Cassandre – « Nous n’avons pas peur de nous mettre à nu sur cette ambition. C’est quelque chose que nous aimerions faire. »

En 2017, Cassandre était proposé sur l’Eurovision Au Quotidien pour la première édition de Destination Eurovision. Désormais, vous les connaissez mieux grâce à votre blog bien aimé. Nous avons rencontré Pier et Flo, aussi sympathiques l’un que l’autre, dans le somptueux décor parisien du Train Bleu. Le duo nous a parlé un peu de lui, beaucoup de Nous et d’Eurovision passionnément. Avec philosophie et humour, ils se sont « abandonnés » à nos questions. Carpe Diem ! Nos deux artistes cueillent le jour sans se soucier du lendemain…

L’EAQ : Nos lecteurs vous ont (re)découvert à travers l’un de nos précédents articles. Présentez-nous Cassandre à nouveau…

Flo : Cassandre c’est l’histoire de deux voix qui ne savent jamais laquelle doit commencer. C’est l’histoire de deux garçons qui se sont rencontrés il y a quelques temps, qui ont très vite composé et écrit. Depuis, ils ne se lâchent plus parce que la musique est une évidence comme le duo. Nous n’avons pas d’autre envie artistique autre que Cassandre. Nous nous sommes connus sur les bancs de la fac. J’étais en allemand, Pier en musique. Il écrivait déjà quelques textes. Quand nous nous sommes rencontrés, il s’est dévoilé là-dessus. Rapidement, nous avons commencé à chanter ensemble et à écrire ensemble naturellement…

L’EAQ : Après la réédition de votre premier album Cassandre (Deluxe) en 2016, votre deuxième album Nous sera disponible prochainement. Que réserve-t-il ?

Flo : Il y a une espèce de lâcher prise par rapport au premier. L’âge fait que nous nous posons un peu plus et que nous avons plus de recul sur la vie. Autant chez Pier que chez moi, nous avons une approche de l’amour, de l’amitié et de la vie en général, beaucoup plus posée. Il y a moins ce côté petits garçons qui trépignent à vouloir les choses. Il y a un vrai souffle.

Pier : Dans notre premier album, il y avait la quête de soi qui prenait le dessus. Dans le deuxième, nous prenons conscience de saisir le moment présent dans nos vies respectives. Être vraiment dans l’appréciation de ce que nous vivons à chaque instant, plutôt que de se tourner vers le passé comme le futur, qui sont sources d’angoisse. Musicalement, nous sommes dans les sonorités du moment. Nous écoutons ce qui se fait et nos goûts ont évolué depuis 2014. Nous sommes très attentifs aux sons. Nous les inscrivons dans notre manière d’écrire et de composer.

L’EAQ : « Nous » c’est un titre qui vous rassemble et vous ressemble. Pourquoi ce choix ?

Pier : « Nous » était encore une évidence. Le premier album n’avait pas vraiment de nom : juste « Cassandre » pour présenter notre duo. Là, nous allons plus nous dévoiler et partir sur quelque chose d’encore plus personnel. Au sens de la chanson en elle-même, c’est un titre très sexuel qui parle de l’osmose de deux êtres : un moment où le temps s’arrête, où nous sommes en apesanteur au milieu de nulle part, nous nous laissons aller…

Flo : C’est un mélange de ce que nous pouvons ressentir des plaisirs physiques et une forme religieuse, de ce qu’est la fusion charnelle entre deux personnes.

L’EAQ : Dans l’une de vos chansons (Respire), vous chantez que c’est « à deux que l’on sera meilleurs ». C’est aussi valable, quand on écrit à deux ?

Pier : C’est à double sens. Respire est une chanson qui parle de deux personnes dans un couple. C’est aussi un écho à notre duo.

Flo : C’est rassurant d’écrire avec une personne qui voit la vie de la même manière. J’aime beaucoup avoir une idée, souvent à distance par la force des choses et la soumettre à Pier. Il y a un aller-retour de paroles et de mélodies qui évoluent. Par moment, il y a des choses qui finissent dans les tiroirs et parfois une osmose. Nous pouvons partir de rien ou d’un texte entier selon la chanson, le thème et l’humeur. Nous n’avons jamais chanté en solo, à moins que Pier m’ait caché une carrière parallèle.

L’EAQ : Le premier titre de l’album s’appelle Carpe Diem. Il met en musique une certaine vision de la vie : se laisser porter et profiter du moment présent. Est-ce que nous nous trompons ?

Flo : Nous nous pourrissons la vie avec l’attente de mieux, d’espoirs, l’envie de plus. Finalement, nous passons à côté des choses essentielles. Nous n’apprécions plus les petits plaisirs. C’était notre cas quand nous faisions des scènes. Il y avait le frétillement des petits garçons ambitieux qui en veulent toujours plus. Aujourd’hui, nous n’arrêtons pas le temps mais nous voulons profiter de tout : de ce moment avec vous, de mes retrouvailles avec Pier qui aboutissent sur une autre chanson. Je me sens beaucoup plus connecté à tout ça. Parfois, les espoirs auxquels nous nous accrochons à tout prix, font que nous passons à côté du reste. La musique, ce n’est pas juste attendre Bercy ou une signature incroyable avec je ne sais pas qui…

Pier : A une époque, nous étions plus dans l’espoir de quelque chose, plus dans le futur que dans le présent, dans tout ce qu’il peut avoir de positif comme de négatif. Il y a une citation de Flaubert que j’aime beaucoup : « L’avenir nous tourmente, le passé nous retient, c’est pour ça que le présent nous échappe ». Nous n’apprécions pas le présent car nous sommes trop dans le passé, dans ce qu’il a d’absorbant et trop dans le futur, pour ce qu’il a d’angoissant.

L’EAQ : Est-ce que Pier et Flo lâchent facilement prise ?

Flo : Malgré ses propres démons, Flo lâche plus facilement prise que Pier. C’est un exercice de tous les jours de lâcher prise. Il suffit d’écouter notre chanson une fois le matin et puis ça repart !

Pier : Respire est une chanson thérapeutique. Elle se met dans la peau de quelqu’un qui invite l’autre à respirer. Nous n’étions pas dans le lâcher prise quand nous l’avons écrite. Nous étions plutôt dans l’envie de l’être.

L’EAQ : « Nous » c’est « vous deux ». Néanmoins, vous partagerez un de vos titres sur l’album. Vous restez discret sur ce trio. Pouvez-vous en dire plus ?

Flo : Elle s’appelle Marion Seclin. C’est une Youtubeuse très engagée. Elle a été égérie de Mademoiselle.com pendant quelques années. Aujourd’hui, elle fait beaucoup de choses : elle est réalisatrice, comédienne et chanteuse ! Je me suis rendu compte qu’elle chantait après avoir pensé à elle…

Pier : Nous avons découvert qu’elle avait aussi des talents d’interprète. Elle est apparue comme une évidence par rapport au titre que nous avions envie de faire avec une figure féminine. C’est la première fois que nous chanterons en trio sur un album. Nous avions déjà collaboré avec Michal mais c’était pour un live. La chanson est électro-pop, un peu rétro-disco, assez sulfureuse et subversive.

Flo : Si nous invitons une « lolita » sur notre album, c’est justement pour s’amuser ! Un trio comme un duo, ce n’est pas artificiel. Il faut une chanson écrite pour l’occasion !

L’EAQ : Votre arrangeur Tiery-F a travaillé sur le titre de Tracy de Sà pour Destination Eurovision. Comment se passe votre collaboration ?

Flo : C’est notre premier label My Major Company qui nous a mis entre ses mains. Son talent, c’est d’être caméléon et empathique. Il a tout de suite compris ce que nous voulions. A plus forte raison sur ce deuxième album puisque nous avons retravaillé ensemble. Il y a une amitié artistique et une confiance. Nous sommes totalement à l’aise avec lui. Nous n’avions jamais fait de prise de voix dans un studio, autre que le nôtre et nous avions très peur de ce moment. Même là-dessus, il nous a compris. Nous lui envoyons nos chansons, il ne part jamais de zéro. Il booste les rythmiques, enlève et remet des choses, mais nous n’avons pas l’impression qu’il dénature ce que nous faisons. Il y a toujours ce risque quand on fait appel à un arrangeur. Nous n’avons pas eu de belles expériences auparavant. Cette rencontre était évidente dès le premier album.

Pier : Il y a une entente musicale avec Tiery. Nous parlons le même langage. C’est un musicien doué avec pleins de cordes à son arc. Quand nous discutons ensemble en-dehors de Cassandre, nous nous comprenons sur la musique en général.

L’EAQ : En 2014, vous avez écrit Paris la nuit spécialement pour l’Eurovision. Vous n’avez pas été sélectionnés à l’époque. Racontez-nous…

Flo : Ce n’est pas la seule. La Directrice des programmes de France 3 a fait le tour des labels. Nathalie André leur a demandé un artiste qui pouvait présenter un titre à l’Eurovision en 2015. France Télévisions voulait un titre « lumineux » qui parle de la France, telle que les étrangers l’imaginent. Nous avons pensé, non pas à l’image d’Epinal de Paris mais plutôt à l’image lumineuse et pétillante de la Tour Eiffel. Le côté, Paris est une fête ! Moulin Rouge. J’ai pensé tout de suite à : Il est minuit, le Tout Paris, s’offre les rues, s’ouvre à la lune…

Pier : C’est une chanson qui est venue naturellement. Nous l’avons écrite très vite avec Tiery mais elle n’a pas été retenue. Il s’en est fallu de peu face à Lisa Angell.

Flo : L’année précédente, nous avions écrit Ma révolution. Là encore, nous n’avons pas été sélectionnés. Nous avions proposé une version réarrangée et diffusée sur quelques blogs musicaux. France Télévisions a dit que nous ne suivions pas la règle et que nous étions disqualifiés. Nous avons eu une montée d’adrénaline : le matin, nous étions parmi les trois derniers et le soir, ce n’était plus possible. La chanson n’était pas totalement inédite et je crois que c’est Destan qui a pris notre place. C’est difficile quand on vous dit oui puis non. Nous n’avons pas peur de nous mettre à nu sur cette ambition. C’est quelque chose que nous aimerions faire. C’est pour cette raison que nous avons proposé Paris la nuit, l’année suivante.

L’EAQ : Etes-vous tentés de réécrire pour représenter la France devant 200 millions de téléspectateurs ?

Pier : Bien sûr, puisque nous l’avons encore fait ! (Rires)

Flo : Des gens du métier nous disent que l’Eurovision c’est l’étincelle qui peut nous mettre en danger et rien ne dit qu’il va nous propulser. Une scène aussi grande et aussi exposée est un rêve d’enfant. C’est le simple plaisir de la faire qui vaut toute carrière. Je suis professeur d’allemand et profondément européen. La pop est très européenne. En France, ce n’est pas la même pop qu’à l’Eurovision mais je suis sûr que Cassandre pourrait défendre ses couleurs. Tout dépend du titre que nous emmènerions. C’est une ambition, il n’y a pas de désillusion…

Pier : Après avoir hésité avec Carpe Diem, nous avons proposé une nouvelle chanson qui s’appelle Ma liberté. Un titre taillé pour l’Eurovision dès les premières paroles. C’est une vraie collaboration avec Tiery-F qui a composé avec nous, contrairement aux autres titres de l’album. Elle est née du regard de tout ce qui bafoue la liberté dans le monde. Nous avons le sentiment que cette liberté est fragile et inexistante dans certaines parties du monde. La France est aussi concernée.

Flo : Le racisme, l’homophobie, la xénophobie nous désolent. Le jeu de twitter, avec cette facilité à créer la haine de l’autre également. Même si nous ne faisons pas de chanson engagée, à un moment c’est plus fort que nous. Nous avons toujours chanté la liberté. Nous avons mis en musique le poème d’Eluard, bien avant les Enfoirés. Pour ce deuxième album, nous avons mis nos mots dessus. Nous nous sommes posé la question de chanter en anglais mais « liberté » est facilement compréhensible par les autres nations. C’est un mot universel…

L’EAQ : Vous avez été candidats à X-Factor en 2011. Une chanson efficace pour une compétition, c’est quoi pour vous ?

Pier : Quand on voit les gagnants de l’Eurovision, j’ai l’impression qu’il n’y a pas de règle. Généralement, ce qui prime c’est le refrain. Les arrangements sont aussi importants que la mélodie et les paroles. Un titre efficace c’est un tout !

Flo : Ce qui joue en défaveur de la France, c’est de penser que gagner c’est forcément amener qu’une chanson. C’est aussi apporter une mise en scène. Presque tous les gagnants ont une mise en scène, excepté Salvador Sobral. Zelmerlöw avait un bon titre et son visuel était génial. J’aime cette pop suédoise. Je la préfère à la pop russe plus cheap. C’est plus frais et plus anglo-saxon. Conchita Wurst, il y avait le personnage. Si nous y allons comme Madame Monsieur, en se disant que la chanson fera le reste, je pense que c’est se tromper. C’est une scène tellement immense. Nous savons qu’il y a de la couleur, de la danse et que c’est explosif. C’est une composante qui doit être prise en compte et qui doit être adaptée à l’artiste. Il ne faut pas y aller les mains dans les poches. Être efficace, c’est une chanson et une scénographie…

L’EAQ : Votre candidature a été suggérée sur nos pages pour la première saison de Destination Eurovision. Seriez-vous prêts à y participer si le programme est renouvelé ?

Flo : C’est un plaisir de voir que cette ambition que nous avons, est comprise et partagée par d’autres.

Pier : C’est récurrent. L’Eurovision revient très souvent auprès de notre public sur les réseaux sociaux. Même si ce n’est pas encore fait, nous sommes totalement prêts à participer. Se confronter aux avis ne nous empêchera pas d’y aller. Concernant Destination Eurovision, nous ne reviendrons pas avec le même titre mais pourquoi pas. Nous avons proposé deux années de suite la même chose. Nous n’allons pas proposer une chanson chaque année.

Flo : C’est qu’il y a de plus en plus d’artistes qui veulent participer à Destination Eurovision. Nous, ça ne nous empêche pas d’y croire et de vouloir le faire. Il y a plus de majors que de labels indépendants qui proposent des artistes. L’émission ne laisse pas beaucoup de visibilité à ceux qui n’ont rien. Je ne dis pas que nous n’avons rien mais un label indépendant est moins fort. Il y a aussi ce jeu-là…

L’EAQ : Avez-vous suivi le « sacre » de Bilal Hassani qui part à Tel Aviv en mai prochain ?

Flo : Bilal regarde mes vidéos de relaxation sur YouTube (ASMR). Un jour, j’ai reçu un message de sa part. Il m’a dit qu’il écoutait mes vidéos pour s’endormir. Je ne le connaissais pas du tout et je suis allé voir ce qu’il faisait. Nous avons échangé et depuis je le suis. C’est quelqu’un qui se met énormément en danger, compte tenu du regard qu’a la France sur le genre et la sexualité. Je suis content qu’une personne aussi décomplexée puisse montrer sa liberté de cette manière. Il a trouvé auprès de Madame Monsieur, les bonnes personnes pour réussir et il mérite sa place. Ce n’est pas une diva. C’est un mec qui porte des perruques, qui chante de la pop et sa différence. J’aime bien ce genre de personnalité !

L’EAQ : Certaines personnes pensent que le personnage de Bilal surpasse Roi, qu’en pensez-vous ?

Flo : Je ne suis pas d’accord, le connaissant un peu. C’est le titre qui le transcende. C’est un gamin de 19 ans, un peu superficiel avec un langage de jeune. Cette chanson, c’est sa vie. Sa mère a fait des archives pour garder des images de lui, depuis tout petit. C’est ce qui est beau mais il ne le montre pas assez. Il a les reins solides et joue avec ses haters. Je ne sais pas si je pourrais être à sa place avec la haine qu’il se prend en pleine figure. La France a besoin de gens comme lui !

Pier : Ce qui peut lui porter préjudice, c’est qu’il fait Conchita Wurst. Ce n’est pas si loin et son passage a marqué les esprits. Sa prestation était parfaite : un artiste atypique, une chanson qui parle de renaître de ses cendres quoiqu’il se passe, une mise en scène simple avec ces ailes flamboyantes, c’est tellement efficace ! Bilal a lui aussi une chanson qui parle de sa liberté, avec un look totalement libre et exubérant. Je pense que ça peut le desservir.

L’EAQ : C’est avec plaisir que nous vous suivons sur l’Eurovision Au Quotidien. Que pouvons-nous vous souhaiter ?

Flo : L’Eurovision ! Nous passons pour de grands désespérés mais c’est une scène fabuleuse. Carpe Diem et peu importe le reste !

Pier : Si nous n’étions pas intéressés, nous n’écririons plus de chansons pour le concours. Nous en sommes à trois titres au moins. En toute modestie, si nous persistons c’est que nous pensons avoir notre place sur le programme. Nous voyons Cassandre avec de la mise en scène. C’est le seul événement qui nous permettrait d’avoir une scénographie avec un espace incroyable, des lumières incroyables, des écrans incroyables ! Il n’y a aucun autre spectacle au monde qui le permet à la télévision pour un artiste. Quand on regarde les plateaux télé pour faire la promotion d’une chanson, il n’y a presque rien actuellement. L’Eurovision est hors du commun…

L’EAQ : Avez-vous un dernier message à adresser à nos fidèles lecteurs ?

Pier : Que vos fidèles lecteurs votent pour nous à l’Eurovision en 2029 (rires)… avec des cannes !

Avec une chanson par an au compteur, Cassandre ne cache plus son ambition. Nous espérons que la prochaine sera la bonne devant tant de persévérance ! En attendant, Nous est à venir dans les bacs. Pier et Flo sont impatients de vous faire découvrir leur nouvel album. Nous les retrouverons très vite sur scène et nous leur donnons rendez-vous sur celle de l’Eurovision… avant 2029, bien évidemment !

Dès maintenant, arrêtez le temps et savourez l’instant avec Cassandre :