« Namu Dvasia » est une caresse, un souffle d’air frais qui vous fait tout oublier.

Fermez les yeux en l’écoutant, et je vous promets que vous vous sentirez infiniment plus apaisé. La voix angélique de la chanteuse ainsi que la langue lituanienne aident grandement à renforcer ce côté aérien et presque mystique.

On se croirait presque sur un bateau qui part vers des paysages oniriques, où règnent le calme et la beauté.

Quel dommage que « Namu Dvasia » n’ait pas été sélectionnée pour la finale ; Même si elle n’avait aucune chance face à la tornade The Roop (dont la victoire est méritée), j’aurais été ravie de l’entendre en live une troisième fois.

7. SHIRA – Out In Space (Eesti Laul)

Je dois vous avouer quelque chose ; dans mon cœur d’Eurofan, il y a des blessures qui ne se referment pas, et ne se refermeront pas avant quelques temps. L’une d’entre elles concerne « Surprise » de Lilly Among Clouds.

Je cherche toujours à comprendre comment l’Allemagne a bien pu laisser passer une telle opportunité de figurer dans le top 10, au profit d’une chanson fade et médiocre qui leur valut d’entendre la désormais célèbre phrase : « I’m sorry, 0 point« , lors des résultats du télévote.

Pourquoi ressasser cette vieille blessure ? me demanderez-vous.

C’est simple : SHIRA l’a rouverte avec fracas, par le biais de sa chanson « Out in Space« , qui me rappelle fortement la grandiose ballade indie-pop de la belle musicienne allemande à la voix éraillée.

« Out in Space » a tout: une atmosphère feutrée, des airs de générique d’un film de James Bond, et surtout, une élégance folle, le tout rehaussé par la voix douce (quoiqu’un peu moins rauque que celle de Lilly) de mademoiselle SHIRA.

C’est obsédant, esthétique, sophistiqué, et tout simplement addictif.

6. Barbora Mochowa – White And Black Holes (Eurovision Song CZ)

En 2019, Barbora Mochowa m’avait déjà beaucoup impressionnée avec « True Colors » ; c’était une chanson si belle et mélodieuse. Et puis sa ressemblance vocale incroyable avec Lana del Rey m’avait profondément troublé. En voyant qu’elle revenait cette année, j’avais peur, très peur qu’elle ne propose quelque chose de moins fort, de moins puissant.

Elle prouva le contraire.

« White and black Holes » est infiniment plus complexe, plus planant, plus imprévisible, plus magique que « True Colors » (et vu d’où l’on partait, c’est un réel tour de force).

L’évolution, les changements de rythmes, la voix de Barbora, l’impressionnante note finale (un magnifique et angélique ré): tout est fait pour vous envoûter, vous obséder.

Bref: une fois que vous avez écouté « White and Black Holes », vous ne pouvez plus vous en passer.

Se serait-elle qualifiée à Rotterdam?

Aurait-elle été un meilleur choix que Benny Cristo?

Seul le temps peut le dire ; les fringants Lake Malawi nous ont prouvé l’année dernière que tout n’est jamais acquis.

5. Elisa Rodrigues – Não Voltes Mais (Festival da Canção)

Tous les ans, la même histoire se répète. Une petite chanson inoffensive se faufile entre les gros favoris d’une NF. Parfois, elle crée la surprise et atteint par miracle la finale. Mais souvent, elle passe à la moulinette, et tous les Eurofans l’oublient bien vite…

Tous ? Sauf moi.

Depuis que je m’intéresse de très près à la saison des sélections nationales, j’ai toujours eu un faible, sans même le faire exprès, pour ces outsiders qui n’ont aucune chance. Il faut bien que quelqu’un leur donne un peu d’amour et d’attention.

Cette année, parmi les morceaux de ce type, un en particulier me suit en toute occasion : « Não voltes mais » de Elisa Rodrigues.

Charmante chansonnette rythmée, colorée et pétillante, elle se démarque par des sonorités légèrement africanisantes, et un refrain entêtant.

La présence de cuivres et de chœurs planants achève de la rendre chatoyante.

À chaque écoute, je me mets à danser en tous sens, tant cette contribution me procure une euphorie communicative.

Un vrai petit rayon de soleil qui ne marquera hélas pas les esprits, mais continuera à hanter mes oreilles bien après le festival.

4. Pinguini Tattici Nucleari – Ringo Starr (Festival di Sanremo)

J’aurais pu consacrer une section entière à la programmation de ce 70ème Festival di Sanremo, tant les contributions étaient de qualité supérieure.

24 participants, et 24 chansons qui allaient de l’écoutable à la perfection.

Depuis que la saison 2020 a démarré, c’est la seule NF durant laquelle je me suis dit, l’air serein: « Tout le monde peut gagner, je serai heureuse ! ».

Et au final, mon favori l’a emporté. Que demander de plus ?

Mais outre le flamboyant Diodato, d’autres artistes attirèrent mon attention (on y reviendra plus tard dans les mentions honorables).

Et parmi eux, les fameux Pingouins Tactiques Nucléaires.

Je dois bien avouer qu’à l’annonce des participants, ma première réaction en lisant leur nom fut un incontrôlable gloussement. Je m’attendais à une joke entry qui n’aurait aucune chance et finirait dernière.

Quelle erreur !

Dès les premières notes, le groupe et leur chanson s’attirèrent ma sympathie immédiate.

« Ringo Starr » déborde de joie et de légèreté; son instrumentale enjouée et loufoque vous amuse et vous met de bonne humeur.

Essayez de l’écouter dans un moment de stress, vous vous sentirez infiniment mieux après. Pour l’avoir fait moi-même, je sais de quoi je parle.

Mais arrivons au point phare, à l’atout charme: les références aux Beatles que l’on retrouve dans l’esthétique du morceau, dans ses paroles, et jusque dans son titre.

Moi qui suis une grande fan des quatre garçons dans le vent, comment pouvais-je détester une chanson qui leur rend hommage ? C’était impossible.

En tous les cas, je souhaite une belle carrière à ces charismatiques Pingouins ; le SanRemo leur a offert une belle visibilité, plus que méritée.

3. Barbara Tinoco – Passe-Partout (Festival da Canção)

Le Portugal peut-il envoyer une chanson plus française que la France elle-même ?

Question compliquée et incongrue, n’est-ce pas ?

Pourtant, la réponse est oui !

Et elle se nomme « Passe-Partout » (à ne pas confondre avec le personnage de Fort Boyard, ni avec le célèbre héros de Jules Verne).

La douce Barbara Tinoco, de sa voix charmante et sucrée, séduit les foules et fait chavirer les cœurs sur ce titre envolé et authentique. Sans avoir besoin d’une machine à remonter le temps, elle nous prend par la main pour nous transporter dans les années 20, où le jazz règne en maître.

Comme pour « Ringo Starr« , Barbara Tinoco m’a charmé à grands coups de références intellectuelles: Marcel Duchamps, George Méliès, Le Portrait de Dorian Gray, Django Reinharts, Édith Piaf, Molière…

Tous réunis dans la même chanson…

Que pouvais-je faire, sinon céder à tant d’élégance ?

C’est tout simplement irrésistible !

2. KRUTB – 99 (VIDBIR)

Au travers de mes articles, vous avez pu le constater : j’aime la diversité et je favorise toujours les contributions les plus uniques, celles qui se démarquent.

Certains pays ont le don d’être en perpétuelle évolution et de proposer chaque année des chansons novatrices et qualitatives: l’Italie, le Portugal, mais aussi l’Ukraine.

Pour trouver de la diversité, fouiner dans leur sélection nationale, le VIDBIR, reste la meilleure option. Et cette année, ils n’ont pas déçu, une fois de plus.

Une chanson se détache en particulier: « 99 » de KRUTB.

Gracieuse, entêtante, et aussi douce que du velours, « 99 » vient se lover dans vos oreilles, aussi légèrement qu’une plume. Le refrain ne s’oublie pas, et depuis ma première écoute, je ne cesse de le fredonner inlassablement.

« 99 » abat toutes les barrières.

Est-ce de la folk ?

De la pop ?

Du jazz ?

De l’indie ?

Tout ça à la fois !

La voix de KRUTB, aérienne, fragile et atypique, est une bouffée de brise fraîche, qu’elle chante en anglais ou en ukrainien. Elle n’en fait jamais trop, et je pourrais l’écouter les yeux fermés tant elle m’apaise.

Cette petite pépite prouve que tout est encore permis dans les sélections nationales ; il ne faut pas avoir peur d’oser, de sortir du lot et des sentiers battus.

Il suffit simplement d’ouvrir son esprit et accepter de découvrir d’autres horizons.

Mentions honorables:

Il m’a été très difficile de réaliser ce top 10 tant la saison 2020 fut riche en merveilles.

En vrac, et rangés par pays, voici une liste d’autres contributions qui ont presque réussi à se faufiler dans ce classement:

Lituanie : We came from the sun (électrisant et entêtant), Alligator (acidulé et pétillant).

Australie : Rabbit hole (sombre et cinématographique).

Estonie : Write about me (suave et soyeux), Georgia (on my mind) (rétro et nostalgique), Heart Winder (enjoué et énergique).

Italie : Me ne frego (d’une positivité insolente), Carioca (élégant et ensoleillé), Vice e versa (m’a définitivement réconcilié avec l’univers de Francesco Gabani), Rosso di rabbia (parfaite fusion entre rap et rock), No Grazie (rageur et entraînant).

République Tchèque : Get up (intrigant mélange des genres), All the blood (Impactant et détonnant).

Lettonie : Polyester (totalement loufoque mais musicalement esthétique).

Portugal : Cegueira (magnétique), Rebellion (une montagne russe musicale), Agora (vaporeux et flegmatique), O dia de Amanha (mélancolique et calme).

Ukraine : La chanson du groupe O (que je n’essayerais pas d’écrire, je ne suis pas douée en Ukrainien), qui me fait danser à chaque écoute. L’ajout des cuivres est un plus.

1. Didirri – Raw Stuff (Australia Decides)

Quel coup de foudre ! Quelle claque !

À la première écoute de « Raw Stuff« , j’ai fondu en larmes.

Dès les premières notes, j’étais prise de frissons, tant la sincérité criante de cette ballade en piano-voix me bouleversait plus que je ne saurais dire.

Il s’en dégage quelque chose d’artistique au sens le plus noble du terme ; chaque note renforce les émotions, et chaque seconde de musique fait couler une larme de plus sur mes joues.

C’est un diamant brut, un de ceux qu’il ne faut pas laisser de côté, et malheureusement, les Australiens ont commis cette erreur.

Je souhaite le meilleur à Montaigne, mais nul doute que Didirri aurait été capable de suspendre le temps et l’espace, de provoquer un silence de plomb parmi le public, de créer un vrai moment de pure magie, de musique avec un grand M.

Qu’à cela ne tienne ; un jour, Didirri retentera peut-être sa chance… On peut toujours rêver.

Et vous, quel serait votre top 10 provisoire de cette saison 2020 des sélections nationales ?

Je serais curieuse de connaître vos favoris, et de découvrir si nos goûts musicaux diffèrent ou se rejoignent.

Lorsque les finales nationales seront toutes achevées, je reviendrai faire un second point. Avec un peu de chance, de nouvelles contributions ou des growers inattendus viendront s’y glisser.

Sur ce, je vous laisse.

Je retourne pleurer avec Didirri et danser avec les Pingouins Tactiques Nucléaires.

Musicalement,

Juliette.