C’est la grande question, le grand point d’interrogation : quelles perspectives pour le Royaume-Uni à l’Eurovision ? Pour 2020, c’est moi qui suis chargé de lancer la discussion et d’apporter des réponses convaincantes. Oui, je me suis proposé et Eurovista a accepté de me céder le flambeau. Je l’en remercie et je vais me creuser les méninges pour trouver des solutions. Avec l’espoir un peu fou que les responsables de la BBC aient les mêmes idées…

Petit résumé pour distraits : la dernière victoire du Royaume-Uni au Concours remonte à 1997 ; sa dernière deuxième place, à 1998 et sa dernière troisième place, à 2002. Depuis, c’est la traversée du désert. En dix-sept participations (de 2003 à 2019), le Royaume-Uni a terminé à dix reprises parmi les cinq derniers, a cumulé quatre dernières places et un « nul point ». Il ne s’est distingué qu’à une seule reprise : en 2009, à Moscou, avec la cinquième place de Jade Ewen. Pour cette décennie 2010, le pays n’aura pas mieux fait que la onzième place de Blue en 2011, à Düsseldorf. Pendant ce temps-là, des pays aux diffuseurs publics nettement moins puissants que la BBC brillaient en haut de l’affiche : Ukraine, Portugal, Bulgarie, Belgique, Chypre, Israël, Moldavie,…

Bref, la BBC est dans une situation difficile. Mais haut les cœurs ! Mon premier conseil serait de positiver ! À l’Eurovision, rien n’est jamais perdu. D’une année à l’autre, il est possible de passer du fond du classement au podium, voire même de remporter le Micro de Cristal. Mon deuxième conseil serait de repartir d’une page blanche. Oublions 2019, oublions les deux décennies précédentes, oublions les sélections internes, oublions Eurovision You Decide, oublions Making Your Mind Up. Abordons 2020 l’esprit neuf, sans rien exclure, sans préjugé, sans préconçu. Mon troisième conseil est tout aussi simple, mais en réalité très complexe : trouver une bonne chanson. Une seule bonne chanson, c’est tout ce dont un diffuseur a besoin. C’est peu et c’est beaucoup à la fois. Une chanson pas identique, mais à la hauteur des succès des ces dernières années. Dans une veine festive, comme Toy, Fuego ou She Got Me. Dans une veine émouvante, comme Arcade, Beautiful Mess ou Sound Of Silence. Ou alors dans une veine contemporaine, comme Soldi, Nobody But You ou City Lights.

Trouver des bons interprètes sera plus facile. Les dernières années l’ont démontré : malgré l’effroyable réputation de l’Eurovision au Royaume-Uni et les échecs répétés et prévisibles de la BBC, les candidats ne manquent jamais pour porter les couleurs de l’Union Jack. Non, la difficulté est bien de trouver LA chanson qui tue. Plusieurs méthodes sont possibles, l’idéal serait, selon moi, de suivre la piste des Pays-Bas ou de l’Italie : retenir un ou une auteur-compositeur-interprète qui porterait ainsi sa propre création. Cela donnerait plus de cohérence et d’investissement à la candidature britannique.

Pour l’heure, la BBC n’a pas encore confirmé officiellement sa participation, ni la méthode qu’elle emploiera le cas échéant pour trouver la perle rare. Néanmoins, elle a déjà désigné le consultant musical Greig Watts (ci-dessus) pour l’aider. Watts n’a pas perdu une seconde : il a inauguré la semaine dernière un camp d’écriture aux studios Water Rat Music, à Woking, dans la grande banlieue de Londres (ci-dessous).

D’après les différentes photos et commentaires, l’ambiance aura été joyeuse et constructive. Parmi les participants, vous aurez notamment reconnu Kjetil Mørland, représentant norvégien 2015 ; le suédois Jonas Thander, auteur de Bigger Than Us, I’ve Been Waiting For This Night ou encore Like I Love You ; Holly Tandy, participante de l’EYD 2019 ou encore le belge Jeroen Swinnen, auteur de Me and My Guitar.

Watts aborde donc l’Eurovision 2020 dans une optique internationale, en réunissant des artistes de partout en Europe. L’objectif est de produire des morceaux susceptibles d’être retenus par la BBC, mais aussi d’être diffusés par toutes les radios européennes. Comme vous le voyez, les personnes réunies ont une expérience solide en matière d’Eurovision. Beaucoup d’entre elles ont déjà vu leurs morceaux remporter des sélections nationales et participer à l’Eurovision. Néanmoins, aucune n’a encore remporté la victoire finale.

Les réactions des Eurofans britanniques sur les réseaux sociaux ont été fraîches. Peu se sont réjouis de la nouvelle. Premièrement, parce que, selon eux, il faut accorder la priorité aux artistes britanniques et chercher avant tout des auteurs britanniques, pour promouvoir des talents nationaux. Deuxièmement, parce que concevoir une chanson ex nihilo, une chanson déconnectée de son interprète est loin d’être un gage de réussite. Selon eux, mieux vaudrait trouver un interprète profondément connecté à sa chanson et ainsi mieux susceptible de la défendre.

Notez que tous les participants de ce camp d’écriture étaient sincères et motivés dans leur démarche. Leur objectif est bien de concevoir la meilleure chanson possible, celle qui permettrait à la BBC de briller en mai 2020. Notez aussi que camp d’écriture n’est pas synonyme d’échec automatique. La méthode avait permis à l’Allemagne de récolter d’une excellente quatrième place en 2018 et de nous offrir une excellente finale nationale cette année. L’important, et l’on en revient toujours là, demeure la chanson. Si ce camp d’écriture accouche d’un nouvel Arcade, pourquoi s’en priver ?

Dans l’attente d’autres informations, je vous pose la question directement. Que feriez-vous, vous, si vous étiez le ou la responsable de la sélection britannique 2020 ? Quelle méthode emploieriez-vous ? Qui appelleriez-vous ? Vos réponses m’intéressent !

Dans l’attente, voici une réflexion supplémentaire de la part de Will.I.Am. Le chanteur, par ailleurs juré de la version britannique de The Voice, se demande pourquoi ne pas simplement envoyer à l’Eurovision, le vainqueur de l’émission. Selon lui, cette méthode serait la meilleure possible. Qu’en pensez-vous ? Après tout, de très nombreux participants du Concours sont issus de la franchise The Voice. Duncan Laurence lui-même avait participé à l’émission. Une piste à creuser ? À suivre…

(avec la collaboration de Pauly)