Lettre d’André à un Eurofan confiné

Cher Eurofan confiné,

Notre civilisation moderne connaît sa pire crise sanitaire dont on ne connaît toujours pas aujourd’hui à quel moment, elle prendra une fin heureuse. Parce que oui, soyons en sûr, cette crise aura une fin heureuse ! C’est pour cela qu’il faut garder espoir et c’est aussi dans ces moment-là qu’il faut se remémorer de très bons souvenirs.

Pour ma part, il ne faut pas remonter à très loin. Prenons notre fameuse DeLorean et repartons en … 2019 ! Après une édition 2018 du Concours plutôt réussi au niveau musical, je repartais avec un troisième échec personnel en finale du Concours. En 2016 j’étais persuadé que la Russie gagnerait ! En même temps comment les jurys ont-ils pu être si insensibles à un chanteur qui reproduit en direct le jeu vidéo Super Mario Bros !

2017 rebelote ! Salvador Sobral ne m’émeut pas le moindre du monde et je suis persuadé, alors que j’ai 39 de fièvre ce jour-là, que Kristian Kostov va gagner avec Beautiful Mess. Cela aurait été tellement beau pour signer une complète métamorphose de la Bulgarie. Mon vote n’en fera rien, la Bulgarie finit deuxième avec plus de points que les deux prochains vainqueurs du Concours …

2018 … comme on dit, Jamais deux sans trois. Je n’avais jamais été convaincu qu’Israël pouvait gagner. Avant les lives, j’étais persuadé que la Bulgarie était le pays avec la plus grosse carte à jouer. Et puis est arrivé, l’une des plus grosse claques eurovisionnesques de l’histoire ! Une déesse grecque, représentant Chypre à mis le feu à Lisbonne ! Ça tombe bien, sa chanson s’appelle Fuego ! Dès la demi-finale, je me mets à dire mes amis non eurofans : « Regardez la prestation de fou de Chypre cette année ! Ils tiennent leur première victoire ! ». Lors de la finale, je suis subjugué par Eleni Foureira ! Jusqu’au bout j’y crois, j’ai donné mon vote à Eleni en finale et je suis sûr qu’elle va gagner le télévote et que l’on va devoir sortir les calculatrices pour la départager avec Netta. Que nenni, Israël l’emporte et ma pouliche finit encore une fois deuxième.

Et puis est arrivé 2019 ! Déjà premier coup dur : La Bulgarie, après 3 années à nous proposer d’excellents titres se retire. L’année commence mal … Les chansons sélectionnées se succèdent et aucun coup de cœur pour ma part. Keiino remporte la sélection norvégienne, mais le titre est plus un plaisir coupable qu’un énorme coup de cœur. L’Australie nous envoie une chanteuse d’opéra très bizarre. Mahmood remporte le festival de San Remo et c’est l’hystérie chez les fans. Moi, comme souvent, je reste sur le côté de la route, absolument pas transporté par la chanson. Je dis à mon compère de Quorovision : « Yoann, cette année c’est de la m….., il y a rien d’intéressant, vivement les lives que je trouve quelque chose à aimer ! »

Et puis est arrivé la première écoute d’Arcade de Duncan Laurence et quel fut le choc pour moi ! 3 minutes incroyables qui m’ont dressé les poils ! Là je le sens, mon chouchou de 2019 est enfin arrivé ! Et je suis très heureux, car je vois que je ne suis pas le seul à adorer cette ballade, d’une puissance émotionnelle jamais vue à l’Eurovision. Là je dis à Yoann : « Arcade vient de dépasser Undo de Sanna Nielsen dans mon panthéon eurovisionnesque ! ».

C’est la folie ! Les bookmakers placent Duncan en tête ! Je me mets à rêver ! Moi qui aie vécu une année aux Pays-Bas, je m’empresse de dire à mes amis néerlandais « C’est votre année ! Vous avez attendu 44 ans mais c’est votre année ! Cette chanson est un bijou. ». Eux sont plus sur la réserve après y avoir cru en 2013 et 2014.

Après l’euphorie vient le temps des questionnements. Comment une si belle ballade peut-elle être mise en scène ? Le chanteur est-il capable de tenir son titre en live ? La deuxième question sera vite réglée lorsque Duncan donna sa première prestation live.

Je suis subjuguée et cela me dresse les poils. Moi, qui peut être très insensible, j’en ai presque les larmes … Je me mets à y croire de plus en plus ! Il remporte Votre Eurovision 2019 ! Il ne finit que 3ème des votes OGAE, mais à seulement 10 petits points du premier. Pour moi c’est évident, il va gagner ! Et puis arrive le moment attendu des répétitions pour connaître les différentes mises en scène. Et là, c’est le stress ! Les avis sur place ne sont pas bons ! La délégation néerlandaise a fourni des croquis qui visiblement ne collent pas à ce qui est rendu sur scène. Duncan ne sait pas regarder vers la caméra. La délégation néerlandaise s’est affublée d’une boule lumineuse (belge) dont ils ne savent finalement pas trop quoi en faire. Que de reproches et pour moi, la peur d’une nouvelle déception …. Les bookmakers commencent à ne plus y croire vraiment et le deuxième commence à se rapprocher sérieusement … La Première Demi-Finale passe et là le choc, l’Australie nous sort l’une des mises en scène les plus folles et mémorables de l’histoire du Concours, de quoi transcender le titre. Incroyable mais vrai, je vote pour l’Australie lors de cette demi-finale alors que j’avais dit que ce n’était pas terrible avant ! Mon inquiétude grandit… l’Australie est deuxième chez les bookmakers grâce à sa mise en scène et les Pays-Bas, eux, n’en auraient visiblement pas une bonne.

J’attends donc avec une immense impatience ce soir du 16 mai 2019 où Duncan doit passer en 16ème position (un signe peut-être). De bons titres se succèdent et voilà enfin le moment ! Duncan va chanter sur la scène de Tel Aviv. Que dire … ma vie s’est arrêtée pendant 3 minutes. Je suis resté scotché devant mon téléviseur, subjugué par la prestation millimétrée et brillantissime de Duncan ! Tout était parfait ! Le plan large du début avec le zoom sur lui, le regard plein d’émotion vers la caméra pour amorcer les refrains, le regard vers cette boule lumineuse plein de tendresse, le traveling pour amorcer le climax de la chanson, le dernier refrain où il lâche tout et puis la fin pleine de sensibilité ! Je suis au bord des larmes, tellement sa prestation m’a ému et touché ! Pour moi cela ne fait plus de doutes, les Pays-Bas vont remporter leur cinquième victoire.

Avant la finale, je dis à Yoann : « Tu penses qu’il va battre le record de points ? ». A ce moment-là je suis certain que cela va être un carton auprès des jurys et du télévote. Malheureusement pour des raisons personnelles, je ne peux voir la finale. Je coupe mon téléphone pour éviter tout spoil ! Mais j’arrive à rentrer tout pile pour voir Madonna ! J’aurais pu m’en passer … Et puis là commence le vote des jurys. Duncan reçoit un premier 12 points, je me dis que c’est parti pour un florilège de 12 points. Le soufflé retombe … les Pays-Bas n’engrangent que peu de points finalement. J’assiste avec incrédulité à voir la Macédoine du Nord enchaîner les 12 points ! Tamara est en pleurs de joie et moi j’ai la mine déconfite ! Ouf Eric Saade et la Suède offrent un deuxième 12 points aux Pays-Bas. Je vois la Suède, dont je ne supporte pas la chanson, enchaîner elle aussi les 12 points ! L’Australie est plutôt loin également à ma grande surprise. Heureusement la France, mon pays, donne ses 12 points à Duncan ! Israël conclut ce vote par un dernier 12 points pour les Pays-Bas. Je me dis que c’est le vote des jurys le plus fou de l’Eurovision !

Duncan est troisième à seulement 8 points de la Suède (un classement qui sera corrigé plus tard) et avec seulement 19 points d’avance sur l’Italie ! Là je commence à stresser ! Les résultats sont tellement serrés que tout est possible. A aucun moment je ne pense que la Macédoine du Nord peut s’imposer, mais j’ai très peur de la Suède et l’Italie. Le vote du public commence et premier gros coup ! La Norvège remporte 291 points du télévote. Je me dis que déjà ça enlève pas mal de points. Les résultats se suivent et pas de très gros scores au télévote. Personne ne dépasse les 296 de la Norvège pour l’instant. Pas une seconde, je me dis que ces 296 points seraient synonymes de la victoire au télévote.

Je sais qu’il reste plein de points et que Duncan peut en empocher énormément. Ouille la Russie en empoche 244 puis la Suisse en récolte 212. Je me dis qu’il n’en restera pas assez, ce n’est pas possible. L’Italie en récolte, elle, 253 ! Là je me mets à stresser comme jamais. Des gros scores ont déjà été donnés et c’est au tour des Pays-Bas ! Et c’est là où finalement, je me dis que le changement d’annonce des points du télévote est astucieux, car je ne sais pas si Duncan va recevoir plus de 200 points ou seulement 45. Énorme soulagement, il en reçoit 261 et prend la tête.

Il ne reste plus que la Macédoine du Nord et la Suède. Autant vous dire, que je ne stresse pas sur Tamara qui ne reçoit que 58 points du public. Et là se suit une interminable, et le mot est faible, une interminable attente du résultat suédois. Tellement longue, que je suis à deux doigts de sortir la calculatrice et de faire moi-même les comptes pour savoir combien de points la Suède peut récolter. Mon cœur bat la chamade, tellement je suis stressé de savoir si Arcade va gagner. Une émotion énorme m’envahit lorsque John Lundvik récolte modestement 93 points. Je dois contenir mon émotion, car je suis dans mon lit avec ma tablette et des écouteurs et que ma moitié dort juste à côté de moi bien profondément. Je vois la délégation néerlandaise hystérique, Isle Delange n’y croit pas et pour ma part, c’est un véritable torrent d’émotion qui m’envahit !

Enfin les Pays-Bas ont gagné l’Eurovision une cinquième fois, enfin mon chouchou gagne l’Eurovision, enfin une chanson qui m’aura tant ému, remporte le concours. C’est la victoire de l’émotion, mais également de l’abnégation, car après des années d’errance, la télévision néerlandaise a su se renouveler et trouver la perle rare qui les a amenés au sommet. Cette victoire, c’est aussi l’espoir pour plein d’autres pays qui enchainent les mauvais classements. Je garderai ce souvenir à jamais dans ma mémoire et le règne de Duncan va durer un an de plus. Merci les Pays-Bas, merci Duncan et merci l’Eurovision pour nous apporter de telles émotions.

Je t’embrasse très fort depuis mon balcon ensoleillé de Cherbourg.